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sérieux. L'attaque de Wagram eut lieu; nos troupes emporterent ce village; mais une colonne de Saxons et une colonne de Français se prirent dans l'obscurité pour des troupes ennemies, et cette opération fut manquée.

» On se prépara alors à la bataille de Wagram. Il paraît que les dispositions du général français et du général autrichien furent inverses. L'empereur passa toute la nuit à rassembler ses forces sur son centre, où il était de sa personne, à une portée de canon de Wagram. A cet effet le duc de Rivoli se porta sur la gauche d'Aderklau, en laissant sur Aspern une seule división, qui eut ordre de se replier en cas d'événement sur l'île de Lobau. Le duc d'Auerstaedt recevait l'ordre de dépasser le village de Grosshoffen pour s'approcher du centre. Le général autrichien, au contraire, affaiblissait son centre pour garnir et augmenter ses extrémités, auxquelles il donnait une, nouvelle étendue.

» Le 6, à la pointe du jour, le prince de Ponte-Corvo Occupa la gauche, ayant en seconde ligne le duc de Rivoli. Le vice-roi le liait au centre, où le corps du comte Oudinot, celui du duc de Raguse, ceux de la garde impériale et les divisions de cuirassiers formaient sept ou huit lignes.

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» Le duc d'Auerstaedt marcha de la droite pour arriver au centre. L'ennemi, au contraire, mettait le corps de Bellegarde en marche sur Stadelau. Les corps de Collowrath, Lichtenstein et de Hiller liaient cette droite à la position de Wagram, où était le prince de Hohenzollern, et à l'extrémité de la gauche, à Neusiedel, où débouchait le corps de Rosemberg, pour déborder également le duc d'Auerstaedt. Le corps de Rosemberg et celui du duc d'Auerstaedt, faisant un mouvement inverse, se rencontrèrent aux premiers rayons du soleil, et donnèrent le sigual de la bataille. L'empereur se porta aussitôt sur ce point, fit renforcer le duc d'Auerstaedt par division de cuirassiers du duc de Padoue, et fit prendre le corps de Rosemberg en flanc par une batterie de douze pièces de la division du général comte de Nansouty. En moins de trois quarts d'heure le beau corps du duc d'Auerstaedt eut fait raison da corps de Rosemberg, le culbuta, et le rejeta au-delà de Neusiedel, après lui avoir fait beaucoup de mal.

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Pendant ce temps la canonnade s'engageait sur toute la ligne, et les dispositions de l'ennemi se développaïent de momenten moment; toute sa gauche se garnissait d'artillerie : on eût dit que le général autrichien ne se battait pas pour la victoire, mais qu'il n'avait en vue que le moyen d'en profiter. Cette disposition de l'ennemi paraissait si insensée que l'on craignait quelque piége, et que l'empereur différa quelque

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temps avant d'ordonner les faciles dispositions qu'il avait à faire pour annuler celles de l'ennemi et les lui rendre funestes. Il ordonna au duc de Rivoli de faire une attaque sur un village qu'occupait l'ennemi, et qui pressait un peu l'extrémité du ceutre de l'armée. Il ordonna au duc d'Auerstaedt de tourner la position de Neusiedel, et de pousser de là sur Wagram; et il fit former en colonne le duc de Raguse et le général Macdonald, pour enlever Wagram au moinent où déboucherait le duc d'Auerstaedt.

Sur ces entrefaites on vint prévenir que l'ennemi attaquait avec fureur le village qu'avait enlevé le duc de Rivoli ; que notre gauche était débordée de trois mille toises; qu'une vive canonnade se faisait déjà entendre à Gross-Aspern, et que l'intervalle de Gross Aspern à Wagram paraissait couvert d'une immense ligne d'artillerie. Il n'y eut plus à douter: l'ennemi commettait une énorme faute; il ne s'agissait que d'en profiter. L'empereur ordonna sur le champ au général Macdonald, de disposer les divisions Broussier et Lamarque en colonne d'attaque; il les fit soutenir par la division du général Nansouty par la garde à cheval, et par une batterie de soixante pièces de la garde et de quarante pièces des différens corps. Le général comte de Lauriston, à la tête de cette batterie de cent pièces d'artillerie, marcha au trot à l'ennemi, s'avança sans tirer jusqu'à la demi-portée du canon, et là commença un feu prodigieux qui éteignit celui de l'ennemi, et porta la mort dans ses rangs. Le général Macdonald marcha alors au pas de charge. Le général de division Reille, avec la brigade de fusilliers et de tirailleurs de la garde, soutenait le général Macdonald. La garde avait fait un changement de front pour rendre cette attaque infaillible. Dans un clin-d'œil le centre de l'ennemi perdit une lieue de terrein; sa droite, épouvantée, sentit le danger de la position où elle s'était placée, et rétrograda en grande hâte. Le duc de Rivoli l'attaqua alors en tête. Pendant que la déroute du centre portait la consternation et forçait les mouvemens de la droite de l'ennemi, sa gauche était attaquée et débordée par le duc d'Auerstaedt, qui avait enlevé Neusiedel, et qui, étant monté sur le plateau, marchait sur Wagram. La division Broussier et la division Gudin se sont couvertes de gloire.

»Il n'était alors que dix heures du matin, et les hommes les moins clairvoyans voyaient que la journée était décidée, et que la victoire était à nous.

» A midi le comte Oudinot marcha sur Wagram pour aider à l'attaque du duc d'Auerstaedt. Il y réussit, et enleva cette importante position. Des dix heures l'ennemi ne se battait plus que pour sa retraite ; des midi elle était prononcée, et se fai

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sait en désordre, et beaucoup avant la nuit l'ennemi était hors de vue. Notre gauche était placée à Jetelsée et Ebersdorf, notre centre sur Obersdorf, et la cavalerie de notre droite avait des postes jusqu'à Sonkirchen.

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» Le 7, à la pointe du jour, l'armée était en mouvement, et marchait sur Korneubourg et Wolkersdorf, et avait des postes sur Nicolsbourg. L'ennemi, coupé de la Hongrie et de la Moravie, se trouvait acculé du côté de la Bohême,

» Tel est le récit de la bataille de Wagram, bataille décisive, et à jamais célèbre, où trois à quatre cent mille hommes, douze à quinze cents pièces de canon se battaient pour de grands intérêts, sur un champ de bataille étudié, médité, fortifie par l'ennemi depuis plusieurs mois. Dix drapeaux, quarante pièces de canon, vingt mille prisonniers, dont trois ou quatre cents officiers, et bon nombre de généraux, de colonels et de majors, sont des trophées de cette victoire. Les champs de bataille sont couverts de morts, parmi lesquels on trouve les corps de plusieurs généraux, et entre autres d'un nommé Nor mann, Français traître à sa patrie, qui avait prostitué ses talens contre elle.

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» Tous les blessés de l'ennemi sont tombés en notre pouvoir: ceux qu'il avait évacués au commencement de l'action ont été trouvés dans les villages environnans. On peut calculer que le résultat de cette bataille sera de réduire l'armée autrichienne à moins de soixante mille hommes.

Notre perte a été considérable: on l'évalue à quinze cents hommes tués, et à trois ou quatre mille blessés.

»Le duc d'Istrie, au moment où il disposait l'attaque de la cavalerie, a eu son cheval emporté d'un coup de canon; le boulet est tombé sur sa selle, et lui a fait une légère contusion à la cuisse.

Le général de division Lasalle a été tué d'une balle. C'était un officier du plus grand mérite, et l'un de nos meilleurs géné raux de cavalerie légère.

Le général bavarois de Wrede, et les généraux Séras, Grenier, Vignoble, Sahuc, Frère et Defrance, ont été blessés.

Le colonel prince Aldobrandini a été frappé au bras par une balle. Les majors de la garde Dausmenil et Corbineau, et le colonel Sainte-Croix, ont aussi été blessés. L'adjudant commandant Duprat a été tué. Le colonel du neuvième d'infanterie de ligne est resté sur le champ de bataille : ce régiment s'est couvert de gloire.

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L'état-major fait dresser l'état de nos pertes.

» Une circonstance particulière de cette grande bataille, c'est que les colonnes les plus rapprochées de Vienne n'en étaient

pas à douze cents toises; la nombreuse population de cette capitale couvrait les tours, les clochers, les toits, les monticules, pour être témoin de ce grand spectacle.

» L'empereur d'Autriche avait quitté Wolkersdorf le 6, à cinq heures du matin, et était monté sur un belvédère, d'où il voyait le champ de bataille, et où il est resté jusqu'à midi. Il est alors parti en toute hâte.

» Le quartier général français est arrivé à Wolkersdorf dans la matinée du 7. >>

On lit encore dans les bulletins postérieurs (il y en a eu trente dans cette guerre ) :

«La retraite de l'ennemi est une déroute: on a ramassé une partie de ses équipages; ses blessés sont tombés en notre pouvoir; on en compte déjà au-delà de douze mille; tous les villages en sont remplis ; dans cinq de ses hôpitaux seulement on en a trouvé plus de six mille.

".....Vingt villages, les plus considérables de la belle plaine de Vienne, et tels qu'on en voit aux environs d'une grande capitale, ont été brûlés pendant la bataille de Wagram.

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L'ennemi abandonne la Moravie et la Hongrie, et se retire en Bohême..

»....... D'après tous les renseignemens qui ont été pris, maison d'Autriche se préparait à la guerre depuis près de quatre ans, c'est à dire depuis la paix de Presbourg. Son état militaire lui a coûté, pendant trois années, trois cents millions de francs chaque année; aussi son papier-monnaie, qui ne se montait qu'à un milliard de francs lors de la paix de Presbourg, passe-t-il aujourd'hui deux milliards.

* La maison d'Autriche est entrée en campagne avec soixante-deux régimens de ligne, dix-huit régimens de frontières, quatre corps francs ou légions, ayant ensemble un présent sous les armes de trois cent dix mille hommes; cent cinquante bataillons de landwerhs, commandés par d'anciens officiers, et exercés pendant dix mois, formant cent cinquante mille hommes ; quarante mille hommes de l'insurrection hongroise, et soixante mille hommes de cavalerie, d'artillerie et de sapeurs ; ce qui a porté ses forces réelles de cinq à six cent mille hommes. Aussi la maison d'Autriche se croyait-elle sûre de la victoire; elle espérait balancer les destins de la France, lors même que toutes nos forces auraient été réunies; et elle ne doutait pas qu'elle ne s'avançât sur le Rhin, sachant que la majeure partie de nos troupes et nos plus beaux régimens

étaient en Espagne. Cependant ses armées sont aujourd'hui réduites à moins du quart, tandis que l'armée française est double de ce qu'elle était à Ratisbonne.

» Ces efforts la maison d'Autriche n'a pu les faire qu'une fois; c'est un miracle attaché au papier-monnaie : le numéraire est si rare que l'on ne croit pas qu'il y ait dans les états de cette monarchie soixante millions de francs en espèces; c'est ce qui soutient le papier-monnaie, puisque près de deux milliards, qui, moyennant la réduction au tiers, ne valent que six à sept cents millions, ne sont que le signe nécessaire à la circulation.

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A présent que la monarchie autrichienne est sans espérance, ce serait mal connaître le caractère de ceux qui l'ont gouvernée que de ne pas s'attendre qu'ils s'humilieront comme ils le firent après la bataille d'Austerlitz. A cette époque ils étaient, comme aujourd'hui, sans espoir, et ils épuisèrent les protestations et les sermens. »>

En effet, dans la journée du 10 juillet, l'empereur d'Autriche envoya auprès de Napoléon le prince Jean de Lichtenstein pour obtenir une suspension d'armes ; elle fut signé le 12, devant Znaïm.

Les conférences pour la paix commencèrent immédiatement entre les ministres respectifs des deux puissances. Elles durèrent trois mois, pendant lesquels Napoléon continua d'habiter le palais impérial de Schoenbrunn, d'où il rendit, assisté du Conseil d'état, des décrets relatifs à l'administration de son Empire et aux besoins de sa politique. C'est à Schoenbrunn qu'il apprit l'expédition anglaise de l'Escaut. (Voyez plus loin. ) C'est encore là que fut négocié et consenti, comme une condition secrète de la paix, le mariage de l'archiduchesse Marie-Louise avec l'empereur des Français, événement qui commencera la chaîne des malheurs et enfin la décadence de l'Empire français et de son chef.

Napoléon marqua les premiers momens de son séjour à Schoenbrunn par des décrets qui accordaient aux chefs et aux soldats de la grande armée les récompenses dues à leur dévouement et à leur inébranlable courage des baronies et des dotations, des titres, des grades ou des pensions, l'étoile de l'honneur enfin, voilà ce qui, selon son rang et son mérite, était décerné au plus brave de chaque corps, de chaque régiment, et même de chaque compagnie. Entouré de tant de héros et de serviteurs fidèles, Napoléon semblait craindre de ne plus posséder assez de moyens de reconnaissance et d'émulation; il créa un ordre des Trois Toisons d'Or, et s'en déclara le grand maître, sans doute comme héritier de la triple puissance qui

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