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mais sur l'observation du Tribunat, on craignit que le mode de rédaction ne fit croire que la transcription ne devait être faite qu'après l'expiration des trois mois. L'expression fut remplacée par les mots dans les trois mois.

Au reste, aucune peine n'a été attachée à la négligence du délai, ni même de la formalité.

La Commission avait proposé une peine pécuniaire.

Elle voulait et que l'acte fût soumis dans les trois mois à l'enregistrement fiscal, et qu'il fût dans le même délai transerit sur le registre public des mariages du lieu du domicile du Français, sous peine d'une amende proportionnée aux facultés des époux, dont elle fixait cependant le minimum à 100 francs, le maximum à 1,000 francs.

Plusieurs Cours de justice se récrièrent, et la Section supprima toutes ces dispositions.

Ainsi, l'article est resté comme purement réglementaire, sans qu'aucun moyen coërcitif en commande l'exécution (1).

Cette lacune dans la loi a égaré M. Delvincourt, il a cru qu'elle devait être remplie pour que la disposition ne devint pas inutile ; et à défaut d'une peine légale il en crée une arbitraire et des plus graves.

Selon lui, si la transcription n'a pas lieu, le mariage, n'étant pas légalement connu en France, ne doit avoir aucun effet civil à l'égard des Français et des biens situés en France. En conséquence, les enfants de ce mariage n'hériteraient pas des biens au préjudice des autres parents français, et il ne pourrait servir de motif pour faire annuler un second mariage contracté en France avant sa dissolution.

Cependant cet auteur a établi une distinction entre le mariage transcrit dans le délai et celui qui le serait plus tard. Le premier aurait le même effet que s'il avait été célébré

(1) V. Locrė, Esprit du Code Civil sur l'art. 48 et sur l'art. 171, éd. in-8°, l. 2, p. 70, el t. 3, p. 219.

en France, le second n'en aurait que du jour de la transcription (1).

On le voit, M. Delvincourt a créé une loi, et qui pis est une loi pénale et même fort draconienne.

On doit s'étonner qu'il n'ait pas reculé devant les graves conséquences de son système qui tendrait à punir la négligence à l'égal du crime, à assimiler à des bâtards des enfants légitimes, à leur donner même moins d'avantages qu'aux enfants naturels reconnus puisque ceux-ci héritent et que ceux-là n'hériteraient pas, à faire marcher en même temps sur la même ligne deux mariages contractés le premier à l'étranger le second en France, et à accorder au dernier même plus d'effet légal qu'au précédent.

Etrange aveuglement de l'esprit de système!

Une telle opinion pourrait-elle être accueillie? Non sans doute.

Aussi a-t-elle été repoussée par tous les auteurs. Tous ont pensé que puisque la loi n'établissait pas de peines pour le défaut de transcription, il ne leur appartenait pas d'en prononcer eux-mêmes sous prétexte de donner une sanction à la loi (2).

Aucun n'a cru qu'un second mariage, contracté en France avant la dissolution du premier célébré à l'étranger, pût être valable.

Seulement quelques-uns ont considéré le défaut de transcription comme pouvant servir d'excuse à la personne qui, dans l'ignorance du précédent mariage, se serait en France mariée de bonne foi avec l'un des époux dont l'union antérieure ne lui eût pas été connue.

Ces jurisconsultes ont été aussi d'avis que si, au décès des époux, des héritiers collatéraux se mettaient en possession

(1) Delvincourt, note sur l'art. 171.

(2) Toullier, t. 1. no 523; Duranton, t. 2, p. 187, no 240; Favard, Répert., v. Mariage, t. 3, p. 476; Dalloz atné, t. 10, p. 79, n. 10; Vazeilles, t. 1er, n. 190.

de leurs biens, le défaut de transcription en France de l'acte de mariage pourrait leur faire attribuer les fruits jusqu'à la demande en désistement comme possesseurs de bonne foi.

Ces opinions sont sages et nous les adoptons. Elles présentent pour les individus qui se marient à l'étranger des dangers d'intérêts matériels qui peuvent suffire pour les engager à faire transcrire dans le lieu de leur domicile en France les actes des mariages contractés à l'étranger. Elles sont d'ailleurs fondées en principes, mais en principes qui n'ont rien de commun avec la théorie de M. Delvincourt; elles sont fondée sur la bonne foi qui rend tout légitime non-seulement la perception de jouissances qui ne nous appartiennent pas, mais encore la naissance d'enfants nés d'un mariage illégal (Code civil, art. 201, 202 et 549, 550.)

Plusieurs arrêts ont décidé que le défaut de transcription en France, dans les trois mois du retour, de l'acte de célébration du mariage contracté en pays étranger, n'entraînait ni nullité ni déchéance; et que l'acte pouvait toujours être transcrit même après le décès de l'un des époux (1).

L'arrêt du 16 juin 1829 décide même que si, par le défaut de transcription, une nullité pouvait être réputée exister à l'égard des tiers, elle ne saurait être proposée par les héritiers de l'un des époux.

Section II.

Du mariage des militaires Français à l'étranger.

SOMMAIRE.

394. Des mariages des militaires français hors du royaume. 395. Pas de règles positives avant le Code sur les actes de l'Etat civil des militaires.

(1) Arrêt de la Cour de Rouen, du 11 juillet 1827; Dalloz, t. 28, 2. 79; autres de la Cour de cassat. du 16 juillet 1829, et du 13 fév. 1833 Dalloz, 29. 1. 272; 33. 1. 129; et Sirey, 29. 1. 261; 33. 1. 195.

396. Registres pour cet objet dans chaque corps.

397. Formalités spéciales prescrites pour le mariage des militaires, indépendamment des formalités générales.

398. Quid si le militaire est en congé en France?

399 Le militaire hors de France peut se marier suivant les formes du lieu où il est.

400. Quid si le mariage a lieu entre deux personnes également attachées à l'armée ?

40. Quid si l'un des futurs n'est pas attaché à l'armée ?

402. Quid si l'un des conjoints est étranger?`

403. Envoi de l'acte civil à l'officier public du domicile des époux.

394. Tant que les militaires sont sur le sol français leur état civil doit être constaté de la même manière que celui des autres citoyens.

Mais lorsqu'ils sont employés hors du territoire du royaume, il leur est impossible de recourir aux institutions civiles établies en France pour la généralité des Français. Il était donc nécessaire de leur fournir des moyens particuliers pour constater leurs naissances, leurs mariages, leurs décès.

Les dispositions des art. 47 et 48 ne pouvaient pas remplir ce but. S'en rapporter pour les actes de leur état civil aux soins et à l'exactitude des officiers publics étrangers, c'eût été souvent les compromettre. D'ailleurs ces officiers publics auraient été rarement à la portée des militaires livrés au mouvement des camps et changeant fréquemment de position.

Quant aux agents diplomatiques ou commerciaux, cessant leurs fonctions et s'éloignant, en temps de guerre, des lieux qui en sont le théâtre, résidants dans les grandes villes en temps de paix, ils n'auraient pu que rarement remplir, pour les militaires hors du territoire français, les fonctions d'officiers publics. Il était donc convenable d'organiser d'autres moyens.

395. Le droit ancien n'offrait pas sur ce point de règles positives, si ce n'est quant aux décès que deux déclarations des 2 juillet 1716 et 20 novembre 1728 chargeaient les au

môniers des hôpitaux d'inscrire sur leurs registres pour les militaires qui mourraient dans les hospices, et les majors de constater pour ceux qui perdaient la vie sur le champ de bataille.

Les aumôniers des régiments faisaient les baptêmes et en dressaient acte. Ils ne bénissaient les mariages que comme délégués du curé compétent. Mais il fallait qu'ils y fussent autorisés par le consentement de ce curé.

Sous la loi de 1792 (20 septembre), il n'y avait pas de règles positives pour constater l'état des militaires ou des personnes attachées à l'armée lorsqu'ils se trouvaient hors du territoire de la France.

Les décès étaient mentionnés sur les contrôles des demibrigades ou des régiments.

Les mariages étaient ordinairement reçus par les commissaires de guerre. Mais l'acte de mariage demeurait inconnu. Quant aux naissances il n'existait aucun mode légal de les

constater.

396. Le Code civil a organisé une institution nouvelle pleine d'avantages pour les militaires dont elle assure mieux que jamais l'état civil et les intérêts de famille.

Cette institution a pour base une pensée profonde conçue par le génie du chef de l'État et qui écarta l'idée d'appliquer aux militaires hors du royaume la règle de l'art. 47 sur les actes civils des Français qui se trouvent en pays étranger. « Le militaire français, dit le premier Consul, n'est jamais » chez l'étranger lorsqu'il est sous le drapeau; où est le >> drapeau est la France (1). »

Le chapitre 5 du titre 2 du livre 1er du Code établit des registres de l'État civil dans chaque corps, et désigne ceux qui doivent remplir les fonctions d'officiers de l'Etat civil.

Ce sont les quartiers-maîtres dans les corps d'un ou de plusieurs bataillons ou escadrons, le capitaine-commandant

(1) V. Locrė, Esprit du Code civil sur les art. 88 el suiv.

TOME 1.

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