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étaient les uns à Vienne, les autres à Berlin. Mais cela même prouvait l'impossibilité de suivre un inode semblable à Prague : non seulement aucune base n'était adoptée, mais on n'avait même eu aucune explication préliminaire sur le fond de la négociation.

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Malgré des considérations aussi frappantes, les plénipotentiaires de Russie et de Prusse, d'accord avec le plénipotentiaire du médiateur, s'empressèrent d'adopter sa proposition. Quelques efforts que fissent les plénipotentiaires français dans trois conférences officielles qu'ils eurent successivement avec le plénipotentiaire du médiateur, le 30 juillet, le ret le 5 août, ils ne purent vaincre son obstination. Oubliant dans cette conjoncture ce qu'il devait au moins aux apparences, il ne fit valoir aucun des motifs qu'ils alléguaient auprès des plénipotentiaires adverses, et dans cette discussion d'un ordre secondaire il montra toute sa partialité.

» Les plénipotentiaires français, après avoir rempli le devoir de réclamer avec instance, et pour la dignité de leur gouvernement, ce que la raison, l'usage, les engagemens contractés à Dresde par les plénipotentiaires du médiateur luimême leur donnaient le droit de demander, furent autorises à proposer un mode qui satisferait toutes les prétentions : ils déclarèrent en conséquence, par une note adressée au médiateur, qu'ils consentaient à ce que le mode de la négociation par écrit fût admis concurremment avec celui des conférences. Ce moyen conciliait tout, et était de plus conforme à ce qui s'était pratiqué dans les congrès les plus importans, à Nimègue, à Ryswick, à Aix-la-Chapelle, etc., où chaque question avait été traitée soit verbalement, soit par écrit, selon que la nature du cas l'exigeait.

Les plénipotentiaires ennemis rejetèrent cette proposi tion sans se donner même la peine de combattre les raisons évidentes sur lesquelles elle était fondée.

» Plusieurs notes furent encore inutilement échangées de part et d'autre.

» Le 10 août les plénipotentiaires de la Russie et de la Prusse se hatèrent de déclarer le congrès dissous.

» Au même instant le plénipotentiaire médiateur déclara la guerre. Sa déclaration fut remise à l'ambassadeur de France dans la nuit du 10 au 11, à la même heure où les armées russes et prussiennes entraient sur le territoire de la Bohême les par routes sur lesquelles, depuis un mois, les préparatifs étaient faits pour les recevoir.

» A ce cri de guerre la France a répondu par des vœux pour la paix.

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6o. DÉCLARATION DE L'AUTRICHE (avec les notes du gouvernement

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français).

Le soussigné, ministre d'état et des affaires étrangères, est chargé, par un ordre exprès de son auguste maître, de faire la déclaration suivante à S. Ex. M. le comte de Narbonne, ambassadeur de S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie.

» Depuis la dernière paix signée avec la France, en octobre 1809, Sa Majesté impériale et royale apostolique a voué toute sa sollicitude non seulement à établir avec cette puissance des relations d'amitié et de confiance, dont elle avait fait la base de son système politique, mais à faire servir ces relations au maintien de la paix et de l'ordre en Europe. Elle s'était flattée que ce rapprochemer intime, cimenté par une alliance de famille contractée avec S. M. l'empereur des Français, contribuerait à lui donner sur sa marche politique la seule influence qu'elle soit jalouse d'acquérir, celle qui tend à communiquer aux cabinets de l'Europe l'esprit de modération, le respect pour les droits et les possessions des états indépendans, qui l'aniinent elle-même.

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» Sa Majesté impériale n'a pu se livrer longtemps à de si belles espérances. Un an était à peine écoulé depuis l'époque qui semblait mettre le comble à la gloire militaire du souverain de la France, et rien ne paraissait plus manquer prospérité, pour autant qu'elle dépendait de son attitude et/ de son influence au dehors, quand de nouvelles réunions au territoire français d'états jusqu'alors indépendans, de nouveaux morcellemens et déchiremens de l'empire d'Allemagne (A) vinrent réveiller les inquiétudes des puissances, et préparer, par leurs funestes réactions sur le nord de l'Europe, la guerre qui devait s'allumer en 1812 entre la France et la Russie (B).

(A) « L'Autriche a de plein gré renoncé à l'empire d'Allemagne. Elle a reconnu les princes de la Confédération; elle a reconnu le protectorat de l'empereur. Si le cabinet a conçu le projet de rétablir l'empire d'Allemagne, de revenir sur tout ce que la victoire a fondé et que les traités ont consacré, il a formé une entreprise qui prouve mal l'esprit de modération et le respect pour les droits des états indépendans dont il se dit animé. »

(B) « Le cabinet de Vienne met en oubli le traité d'alliance qu'il a conclu le 14 mars 1812. Il oublie que par ce traité la France et l'Autriche se sont garanti réciproquement l'intégrité de leurs territoires actuels; il oublie que par ce traité l'Autriche s'est engagée à défendre le territoire de la France tel qu'il existait alors, et qui n'a depuis

» Le cabinet français sait mieux qu'aucun autre combien S. M. l'empereur d'Autriche a eu à cœur d'en prévenir l'éclat par toutes les voies que lui dictait son intérêt pour les deux puissances, et pour celles qui devaient se trouver entraînées dans la grande lutte qui se préparait. Ce n'est pas elle que l'Europe accusera jamais des maux incalculables qui en ont été la suite. (C)

» Dans cet état de choses S. M. l'empereur, ne pouvant conserver à ses peuples le bienfait de la paix, et maintenir une heureuse neutralité au milieu du vaste champ de bataille qui de tous côtés environnait ses Etats, ne consulta dans le parti qu'elle adopta que sa fidélité à des relations si récemment établies, et l'espoir qu'elle aimait à nourrir encore que

reçu aucun aggrandissement; if oublie que par ce traité il ne s'est pas borné à demander pour l'Autriche l'intégrité de son territoire, mais les agrandissemens que les circonstances pourraient lui procurer; il oublie que, le 14 mars 1812, toutes les questions qui devaient amener la guerre étaient connues et posées, et que c'est volontairement et en connaissance de cause qu'il prit parti contre la Russie. Pourquoi, s'il avait alors les sentimens qu'il manifeste aujourd'hui, n'a-t-il pas fait alors cause commune avec la Russie? Pourquoi du moins, au lieu de s'unir à ce qu'il présente aujourd'hui comme une cause injuste, n'a-til pas adopté la neutralité? La Prusse fit à la même époque une alliance avec la France, qu'elle a violée depuis; mais ses forteresses et son territoire étaient occupés. Placée entre deux grandes puissances en armes, et théâtre de la guerre, la neutralité était de fait impossible. Elle se rangea du côté du plus fort. Lorsqu'ensuite la Russie occupa son territoire, elle reçut la loi, et fut l'alliée de la Russie. Aucune des circonstances qui ont réglé les déterminations de la Prusse n'ont existé en 1812 et n'existent en 1813 pour l'Autriche. Elle s'est engagée de plein gré en 1812 à la cause qu'elle croyait la plus juste, à celle dont le triomphe importait le plus à ses vues et aux intérêts de l'Europe, dont elle se montre protecteur si inquiet, et défenseur si généreux. Elle a versé son sang pour soutenir la cause de la France; en 1813 elle le prodigue pour soutenir le parti contraire. Que doivent penser les peuples? Quel jugement ne porteront-ils pas d'un gouvernement qui, attaquant aujourd'hui ce qu'il défendait hier, montre que ce n'est ni la justice ni la politique qui règlent les plus importantes détermina

tions de son cabinet?»

(C) « Le cabinet français sait mieux qu'aucun autre que l'Autriche a offert son alliance lorsqu'on n'avait pas même conçu l'espérance de l'obtenir; il sait que, si quelque chose avait pu le porter à la guerre, c'était la certitude que non seulement l'Autriche n'y prendrait aucune part contre lui, mais qu'elle y prendrait part pour lui. Il sait que, loin de déconseiller la guerre, l'Autriche l'a excitée; que, loin de la craindre, elle l'a désirée; que, loin de vouloir s'opposer à de nouveaux morcellemens d'états, elle a conçu de nouveaux déchiremens dont elle voulait faire son profit. »

son alliance avec la France, en lui offrant des moyens plus sûrs de faire écouter les conseils de la sagesse, mettrait des bornes à des maux inévitables, et servirait la cause du retour de la paix en Europe. (D)

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Il n'en a malheureusement pas été ainsi; ni les succes brillans de la campagne de 1812, ni les désastres sans exemple qni en ont marqué la fin, n'ont pu ramener dans les conseils du gouvernement français l'esprit de modération qui aurait mis à profit les uns, et diminué l'effet des autres (E).

» Sa Majesté n'en saisit pas moins le moment où l'épuisement réciproque avait ralenti les opérations actives de la guerre pour porter aux puissances belligérantes des paroles de paix, qu'elle espérait encore voir accueillir de part et d'autre avec la sincérité qui les lui avait dictées.

» Persuadée toutefois qu'elle ne pourrait les faire écouter qu'en les soutenant des forces qui promettraient, au parti avec lequel elle s'accorderait de vues et de principes, l'appui de sa coopération active pour terminer la grande lutte (F); en

(D) « Le cabinet de Vienne ne pouvait, dit-il, maintenir une heureuse neutralité au milieu du vaste champ de bataille qui l'environnait de tous les côtés. Les circonstances n'étaient-elles donc pas les mêmes qu'en 1806? De sanglans combats ne se livrèrent-ils pas en 1806 et en 1807 près des limites de son territoire, et ne conserva-t-il pas au peuple le bienfait de la paix, et ne se maintint-il pas dans une heureuse neutralité? Mais le gouvernement de l'Autriche, en prenant le parti de la guerre, en combattant pour la cause de la France, consulta, dit-il, sa fidélité à des relations nouvellement établies; fidélité qui ne mérite plus d'être consultée lorsque ces relations sont devenues plus anciennes d'une année, et plus étroites par une alliance formelle. S'il faut l'en croire aujourd'hui, ce n'était pas pour s'assurer des agrandissemens qu'il s'alliait à la France en 1812, qu'il lui garantissait toutes ses possessions, et qu'il prenait part à la guerre; c'était pour servir la cause du retour de la paix, et pour faire écouter les conseils de la sagesse. Quelle logique ! quelle modestie! >>

(E) « Comment le cabinet de Vienne a-t-il appris que les succès brillans de la campagne de 1812 n'ont pas ramené la modération dans les conseils du gouvernement français? S'il avait été bien informé, il aurait su que les conseils de la France, après la bataille de la Moskowa, ont été modérés et pacifiques, et que tout ce qui pouvait ramener la paix fut alors tenté. »

(F) « Le cabinet de Vienne met de la suite dans ses inconséquences, Il fait cause commune avec la France en 1812; et c'était, dit-il anjourd'hui, pour l'empêcher de faire la guerre à la Russie. Il arme en 1813 pour la Prusse et la Russie; et c'est, dit-il, pour leur inspirer le désir de la paix. Ces puissances, d'abord exaltées par des progrès qu'elles devaient au hasard des circonstances, avaient été rendues à des sentimens plus calmes par les revers éclatans du premier mois de la cam

offrant sa médiation aux puissances, elle se décida à l'effort, pénible pour son cœur, d'un appel au courage et au patriotisme de ses peuples. Le congrès, proposé par elle et accepté par les deux partis, s'assembla au milieu des préparatifs mili– taires que le succès des négociations devait rendre inutiles, si les vœux de l'empereur se réalisaient, mais qui devaient, dans le cas contraire, conduire par de nouveaux efforts au résultat pacifique que Sa Majesté eût préféré d'atteindre sans effusion de sang (G).

» En obtenant de la confiance qu'elles avaient vouée à Sa Majesté impériale le consentenient des puissances à la prolongation de l'armistice, que la France jugeait nécessaire pour les négociations, l'empereur acquit, avec cette preuve de leurs vues pacifiques, celle de la modération de leurs principes et de leurs intentions (H).

>>

Il y reconnut les siens, et se persuada de ce moment que ce serait de leur côté qu'il rencontrerait des dispositions sin

pagne; affaiblies, vaincues, elles allaient revenir de leurs illusions. Le gouvernement autrichien leur déclare qu'il arme pour elles; il leur montre ses armées prêtes à prendre leur défense, et, en leur offrant de nouvelles chances dans la continuation de la guerre, il prétend leur inspirer le désir de la paix! Qu'aurait-il fait s'il avait voulu les encourager à la guerre? Il a offert à la Russie d'en prendre sur lui le fardeau ; il a offert à la Prusse d'en changer le théâtre. Il a appelé sur son propre territoire les troupes de ses alliés, et toutes les calamités qui pesaient sur celui de la Prusse; il a enfin offert au cabinet de Pétersbourg le spectacle le plus agréable pour un empereur de Russie, de l'Autriche, son ennemie naturelle, combattant la France, son ennemie actuelle. Si le cabinet de Vienne avait demandé les conseils de la sagesse, elle lui aurait dit qu'on n'arrête pas un incendie en lui donnant un nouvel aliment; qu'il n'est pas sage de s'y précipiter pour un peuple dont les intérêts sont contraires ou étrangers; enfin qu'il y a de la folie à exposer à toutes les chances de la guerre une nation qui, après de si longs malheurs, pouvait continuer à jouir des douceurs de la paix. Mais l'ambition n'est pas un conseiller qu'avoue la sagesse.»

(G) « L'auteur de cette déclaration ne sort pas du cercle vicieux dans lequel il s'est engage. La Russie et la Prusse savaient fort bien que le gouvernement autrichien armait contre la France: dès ce moment elles ne pouvaient pas vouloir la paix. Ce résultat des dispositions du cabinet de Vienne était trop évident pour qu'il n'y eût pas compté. >>

(H) « Le cabinet de Vienne avait fait perdre le mois de juin tout entier en ne remplissant aucune des formalités préalables à l'ouverture du congrès. La France ne demanda point que l'armistice fût prolongé; mais elle y consentit. Ce qu'elle désirait, ce qu'elle demanda, c'est qu'il fut convenu que les négociations continueraient pendant les hostilités. Mais le cabinet s'y refusa : l'Autriche aurait été liée comme

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