Page images
PDF
EPUB

COUR DE CASSATION.

DÉPENS.- SOLIDARITÉ.

OBLIGATION INDIVISIBLE.

La condamnation aux dépens adjugés sur poursuites d'obligations indivisibles entre parties qui en contestaient l'exécution, peut être prononcée solidairement contre tous les obligés. (Art. 130 C. P. C. ).

(Oursel C. Gosson. )

[ocr errors]

Le sicur Gosson, usufruitier des biens de son épouse décédée, poursuit les héritiers de cette dernière pour faire de grosses réparations à la maison dont il a l'usufruit. succombe en première instance; mais sur l'appel il intervient, le 25 février 1823, un arrêt infirmatif qui condamne solidairement les héritiers de la dame Oursel, femme Gosson, à faire les réparations demandées, et qui les condamne également solidairement aux dépens.

Pourvoi en cassation de la part des héritiers Oursel.

AKRÊT.

LA COUR, attendu que, si en thèse ordinaire les dépens sont divisibles par tête en matière civile, s'ils ne sont pas susceptibles de solidarité, il n'en résulte pas néanmoinsque toutes les fois qu'ils sont adjugés sur poursuites d'obligations solidaires entre parties qui en contestaient l'exécution, la condamnation aux dépens ne puisse alors être prononcée solidairement contre tous les défendeurs en cause; rejette, elc.

Sect. req.

Prés. M. Henrion.

Du janvier 1825.
Plaid. M. Taillandier, avocat.

Nota. V., pour l'indivisibilité des obligations, Pothier,

n. 92 et 97; Papinien, L. 72, ff. de verb. oblig., et Toullier, tom. 6, pag. 793.

V. le tome 27 du Journal des Avoués, page 84.

COUR ROYALE DE NIMES.

APPEL. DOMICILE ÉLU.

EMPRISONNEMENT.

DÉBITEUR.

Le débiteur incarcéré peut faire signifier, au domicile élu dans le lieu où siége le tribunal, l'appel qu'il relève du jugement en vertu duquel l'emprisonnement a eu lieu. (Art. 456 et 780 C. P. C.)

(Chabaud C. Chaléat. )

Les faits sont inutiles à exposer; mais nous nous plaisons à rapporter ici les savantes conclusions de M. l'avocat général Enjaleric, qui, en peu de mots, a dit beaucoup dans cette affaire.

Nous convenons, a dit ce magistrat, que l'article 456 du Code de procédure civile établit en principe général que l'acte d'appel doit être signifié à personne ou à domicile réel; c'est ce qu'a jugé la Cour de cassation, et nous ne prétendons pas nous élever contre cette jurisprudence; mais ce principe n'est pas tellement absolu qu'il ne puisse recevoir des modifications. L'article 584 nous en fournit un exemple; il ne s'agit donc que de savoir si l'exception portée en cet article peut être étendue aux articles 780 et 783. Sans doute, si l'on ne considère que les termes dont s'est servi le législateur, il faudra bien convenir qu'en parlant des saisies-exécutions il permet de faire toutes significations au domicile élu et que, tout en exigeant du eréancier, au titre de l'emprisonnement, qu'il fasse élé

[ocr errors]
[ocr errors]

ction de domicile dans la commune où siége le tribunal, il garde le silence sur les notifications à faire à ce domicile; mais ce silence n'est point la preuve d'une disposition contraire, et s'il y a même raison de décider, on ne voit pas pourquoi on n'accorderait pas, dans le cas de l'article 780, ce que la loi permet dans le cas de l'article 584. En effet, si, lorsqu'il s'agit de saisie de meubles, souvent de peu de valeur, la loi accorde au saisi la faculté de pouvoir faire au domicile élu toutes significations, mêmes d'offres réelles et d'appel, à combien plus forte raison cette faculté ne doit-elle pas être laissée au débiteur qui a perdu sa liberté, le plus précieux de tous les biens. La loi doit être entendue d'une manière raisonnable et l'on ne concevrait pas qu'elle fit, par l'article 780, une obligation au créancier d'élire domicile dans la commune où siége le tribunal qui a rendu le jugement de contrainte par corps, si le débiteur · incarcéré ne pouvait faire à ce domicile élu des offres de paiement ou une signification d'appel. Cette élection de domicile n'a été prescrite que dans l'intérêt du débiteur; et elle lui deviendrait inutile, s'il ne pouvait y faire les actes par lesquels ils peut parvenir à recouvrer sa liberté. Il y aurait de l'inhumanité à lui refuser cette faculté ; car il peut se faire que le créancier ait son domicile réel dans un pays situé à une grande distance de celui où le débileur a été arrêté, et dans ce cas il faudra que sa captivité se prolonge de tout le temps nécessaire pour que son exploit, ou l'argent qu'il veut offrir en paiement, arrive à ce domicile éloigné. La justice, la raison, la saine interprétation de l'article 780 exigent donc que le débiteur qui gémit dans les fers puisse faire au domicile élu par son créancier toutes les significations que l'article 584 permet au saisi dans le cas d'une saisie-exécution.

C'est ainsi que les auteurs qui ont examiné cette quéstion l'ont décidée. M. Pigeau, après avoir dit, sur l'article 780, que la signification du jugement qui ordonne la

Contrainte par corps doit contenir élection de domicile dans la commune où siége le tribunal, si le créancier n'y demeure pas, ajoute: Le débiteur peut faire à ce domicile élu toutes significations, même d'offres réelles et d'appel ( argument de l'article 584 pour les saisies-exécutions ); autrement l'élection ne serait d'aucune utilité pour lui, et la loi ne l'a établie qu'en sa faveur. M. Carré ne s'explique pas dans les mêmes termes, parce qu'il n'a pastraité cette question; mais il examine celle de savoir si l'élection de domicile, faite conformément à l'article 783, peut faire cesser celle qui a été déclarée dans le premier commandement, en conformité de l'article 780, et il répond que les deux élections doivent subsister, parce qu'il peut être utile au débiteur de faire des notifications à l'un et à l'autre domicile. M. Carré reconnaît donc que des notifications peuvent être faites, dans le cas de l'emprisonnement, audomicile élu, tant à celui dont il est parlé en l'article 780 qu'à celui dont il s'agit en l'article 785, quand cela est utile au débiteur. Mais, s'il en est ainsi, si des notificationspeuvent être faites, si l'utilité du débiteur est seule consultée, pourquoi exclurait-on des notifications qu'il peut faire, celles des offres réelles et d'appel, qui ont pour but de mettre un terme à sa captivité? Ou doit d'ailleurs observer que l'article 780 ne s'explique sur aucune espèce de notification. Son silence est absolu; il porte tant sur les notifications d'offres réelles et d'appel que sur toutes les autres notifications que le débiteur pourrait être dans la nécessité de faire; de telle sorte que, s'il fallait prendre pour règle d'exclusion ce silence, il faudrait décider que le débiteur ne pourra faire à ce domicile élu aucune notification, ce qui rendrait illusoire l'élection de domicile dont la loi fait une obligation au créancier, et ce qui est contraire à la doctrine de l'auteur dont nous venons de rapporter l'opinion. La Cour de cassation elle-même vient joindre son autorité à celle des auteurs que nous venons de citer. Elle

a decidé, par un arrêt du 17 juillet 1810, que l'obligation d'élire domicile imposée au créancier ne peut profiter à d'autres qu'au débiteur incarcéré, et que nul autre que lui ne peut assigner le créancier à ce domicile élu. Mais, s'il est vrai, comme l'a décidé cet arrêt, que le débiteur puisse seul et exclusivement à tout autre faire citer son créancier au domicile élu, il n'est pas vrai que le silence du législateur soit un obstacle à ce qu'il puisse faire à ce domicile des notifications de l'espèce de celle dont il s'agit au procès; s'il peut assigner, il peut faire signifier un exploit d'appel, qui n'est autre chose qu'une assignation; la question se trouve donc ainsi résolue par la Cour de cassation.

La Cour a consacré ce système adopté par M. l'avocat général. Voici les principaux motifs de son arrêt.

ARRÊT.

LA COUR, attendu que l'intention qui a présidé à la rédaction des articles 780 et 783 C P. C. a été évidemment de mettre le débiteur emprisonné à portée d'obtenir promptement sa liberté, s'il a de justes moyens, et par conséquent de faire au domicile élu toutes les significations nécessaires pour y parvenir;

Que ce but serait manqué, et l'emprisonnement injustement prolongé, si ce débiteur était obligé de faire à un domicile réel, souvent très-éloigné, les significations que son intérêt lui commande;

Que, sous ce premier rapport, il y a tout lieu de penser qu'en imposant au créancier la nécessité de l'élection de domicile, lorsque son domicile réel n'est pas, soit dans le lieu où siége le tribunal qui a rendu le jugement, soit dans la commune où le débiteur est détenu, le législateur a voulu que le domicile élu tint la place du domicile réel pour toutes les significations qui pourraient y être faites, relatives à l'emprisonnement;

« PreviousContinue »