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vota une adresse à l'empereur et roi. Le gouvernement ne fit point de proposition dans la séance du 4 octobre.

Seance solennelle du 7 octobre 1813, présidée par l'impératrice-reine régente.-APPEL DE CONSCRITS.

DISCOURS de l'impératrice.

«Sénateurs, les principales puissances de l'Europe, révoltées des prétentions de l'Angleterre, avaient l'année dernière réuni leurs armées aux nôtres pour obtenir la paix du monde et le rétablissement des droits de tous les peuples. Aux premières chances de la guerre des passions assoupies se réveil lèrent. L'Angleterre et la Russie ont entraîné la Prusse et l'Autriche dans leur cause. Nos ennemis veulent détruire nos alliés pour les punir de leur fidélité; ils veulent porter la guerre au sein de notre belle patrie pour se venger des triomphes qui ont conduit nos aigles victorieuses au milieu de leurs états. Je connais, mieux que personne, ce que nos peuples auraient à redouter s'ils se laissaient jamais vaincre ! Avant de monter sur le trône, où m'ont appelée le choix de mon auguste époux et la volonté de mon père, j'avais la plus grande opinion du courage et de l'énergie de ce grand peuple: cette opinion s'est accrue tous les jours par tout ce que j'ai vu se passer sous mes yeux. Associée depuis quatre ans aux pensées les plus intimes de mon époux, je sais de quels sentimens il serait agité sur un trône flétri et sous une couronne sans gloire.

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Français, votre empereur, la patrie et l'honneur vous appellent!»

Conformément aux ordres de l'impératrice régente, M. le conseiller d'état Regnault ( de Saint-Jean-d'Angely) monte à la tribune, et développe les notifs d'un projet de senatus-consulte.

Ces motifs, déjà trop connus, rappelaient les tristes événemens de la guerre, et démontraient l'indispensable nécessité de rendre de nouvelles forces aux armées actives.

En conséquence le projet de senatus-consulte avait pour objet de mettre à la disposition du ministre de la guerre deux cent quatrevingt mille conscrits, savoir, cent vingt mille sur les classes de 1814 et années antérieures, et cent soixante mille sur la conscription de 1815. - Les départemens du midi' qui avaient coopéré à la levée de trente mille hommes du 24 août précédent (voyez plus baut), ainsi que les hommes mariés avant la publication du senatus-con

sulte, étaient dispensés de concourir à la nouvelle levée portant surles années 1814 et antérieures.

M. le comte de Lacépède, président annuel du Sénat, prit ensuite la parole, et dit :

Madame, avant de proposer au Sénat des mesures relatives au projet de senatus-consulte qui vient d'être présenté, j'ai l'honneur de prier Votre Majesté impériale et royale de daigner me permettre de lui offrir, au nom de mes collègues, l'hommage respectueux de tous les sentimens dont nous sommes pénétrés en voyant Votre Majesté présider le Sénat, et en entendant les paroles mémorables qu'elle vient de proférer du haut de son trône!

» Avec quelle reconnaissance, avec quel soin religieux nous en conserverons à jamais le souvenir!

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Sénateurs, j'ai l'honneur de vous proposer de renvoyer à une commission le projet de senatus-consulte qui vient d'être présenté Far les orateurs du Conseil d'état.

Le projet de senatus-consulte fut adopté dans la séance du 9 octobre, sur un rapport fait par M. le comte Dejean, organe de la commission nommée dans la séance impériale du 7.

DISCOURS du Sénat à l'empereur, à l'occasion de son retour de l'armée (1), prononcé par M. le comte de Lacépède. - Au palais des Tuileries, cu

."

dience solennelle du dimanche 14 novembre 1813.

Sire, la pensée du Sénat a constamment accompagné Votre Majesté au milieu des mémorables événemens de cette campagne; il a frémi des dangers que Votre Majesté a courus. » Les efforts des ennemis de la France ont en vain été secondés par la défection de ses alliés, par des trahisons sans exemples, par des événemens extraordinaires et des accidens funestes. Votre Majesté a tout surmonté; elle a combattu pour la paix.

Avant la reprise des hostilités Votre Majesté a offert la réunion d'un congrès où toutes les puissances, même les plus

(1) On a vu plus haut que Napoléon était de retour à Paris le 9

novembre.

petites, seraient appelées, pour concilier tous les différends, et pour poser les bases d'une paix honorable à toutes les na

tions.

» Vos ennemis, Sire, se sont opposés à la réunion de ce congrès. C'est sur eux que doit retomber tout le blâme de la guerre.

Votre Majesté, qui connaît mieux que personne les besoins et les sentimens de ses sujets, sait que nous désirons la paix. Cependant tous les peuples du continent en ont un plus grand besoin que nous, et si, malgré le vœu et l'intérêt de plus de cent cinquante millions d'âmes, nos ennemis, refusant de traiter, voulaient, en nous imposant des conditions, nous prescrire une sorte de capitulation, leurs espérances fallacieuses seraient déjouées! Les Français montrent par leur dévouement et par leurs sacrifices qu'aucune nation n'a jamais mieux connu ses devoirs envers la patrie, l'honneur et son souverain. »

RÉPONSE de l'empereur.

Sénateurs, j'agrée les sentimens que vous m'exprimez. » Toute l'Europe marchait avec nous il y a un an; toute l'Europe marche aujourd'hui contre nous : c'est que l'opinion du monde est faite par la France ou par l'Angleterre. Nous aurions donc tout à redouter sans l'énergie et la puissance de la nation.

» La postérité dira que, si de grandes et critiques circonstances se sont présentées, elles n'étaient pas au-dessus de la France et de moi. >>

Séances des 12 et 15 novembre 1813, présidées par le prince archichancelier. -APPEL DE CONSCRITS.

MOTIFS d'un projet de senatus-consulte tendant à mettre trois cent mille hommes à la disposition du gouvernement; exposés par M. le conseiller d'état Regnault (de Saint-Jean-d'Angely ).

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« Monseigneur, sénateurs, elle vous est présente encore cette séance mémorable où, remplissant à la fois les devoirs augustes de régente, d'épouse, de mère et de française, l'impératrice est venue vous exposer les besoins de la France!

» Les sentimens qu'elle a excités dans cette enceinte se sont communiqués rapidement aux extrémités de l'Empire, et vivent encore dans tous les coeurs.

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pour

Tout ce qui est Français a senti que dans la situation actuelle de l'Europe la nation ne pourrait esperer de conserver de maintenir sa dignité, de pourvoir à sa sûreté, de défendre son territoire, qu'en proportionnant ses efforts vaincre aux efforts tentés pour l'asservir; qu'en élevant la puissance de ses armées, l'étendue de ses ressources au dessus de la puissance, au dessus des ressources des états coalisés contre elle.. » Mais à cette époque, messieurs, la défection de la Bavière n'était pas consommée; la loyauté française s'honorait en refusant d'y ajouter foi.

» Alors encore vous ignoriez comment les Saxons avaient, au milieu du combat, déserté leurs rangs dans nos armées pour occuper ceux qui leur étaient réservés d'avance dans les armées de nos ennemis; comment l'artillerie, fournie, pourvue par nos arsenaux, avait été tournée contre nos bataillons, inopinément foudroyés par les batteries destinées à les protéger. » Ces événemens, dont on ne retrouve des exemples que dans l'antique histoire des rois de l'Asie barbare, ces événemens, dont l'Europe civilisée n'avait pas eu encore à rougir pour ses cabinets, à s'affliger pour ses peuples, ont eu des conséquences qui ne pouvaient, il y a quelques semaines, se présenter à votre pénsée.

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Cependant, messieurs, et nos ennemis eux-mêmes l'aQuent en comptant leurs défaites et leurs pertes, les armées françaises ont soutenu leur antique et impérissable renommée malgré tous ces événemens.

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Mais, par la force des circonstances, des victoires glorieuses sont devenues stériles; des triomphes réitérés sont devenus insuffisans; et l'événement imprévu et déplorable du pont de Leipsick a ajouté aux avantages de l'ennemi, heureux encore une fois d'obtenir un triomphe sans combat, des trophées sans danger, et des succès sans gloire.

» A ce nouveau malheur, chacun de vous l'a pu voir, messieurs, un sentiment universel de dévouement, de générosité, s'est manifesté de toutes parts. Au milieu de la douleur publique, et même des douleurs privées, les cœurs français se sont soulevés d'indignation, à la seule pensée de l'espoir conçu par l'ennemi de triompher de la France, de dévaster son territoire, de lui imposer des lois !

» Le cri d'alarme et de secours, jeté par nos enfans, par nos frères encore en armes, encore combattant avec gloire aux bords du Rhin, a retenti sur les bords de la Seine et du Rhône, du Doubs et de la Gironde, de la Moselle et de la Loire; sur les montagnes du Jura et des Vosges, des Alpes et des Pyrénées. Tous les vieux Français ont été par leurs voeux au devant

des besoins de la patrie, au devant des dangers et des sacrifices qui doivent prévenir des dangers et des sacrifices bien autrement effrayans et par leur étendue, et par l'humiliation dont ils seraient accompagnés.

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Quelle serait en effet, messieurs, notre situation si les ennemis, qui sont déjà sur quelques points de nos frontières, et qui les menacent d'un autre côté, pénétraient sur notre territoire! Quelle paix nous resterait-il à espérer, que la paix de l'esclavage ou la paix des tombeaux ! Par quelles insolentes et avilissantes conditions les puissances, que leurs intérêts divisent, et qui ne sont unies que par leurs ressentimens, se vengeraient-elles de l'éclat de nos succès, de l'humiliation de leurs défaites, de la nécessité qui leur a fait souscrire les traités qu'elles ont violés, et même de la générosité qui les a consentis! Jugez-en; que la France en juge avec vous, messieurs, par ce que nos ennemis ont osé à Dresde, devant nos armées réunies, menaçantes, victorieuse.

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Ce congrès, espoir du monde, provoqué, désiré par l'empereur, qui, comme celui de Westphalie en 1648, pouvait seul balancer et régler les intérêts de l'Europe, a été rejeté malgré les instances persévérantes du cabinet français.

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Ses apparens préparatifs n'étaient que le moyen décevant sous lequel on cachait les apprêts effectifs d'une confédération générale.

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Les prétendus plénipotentiaires n'étaient en effet que des agens chargés d'arrêter le plan de la campagne déjà résolue, et non des ambassadeurs préparant les projets d'une paix désirée ; des hommes passionnés qui en appelaient aux armes et à la force, au lieu d'en appeler à la justice et à la raison; des hommes décidés d'avance à ne rien discuter, et prétendant à dicter une capitulation au lieu de débattre un traité.

que

» Ils comptaient dès lors sur les défections, que nous laissons à l'équitable postérité, à l'histoire impartiale, le soin de qualifier; ils se reposaient sur ces violations de traités l'or de l'Angleterre avait payées d'avance, que les menaces avaient préparées, que la crainte avait promises, que la faiblesse laissait espérer. Ils n'étaient pas encore arrivés devant les murs de Dresde, où ils ont peu après éprouvé de si éclatans revers, et déjà ils voulaient dicter des lois!

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Que feraient-ils s'ils avaient franchi le Rhin ou l'Escaut, les Alpes ou les Pyrénées ! Je ne demande pas quelle justice, je demande quels ménagemens la France en pourrait attendre, quel repos l'Europe en pourrait espérer !

» La réponse, messieurs, est dans les documens de l'his

toire.

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