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Il y a plus; avant 1816, le divorce était autorisé par la loi française; et l'on est obligé de convenir que des conjoints français, divorcés autrefois en vertu de cette loi antérieure, pourraient aujourd'hui contracter avec d'autres regnicoles des seconds mariages.

Cependant ils n'auraient obtenu cette faculté que par le divorce qui, ayant opéré la dissolution du premier mariage, aurait fait cesser l'empêchement écrit dans l'art. 147.

Comment se ferait-il que le même moyen de divorce, obtenu entre étrangers par l'application d'une loi étrangère et qui produirait le même effet, c'est-à-dire la dissolution du premier mariage, ne conférât pas aussi le même droit, celui de se remarier?

Il y aurait de l'inconséquence à refuser à l'un ce qu'on accorderait a l'autre dans la même position.

Reconnaissons-done, avec M. Dalloz aîné, que la doctrine émise par la Cour royale de Paris peut être très-sérieusement contestée (1).

43. Indépendamment de la prohibition écrite dans l'art. 147 du Code civil, et qui est commune aux deux époux, l'article 228 en contient une particulière à l'épouse.

Art. 228. «La femme ne peut contracter un nouveau ma- Art. 228 >> riage qu'après dix mois révolus depuis la dissolution du >> mariage précédent (2). »

(1) La Cour de Nancy avait adopté une doctrine contraire dans un arrêt du 30 mai 1826, rapporté par Sirey, tome 26. 2. 251. (Voir aussi sur l'application du statut personnel à un mariage, un arrêt de la Cour de cassation du 25 février 1818; Sirey, t. 19. 1. 14t.

(2) En Prusse, le Code Frédéric fixe le délai à 9 mois pour la femme, à six semaines pour le mari (Art. 20-24).

Le Code de la Louisianne, art. 134 ; celui du royaume des Deux-Siciles, art. 155, et celui du royaume de Sardaigne, art. 145, prohibent aussi le nouveau mariage de la femme avant le délai de dix mois accomplis.

Mais le Code de Sardaigne est le seul qui prononce une peine contre la femme qui viole la règle. Il la punit par la privation de toutes les libéralités du mari (Voir l'art. 145 de ce Code).

Cette disposition est empruntée de la loi 11, § 1er, ff. de his qui not. inf. et de la loi 2, C. de secundis nuptiis.

La principale raison de la défense était la crainte de l'inconvénient qui résulterait de la naissance d'un enfant pendant l'année de deuil, la paternité pouvant être incertaine entre le premier et le second mari; propter turbationem sanguinis, dit la loi 11, ff. de his, etc.

La loi 2 au Code, en fixant à douze mois l'année de deuil, notait d'infamie la femme qui se remariait pendant ce délai et la privait de tous les avantages qu'elle avait reçus de son mari.

Cette règle du droit romain n'avait pas été admise en France, si ce n'est dans quelques coutumes. On y suivait le droit canonique, qui permettait aux veuves de se remarier sans attendre ce délai, si cela leur convenait. Cap. 4 et 5 ext. de secund. nupt. (1).

Mais si elles vivaient impudiquement pendant l'année de deuil, elles étaient privées de leur douaire et des autres dons qu'elles avaient reçus de leurs maris.

La loi du 20 septembre 1792, sur le divorce, ne permettait aux époux divorcés de contracter avec d'autres un nouveau mariage qu'après le délai d'un an (V. l'art. 2 du $3).

une veuve,

44. En interdisant pendant dix mois un second mariage à le Code civil n'établit aucune peine pour assurer l'exécution de cette défense. On doit donc appliquer aussi à ce cas les observations que nous avons faites plus haut sur l'art. 295 (V. no 41).

Cependant MM. Delvincourt et Proudhon pensent que le second mariage célébré avant le délai fixé pourrait être déclaré nul.

Cette opinion est combattue avec succès par MM. Toul

(1) V. Pothier, Traité du Mariage, no 530; le Répertoire de Merlin aux mots Deuil et Noces (secondes), et la Jurisprudence de Lacombe, aux mêmes mots Noccs (secondes).

lier, Merlin, Vazeilles et Locré. Ce dernier, dans son Esprit du Code civil et dans son Droit civil et commercial, atteste que plusieurs Cours royales avaient, par leurs observations, expressément invité le législateur à déclarer nuls les mariages qui violeraient la règle posée dans l'art. 228; mais que le Conseil d'État avait pensé qu'on ne devait pas annuler le mariage pour cause de contravention à une simple règle de précaution.

Plusieurs Cours royales, la Cour de cassation elle-même, ont consacré par leurs arrêts ce dernier sentiment (1).

On doit donc s'y ranger, et reconnaitre que l'empêchement établi par l'art. 228 n'est pas dirimant, et que les seuls moyens d'exécution que fournit la loi consistent dans la surveillance du ministère public, dans l'attention des officiers de l'état civil, et dans l'amende qu'ils encourraient s'ils prêtaient leur ministère à la violation de la défense.

Section III.

De la parenté et de l'alliance.

$ Ier

Ligne directe..

SOMMAIRE.

45. Prohibition du mariage entre les parents et les alliés légitimes ou naturels en ligne directe.

46. La règle dérive du droit naturel.
47. Elle était écrite dans le Lévitique.
48. Les lois romaines l'avaient adoptée.

(1) Merlin, Répertoire, verbo Noces (secondes); Vazeilles, du Mariage, no 100; Duranton, Droit français, tome 2, no 176; Toullier, Droit civil, no 595: arrêts de la Cour de Dijon, 3 juillet 1807; de celle de Colmar, 7 juillet 1807; de la Cour de Cassation, 29 octobre 1811. Ces arrêts sont rapportés par Sirey 9. 2. 168; et 12. 1. 46.

Art. 161,

49. Le droit canonique l'avait consacrée.

50. La loi de 1792 l'établissait.

51. Des preuves de la parenté ou de l'affinité naturelle.

52. La preuve par témoins ne peut être admise.

53. Même dans le cas d'enlèvement, ce genre de preuves, pour appliquer la prohibition, n'est pas admissible.

54. Il faut une preuve authentique préexistante.

55. La reconnaissance authentique doit suffire; opinions contraires de Dalloz et de Duranton.

56. Quid de la notoriété publique ou d'une reconnaissance indirecte? 57. L'affinité naturelle est produite par un mariage qui a été annulé.

45. Art. 161. « En ligne directe, le mariage est prohibé >> entre tous les ascendants et descendants légitimes ou na»turels et les alliés dans la même ligne. »>

Voici comment s'exprime sur cet article l'orateur du gou

vernement:

<<< Dans tous les temps, le mariage a été prohibé entre >> les enfants et les auteurs de leurs jours. Il serait souvent >> inconciliable avec les lois physiques de la nature; il le >> serait toujours avec les lois de la pudeur; il changerait les >> rapports essentiels qui doivent exister entre les pères, les » mères et leurs enfants; il répugnerait à leur situation >> respective; il bouleverserait entre eux tous leurs de» voirs; il ferait horreur.

» Ce que nous venons de dire des père et mère et de leurs » enfants naturels et légitimes, s'applique, en ligne directe, » à tous les ascendants et descendants et alliés dans la même » ligne.

» Les causes de cette prohibition sont si fortes et si natu»relles, qu'elles ont agi presque par toute la terre indépen» damment de toute communication (1).

(1) Tous les Codes modernes contiennent cette prohibition. (Voir notamment celui des Deux-Siciles, art. 151 ; celui de la Louisianne, arti. cle 96; le Code Prussien, art. 935; le Code Suédois, art. 68; le Code Bavarois, art. 1, § 7; les lois Espagnoles, Ley 5, tit. 6, etc.; le Code Suédois, chap. 2, art. 1er, et 4.)

Tel était le langage de M. Portalis dans son exposé des motifs de la loi.

Ces expressions, si justes et si fortes, dispensent de toute autre réflexion. On ne pourrait que les affaiblir en y ajoutant.

46. Le jurisconsulte Paul a supposé que cette prohibition était du droit civil: Inter parentes et liberos jure civili matrimonia contrahi non possunt. Lib. 2, tit. 2, 19, Paul, Sentent.

La froide erreur de cette opinion est signalée par l'accord général et unanime de tous les peuples, même des peuples sauvages qui n'avaient cependant pas de droit civil, à repousser une union qui révolte la nature.

Le droit civil, en consacrant cet empêchement, n'a donc fait qu'ériger en précepte un principe de droit naturel (1).

Le même sentiment de répulsion du mariage entre les ascendants légitimes ou naturels devait le faire interdire entre les alliés de la même ligne. La nature répugne aussi à la pensée d'une union charnelle entre un fils et la veuve de son père. L'honnêteté publique s'en alarmerait et la morale divine en serait blessée.

47. La loi du Lévitique punissait de mort le coupable d'une telle union.

Qui dormierit cum novercâ suå et revelaverit ignominiam patris sui, morte moriatur. Loi 20, v. 11.

Si quis dormierit cum nuru suâ, uterque moriatur, v. 12. 48. Les lois romaines la déclaraient incestueuse et infâme. V. 1. 53, ff. de Ritu nupt., et 1. 6, C. de Incest. et inut. nupt.

Mais un gendre pouvait épouser la veuve de son beaupère qui s'était déjà remariée en secondes noces. De même la veuve d'un second mariage du gendre pouvait se remarier au beau-père, ou le second mari de la belle-mère à la veuve du fils de celle-ci.

Ces différences sont l'application de cette maxime si

(1) V. Grotius, de Jur. belli, et pac., lib. 2, t. 5, § 12.

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