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Cependant Bethfort devient par là créancier de Diouloufet de ses frais et loyaux coûts, et débiteur envers l'expropriation des fruits par lui perçus,. et qui se sont montés à 30,283 fr.

La terre de Laurade est de nouveau vendue. Le sieur Achardi en acquiert les quatre sixièmes; les sieurs Mourret, Moublet et Veran les autres deux sixièmes, sans solidarité entre eux.

Ces acquéreurs font ouvrir l'ordre en distribution du prix, qui était de 310,709 fr. 32 c.

Il y avait encore à distribuer la somme due par Bethfort et celle due pour suite d'autres aliénations faites par le débiteur, savoir: 18,358 fr. dus par le sieur Gilles, et 26,862 fr. dus par le sieur Dubouchage. Des ordres particuliers avaient été ouverts pour ces deux dernières sommes: un jugement du tribunal civil de Tarascon les réunit tous, attendu l'indivisibilité des droits hypothécaires de tous les créanciers.

Le 15 octobre 1820, l'ordre est clos et arrêté. Le sieur Diouloufet est colloqué au 12. rang pour 2,550 fr. de principal, plus divers intérêts.

Le 20 octobre, le juge-commissaire délivre un bordereau à Diouloufet pour ces 2,550 fr., plus 459 fr. 17 c. d'intérêts. Ce bordereau est simultanément contre tous les détenteurs des sommes à distribuer.

Il paraît que le juge-commissaire délivra des bordereaux pour une somme plus forte que celles qui étaient dues par les acquéreurs.

-

Le 23 novembre 1820, Diouloufet fait commandement aux acquéreurs de Laurade de lui payer le montant de son bordereau. Ce commandement n'eut pas de suite, parce que Bethfort fit une saisie-arrêt dans les mains de ces mêmes acquéreurs pour tout ce que pouvait lui devoir Diouloufet. Cette saisie resta elle-même impoursuivie. Postérieurement, Diouloufet, par acte notarié, paya à Bethfort tout ce dont il lui était débiteur.

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En juin 1822, Diouloufet réitère son commandement aux acquéreurs de Laurade. Ceux-ci y font opposition, sur le motif qu'ils ont payé à d'autres créanciers la totalité de leur prix.

Diouloufet les cite en déboutement de l'opposition devant le tribunal de Tarascon; ils renouvellent la même exception sans la justifier

Diouloufet soutient qu'ils devraient justifier avoir payé des créanciers colloqués à des rangs antérieurs au sien, et

qu'à défaut son titre continue d'être exécutoire contre eux. 25 janvier 1825, jugement qui déboute les acquéreurs de l'opposition, et autorise la continuation des poursuites avec exécution provisoire. Ce jugement est ainsi motivé : « Considérant que la vente d'immeubles affectés d'hypothè» que utile, au profit de diverses personnes, substitue le » prix à la chose, et l'attribution spéciale du prix à la simple » affectation réelle;

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Que ce changement n'est toutefois que conditionnel, » et en tant qu'il procure paiement des créances utiles, et » qu'à défaut le droit sur la chose est recouvré, et la ré» solution de la vente par forme de folle enchère exigible de la part du créancier non-payé ;

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Qu'il suit de là que l'action récursoire en rapport des sommes indûment reçues par les créanciers qui priment » le demandeur, à laquelle les défendeurs veulent le ré» duire, si elle leur était imposée, se trouvant une fois épuisée par l'insolvabilité de certains de ces créanciers, » la partie de Salin (le demandeur), privée de paiement » nonobstant l'utilité de sa collocation et le maintien iné>> vitable dans tous les cas de son hypothèque, serait évi⚫ demment fondée à poursuivre la folle enchère contre les » parties de Bertrand (les défendeurs);

» Qu'ainsi il est inutile de soumettre le demandeur à ce » circuit d'action, ce qui d'ailleurs serait injuste;

D Considérant que l'ordre est déclaratif du rang des » créances déjà publiquement fixé, tant pour les créanciers » que pour les tiers, par les dates des inscriptions ou des >> actes auxquels est attachée l'hypothèque ;

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» Que, suivant la nature des choses, la priorité des dates emportant préférence, prior tempore potior jure, il ne >> peut y avoir concurrence sur le prix qu'au cas où diverses. » créances ont acquis hypothèque le même jour;

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Qu'ainsi, la priorité de temps une fois reconnue, la » préférence déclarée par le juge demeure invariable pour » tous, et ne peut être ravie ni par un créancier plus ein⚫ pressé à poursuivre paiement, ni par un acquéreur inti» midé par telle poursuite;

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>> Considérant que les bordereaux, qui sont l'ordre rela»tivement à chaque créancier colloqué, contiennent, non» seulement la liquidation des créances et les sommes à » payer, mais le rang des créances, et en cela le titre de préférence à toutes autres des rangs postérieurs ;

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Que cette indication formelle dispense de tout examen, » et résiste dans le titre même à toute prétention à préfé

rence que les créanciers postérieurs voudraient élever » dans des poursuites-plus promptes de paiement, la su>> bordination des rangs comportant essentiellement l'expé» ctative au profit des premiers et la condition du paiement » de ceux-ci: expectative dont le desavantage ou la durée ⚫ est susceptible d'être réduite à peu d'instans par la mise en demeure des premiers créanciers, et par l'emploi de » toutes les voies que la lui indique ;

>>> Considérant que les parties de Bertrand avaient pour» suivi l'ordre; que les collocations et les rangs sont réglés » contradictoirement avec elles;

» Considerant que les bordereaux sont délivrés sur toutes » les parties de Bertrand;

» Qu'aucune d'elles n'a justifié avoir employé les sommes » dues pour prix de leur adjudication au paiement de creances antérieures a celles dont s'agit;

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Qu'il importe néanmoins de laisser à celles desdites parties de Bertrand qui auraient fait cet emploi, s'il en > est, le droit d'être relevées et de faire supporter par les » autres les effets des poursuites de la partie de Salin, puisque >> ceux-ci seraient seuls en faute. »

Moublet, Mourret et Veran paient par suite de l'exécution provisoire. Ils émettent appel du jugement, et devant la Cour, ils demandent incidemment des dommages et intérêts.

Ils notifient en appel un état des divers paiemens faits par eux, appuyé des pièces justificatives. Il en résulte que Moublet a. payé son entier prix à des créanciers autérieurs. au 12. rang, qui est celui de Diouloufet, et que Mourret et Véran ont payé partie de leur prix à des créanciers aussi antérieurs, mais en même temps 15,000 fr. environ à des créanciers postérieurs au 12. rang.

Les appelans font valoir deux moyens: 1. ils soutiennent qu'ils ont dû payer tout créancier se présentant, sans distinction du rang, et cela jusqu'à leur entier prix; après quoi il est impossible de leur rien demander, l'article 771 Code de procédure portant que tout bordereau est exécutoire. S'il y a excès dans la délivrance des bordereaux, tant pis pour les créanciers moins diligens. - Factum judicis factum partis. Mais l'acquéreur ne peut jamais rien devoir au-delà de son prix. C'est au créancier premier colloqué et qui se présente tardivement à exercer un recours contre celui qui a été payé à son préjudice.

2. Disaient-ils, Diouloufet et Bethfort étaient réciproquement débiteurs et créanciers; la compensation s'est opé

rée de plein droit entre eux : tant pis pour Dioulouset s'il a paye Bethfort, et s'il a laissé celui-ci en payer d'autres.

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L'intimé, sur le premier moyen, renvoyait aux appelans l'axiome: Que le fait du juge retombe sur la partie. Le titre, disait-il, a été accordé contre vous: il y a eu excès; Vous seuls aviez intérêt à vous plaindre. Mais l'excès même dans les bordereaux n'a pu détruire ceux qui étaient les premiers; la collocation est la représentation de l'hypothéque qui existe tota in toto et tota in qualibet parte. Lorsqu'il y a plusieurs acquéreurs, le bordereau délivré contre tous oblige chacun; le créancier peut choisir qui il vent des débiteurs. C'est aux acquéreurs à s'entendre entre eux pour le paiement. Le système adverse tend à faire jouer les créanciers à la course, et à ressusciter les actions de recours et en révocation d'option d'autrefois. S'il y a excès dans la collocation, cela n'empêche pas que la collocation ne soit chose jugée contre l'acquéreur. Celui-ci a la faculté d'intervenir dans l'ordre et d'y veiller à ses intérets (art. 750); or lui seul est intéressé à ce qu'il n'y ait pas excès dans les collocations, précisément parce qu'elles vont devenir des titres à charge contre luj. Tout au plus est-ce à lui à recourir contre les créanciers qu'il a indûment payés; mais il ne peut repousser le titre du premier colloqué. Les rangs ne sont pas pour rien établis dans les ordres; le second colloqué ne doit être payé qu'autant que le premier l'a été, et ainsi de suite; c'est donc à l'acquéreur à y veiller lorsqu'un créancier se présente à lui, sans quoi il ne purge pas son immeuble de l'hypothèque du créancier premier colloqué. Art. 772 et 774.

En fait, Moublet a payé des créanciers antérieurs le procès se réduit donc à des dépens, puisqu'il n'en a que tardivement justifié. Il n'en est pas de même des deux autres, d'autant plus qu'ils ne devaient pas payer des créanciers postérieurs, au mépris du commandement à eux fait par Diouloufet en novembre 1820. A l'appui de ce système, l'intimé invoquait une circulaire du 1. novembre 1816 par M. Dutremblai, directeur général de la caisse des dépôts et consignations, à tous les receveurs, dans laquelle il est recommandé à ceux-ci de ne jamais payer sans ètre assurés que les premiers créanciers l'ont été, et dans laquelle la question est tráitée in terminis et dans le même sens.

Sur le second moyen, l'intimé rappelait que, dans les ordres, distributions, instances bénéficiaires, etc., il n'y a jamais de compensation. Bethfort ne devait aux créanciers de Preigne que 30,283 fr. Il était créancier de Diouloufet

de sommes assez fortes; celui-ci était colloqué au 12. rang, mais des créances pour plus de 300,000 fr. devaient être payées par Bethfort avant la sienne.

10 mars 1825, arrêt préparatoire qui ordonne que dans le mois Diouloufet prouvera que les autres acquéreurs n'ont plus aucune somme en mains Cet arrêt est ainsi motivé : « Considérant que la question que présente cette cause est » de savoir si les acquéreurs des biens de Gras de Preigne, tenus en qualité, se sont libérés valablement en payant » indistinctement les créanciers colloqués qui se sont pré» sentés à eux avec des bordereaux de collocation réguliers, sans égard au rang assigné à chacun dans le verbal d'ordre; Que, pour décider cette question avec plus grande con» naissance de cause, il est prudent, et néanmoins sans › entendre préjudicier par là, de connaître si les acquéreurs qui ne sont point au procès se trouvent entièrement ⚫ libérés, et sur-tout Bethfort, à qui Diouloufet a payé en 1821 une somme de 6,426 fr. 42 c.;

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› Que la justification à faire doit être à la charge de » Diouloufet, 1.o parce qu'il est demandeur; 2.o parce qu'il a reconnu lui-même, en 1820, qu'il devait s'adresser à » tous les acquéreurs en leur fesant signifier à tous indi>>stinctement son bordereau de collocation, avec somma» tion de s'entendre et se concilier pour lui payer ce qui

> lui restait dû. »

Dans le mois, Diouloufet notifie cet arrêt aux divers acquéreurs, avec sommation de justifier des paiemens qu'ils ont faits; tous répondent qu'ils ne doivent plus rien; ils indiquent les actes de leur libération. L'administrateur de l'hoirie Bethfort seul répond qu'il a encore en main 2,115 fr., qu'il ne paiera à tout créancier qui se présentera qu'autant qu'on lui justifiera du paiement de tous les antérieurs. C'est pour avoir déjà refusé de payer sans cette justification que la somme est encore entre ses mains.

En plaidant de nouveau devant la Cour, Diouloufet prouve que ces 2,115 fr. ne sont qu'un peu plus de la moitié de ce qui lui est dû en principal et intérêts. I insiste à soutenir qu'il ne devait pas plus s'adresser à Bethfort qu'aux appelans.

ARRÊT.

LA COUR, considérant en ce qui concerne Mourret qu'il a justifié avoir payé le prix entier de son adjudication à des créanciers tous colloqués en rangs antérieurs à celui de Diouloufet; que ce dernier s'en est rapporté sur ce point de

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