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flits internationaux. L'occupant tient à honneur d'assurer une complète sécurité aux habitants inoffensifs de l'État ennemi, et, grâce aux progrès de la civilisation et à l'adoucissement des mœurs, la discipline parvient à triompher des passions surexcitées par la lutte.

Dans ses rapports avec la population, le soldat est obligé à la même réserve que s'il tenait garnison dans son pays. Il doit s'abstenir, comme d'un crime, de tout attentat contre la vie des individus et de toute violence contre leur personne. C'est pour lui une obligation absolue de respecter l'honneur et les droits de la famille, de ne porter aucune atteinte à la pudeur des femmes, à la pureté des enfants, à la faiblesse vénérable des vieillards. Le meurtre, les menaces sous condition, les blessures, les violences, les attentats aux mœurs, les arrestations ou séquestrations arbitraires, l'enlèvement de mineurs, le rapt sont des crimes, en temps de guerre comme en temps de paix, en pays ennemi comme sur le territoire national. La punition en est poursuivie conformément au Code de justice militaire, et les officièrs ont à prévenir et à réprimer tout excès de la part de leurs hommes (1).

Le respect des personnes implique le respect des convictions religieuses et des cultes. Aucun trouble ne devra être apporté par l'occupant aux

(4) Ordonnance de 1832, art. 210, § 2.

cérémonies du culte, si elles ne constituent pas un danger pour sa propre sécurité ou pour l'ordre public. Il s'abstiendra de tout acte qui pourrait être considéré comme une profanation, et il évitera, autant que possible, de modifier la destination des édifices consacrés. On ne saurait pourtant lui interdire, en cas de besoin absolu, de prendre momentanément possession d'une église ou d'un temple, soit pour y établir une ambulance, soit pour y abriter ses troupes, soit même pour y pratiquer sa religion. Mais ce sont là des questions délicates, que les autorités militaires ne soulèveront jamais sans nécessité, et pour le règlement desquelles elles devront témoigner d'un grand esprit de conciliation et de prudence.

En principe, l'occupant ne doit exiger des habitants du territoire occupé aucun acte contraire à leurs sentiments de patriotisme. Cette prohibition dérive du respect dû aux personnes : c'est aussi une conséquence de ce que l'occupation ne subroge pas l'envahisseur aux droits du souverain légal. Les habitants ayant conservé les mêmes devoirs envers leur patrie et leur souverain, il y aurait abus et barbarie à les forcer d'y faillir. Tout ce que l'envahisseur peut leur demander légitimement, en échange de la tranquillité qu'il leur laisse, c'est de garder une attitude passive, et de ne point lui créer d'embarras. Mais les usages modernes, d'accord avec les prescriptions

du droit, ne lui permettent pas de les contraindre à prendre une part directe aux opérations militaires contre leur pays. Il exciterait là réprobation générale s'il levait des recrues parmi eux, s'il les obligeait à combattre, s'il les menait à la tranchée, s'il les poussait à des actes d'hostilité directe et immédiate contre leur patrie.

Parfois cependant, les nécessités de la guerre l'obligent à réclamer d'eux un concours actif, peu conciliable avec les scrupules de leur patriotisme, avec le respect dû à leurs sentiments et à leur personne; mais il ne devra requérir ces offices personnels qu'exceptionnellement, dans les circonstances et sous les conditions indiquées au chapitre suivant.

Une dernière conséquence du principe supérieur que nous étudions ici, c'est que la population du territoire occupé ne doit pas être astreinte à prêter serment à la Puissance ennemie. A quel titre l'envahisseur réclamerait-il un engagement dé sujétion perpétuelle ou temporaire, alors que l'occupation ne lui a pas conféré la souveraineté ? Quant aux habitants, ne demeurent-ils pas liés au souverain légal par les mêmes obligations qu'avant la guerre? Il y aurait abus de force et mépris de la conscience humaine à exiger d'eux une promesse que l'honneur et le patriotisme leur défendent de donner. Sur ce point encore, les usages modernes sont en harmonie avec les enseignements de la doctrine.

Durant les dernières guerres européennes, l'occupant n'a pas même exigé le serment des fonctionnaires qu'il laissait en place : la régularité de leur conduite lui était garantie par des moyens d'une moralité moins contestable et d'une efficacité plus certaine.

Les règles qui viennent d'être exposées s'appliquent à tous les habitants pacifiques du territoire envahi, sans distinction de nationalité. En principe. les sujets des Puissances neutres, établis dans le pays occupé, sont, au regard de l'occupant, soumis aux mêmes obligations que les indigènes. Cependant les traités conclus par l'envahisseur avec leur gouvernement peuvent leur assurer des immunités spéciales; d'autre part, il est souvent politique de leur accorder un traitement plus favorable: il y a donc là une question qui ne comporte pas de solution rigoureuse, et que les autorités militaires s'appliqueront à régler pour le mieux d'après les circonstances. En tous cas, les sujets des pays neutres sont astreints, par leur situation même, à une réserve absolue, et ils doivent s'abstenir avec le plus grand soin de prendre parti dans le conflit qui s'agite autour d'eux.

110 RÉQUISITIONS DE SERVICES PERSONNELS.

CHAPITRE II.

Requisitions de services personnels.

Durant le cours des opérations militaires, l'envahisseur peut avoir besoin de renseignements pour ses marches, de moyens de transport pour son matériel ou ses subsistances, de bras pour des travaux urgents. Les lois de la guerre l'autorisent à requérir des guides, des convoyeurs et des ouvriers parmi les habitants du territoire occupé. (Ordonnance de 1832, Art. 117, 129, 190, 209).

Cette faculté, on ne saurait le nier, est peu conciliable avec le respect dû aux personnes aussi doit-on la considérer comme une exception au principe général, exception à laquelle il ne faut pas recourir sans absolue nécessité. Il est évident, en effet, que la personne obligée de guider ou de faciliter les expéditions de l'ennemi se trouve cruellement atteinte dans son patriotisme.

Du reste, les usages modernes ne donnent pas à l'envahisseur le droit de requérir toutes espèces de services personnels. Ils ne permettent aucune dérogation à la règle énoncée au chapitre précédent, d'après laquelle les habitants du territoire envahi ne doivent pas être contraints à des actes d'hostilité directe et immédiate contre leur patrie. La distinction entre les réquisitions permises

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