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verte avec l'occupant. Celui-ci ne pourrait évidemment tolérer qu'ils voulussent, comme en temps ordinaire, assurer l'application des lois dont il est obligé de suspendre l'effet. De part et d'autre, il doit y avoir un égal esprit de conciliation et un égal désir de continuer au pays les bienfaits d'une justice régulière. Les magistrats seront traités par l'occupant comme les fonctionnaires civils : ils ne seront jamais sollicités de se faire ses instruments; ils jouiront d'une complète indépendance dans l'exercice de leur ministère, pourvu qu'ils tiennent compte du fait majeur de l'occupation et des conséquences nécessaires qui en dérivent.

Dans le cas où les juridictions établies se trouveraient suspendues, l'occupant y suppléerait par des institutions nouvelles. Ce serait pour lui un devoir d'autant plus impérieux que l'occupation se prolongerait davantage.

CHAPITRE III.

Impôts.

L'occupant ne saurait évidemment tolérer que ses adversaires continuassent à lever l'impôt sur le territoire envahi : n'ayant plus à se préoccuper de l'administration locale, ceux-ci ne manqueraient pas d'appliquer à la guerre le montant des fonds perçus. Il interdira donc aux particuliers et aux receveurs publics de faire aucune transmission de numéraire au gouvernement légal; comme sanction de cette défense, il édictera des peines contre les contrevenants, et les rendra personnellement responsables des sommes ver

sées.

Mais ce n'est point assez l'occupant est fondé à opérer lui-même la perception de tous les impôts, redevances, droits et péages déjà établis au profit de l'Etat. Puisqu'il a le devoir de veiller au maintien de l'ordre et de la vie publique, il a le droit corrélatif de disposer des ressources correspondant à cette charge.

Quant aux contributions provinciales ou communales, affectées à des dépenses d'intérêt local, aucune raison ne l'autorise à y porter la main; il peut seulement en surveiller l'emploi, pour que le produit n'en soit pas détourné vers un but hostile.

Le produit des impôts qu'il perçoit devra être appliqué d'abord aux frais de l'administration du pays. Il y contribuera dans la mesure déterminée par les nécessités du moment et par les lois de finances en vigueur. Peut-être se trouvera-t-il parfois obligé de distraire momentanément au profit de son armée tout ou partie des fonds perçus; car le soin de son salut restera sa première loi; mais, aussitôt que les circonstances le lui permettront, il devra consacrer à l'administration du pays une part suffisante des revenus qu'il en tire.

En règle, la destination des impôts ne doit pas être modifiée; c'est par la voie de réquisitions régulières ou contributions qu'il convient de procéder, en cas de besoin, pour subvenir aux nécessités de la guerre.

L'occupant n'a point à créer d'impôts nouveaux. Dans les sociétés modernes, l'établissement de l'impôt est un attribut de la puissance souveraine, qui continue à résider dans les mêmes mains jusqu'à la conquête définitive. La possession temporaire du sol ne saurait par conséquent conférer à l'envahisseur le droit de lever des contributions nouvelles.

Autant que possible, l'occupant ne doit rien changer au mode de perception organisé par le gouvernement légal: son intérêt, sur ce point, est conforme à celui des populations. Mais il peut se trouver dans l'impossibilité matérielle de faire

fonctionner le système établi, par suite de la retraite ou du mauvais vouloir des agents chargés d'en assurer le jeu régulier. Comment parviendrait-il, sans un personnel au courant du service, à percevoir le produit de l'enregistrement, du timbre et de tant d'autres taxes d'un mécanisme compliqué? Du moment qu'on ne lui contestait pas le droit de prélever les impôts, on a dû aussi, pour le cas où la perception lui en était impossible, lui reconnaître la faculté d'en lever l'équivalent. Ainsi, dans les plus récentes guerres, l'occupant ne s'est fait aucun scrupule de remplacer par un seul impôt direct les contributions de diverse nature dont il ne pouvait opérer le recouvrement. Cet impôt unique était réparti au prorata entre les communes occupées; rendues directement responsables, celles-ci se procuraient les fonds nécessaires, et exerçaient ensuite, comme elles le pouvaient, leur recours contre les contribuables.

TITRE III

DES PERSONNES

CHAPITRE PREMIER

Respect des personnes.

Les temps modernes ont vu s'introduire dans le droit de la guerre un principe, dont les mœurs imposeront l'application avec une rigueur toujours croissante c'est le respect des per

sonnes.

Il ne s'agit pas ici des combattants, dont il a été question dans la première partie de ce livre, mais des habitants du territoire occupé, des femmes, des enfants, des vieillards, des artisans, des cultivateurs et de toutes les personnes qui ne prennent pas une part active aux opérations militaires, et qui ne sont pas attachées à l'armée.

La population pacifique n'est plus, comme autrefois, abandonnée à la merci de la soldatesque. On ne voit plus se renouveler, dans l'Europe occidentale, les excès qui, aux XVII et XVIII° siècles encore, donnaient un caractère sauvage aux con

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