Page images
PDF
EPUB

la taille ou la force nécessaires pour la guerre ; sur ce nombre il en est que des réglemens d'administration publique ont, pour l'intérêt des sciences, de l'agriculture, des arts, du culte, du commerce et des manufactures, exemptés du service; il en est que des senatus-consulte ont libérés: tels sont tous ceux qui s'étaient mariés avant la promulgation du décret qui les appelait.

[ocr errors]

Mais, toutes défalcations faites, nos registres sont encore chargés de quatre cent soixante-six mille noms de conscrits qui doivent concourir à former le contingent que S. M. demande. Sur ce nombre il se trouvera encore quelques hommes à réformer, quelques hommes à qui des exemptions seront dues ce nombre sera infiniment petit, vu les réformes qui déjà ont été prononcées et les exemptions accordées.

»Vous venez de voir, sénateurs, que les classes de 1806, 1807, 1808, 1809 et 1810, fourniront avec facilité le contingent qui leur est demandé; il ne me reste donc plus qu'à vous montrer qu'elles le fourniront avec empressement : j'en ai pour garant l'exemple récent et si mémorable d'Anvers.

» Vous avez été les témoins de l'ardeur avec laquelle les Français ont volé au-devant de l'armée anglaise; vous avez vu combien ceux qui n'avaient pas été appelés ont témoigné de regrets!

»Dans d'autres pays les administrateurs sont forcés d'exciter le zèle; ici ils ont été obligés de le modérer: tous voulaient marcher pour aller combattre ces implacables ennemis de la France; mais ils nous ont refusé la gloire de les vaincre.

» Des considérations d'un ordre différent contribueront aussi à rendre cette levée prompte et facile.

>> On croira avec raison que, si cette levée ne dispense pas les classes de 1811 et 1812 de fournir des contingens, ces contingens seront probablement affaiblis, et ne seront requis qu'à des époques éloignées.

» La libération absolue des classes antérieures frappera d'autres esprits : d'autres seront touchés de la bonté paternelle avec laquelle S. M. confirme les réformes légalement faites, et resserre, s'il est possible, les nœuds qui unissent de jeunes époux.

» Mais ce qui frappera le plus et le plus vivement, c'est l'espoir fondé que cette levée forcera les négociateurs autrichiens à signer la paix qu'on leur propose. C'est encore l'espérance de voir les Anglais, humiliés à Anvers, vaincus en Espague affaiblis par les maladies, épuisés par leurs efforts, divisés dans leurs opinions, bien instruits de notre unanimité de sentimens et de vœux, demander enfin à traiter d'une paix qui

nous est sans doute nécessaire, mais qui leur est indispensable, parce que leur existence y est peut-être attachée.

» Tous ces motifs n'existassent-ils point, cette levée se ferait encore avec rapidité et avec empressement. Toutes les fois que le Sénat ouvrira aux Français la carrière de la gloire, toutes les fois qu'il les appellera à défendre la patrie, toutes les fois qu'il les invitera à suivre Napoléon-le-Grand, c'est à dire à marcher à la victoire, on les verra exécuter vos décrets avec cet élan et cette rapidité que les Français seuls savent donner à leur obéissance. »

Le projet de senatus-consulte présenté par M. Lacuée est renvoyé à l'examen d'une commission composée des sénateurs Lacepède, Laplace, Semonville, Garnier et Demont; et le 5 du même mois, sur un rapport fait par M. Lacépède au nom de cette commission, le Sénat décrète qué trente-six mille conscrits, à prendre sur les années 1806, 1807, 1808, 1809 et 1810, sont à la disposition du gouvernement, qui peut les mettre sur le champ en activité.

RÉUNION DES ÉTATS ROMAINS A L'EMPIRE FRANÇAIS.

On a vu que la guerre d'Autriche, ou plutôt la cinquième coalition suscitée par l'Angleterre, se préparait depuis la paix de Presbourg. La cour de Rome, dont l'ambition était étroitement retenue dans les termes du Concordat, voyait avec dépit son impuissance politique; elle reconnaissait chaque jour que la religion n'était qu'un instrument dans les mains de Napoléon, qui non seulement opposait des obstacles nécessaires aux empiètemens du Saint-Siége, mais disposait encore,selon sa convenance de différentes parties du territoire compris jadis dans les états de l'Église, telles que les principautés de Bénévent et de Ponte-Corvo. Rome se trouvait trompée dans les espérances que lui avait fait concevoir sa restauration : elle prêta l'oreille aux ennemis de la France; elle protégea leurs intrigues, ou ne fit rien pour les déjouer. Napoléon, ne redoutant que les adversaires qu'il ne voyait point en face, fit occuper Rome par ses troupes dès le mois de février 1808. Frappé bientôt après d'un bref comminatoire d'excommunication, il se borne à répondre qu'il VEUT que l'Italie forme une ligue, afin d'en éloigner la guerre. Le serviteur du Dieu de paix objecte que cette ligue, en lui imposant l'obligation d'une défense, le place dans un état de guerre trop contraire à ses devoirs sacrés pour qu'il puisse la contracter; et le légat du pape quitte Paris. Au même moment un renfort de troupes françaises va compléter l'occupation militaire des domaines apostoliques. (Mars et avril 1808.)

Depuis lors Napoléon avait eu l'Espagne à conquérir, et l'Autriche à châtier. Le 17 mai 1809, étant à Vienne, il accomplit son grand dessein de régénérer l'ancienne maîtresse du monde ; il décrète que les états de Rome font partie de l'Empire français.

La publication de cet acte provoque contre son auteur une bulle d'excommunication, dans laquelle le pape Pie VII, qui s'était montré digne du siècle par ses lumières et sa philosophie, ose néanmoins reproduire encore cette doctrine vieillie et plus qu'erronée des humbles successeurs de saint Pierre : « Que les souverains apprennent encore » une fois qu'ils sont soumis par la loi de Jésus-Christ à notre tróne » et à notre commandement; car nous exerçons aussi une souveraineté, mais une souveraineté bien plus noble, à moins qu'il ne » faille dire que l'esprit doit céder à la chair, et les choses du ciel à » celles de la terre. >>

Le souverain pontife, dépossédé de tout pouvoir temporel, fut conduit d'abord à Grenoble, puis à Savone, et enfin à Fontainebleau; et c'est là que, réduit à ne s'occuper que des choses du ciel, il consentira avec Napoléon un nouveau Concordat dont il sera bientôt dégagé par les événemens de 1814.

A son retour de la guerre d'Autriche, dans une audience solennelle donnée aux Tuileries le 16 novembre 1809, Napoléon parla ainsi aux députés de Rome qui étaient venus le remercier de la réunion de cette antique capitale au moderne Empire qui avait hérité de sa toute-puissance :

"

Messieurs les députés des départemens de Rome, mon esprit est plein des souvenirs de vos ancêtres. La première fois que je passerai les Alpes, je veux demeurer quelque temps dans votre ville. Les empereurs français mes prédécesseurs vous avaient détachés du territoire de l'Empire, et vous avaient donnés comme fief à vos évêques; mais le bien de mes peuples n'admet plus aucun morcellement: la France et l'Italie fout entière doivent être dans le même système. D'ailleurs vous avez besoin d'une main puissante; j'éprouve une singulière satisfaction à être votre bienfaiteur. Mais je n'entends pas qu'il soit porté aucun changement à la religion de nos pères; fils aîné de l'Eglise, je ne veux point sortir de son sein. Jésus-Christ n'a point jugé nécessaire d'établir pour saint Pierre une souveraineté temporelle. Votre siége, le premier de la chrétienté, continuera à l'être; votre évêque est le chef spirituel de l'Eglise, comme j'en suis l'empereur. Je rends à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César. »

Dans le même temps, et par un ordre seeret, les journaux pu

bliaient l'article suivant, daté de Ratisbonne (le 3 décembre 1809), et contenant la pensée du gouvernement français.

«La dignité impériale de Rome et d'Allemagne a cessé d'exister par l'abdication de l'empereur François dans l'année 1806: elle n'existait plus en effet depuis longtemps que de nom, relativement à Rome et à l'empire romain, quoique l'empereur et les écrivains politiques affirmassent le contraire. Il est donc certain que dès l'année 1806 le grand empereur des Français avait le droit de prendre le titre d'empereur des Français et des Romains, s'il avait voulu ajouter quelque chose de nouveau aux titres glorieux dont il jouissait déjà, et décorer son front de l'embleme fugitif d'une couronne étrangère. L'homme sage méprise l'éclat qui n'est pas justifié par la puissance. L'année 1809, qui a placé tant de lauriers sur la tête de Napoléon, le rend aussi maître de Rome. Il révoque les dons qui ont été faits par Charlemagne, son illustre prédécesseur, aux évêques de Rome, et dont ces derniers ont abusé au préjudice de leurs devoirs spirituels et des intérêts des peuples qui avaient été mis dans leur dépendance. Napoléon, comme premier et légitime souverain de Rome, peut actuellement, usant des mêmes droits que son illustre prédécesseur, prendre le titre d'empereur des Français et des Romains.

:

» Les aigles que Charlemagne apporta de Rome, et qu'il plaça sur les tours de son palais à Aix-la-Chapelle, ont été rendues aux Romains par Napoléon : il les rend co-partageans de son Empire et de sa gloire; et, mille ans après le règne de Charlemagne, on va frapper une nouvelle médaille portant cette inscription mémorable Renovatio imperii. Lorsque Charlemagne transféra la dignité romaine impériale aux Francs, il établit par là un nouvel empire d'Occident, quel, après des siècles d'oubli, reparaît avec plus de splendeur; car on doit regarder Napoléon-le-Grand comme le fondateur d'un nouvel empire d'Occident. Sous ce rapport, Napoléon doit être regardé comme une providence par toute l'Europe

civilisée.

le

» C'est ainsi que la paix sera complètement rétablie en Europe. Le grand nombre de peuples bien intentionnés auxquels la puissance de Napoléon paraissait tyrannique lorsqu'ils se croyaient exempts de toute espèce de devoirs envers lui, et que leur opinion semblait être la règle unique de leur conduite, rempliront désormais leurs nouveaux devoirs avec une inviolable fidélité. Considéré sous ce point de vue, on jugera que le rétablissement de l'empire d'Occident par Napoléon est une

[ocr errors]

mesure qui lui a été commandée autant pour l'intérêt de l'Europe que par le principe de sa propre conservation. >>

Le décret de Vienne, du 17 mai 1809, avait reçu son exécution, lorsqu'il fut reproduit ostensiblement et confirmé par le senatusconsulte (1) ci-après, décrété le 17 février 1810.

<< LE SÉNAT CONSERVATEUR, etc., décrète :

TITRE ler.. · De la réunion des états de Rome à l'Empire.

ART 1". L'état de Rome est réuni à l'Empire français, et en fait partie intégrante.

» 2. Il formera deux départemens, le département de Rome et le département de Trasimene.

3. Le département de Rome aura sept députés au corps législatif; le département de Trasimene en aura quatre.

[ocr errors]

4. Le département de Rome sera classé dans la première série; le département de Trasimene dans la seconde.

5. Il sera établi une sénatorerie dans les départemens de Rome et de Trasimene.

» 6. La ville de Rome est la seconde ville de l'Empire. Le maire de Rome est présent au serment de l'empereur à son avénement; il prend rang, ainsi que les députations de la ville de Rome, dans toutes les occasions, immédiatement après les maires et les députations de la ville de Paris.

7. Le prince impérial porte le titre et reçoit les honueurs de roi de Rome.

[ocr errors]

8. Il y aura à Rome un prince du sang ou un grand dignitaire de l'Empire qui tiendra la cour de l'empereur.

» 9. Les biens qui composeront la dotation de la couronne impériale, conformément au senatus-consulte du 30 janvier dernier, seront réglés par un senatus-consulte spécial.

[ocr errors]

10. Après avoir été couronnés dans l'église de NotreDame de Paris, les empereurs seront couronnés dans l'église de Saint-Pierre de Rome avant la dixième année de leur règne.

[ocr errors]

11. La ville de Rome jouira de priviléges et immunités particuliers, qui seront déterminés par l'empereur Napoléon.

(1) La réunion des états romains à la France a été adoptée à la najorité de quatre-vingt-deux voix contre quatorze. Cet acte est un de ceux qui ont réuni le plus d'épposans dans le Sénat.

« PreviousContinue »