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> n'envoie plus qu'une chaleur vivifiante; les nuages peints
de ses rayons variés, revêtent le ciel d'une robe magni-
fique, dont les formes et les couleurs, changeant sans
cesse, offrent à l'imagination une foule de fanto,
> passagers et bizarres. La terre orgueilleuse de fécondité
se hâte de mûrir les fruits dont elle doit couronner
l'année, et ses diverses tribus se livrent à la joie. Voici
» l'heure de la promenade pour celui qui cherchant les
côteaux écartés et solitaires, veut s'entretenir avec la

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nature....

» Les vrais amis, dont les sentimens sont à l'unisson, dont l'œil éclairé découvre les beautés d'un monde idéal inconnu du vulgaire, dont l'esprit est enrichi des » trésors divins de la philosophie, dont le cœur brûle de » cet enthousiasme de vertu que les fils de l'intérêt traitent

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de chimère, vont ensemble dans la campagne pour ■ jouir du déclin du jour ; ils errent sous le portique verdoyant des bois, dans le vaste lycée de la nature, » dans cette école sacrée où ne règne point un maitre ■ orgueilleux ; et ils s'instruisent réciproquement dans les » libres et sages entretiens de l'amitié. A cette heure les » vrais amans se dérobent au monde, et cherchant une > retraite mystérieuse, ils épanchent leurs ames dans des > transports que le créateur de l'univers entend, approuve » et bénit. Dis, Amanda, où dirigerons-nous nos pas? » Le choix t'embarrasse (5); hé! quel motif aurais-je de choisir? Tous les lieux me sont égaux avec toi, etc. », Cette promenade, faite avec sa maîtresse, échauffe l'imagination du poëte, l'aspect florissant de son pays, exalte en son cœur l'amour de la patrie. Il s'étend avec complaisance sur les beautés et les richesses du sol, sur les qualités des habitans, sur les charmes des anglaises; il passe en revue les grands hommes d'état, les philosophes, les poëtes que l'Angleterre a produits, et finit

(5) Il y a dans l'anglais : Le choix est embarrassant › ce qui vaut mieux pour le sens.

An X. 1er. Trimestre.

C

par appeler de ses voeux les vertus et les biens qui fui manquent. C'est ainsi qu'il le à son sujet des pensées grandes et utiles, et donne à son ouvrage une importance que ne semblait pas comporter un poëme descriptif. Tel est St-Lambert, dans cet épisode déchirant où il montre les horreurs de la corvée, dans cette peinture de l'origine des arts et de leur influence sur le sort de l'humanité, et dans plusieurs autres endroits de son poëme des Saisons, où la poësie la plus aimable marche soutenue de la philosophie la plus saine.

On doit savoir gré au nouveau traducteur de Thompson, des notes qu'il a répandues pour l'intelligence du texte et d'une vie très-bien faite de son auteur, qu'il a mise en tête du livre. On y trouve l'analyse des ouvrages de Thompson, et les principales occurrences de sa vie. Je regrette qu'il n'y ait pas fait entrer son aventure avec le comédien Quin. Ces exemples d'estime et d'enthousiasme excités par le talent, méritent d'être offerts de tems en tems à notre nation, et pour cause.

Thompson dans les commencemens de sa carrière littéFaire, avait fort peu d'argent et fut une fois arrêté pour une fort petite dette. M. Quin, qui n'avait jamais vu Thompson, mais qui s'était souvent entretenu avec lui dans ses ouvrages, vole dans la maison de réclusion et le supplie de l'excuser de la liberté qu'il a prise de faire apporter son souper, pour jouir pendant quelques instans de sa société. On sert un excellent souper, et surtoutde bon vin, car l'acteur n'avait rien négligé pour rendre Je poëte plus traitable. Au milieu du dessert, et après avoir long-tems causé littérature: il est tems maintenant, dit Quin, de parler d'affaires. Thompson crut que son contive avait besoin de lui et offrit ses services de la manière la plus affectueuse. « Ce n'est pas encore de cela dont » il est question je vous dois cent guinées, et quoique » le terme ne soit pas encore venu de les payer, j'ai » pensé qu'elles pourraient vous être utiles en ce moment » et je vous les ai apportées. » Thompson fâché hi repro

:

ha de s'amuser aux dépens d'un homme dans la peine. Non, je ne badine pas, poursuivit l'acteur. » Et il fit promettre à Thompson de recevoir cette somme dans le cas où il lui prouverait qu'elle lui était légitimement due par acte notarié, et qu'il la recevrait infailliblement à l'échéance, dans le cas où il ne la toucherait pas dans ce moment. Alors il lui montra une copie certifiée du testament de fui-même, Quin, par lequel il instituait Thompson son légataire pour une somme de cent guinées, en reconnaissance du plaisir que lui avaient procuré ses ouvrages. « Vous » ne m'en voudrez pas, ajouta-t-il, de ravir à mes exécuteurs testamentaires, le plaisir d'accomplir cette disposition. » J.-B. S.

LITTÉRATURE.

POÉSIE.

CINQUIÈME SATIRE littéraire, morale et politique adressée à l'abbé SICARD, par Joseph DESPAZE. A Paris, chez Hamelin, libraire, Palais du Tribunat, galerie du Théâtre de la République, vis-à-vis le Café Saintard; et chez les marchands de nouveautés.

Il y a long-tems que Boileau lui-même a dit:

C'est un méchant métier que celui de médire.

Et tel mot, pour avoir réjoui le lecteur,

A coûté bien souvent des larmes à l'auteur.

Le C. Despaze qui court la carrière satirique, nous apprend qu'il a pensé être arrêté, dès les premiers pas, par une aventure tragique. Son imprimeur ayant lu Dubost, au lieu de Dabost,

Dubost voulut punir l'audace

D'un u qui, dans mes vers, d'un A surprit la place,
Et pour ce grand forfait, atteint d'un plomb brûlant,
Sur un lit de douleur je fus jeté sanglant.

On voit que cela fut sérieux. Et qu'anrait-ce été, s'il y avait eu beaucoup de fautes d'impression semblables? Il

est pourtant facheux d'avoir tous les jours une affaire pour une des vingt-quatre lettres de l'alphabet.

Le poëte, après sa guérison, s'est remis à faire une. satire nouvelle. C'est un grand signe de vocation et de talent pour le genre.

Pour nous, qui ne faisons point de satire, et qui', dans tous les tems, nous sommes tenus constamment en garde contre tout esprit de parti, nous n'examinerons point si les traits que lance le C. Despaze contre tels et tels, sont dirigés par la justice ou par quelque passion personnelle ; nous n'entrerous point dans ces grands débats; nous ne citerous même aucun nom; et nous nous contenterons de faire connaître à nos lecteurs le sujet de cet ouvrage et la manière dont il est traité. L'auteur, dans son avertissement, donne le plan de cette satire. Il annonce qu'it a voulu discuter les questions suivantes :

« Les dégoûts inséparables du genre satirique, ne de>> vraient-ils pas en éloiguer tout homme sage?

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» La satire a-t-elle jamais été utile ? le serait-elle à l'époque où nous vivons?—

>> Peut-elle avoir une marche sûre et un but déter» miné ?

» Le style véhément lui convient-il mieux que le ton » badin?

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» Se borne-t-elle à des esquisses particulières? ou bien s'impose-t-elle l'obligation de peindre en grand comme T'histoire ?

» Se décidera-t-elle à nommer? et, dans ce cas, nom» mera-t-elle indifféremment l'homme et l'artiste, l'auteur » et le citoyen? Ses coups atteindront-ils les femmes » même ?

» Se jouera-t-elle des droits de l'amitié?

» Pourra-t-elle s'élever contre certaines lois et réclamer » certaines réformes saus se rendre coupable de rébel» lion?

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Dérogera-t-elle quelquefois à la causticité de son

> humeur ? Louera-t-elle ?

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Lorsqu'on n'aura pas entendu sa voix, bravera-t-elle l'inconvénient de reproduire les mêmes idées en repro» duisant les mêmes objets? »

Voici son début :

Illustre et cher abbé, dont les soins bienfaisans
Dirigèrent mes pas dès mes plus jeunes ans,
Alarmé du projet, dont le charme m'attire,
Tu me peins les dangers qu'entraîne la satire.
Je les connais. L'orgueil, l'amour-propre irrité,
Me devait un salaire, et s'est bien acquitté.

A peine ces essais, où ma muse aguerrie
Combat pour les beaux arts, les mœurs et la patrie,
Eurent chez mon libraire attiré les lecteurs,
Et fixé du public les regards si flatteurs,

On me crut dangereux, on daigna me poursuivre :
On accusa mon cœur, on disséqua mon livre.

La rapide vengeance arma de tous côtés

Nos rimeurs, nos acteurs, nos peintres ameutés.

Après avoir raconté en détail les attaques, ou, si l'on veut, les représailles qu'il a éprouvées, il poursuit ainsi :

Voyez dans ce récit, dont votre ame est frappée,
De vos ennemis futurs l'image anticipée,

Vous tous qui, par l'espoir de cueillir un laurier,
Engageâtes vos pas dans le même sentier;

Eh n'en suivez pas moins l'ardeur qui vous transporte:
Des soucis, des dangers vous attendent. Qu'importe ?
Ce fier Navigateur sous le pôle a péri;

Cet Esculape meurt du mal qu'il a guéri;
Ce Savant, de son art déplorable victime,

Tombe dans le Volcan dont il sondait l'abyme.

Ainsi le veut le sort. Ses décrets souverains

Font payer cher l'honneur de servir les humains.
Mais un honneur si beau vaut bien le prix qu'il coûte.
Allez, songez au but et non pas à la route.

Affrontez, sans pálir, d'importunes clameurs ;
Et, généreux soutiens du bon goût et des mœurs,
Souriez de pitié lorsqu'un esprit rébelle.
Compare insolemment la satire au libelle.

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