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la capture des vaisseaux suédois au sein de la paix? N'est-ce pas la rigueur de ses ordres qui, depuis trois ans, nous a interdit toute espèce de communication avec le continent, et qui depuis cette époque fait retenir plus de cinquante bâtimens suédois à Rostock, Wismar et autres ports de la Baltique? » M. le duc de Bassano ajoute que Votre Majesté ne changera pas de système, et qu'elle repoussera de tous ses vœux . une guerre qu'elle considérerait comme une guerre civile ; ce qui indique que Votre Majesté veut retenir la Pomeranie suédoise, et qu'elle ne renonce pas à l'espoir de commander à la Suède, et d'avilir ainsi, sans courir aucun risque, le nom et le caractère suédois. Par le mot de guerre civile Votre Majesté désigne sans doute la guerre entre les alliés; or on sait le sort qu'elle leur destine. Mais que Votre Majesté se rappelle le mécontentement qu'elle fit éclater en apprenant l'armistice que j'accordai à cette brave nation en avril 180g, et elle y trouvera la nécessité où ce pays s'est vu réduit de faire tout ce qu'il a fait jusqu'à présent pour conserver son indépendance et se préserver des dangers où l'aurait entraîné votre politique, Sire, s'il l'eût moins connue.

» Si les événemens qui se sont pressés depuis quatre mois ont fait rejeter sur les généraux de Votre Majesté le désarmement et l'envoi en France, comme prisonniers de guerre, des troupes suédoises de la Pomeranie, il ne se trouvera pas, Sire, un prétexte aussi facile de réfuter que jamais Votre Majesté n'a voulu confirmer les jugemens du conseil des prises, et que. depuis trois ans elle fait des exceptions particulières contre la Suède, malgré que ce tribunal ait prononcé en notre faveur. Au reste, Sire, personne en Europe ne se méprendra sur le blame que Votre Majesté jette sur ses généraux.

» La note du ministre des affaires étrangères du roi et la réponse que M. Cabre lui fit le 4 janvier 1812 vous prouveront, Sire, que Sa Majesté avait été au devant de vos désirs en mettant en liberté tous les équipages des corsaires. Le gouvernement depuis lors a porté les égards jusqu'à renvoyer des Portugais, des Algériens et des Nègres qui, pris sur les mêmes Corsaires se disaient sujets de Votre Majesté. Rien ne devait donc s'opposer à ce que Votre Majesté eût ordonné le renvoi des officiers et soldats suédois, et cependant ils gémissent encore dans les fers.

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Quant aux menaces que contient la note du duc de Bassano, et aux quarante mille hommes que Votre Majesté veut donner au Danemarck, je ne crois point devoir entrer dans des détails sur ces objets, d'autant plus que je doute que le roî de Danemarck puisse profiter de ce secours.

» Pour ce qui concerne mon ambition personnelle, j'en ai une très grande, je l'avoue; c'est celle de servir la cause de l'humanité, et d'assurer l'indépendance de la presqu'île Scandinave. Pour y parvenir je compte sur la justice de la cause que le roi m'a ordonné de défendre, sur la persévérance de la nation, et sur la loyauté de ses alliés,

» Quelle que soit votre détermination, Sire, pour la paix ou pour la guerre, je n'en conserverai pas moins pour Votre Majesté les sentimens d'un ancien frère d'armes.

Signé CHARLES-Jean. »

Suite de la séance du 4 octobre 1813.

PIÈCES relatives à la DEFECTION DE L'AUTRICHE, (Lues par wi secrétaire.

10. RAPPORT fait à l'empereur par le ministre des relations extérieures,

Sire, la première guerre de l'Autriche contre la France a duré six ans : elle fut terminée par les préliminaires de Leoben. L'armée française était alors maîtresse de la Hollande, de la Belgique, des rives du Rhin, des provinces italiennes de l'Autriche, du comté de Gorice, de l'Istrie, de la Styrie, de la Carinthie, de la Carniole, du Tyrol; elle était sur les hauteurs du Sumering-Berg, à peu de distance de Vienne, que la cour avait déjà abandonnée,"

>> La modération du vainqueur paraissait un garant de la durée de la paix; mais quinze mois s'étaient à peine écoulés lorsqu'on parvint à persuader au cabinet de Vienne que tout était changé en France : une armée française était sur le Nil, et le désordre de l'administration intérieure avait conduit à licencier une grande partie des troupes, L'Autriche courut

aux armes.

» Le traité de Lunéville mit fin à la seconde guerre d'Autriche, qui dura deux ans. Les armées françaises étaient sur la Save, et à ce même Leoben où la première guerre d'Autriche avait été terminée.

» On se flatta que la paix serait de longue durée; on voulut croire que le cabinet autrichien, ayant été porté à rompre les engagemens de Leoben par la considération de l'état où se trouvait alors l'intérieur de la France, n'aurait plus de motif pour rompre la paix lorsque ces circonstances n'existaient plus.

» La France consacrait tous ses efforts au rétablissement de sa marine et aux préparatifs dirigés contre l'Angleterre.

L'Italie était dégarnie de troupes, et notre état militaire se trouvait sur le pied de paix. Notre seule armée était rassem¬ blée à Boulogne.

» Le cabinet de Vienne oublia les leçons du passé; il se coalisa avec la Russie et l'Angleterre, et les armées autrichiennes marchèrent sur la Bavière. L'armée française fut bientôt maîtresse de la capitale et des trois quarts de la monarchie: elle pouvait dicter des lois dures; elle consentit à des conditions modérées, et le traité de Presbourg fut signé dans la capitale de la Hongrie.

» La troisième guerre de l'Autriche fut ainsi terminée en trois mois : elle finit comme la troisième guerre punique, par la prise de la capitale. Cette ville infortunée n'ayant point partagé les passions de son cabinet, étrangère à l'ambition qui en avait dirigé la politique, gémissant des fautes dont elle était la victime, fut l'objet des égards du vainqueur.

» On se persuada que le cabinet de Vienne, éclairé par l'expérience, ne songerait désormais qu'à conserver la paix; mais quatre années après Votre Majesté était en Espagne, et l'Autriche, mettant sa confiance dans les armemens immenses qu'elle avait préparés de longue main, ayant quatre cent mille hommes sous les armes, ne voyant aucune armée qui pût l'empêcher de parvenir jusqu'aux bords du Rhin, n'examina point si une nouvelle guerre serait juste; elle n'en calcula que les chances; elle crut le succès certain, déterminée par cette seule considération, elle envahit la Bavière.

et,

>> En trois mois l'armée française porta ses conquêtes jusqu'en Hongrie et en Moravie, occupa une seconde fois la capitale, et fut maîtresse de la plus grande partie du territoire de la monarchie : l'existence même de l'empire d'Autriche se trouvait compromise. Mais les regards du vainqueur étaient Constamment tournés vers un seul but, celui de forcer l'Angleterre à reconnaître enfin les droits maritimes de toutes les nations, sans lesquels il ne peut exister ni équilibre ni repos en Europe; il consentit à signer le traité de Vienne, qui finit la quatrième guerre d'Autriche, d'Autriche, et dont la modération étonna le monde. Si l'on ne crut point que la paix serait éternelle, on şe flatta du moins qu'elle aurait une longue durée.

En effet, le cabinet de Vienne parut reconnaître ses véritables intérêts, ne songer enfin qu'à réparer ses pertes, à faire disparaître la plaie du papier-monnaic, qui dévorait la fortune publique et celle des particuliers, et à fonder le retour de la prospérité de l'Etat sur une politique sage et sur une longue paix: il licencia son armée, et les besoins de son organisation intérieure fixèrent toute son attention.

»La guerre entre la France et la Russie devint imminente. L'Autriche fut au devant des désirs de la Francé, et lui proposa son alliance. Un traité fut signé le 14 mars 1812; une armée autrichienne marcha avec l'armée française pour la défense des grands intérêts du continent, et le sang autrichien coula dans les combats contre les Russes.

» Les politiques qui s'arrêtaient aux principes professés jusque là par le cabinet de Vienne, s'étonnaient d'une alliance qu'ils savaient contraire à ses sentimens secrets: mais d'autres politiques non moins éclairés, jugeant ses dispositions d'après sa situation réelle, voyant sortir l'Autriche, après tant de sacrifices, d'une lutte qui quatre fois lui avait été funeste; considérant l'état désastreux de ses finances, les embarras de son administration, les complications de son organisation intérieure, croyaient qu'elle voulait renouveler le système de Kaunitz, et s'assurer, comme par le traité de 1756, une longue paix, qui lui donnerait le temps de recouvrer son ancienne prospérité; ils pensaient que son intérêt, bien entendu, la maintiendrait dans l'alliance. Comme transaction de circonstance, le traité du 14 mars 1812 était une faute du cabinet; mais, considérée indépendamment de la guerre de Russie, qui n'en était que l'occasion et le corollaire, envisagée comme la base d'un système qui devait assurer quarante années de paix, l'alliance semblait dictée par de grandes vues; elle était le moyen le plus efficace pour cicatriser tant de plaies qui saignaient encore.

» Ces considérations, toutes frappantes qu'elles étaient, ne se trouvèrent pas fondées : l'alliance de 1812 n'a point été le résultat d'un système, mais le produit des circonstances. Aussitôt que les désastres des mois de novembre et décembre derniers furent connus du cabinet de Vienne, il jugea que la France était abandonnée par la fortune; il se hâta de passer dans un autre système; de gouvernement allié, l'Autriche devint puissance ennemie : le corps auxiliaire qui combattait avec l'armée française fut le noyau de la principale armée destinée à combattre la France.

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Cependant des événemens inattendus avaient échappé à toute prévoyance; ils n'étaient pas entrés dans les calculs de l'Autriche. Elle était sans finances, sans armées : il est constaté que tous ses efforts ne seraient pas parvenus au mois de janvier à mettre soixante mille hommes sous les armes. Ayant pris sa résolution avant d'avoir les moyens de la soutenir, et calculant qu'il lui faudrait six mois pour être en état de présenter une armée sur le champ de bataille, le cabinet de Vienne sentit le besoin de cacher ses projets sous les appa

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rences de la fidélité à ses engagemens et de l'amour de la paix. Il proposa son entremise aux puissances belligérantes; mais en même temps il commença ses levées, et courut aux armes. Le ministre qui dirigeait ses finances, livré tout entier à la restauration de la monarchie, avait, quoiqu'il nourrît personnellement des haines contre la France, adhéré à l'alliance comme le seul moyen de parvenir au rétablissement des affaires intérieures; opposa la plus forte résistance à la guerre, et un successeur lui fut donné. Aussitôt on créa pour cent millions de francs d'un nouveau papier-monnaie; on bouleversa les plans d'ordre et d'économie adoptés jusqu'alors, et le cabinet se précipita vers la guerre. En vain les hommes éclairés représentaient que l'armée n'existait plus, que les cadres ne pouvaient êttre rem

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plis que de recrues le matériel était détruit, qu'il ne fal

que "

lait pas moins de dix-huit mois pour réorganiser l'état militaire de l'Autriche ; que les affaires des grandes nations ne se mènent point par secousses, et qu'on n'improvise pas un grand système; que, puisqu'on n'avait pas renoncé à entrer en lice avec la France, il aurait fallu rester neutre en 1812, et s'occuper dès lors à rétablir l'armée; mais qu'ayant adopté l'alliance en 1812, il fallait y persister en 1813; ils représentaient qu'avec une sage politique et un peu de savoir-faire l'Autriche pouvait tirer parti des circonstances, en recueillir des avantages réels, sans s'exposer aux chances d'une guerre dans laquelle elle deviendrait partie principale, qui exigerait des armées en Silésie, en Saxe, en Bavière, en Italie; que se présenter dans une lutte sérieuse sans y être préparé, c'était s'exposer à de funestes catastrophes, ou du moins se jeter à travers toutes les incertitudes d'une guerre longue et générale dans laquelle on allait plonger l'Europe; que si toutefois on croyait les circonstances favorables pour faire recouvrer à l'Autriche son influence, on se trompait, en ne s'apercevant pas que les bases de toute grandeur pour un état sont de bonnes finances, un bon système monétaire, et des armées bien organisées, bien équipées, et qu'une bonne armée ne consiste pas dans le grand nombre des hommes, mais dans la qualité des soldats; qu'en persévérant pendant quelques années dans le système de l'alliance, l'Autriche aurait recouvré son ancienne prospérité, et avec elle cette indépendance réelle que fonde une bonne administration intérieure et militaire.

>> Mais les partisans de la guerre répondaient qu'on raisonnait comme si la France était la même, tandis que sa fortune avait changé; comme si elle avait des armées, tandis que l'élite de ses soldats avait été dévorée par les fléaux de l'hiver; ils disaient que, si l'Autriche n'avait que des recrues, ce serait

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