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ces est tellement absolue aujourd'hui, qu'il n'est pas même nécessaire qu'une action soit intentée contre les époux pour faire annuler ces mariages. Suivant le statut impérial du 30 mars 1806, la nullité ayant lieu de plein droit, il suffirait de l'opposer à ceux qui voudraient invoquer un tel mariage. Car par l'effet de la disposition rigoureuse mais poșitive du statut, il n'existe pas entre les époux d'union légale ; leur contrat n'est rien devant la loi ; il ne peut produire aucun effet civil. Les époux, les tiers ne peuvent en argumenter. Il suffit, à ceux contre lesquels on veut le faire valoir, d'en signaler le vice pour faire rejeter le moyen que l'on en tire (1). 508. Ces observations s'appliquent aussi aux mariages par celui qui est frappé de mort civile. Radicalement nul aux yeux de la loi, ce mariage ne peut également produire le moindre effet. S'il est avoué par la loi naturelle et la religion, la loi civile ne le reconnaît pas. A l'égard des tiers, à l'égard des époux eux-mêmes et de leurs enfants, il est comme non avenu; et les conventions qui peuvent avoir été passées entre les deux personnes ainsi illégalement unies, n'empruntent du mariage aucune force. Elles ne valent que comme elles vaudraient entre étrangers. Aussi les législa– teurs n'ont pas même cru devoir insérer dans la loi un article qui prévît les actions en nullité de ces sortes de mariages et qui déterminât les règles et les effets de ces actions.

contractés

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La Section de législation avait présenté un article qui autorisait la demande en nullité de la part de celui qui aurait contracté mariage avec une personne frappée d'une condamnation emportant mort civile.

Mais on fit observer que cet article paraissait «< supposer un mariage quelconque de la part de l'individu mort civilement; qu'il serait donc possible que ce mariage subsistât s'il

(1) Le décret qui porte ce statut a été soumis au Sénat qui ne l'a pas déclaré inconstitutionnel. Il a donc acquis force de loi. (V. Bulletin des lois 1806, 1er semestre, p. 365.).

Art. 184.

n'était pas attaqué; qu'ainsi, il valait mieux ne pas parler de ces sortes de mariages (1). »

La justesse de cette réflexion fut sentie: « on reconnut, qu'en effet, le mariage des individus morts civilement, étant privé de tout effet civil, n'engage pas ceux entre lesquels il est formé. »

L'article ne fut plus présenté (2).

509. Les autres causes de nullité, quelque graves qu'elles soient, n'empêchent pas que le mariage ne subsiste tant qu'il n'est pas attaqué, tant qu'il n'est pas même déclaré nul par les tribunaux. C'est à elles que s'applique ce grand principe rappelé par Tronchet, « que jamais le mariage n'est nul de plein droit; qu'il y a toujours un titre et une apparence qu'il faut détruire (3). »

510. Examinons à qui les actions sont déférées :

Les art. 184 et 191 du Code civil nous l'apprennent.

<< Tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux art. 144, 147, 161, 162 et 163, peut être attaqué soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public. »

511. L'article 191, que nous avons déjà transcrit, prẻvoit les nullités résultant du défaut de publicité du mariage et de l'incompétence de l'officier public.

L'action appartient aussi aux époux, à tous ceux qui y ont intérêt, au ministère public. L'article parle nominativement des père et mère et des ascendants.

Les contraventions signalées dans ces deux articles sont d'ordre public.

C'est pourquoi l'action en nullité est attribuée, non-seulement aux époux et à tous ceux qui y ont intérêt, mais encore au ministère public, c'est-à-dire aux fonctionnaires

! (1) Observations du premier Consul. V. Esprit du C. civil, par Locrė. (2) Esprit du Code civil, ibid.

(3) Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10; Esprit du Code civil par Locré, liv. 1, tit. 5, chap. 4, 2e division, 1re subdivision.

chargés de maintenir l'exécution des lois et de veiller à l'ordre social qui est froissé par leur violation.

ARTICLE Ier

Des demandes en nullité par les époux.

SOMMAIRE.

512. Des demandes en nullité par les époux.

513. Le défaut d'âge de l'un des époux donne action même à celui dont l'age est compétent.

514. Le défendeur a-t-il droit à des dommages et intérêts ?

515. Le mari impubère n'a plus d'action lorsque c'est depuis sa puberté que la femme a conçu.

516. Le délai de six mois pour l'action court du jour de la puberté. 517. Quid si la femme allègue sa grossesse ?

518. Le mineur devenù pubère peut-il ratifier son mariage avant sa majorité ?

519. La bigamie autorise l'action en nullité même de la part du bigame.

520. Mais le demandeur doit prouver l'existence du premier mariage au moment du second.

521 Quid si le premier époux est absent?

522. Le conjoint du mort civilement peut se remarier.

523. La bigamie d'un Français à l'étranger peut donner lieu à une demande en nullité en France.

524. L'inceste autorise l'action.

525. Quid du cas où les dispenses sont permises?

526. Le défaut de publicité et l'incompétence de l'officier public l'autorisent aussi.

527. Mais fin de non recevoir dans le cas de l'art. 196 contre les époux seulement.

528. Celle fin de non recevoir ne s'applique pas aux unions illégales. 529. Le défaut de possession d'état ne nuit pas aux unions légales.

Trois causes de nullité sont signalées dans l'art. 184. Le défaut d'âge, la bigamie, l'inceste.

La première de ces contraventions est celle qui défend à l'homme avant dix-huit ans révolus, à la femme avant quinze ans aussi révolus, de contracter mariage. (V. l'article 144.)

312. On peut s'étonner que l'action en nullité pour défaut d'âge appartienne aux époux eux-mêmes qui ont contracté librement le mariage,

la

Mais la surprise cessera si l'on considère d'une part que faiblesse même de l'âge des deux époux ou au moins de l'un d'eux ne lui a pas permis de donner un consentement éclairé;

D'une autre part, que la société entière est intéressée à ne pas tolérer des unions impuissantes qui manquent le but que la loi s'est proposé, et qui préparent peut-être une existence languissante et rachitique aux jeunes époux que l'on a ainsi sacrifiés.

Le législateur a donc obéi à un sentiment élevé d'intérêt social et de convenance en autorisant les époux eux-mêmes à demander la nullité d'une union imprudente.

513. Ces réflexions répondent à une question qu'a fait naître l'hypothèse où l'un des époux serait pubère. Pourrait-il faire annuler le mariage qu'il aurait spontanément contracté avec une épouse impubère ?

M. Delvincourt, dans son commentaire sur l'article 184, pense que non et argumente de l'art. 186.

L'argument n'offre qu'une analogie peu exacte même. Car quoiqu'il ait l'âge compétent pour le mariage, l'époux, qui a contracté avec un impubère, n'a pas, surtout s'il est mineur, la maturité de la réflexion dont jouissent des ascendants et des parents qui y auraient donné leur consentement.

Au reste, plus intéressé que tout autre à rompre une union imparfaite, un mariage sans résultat, l'époux même d'un âge compétent doit être admis à exercer un droit que la loi lui donne comme à son conjoint impubère. En effet, l'art. 184 ne fait aucune distinction. Il accorde le droit aux deux époux et à chacun d'eux sans examiner s'ils sont ou ́non l'un et l'autre impubères. Il n'en prive pas celui qui était pubère au moment où il a contracté ; et cependant si telle eût été l'intention du législateur, il l'aurait exprimée comme il l'a fait pour les pères, mères et aïeux, par l'article 186,

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comme il l'a dit aussi pour un autre cas dans l'art. 182. Enfin ce qui est décisif c'est que la nullité est d'ordre public.

Aussi l'opinion de Delvincourt est-elle isolée. Duranton, Vazeilles, Dalloz aîné, Toullier enseignent une doctrine contraire qui doit être adoptée comme la plus conforme soit à la lettre soit à l'esprit de la loi (1).

514. Toullier dit que l'époux dont l'âge était compétent et qui attaque le mariage qu'il a contracté avec une fille impubère, doit être soumis à des dommages et intérêts envers son épouse. Il se fonde sur ce que le projet du Code réservait à l'époux défendeur ses dommages et intérêts; et il ajoute que cette disposition n'a pas été rejetée.

M. Vazeilles répond avec justesse que le projet n'a pas été admis puisqu'on n'en trouve aucune trace dans le Code; que d'ailleurs quand un acte est radicalement nul, celui qui exerce un droit qu'il tient de la loi, ne peut être soumis à des dommages et intérêts, cette peine ne s'attachant qu'à l'inexécution d'engagements licites.

L'auteur ajoute que, s'il se rencontrait des circonstances particulières de dol et de fraude, telles qu'un faux acte de naissance concerté entre un majeur et le tuteur d'un împuhère, des dommages et intérêts seraient dus (2).

Mais remarquons qu'ils seraient dus alors comme punition du dol plutôt que par suite de la demande en nullité du mariage.

515. Nous avons déjà dit au § 4 de la section précédente que l'action en nullité pour défaut d'âge était temporaire, et qu'elle cessait, aux termes de l'article 185, 1o lorsqu'il s'était écoulé six mois depuis que les deux époux ou celui d'entr'eux qui était impubère avaient atteint l'âge compétent; 2o lorsque la femme qui n'avait pas cet âge avait conçu avant l'échéance des six mois.

(1) Duranton, t. 2, p. 345; Vazeilles, t. 1, no 248; Dalloz, Jurisprud. gėn., t. 10, p. 94, n° 2; Toullier, t. 1, no 587.

(2) Vazeilles, ibid, no 248.

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