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la publication du présent senatus-consulte seront dispensés de concourir à la formation du contingent. »

Ce senatus-consulte fut adopté le lendemain, sur un rapport fait par M. le sénateur Beurnonville au nom d'une commission spéciale.

Séance du 4 octobre 1813, présidée par le prince archichancelier. COMMUNICATIONS DIPLOMA

TIQUES.

RAPPORT relatif à la Suède, fait à l'empereur par le ministre des relations extérieures. ( Lu au Sénat par un de ses secrétaires.)

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»

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Sire, Votre Majesté, par un traité signé à Fontainebleau, le 31 octobre 1807, avec S. M. le roi de Danemarck, garanti à ce souverain l'intégrité et l'indépendance de ses états. Quoique ces engagemens fussent connus de la Suède, elle offrit en 1812 de faire cause commune avec la France dans la guerre qui se préparait contre la Russie, si Votre Majesté consentait à lui garantir l'acquisition de la Norwége, qu'elle convoitait, sans autres droits, sans autres titres que sa convenance. Votre Majesté regarda cette proposition comme un outrage aucune considération ne pouvait la porter à trahir les intérêts de son allié.

» La Suède fut chercher ailleurs un appui que Votre Majesté refusait à son ambition. Elle se joignit à vos ennemis pour dépouiller votre allié; elle offrit à la Russie, pour prix des bons offices ou de l'emploi des forces qui devaient lui assurer l'acquisition de la Norwége, de prendre part à la guerre contre la France. Un article spécial du traité signé à Pétersbourg le 24 mars 1812 détermina que, dans le cas où le Danemarck consentirait à la cession de la Norwége, il lui serait accordé des indemnités qui ne pourraient être prises que sur le territoire français.

» Ces engagemens, sans exemple dans les annales des peuples, sont devenus communs à l'Angleterre, et, par une transaction du 3 mai dernier, cette puissance a accédé aux conventions déjà existantes entre la Russie et la Suède, et a garanti la réunion de la Norwége aux états de S. M. suédoise, comme partie intégrante de son royaume.

» Par ces deux traités la Suède s'est mise en état de contre Votre Majesté.

guerre

» Mais déjà depuis longtemps elle avait violé le traité de paix du 6 janvier 1810. Mettant en oubli les conditions géné

reuses que Votre Majesté lui avait accordées, méconnaissant l'obligation qu'elle avait contractée, pour prix de la restitution de la Pomeranie suédoise, de fermer ses ports au commerce anglais, elle les lui avait ouverts dès la même année; ils devinrent de véritables colonies anglaises. Des consuls britanniques y avaient leur résidence, et quoique la Suède eût déclaré la guerre à l'Angleterre, les flottes et les convois de cette puissance entraient librement et séjournait dans ses rades.

>> Les denrées coloniales et les marchandises anglaises s'accumulaient dans les ports, pour être transportées en Poméranie, et de là inonder le continent.

» Ce n'était point assez pour la Suède; elle en vint à des voies de fait contre les sujets de Votre Majesté ; ils furent assassinés dans le port de Stralsund, sans qu'il fût possible d'obtenir une réparation suffisante de cet attentat. Des bâtimens portant le pavillon de Votre Majesté furent maltraités en pleine mer par des vaisseaux de la marine de Suède : l'un d'eux, le Mercure attaqué de vive force dans le Sund par le brick de guerre le Vanta-Litle, fut conduit dans un port suédois, où son équipage fut jeté dans les fers.

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Toutes les représentations du gouvernement de Votre Majesté ayant été inutiles, elle ordonna que la Pomeranie fût occupée jusqu'au moment où la Suède aurait donné les satisfactions qu'elle devait à la dignité de votre couronne. Votre Majesté regrettait d'user de rigueur envers une nation qu'elle estime, et qui, pendant près de deux cents ans, avait suivi le système de la France.

» Ces dispositions, Sire, qui n'avaient eu pour objet que de rappeler à de plus justes sentimens un ami qui méconnaissait ses obligations, se trouvèrent frapper un ennemi déjà engagé contre nous. C'est en exécution de ces engagemens, dont je viens de mettre les principales stipulations sous les yeux de Votre Majesté, que les troupes suédoises, au commencement de cette campagne, ont osé envahir le territoire français.

Votre Majesté, par un nouveau traité avec le Danemarck, resserrant les liens qui l'attachaient à cette puissance, et s'unissant plus étroitement à sa cause, a pris l'engagement réciproque de déclarer la guerre à la Suède.

» Je propose à Votre Majesté de faire publier l'état de guerre entre la France et la Suède, et d'ordonner en même temps que le traité du 10 juillet dernier, conclu entre la France et le Danemarck, soit communiqué au Sénat, et promulgué comme loi de l'Etat, conformément à nos Constitutions.

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Dresde, le 20 août 1813. Signé le duc de BASSANO. »

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L'ex-général français Bernadotte, qui s'était lié avec les ennemis de la France peu après son avénement à la dignité de prince royal de Suède, venait de conclure un nouveau traité avec l'Angleterre lorsqu'il se permit d'adresser à Napoléon et des reproches et des conseils il affectait une insultante pitié pour les Français victimes de l'ambition de leur chef, et il se préparait à teindre son épée de leur sang. Bernadotte a contribué pour beaucoup aux désastres de 1813, et par conséquent aux malheurs de l'Europe. Sa lettre est du 23 mars, et c'est par un traité du 3 du même mois que la Suède s'était engagée à entrer en campagne avec trente mille hommes: elle recevait de Londres un subside de vingt-quatre millions de francs, avec la cession de la Guadeloupe, livrée aux Anglais par le général Ernouf.

LETTRE du prince royal de Suède à l'empereur des Français.

Stockholm, 23 mars 1813.

Sire aussi longtemps que Votre Majesté n'a agi ou fait agir que contre moi directement, j'ai dû ne lui opposer que du calme et du silence; mais aujourd'hui, que la note du duc de Bassano à M. d'Ohsson cherche à jeter entre le roi et moi le même brandon de discorde qui facilita à Votre Majesté l'entrée en Espagne, toutes les relations ministérielles étant rompues, je n'adresse directement à elle pour lui rappeler la conduite loyale et franche de la Suède, même dans les temps les plus difficiles.

» Aux communications que M. Signeul fut chargé de faire par ordre de Votre Majesté, le roi fit répondre que la Suède, convaincue que ce n'était qu'à vous, Sire, qu'elle devait la perle de sa Finlande, ne pourrait jamais croire à votre amitié pour elle si vous ne lui faisiez donner la Norwége pour la dédommager du mal que votre politique lui avait fait.

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» Pour tout ce qui, dans la note du duc de Bassano, relatif à l'invasion de la Pomeranie et à la conduite des corsaires français, les faits parlent, et, en comparant les dates, on jugera, Sire, qui de Votre Majesté ou du gouvernement suédois a raison.

» Ceut vaisseaux suédois étaient capturés, et plus de deux cents matelots mis au fer, lorsque le gouvernement se vit dans la nécessité de faire arrêter un forban qui, sous le pavilion français, venait dans nos ports enlever nos bâtimens et insulter à notre confiance dans les traités.

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» M. le duc de Bassano dit que Votre Majesté n'a point provoqué la guerre avec la Russie; et cependant, Sire, Votre Majesté a passé le Niémen à la tête de quatre cent mille hommes.

» Du moment que Votre Majesté s'enfonça dans l'intérieur de cet empire, l'issue ne fut plus douteuse. L'empereur Alexandre et le roi prévirent, déjà dès le mois d'août, la fin de la campagne et ses immenses résultats. Toutes les combinaisons militaires assuraient que Votre Majesté serait prisonnière. Vous avez échappé à ce danger, Sire; mais votre armée, l'élite de la France, de l'Allemagne et de l'Italie, n'existe plus : là sont restés sans sépulture des braves qui sauvèrent la France à Fleurus, des Français qui vainquirent en Italie, qui résistèrent au climat brûlant de l'Égypte, et qui fixèrent la victoire sous yos drapeaux à Marengo, à Austerlitz, à léna, à Halle, à Lubeck, à Friedland, etc., etc.

"Qu'à ce tableau déchirant, Sire, votre âme s'attendrisse, et, s'il le faut, pour achever de l'émouvoir, qu'elle se rappelle la mort de plus d'un million de Français, restés sur le champ d'honneur, victimes des guerres que Votre Majesté a entreprises.

«

Votre Majesté invoque ses droits à l'amitié du roi... Qu'il me soit permis de vous rappeler, Sire, le peu de prix que Votre Majesté y attacha dans des momens où une réciprocité de sentimens eût été bien utile à la Suède. Lorsque le roi, après avoir perdu la Finlande, écrivit à Votre Majesté pour la prier de conserver à la Suède les îles d'Aland', elle

répondit: Adressez-vous à l'empereur Alexandre; il est grand et généreux. Et, pour combler la mesure de son indifférence, elle fit insérer dans un journal officiel, au mo→ ment de mon départ pour la Suède (Moniteur du 21 septembre 1810, no 264), qu'il y avait un interrègne dans ce royaume, pendant lequel les Anglais faisaient impunément le commerce.

» Le roi se détacha de la coalition de 1792 parce que cette coalition prétendait partager la France, et qu'il ne voulait point participer au démembrement de cette belle monarchie. Il fut porté à cet acte, monument de sa gloire politique, autant par attachement pour le peuple français que par le besoin de cicatriser les plaies du royaume. Cette conduite sage et vertueuse, fondée sur ce que chaque nation a le droit de se gouverner par ses lois, par ses usages et par sa volonté, cette conduite est la même qui lui sert de règle dans ce moment.

Votre système, Sire, veut interdire aux nations l'exercice des droits qu'elles ont reçus de la nature, ceux de commercer

entre elles, de s'entr'aider, de correspondre et de vivre en paix; et cependant l'existence de la Suède est dépendante d'une extension de relations commerciales sans lesquelles elle ne peut point se suffire.

Loin de voir dans la conduite du roi un changement de système, l'homme éclairé et impartial n'y trouvera que la continuation d'une politique juste et constante, qui dut être dévoilée dans un temps où les souverains se réunissaient contre Ja liberté de la France, et qui est suivie avec énergic dans un moment où le gouvernement français continue de conjurer contre la liberté des peuples et des souverains.

>> Je connais les bonnes dispositions de l'empereur Alexandre et du cabinet de Saint-James pour la paix. Les calamités du continent la réclament, et Votre Majesté ne doit pas la repousser. Possesseur de la plus belle monarchie de la terre, voudra-t-elle toujours en étendre les limites, et léguer à un bras moins puissant que le sien le triste héritage de guerres interminables! Votre Majesté ne s'attachera-t-elle pas à cicatriser les plaies d'une révolution dont il ne reste à la France que le souvenir de sa gloire militaire et des malheurs réels dans son intérieur? Sire, les leçons de l'histoire rejettent l'idée d'une monarchie universelle, et le sentiment de l'indépendance peut être amorti, mais non effacé du cœur des nations. Que Votre Majesté pèse toutes ces considérations, et pense une fois réellement à cette paix générale dont le nom, profané, a fait couler tant de sang!

» Je suis né dans cette belle France que vous gouvernez, Sire; sa gloire et sa prospérité ne peuvent jamais m'être indifférentes. Mais, sans cesser de faire des voeux pour son bonheur, je défendrai de toutes les facultés de mon âme et les droits du peuple qui m'a appelé, et l'honneur du souverain qui a daigné me nommer son fils. Dans cette lutte entre la liberté du monde et l'oppression, je dirai aux Suédois: Je combats pour vous et avec vous, et les vœux des nations libres accompagneront nos efforts!

» En politique, Sire, il n'y a ni amitié ni haine; il n'y a que des devoirs à remplir envers les peuples que la providence nous appelle à gouverner. Leurs lois et leurs priviléges sont les biens qui leur sont chers, et si, pour les leur conserver, on est obligé de renoncer à d'anciennes liaisons et à des affections de famille, un prince qui veut remplir sa vocation ne doit jamais hésiter sur le parti à prendre.

» M. le duc de Bassano annonce que Votre Majesté évitera l'éclat d'une rupture; mais, Sire, n'est-ce pas Votre Majesté qui a interrompu nos relations commerciales, en ordonnant

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