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graphe de ce chapitre en nous occupant des mariages des militaires.

Mais nous dirons, dès à présent, que ce décret, qui n'est relatif qu'à une seule classe de citoyens, qui a été commandé par la position particulière des hommes de cette classe, et qui a pour but de prévenir leur trop grande facilité à contracter des unions peu convenables et quelquefois trompeuses même de leur part; que ce décret de discipline purement militaire ne peut ni d'après ses termes ni d'après son esprit s'appliquer à toute autre personne; qu'il n'est pas permis, en droit, d'étendre les prohibitions d'une personne à une autre; que si le chef de l'empire eût eu l'intention de généraliser la mesure administrative qu'il a prise pour cet acte de l'an 13, il l'eût fait par un règlement général pour tous les Français et non par un règlement spécial pour l'armée; qu'ainsi quelque Girovague, pour employer l'expression de Duranton, qu'ait été tout autre qu'un militaire, tant qu'il n'a pas acquis un autre domicile, ou par une résidence continue de six mois dans une commune quelconque, ou en y plaçant son principal établissement, il est de plein droit réputé avoir conservé son ancien domicile, son domicile de naissance même s'il n'en a jamais acquis d'autre et que, par conséquent, son mariage peut être célébré au lieu de ce domicile d'origine.

319. Qu'arriverait-il si l'ancien domicile avait été légalement abandonné depuis moins de six mois et qu'un nouveau domicile eût été pris? Si, par exemple, ce changement de domicile s'était opéré dans les formes voulues par les articles 103 et 104 du Code qui exigent tout à la fois et le fait de l'habitation réelle dans un autre lieu et une déclaration expresse faite tant à la municipalité du lieu que l'on quitte qu'à celle du lieu où l'on sera venu habiter?

Dans ce cas, le nouveau domicile n'aurait pas la durée nécessaire, l'ancien n'existerait plus. Le mariage ne pourrait donc être célébré ni dans l'une ni dans l'autre commune.

Alors, comme le fait observer Duranton, il serait indispensable de le contracter devant l'officier de l'Etat civil du dernier domicile de l'autre conjoint (1).

Cette faculté fera disparaître l'inconvénient qui résulterait, dans le cas prévu, des dispositions de l'article 74.

Les observations que nous venons de faire s'appliquent aux mineurs non émancipés et aux interdits, dont le domicile est celui de leurs pères, mères, tuteurs, et se trouve par conséquent soumis à tous les changements qu'y opère la volonté des administrateurs de ces mineurs et interdits. 320. Il peut se présenter un cas duquel naîtrait une question qui ne serait pas sans difficulté.

Si, après avoir résidé pendant plus de six mois dans un lieu sans cependant y avoir établi son domicile réel, on quittait cette résidence non pour aller habiter le lieu de son domicile primitif mais une autre commune, et si cette nouvelle résidence ne s'était pas prolongée pendant six mois, à quelle municipalité devrait être célébré le mariage?

Il ne pourrait l'être à celle de la dernière résidence, puisque le temps prescrit par la loi ne se serait pas écoulé.

Il ne devrait pas l'être davantage à la résidence abandonnée, puisqu'elle n'offrirait ni le domicile de fait, ni le domicile réel.

Ce serait donc au domicile primitif que la célébration pourrait être faite ; là elle serait valable puisque ce domicile primitif n'aurait jamais été abandonné en droit, puisqu'en fait même et dans l'intention du futur conjoint il n'aurait pas été détruit par une habitation temporaire seulement et accidentelle dans un lieu où il n'avait jamais manifesté la volonté de se fixer. Le dernier cas serait semblable à celui sur lequel nous avons disserté ci-dessus, page 343, et la solution devrait être la même. Car il n'y aurait pas de motif pour considérer comme privé de tout domicile pour le mariage

(1) Duranton, t. 2, no 220.

celui qui n'aurait jamais opéré, dans la forme légale, le changement de son domicile d'origine, et qui ne serait saisi d'aucun domicile spécial pour le mariage. Là où manque le domicile spécial et de circonstance, il est régulier, il est juste qu'on ait recours au domicile général où est réputé se trouver toujours le siége principal des affaires et auquel la loi veut que l'on adresse tous les actes qui sont relatifs aux intérêts de la personne.

M. Duranton est d'avis, dans le cas que nous venons d'examiner, qu'il faut que l'on acquière une nouvelle rési– dence de six mois soit à son domicile réel, soit ailleurs (1).

C'est, il semble, se montrer plus exigeant que la loi ellemême. Car si l'article 74 déclare que six mois de résidence continue suffisent pour établir le domicile quant au mariage, il n'interdit cependant pas le mariage immédiatement à celui qui ne peut justifier de cette sorte de domicile. C'est une faculté qu'il donne plutôt qu'une condition qu'il prescrit. Il veut seulement que le mariage soit célébré dans la commune du domicile de l'un des deux époux.

A défaut de domicile de résidence célébrer le mariage au domicile réel, c'est fidèlement observer l'esprit comme la lettre de la loi, puisque le domicile réel est un vrai domicile dans l'acception légal du mot; soumettre un des futurs à un délai de six mois pour acquérir une résidence, cela pourrait gravement compromettre ses intérêts et ses affections en causant la rupture du projet de mariage.

Section II.

Des formalités qui doivent précéder l'acte de mariage.

PUBLICATIONS.

SOMMAIRE.

321. But des publications.

(1) Duranton, t. 2, no 226. 4.

322. ̄Leur usage dans l'ancien droit, par qui faites et en quel lieu ? 323. Quid sous la loi de 1792 ?

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321. Un mariage n'est pas seulement l'affaire « des deux >> individus qui le contractent, il intéresse et leurs familles » et la société ; il est susceptible d'opposition et d'empêche» ments; il doit emporter une possession publique de l'état » d'époux ; il faut donc qu'il soit connu ; il faut donc qu'il >> le soit avant même d'être contracté, afin que s'il souffre >> des obstacles légitimes ils aient leur effet (1). »

De là vient la nécessité d'avertir le public et toutes les personnes qui pourraient être intéressées au mariage, par des formalités qui puissent à l'avance en faire connaître le projet.

Les publications ont ce but; et pour qu'il fût plus sûrement rempli, on les a soumises à des formes, à des conditions, à des énonciations propres à ne laisser dans les esprits aucune incertitude sur les personnes qui ont conçu le projet de s'unir.

322. L'usage des publications est fort ancien. On les appelait autrefois Bans, du vieux mot allemand Bann, dont la signification primitive était publication, mais qui a signifiė ensuite bannissement, parce que le bannissement se faisait à son de trompe.

Il est fait mention des bans dans l'épître décrétale du pape Innocent III à l'évêque de Beauvais, vers le commencement du XIIIe siècle ; et l'on en parle comme d'une ancienne coutume dans l'Église de France: Secundùm consuetudinem eeclesiæ gallicana.

Innocent III ordonna l'observation de cet usage dans toute l'Église. Cap. cum inhibitio ext. de Cland. Despons (2).

Le Concile de Trente renouvela l'ordonnance du Concile

(1) Discours du tribun Siméon, Esprit du Code civil sur l'art. 63 du Code.

(2) V. Pothier, du Mariage, no 67.

de Latran, et cet usage a reçu la force de la loi. En France, par l'ordonnance de Blois, d'Henri III, de mai 1579, dont l'article 40 porte : « Pour obvier aux abus qui adviennent » des mariages clandestins, avons ordonné que nos sujets >> ne pourront valablement contracter mariage sans pro>> clamations précédentes de bans, faites par trois divers » jours de fête, avec intervalle compétent. »

Ces bans étaient publiés tant les dimanches que les autres jours fêtés par l'Église et par le peuple.

Ils devaient l'être à trois jours différents dans l'église paroissiale de chacune des parties, c'est-à-dire, dans celle de leur résidence ordinaire, de leur domicile de fait, lors même que ce lieu n'aurait pas été celui de leur domicile légal (V. l'Édit de mars 1697).

Si la nouvelle résidence dans une autre paroisse, quoique dans le même diocèse, n'avait pas eu six mois de durée, les bans devaient être publiés soit dans la paroisse de la nouvelle demeure soit dans la paroisse que l'on avait quittée.

S'il y avait eu changement de diocèse et depuis moins d'un an, il fallait aussi une double publication et dans la paroisse du nonveau domicile et dans celle de l'ancien..

Lorsque les parties étaient mineures, la publication devait en outre être faite dans les paroisses de la demeure de ceux sous la puissance desquels la loi les avait placées.

La publication était faite par le curé de la paroisse ou par le vicaire qui était censé avoir la permission du cùré luimême pour célébrer le mariage, ou par tout autre prêtre commis par le curé. A toute autre personne, soit prêtre, soit officiers de justice ou huissier, il était défendu de publier des bans même sur le refus du curé.

C'était au prône de la messe de paroisse intrà missarum solemnia, que les bans devaient se publier. Pendant un autre office ils n'eussent pas été réguliers.

Les publications devaient énoncer les noms, surnoms, qua

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