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au sourd-muet, accusé ou témoin, qui ne sait pas écrire. 202. Ce mode appliqué au mariage, n'offrirait pas assez de garantie, comme le fait observer avec beaucoup de justesse M. Vazeilles « On peut accorder ou refuser sa confiance à l'interprétation de la déclaration d'un sourd-muet, accusé ou témoin; de même qu'on peut croire ou ne pas croire à cette déclaration en la supposant fidèlement traduite, et chercher ailleurs des témoignages et des preuves. Pour le mariage il ne suffit pas de vérifier un simple fait, il faut s'assurer du discernement du sourd-muet et de sa volonté (1). »

Un curateur spécial choisi par le conseil de famille du sourd-muet, qui serait composé, suivant le vœu de la loi, de ses parents les plus proches, et présidé par le juge de paix, magistrat du peuple et de la famille, qui plus qu'un autre est à portée de connaître les rapports et les affections de tous ses membres, un tel curateur offrirait au sourdmuet, pour le mariage, une assistance salutaire et bien propre à s'assurer de la vérité de son consentement comme à le garantir des piéges que ses infirmités peuvent lui faire tendre.

Mais en attendant qu'une heureuse innovation ait été faite à la loi, ou plutôt qu'une lacune importante ait été remplie, il faut reconnaître que rien ne s'oppose à ce qu'un sourd-muet contracte mariage, et qu'il n'est soumis à cet égard à aucune autre formalité, à aucune autre condition que celles qui sont prescrites, en général, à toutes les autres personnes qui se proposent de former de semblables nœuds. 203. On ne connaît pas d'arrêts modernes qui aient prononcé sur le mariage d'un sourd-muet.

La Cour de Toulouse, par arrêt du 26 mai 1824, a jugé qu'un muet n'était pas incapable de se marier (2).

(1) M. Vazeilles, Trailé du mariage, t. 1er, p. 95.

(2) Dalloz jeune, Jurisprudence périodique, t. 24. 2. 125.

En Wurtemberg, les muets, les aveugles, les boiteux ne peuvent contracter mariage sans l'autorisation préalable du tribunal matrimo

Section II.

Du consentement de ceux dont dépendent les parties contractantes.

SOMMAIRE.

204. Nécessité du consentement de ceux dé qui on dépend. 205. Des différentes causes de dépendance, division de la section.

le

corps

204. L'état de dépendance où l'on peut se trouver dans social forme aussi un empêchement au mariage. Cet empêchement n'est que relatif, puisqu'il peut cesser par le consentement de ceux sous la puissance desquels on est placé.

205. L'homme social peut être soumis à la puissance d'autrui sous plusieurs rapports :

Comme enfant légitime et majeur ;

Comme mineur;

Comme enfant naturel;

Comme enfant adoptif;

Comme prince;

Comme militaire ;

Comme esclave.

para

Cette section se diviserait naturellement en autant de graphes qu'il y a de rapports à considérer. Mais les trois derniers rapports n'exigeant que peu d'observations, nous ne leur consacrerons qu'un seul paragraphe, après avoir examiné d'abord les conditions qui sont imposées pour le mariage aux enfants majeurs et légitimes, et celles auxquelles sont soumis les mineurs, les enfants naturels et les enfants adoptifs.

nial. - Même règle dans le canton de Berne pour les imbéciles, les aveugles, les sourds-muets. (Code de Berne, art. 31.)

$ Ier

Des conditions imposées aux enfants majeurs et légitimes.

SOMMAIRE.

206. Utilité des principes sur le consentement des personnes de qui dépendent ceux qui veulent se marier.

207. Généralité des législations sur ce point. 208. Principes du droit romain à cet égard.

209. Règles du droit canonique,

210. Ces règles non admises dans le droit français; nécessité de consentement des père et mère ou tuteurs des enfants mineurs. 211. Les majeurs devaient le demander à peine d'exhérédation. 212. Omission de ces règles par les législateurs de 1792.

213. Les principes de l'ancien droit admis par le Code civil avec quelques modifications.

206. Le mariage étant de toutes les actions humaines celle qui intéresse le plus la destinée des hommes, on ne saurait l'environner de trop de précautions (1).

L'homme dans sa jeunesse, livré à l'influence des passions, aux illusions de l'inexpérience, apporterait rarement à cet acte important la maturité de raison, les lumières de discernement qu'il exige. Sans un guide éclairé et prudent, il lui serait facile de s'égarer et de se préparer des regrets amers qui empoisonneraient son existence future.

207. Tous les législateurs ont senti cette vérité; tous ont soumis les mariages à une surveillance préventive qui en assurât les avantages en les garantissant des erreurs qui auraient pu les former.

Chez quelques peuples anciens, les magistrats avaient inspection sur les mariages. C'étaient eux à Lacédémone qui les dirigeaient; et Platon voulait qu'il en fût ainsi dans sa république (2).

L'intérêt de la société était la base de ces règlements.

(1) Exposé des motifs de la loi relative au Mariage, par Portalis. (2) Montesquieu, Esprit des lois, liv. 23, chap. 7.

Mais ils seraient inapplicables à une grande nation. Et le but est rempli en confiant cette salutaire inspection aux pères et mères, et aux ascendants que la nature investit d'une sorte de magistrature de famille.

Aussi est-ce aux pères, en général, que les lois comme les mœurs ont confié le soin de marier leurs enfants. Cela est sage, « car leur prudence, à cet égard, sera toujours >> au-dessus de toute prudence (1). »

208. Chez les Romains, il n'était pas permis de contracter mariage sans le consentement du père ou de l'aïeul sous la puissance duquel on se trouvait.

« Nuptiæ consistere non possunt nisi consentiant omnes, » id est qui cœunt, quorumque in potestate sunt. L. 2, de » Ritu nuptiarum. »

La même règle était écrite dans les Institutes qui exigeaient que le consentement précédât le mariage. In tantum ut jussus parentis præcedere debeat. Instit. de nuptis, initio.

Si la puissance paternelle appartenait à l'aïeul, le consentement de celui-ci suffisait pour le mariage de la petitefille. Mais le petit-fils avait aussi besoin de celui de son père.

Nepote uxorem ducente et filius consentire debet neptis verò si nubat voluntas et auctoritas avi sufficiet. L. 16, ff. de ritu nupt.

Les mariages contractés sans ces consentements étaient nuls. Si adversus ea quæ diximus aliqui cœrint nec vis, nec uxor, nec nuptiæ, nec matrimonium, nec dos intelligitur. Instit. de nupt. § 12.

Cependant si le refus du consentement du père de famille était injuste, le préteur pouvait autoriser le mariage. L. 19, eod.

209. L'Eglise s'était conformée à ces règles pendant plusieurs siècles. Mais dans la suite, on a toléré les mariages

(1) Montesquieu, Esprit des Lois, liv. 23, chap. 7.

sans leur observation. Depuis les compilations des Décrétales jusqu'au Concile de Trente, on a déclaré dans l'Eglise latine valables, quoiqu'illégaux, les mariages des enfants de famille contractés sans le consentement de leurs père, mère ou tuteurs.

Le Concile de Trente consacra ce dernier usage en prononçant anathème contre ceux qui affirmaient faussement que ces mariages étaient nuls quoique l'Eglise les considérât comme bons.

Pothier et d'Héricourt prétendent que le Concile de Trente a voulu seulement condamner l'erreur des hérétiques, selon lesquels il dépendait des pères et mères des enfants de confirmer les mariages ou de les infirmer suivant leur volonté; qu'il n'était pas possible, d'ailleurs, que le Concile eût voulu s'élever contre les lois civiles qui exigeaient, pour la validité des mariages des enfants, le consentement de leurs père et mère (1).

210. Nous n'avons pas à examiner la justesse de cette explication. Mais soit qu'elle fût exacte, soit que. l'Eglise ne voulût pas permettre à l'autorité civile de détruire ce que l'autorité religieuse aurait fait même par erreur, il est cerlain que ce point de discipline, établi par le Concile de Trente, n'a pas été observé en France.

Il existe, en effet, plusieurs ordonnances ou édits qui, sans déclarer directement les enfants de famille inhabiles à contracter mariage sans le consentement de leurs pères, mères ou tuteurs, condamnent de tels mariages comme des rapts de séduction lorsqu'ils ont été faits par des fils ou filles mineurs de 25 ans. (Voir l'ordonnance de Blois, art. 42.) Cette ordonnance prononçait même la peine de mort contre ceux qui auraient suborné les enfants pour les faire consentir au mariage.

(1) V. Pothier, du Mariage, no 321 ; et d'Héricourt, Lois ecclésiasti– ques du mariage, article 73.

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