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SECONDE PARTIE.

RAISONS DÉTERMINANTES.

A ces preuves, que nous voulons bien appeler indirectes et négatives, nous allons en ajouter d'autres, que nous regardons comme positives et absolues: nous allons faire voir que, précisément dans les circonstances où nous nous trouvons, l'action publique de l'Épiscopat a été et pourra devenir bientôt encore un rigoureux devoir.

Il nous suffit pour cela d'établir les propositions suivantes :

1° Les questions dans lesquelles nous sommes déjà intervenus sont religieuses et non pas politiques;

2° Ces questions sont graves et même déci– pour la Religion en France;

sives

3o Dans des questions où la ruine de la Religion est en cause, c'est pour nous un rigoureux devoir d'intervenir;

4. De ce que le danger vienne des lois et des

puissances humaines, ou de ce qu'on n'ait pas l'espoir de le détourner tout à fait pour le moment, il ne s'ensuit nullement que nous ne devions pas le repousser. Ces deux circonstances ne changent rien à notre devoir;

5° La forme de notre gouvernement constitutionnel exige plus que jamais que l'action des Evêques par la parole soit publique ;

6° C'est surtout par la parole écrite que les Evêques sont obligés de défendre publiquement les intérêts de la Religion dans les questions qui nous occupent;

7° Les Evêques ont, de droit divin, le pouvoir de faire publiquement usage de la parole, quand ils le croient nécessaire aux intérêts de l'Eglise.

PREMIÈRE PROPOSITION.

Les questions dans lesquelles nous sommes déjà intervenu sont religieuses, et non pas politiques.

Ce qui donne tout d'abord aux plaintes dont nous avons été l'objet une apparence de fondement, c'est que l'on signale nos publications comme autant d'interventions dans le domaine politique.

A cela, des personnes bien intentionnées ont

répondu, qu'après tout, les Evêques avaient, comme tous les autres, leurs droits de citoyens; que, par l'ordination, non plus que par le sacre, ils n'abjuraient pas leur nationalité, et que l'on ne voyait pas pourquoi, quand leur conscience les porte vers une opinion politique, ils ne seraient pas en droit de l'appuyer par des moyens dont le premier venu peut, de l'aveu de tous, légitimement user.

Cette réponse est légalement irrécusable, mais nous n'en n'avons nullement besoin pour justifier notre intervention dans les débats actuels; nous refusons même positivement d'en faire usage dans notre propre cause; et sans blâmer aucunement ceux qui, même avec le caractère sacré du sacerdoce catholique, continuent à s'ingérer publiquement dans les conflits de la politique purement humaine, nous déclarons, en ce qui nous concerne, que si les questions qui nous occupent fussent restées renfermées dans cette sphère, nous n'eussions pas écrit et surtout nous n'eussions pas publié une ligne à leur occasion.

Mais nous avons déjà dit et nous soutenons de nouveau que ces questions n'appartiennent pas, par le fond, à la politique; qu'elles appar→ tiennent surtout, et presque uniquement, à la Religion.

En effet, de quoi s'agit-il, au fond de tout ce qui a été dit? De rien autre chose que de la de la pureté des doctrines et de la liberté des consciences. Or, qu'y a-t-il de plus essentiellement religieux que la doctrine et la conscience? A quoi se réduit tout ce que nous avons publié ? A deux points exclusivement:

1o A prouver que certains projets de loi livraient l'intégrité de nos immuables doctrines à la merci d'un enseignement dénué, par sa propre nature, de tout principe et de tout frein;

2o A faire voir que, de l'ensemble des mesures administratives, prises par le Gouvernement à l'égard de la Religion, résulte un système qui soumettrait toute l'économie de l'Eglise à la discrétion d'un pouvoir tout humain, et, de la sorte, soustrairait les consciences chrétiennes à l'action des pasteurs établis de Dieu, pour les livrer à la dépendance absolue d'une puissance illégitime.

Il est permis, sans aucun doute, sur d'autres points, de ne pas partager notre conviction et de ne pas goûter nos raisonnements; mais estil permis ici de dire que ce ne sont pas là des idées, des considérations, des représentations éminemment et même exclusivement religieuses? Et qu'y a-t-il donc, encore une fois, de plus inhérent à l'essence de la Religion que des doc

trines de foi à conserver pures et des âmes à maintenir dans le chemin du salut?

Si donc la politique se trouve atteinte par nos paroles, ce n'est pas du tout que nous soyons entré dans son domaine; c'est uniquement parce qu'elle est venue indiscrètement dans le nôtre.

Le domaine de la politique, nous le connaissons bien: mais est-ce qu'on nous y a jamais vu? Certes, nous avons, comme citoyen, autant d'intérêt que d'autres à sonder les fondements humains de l'ordre social, à discuter les questions matérielles qui intéressent la gloire, la force et l'avenir de la France. L'avons-nous jamais fait? A l'intérieur, parmi des milliers de lois nouvelles, il y a eu des lois de régence et des projets de loi de dotation. A l'extérieur, parmi des milliers de négociations, il y a eu d'immenses affaires d'honneur national, et sur les côtes barbares de la Méditerranée, et sur les îles lointaines de l'océan Pacifique, et dans les contrées de l'Orient les plus riches en souvenirs : de longues et brûlantes discussions ont eu lieu sur tous ces points; y a-t-on vu paraître l'Episcopat catholique? A-t-on cité sur cela seulement un mot de lui? Pourrait-on dire avec assurance quelle est son opinion sur ces questions majeures, même dans ce qu'elles ont de plus fonda

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