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sagesse des tribunaux qui considéreront sans doute la posítion des époux comme bien favorable, surtout si des enfants étaient nés d'une imprudente union.

Au moins ne pourrait-on pas leur refuser le droit, après avoir obtenu des dispenses, de réparer, par une seconde célébration du mariage, le vice de la première (1)?

72. Les auteurs des Pandectes ont soulevé une question qui n'est ni sans importance ni sans gravité. Ils se sont demandé si, après avoir accordé des dispenses, le gouvernement pourrait les révoquer? Et ils répondent affirmativement, par la raison, disent-ils, que, qui peut donner peut révoquer, qui peut faire peut défaire.

Appliquant cette théorie aux dispenses qui auraient été obtenues par surprise sur un faux exposé, ils ajoutent que, si, à l'aide des dispenses, le mariage avait été célébré, il ne l'aurait pas été valablement et serait déclaré nul.

Cette opinion pourrait être vivement critiquée. Elle préterait, dans son application, à beaucoup d'arbitraire ; et les conséquences en seraient des plus funestes si le mariage avait donné naissance à des enfants qui seraient privés d'une filiation légitime pour être abandonnés à la honte de la qualification d'enfants incestueux. La surprise, un faux exposé ne motiveraient pas suffisamment la révocation, d'autant plus que le gouvernement, qui a des moyens nombreux de vérification, aurait à se reprocher de la légèreté dans sa première décision. La similitude tirée des anciens appels comme d'abus n'est pas exacte, parce qu'autrefois les dispenses n'émanaient pas, comme aujourd'hui, du souverain. Celuici, dans son conseil, était seulement appelé à examiner les causes des dispenses; mais en les annulant, il ne se réformait pas lui-même. Aujourd'hui, la révocation des dispenses ne devrait avoir lieu qu'au cas où un empêchement dirimant

(1) Le Code Autrichien, art. 83, porte que «si l'on n'a connaissance de l'empêchement qu'après le mariage, le curé peut provoquer des dispenses sur la demande des parties et en taisant leurs noms.

aurait été un obstacle absolu au mariage et que le gouvernement l'aurait ignoré. Mais dans ce cas-là même, les dispenses seraient nulles plutôt que révocables, et le mariage devrait être annulé pour un vice étranger aux dispenses.

Section IV.

De l'adoption.

SOMMAIRE.

73. Définition de l'adoption.

74. Etait-elle admise chez les anciens ?

75. Comment a-t-elle été établie en France?

76. Quels sont les empêchements qui en résultaient autrefois pour le mariage?

77. Quels sont ceux qu'elle produit aujourd'hui ?

78. Le mariage contracté malgré les empêchements provenant de l'adoption serait-il nul ou susceptible d'étre annulé?

79. La loi n'autorise pas à accorder des dispenses pour les mariages entre les enfants adoptifs et les enfants de l'adoptant.

73. L'adoption est une fiction de la loi qui imite la nature et qui confère au père et au fils adoptif les droits que leur attribueraient la paternité et la filiation légitimes.

74. On en trouve des traces chez les Hébreux. Elle était familière parmi les Athéniens. Elle fut admise dans la législation des Romains, qui l'avait empruntée des lois grecques ; et elle y reçut un développement que protégeait l'esprit de famille si respecté et si puissant chez ce grand peuple.

75. Pasquier, dans ses recherches, liv. 4, chap. 1or, prétend que l'adoption a été en usage en France dans les premiers temps de la monarchie.

Autrefois les administrateurs de l'hôpital de la charité de Lyon avaient le droit d'adopter les orphelins avec le consentement exprès ou tacite des parents habiles à leur succéder. L'adoption leur conférait sur la personne et les biens des enfants jusqu'à leur majorité, tous les droits attachés à la puissance paternelle.

Art. 348.

Depuis, et par une loi du 15 pluviose an 13, ce droit a été étendu aux administrateurs de tous les hospices de France.

On sait que l'adoption fut décrétée en principe par l'Assemblée nationale le 18 janvier 1792; qu'elle fut appliquée à la fille de Michel Lepelletier, qui fut adoptée au nom de la patrie, par la Convention, le 25 janvier 1793; qu'elle est aussi rappelée dans la Constitution de 1793 et dans un décret du 16 frimaire an 3, qui contient sur ses effets un règlement provisoire.

Mais elle n'a été définitivement organisée en France, pour l'avenir, que par le titre 8 du livre 1er du Code civil.

Une loi transitoire du 15 avril 1803 en a déterminé les effets pour le passé.

Nous n'avons à considérer ici l'adoption que comme empêchement de mariage. Cet empêchement est écrit dans l'article 348 du Code civil.

<< L'adopté restera dans sa famille naturelle et y conser» vera tous ses droits.

» Néanmoins le mariage est prohibé :

>> Entre l'adoptaut, l'adopté et ses descendants,
>> Entre les enfants adoptifs du même individu,

» Entre l'adopté et les enfants qui pourraient survenir à >> l'adoptant,

>> Entre l'adopté et le conjoint de l'adoptant, et réci>> proquement entre l'adoptant et le conjoint de l'adopté (1). »

(1) Même disposition dans le Code des Deux-Siciles (Art. 271 et 276). Le Code prussien ne défend le mariage qu'entre l'adoptant et l'adopté (art. 13 et 969), et il est permis lorsque l'adoption a éte préalablement

annulée.

Le Code de Bavière le prohibe entre l'adoptant et l'adopté ou ses descendants, entre l'adoptant et la veuve de l'adopté, et, tant que dure l'adoption, entre l'adopté et tous les individus qui sont sous la puissance de l'adoptant (§ 7. 8. 9).

En Wurtemberg, il est interdit entre les adoptants et les enfants adoptifs (Art. 39).

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L'affinité morale établie par l'adoption prescrivait les prohibitions contenues dans cet article.

Elles étaient aussi commandées par les rapports que la cohabitation fait naître entre l'adopté et la famille de l'adoptant, par l'ordre intérieur de cette famille, par le respect dû aux mœurs et le danger d'offrir un aliment aux passions dans l'espoir du mariage.

76. Les dispositions de l'art. 348 sont empruntées des lois romaines et spécialement des Institutes, de nuptiis § 2, et des lois 14 et 17, ff. de Ritu nuptiarum.

Per adoptionem quæsita fraternitas quousque impedit nuptias donec manet adoptio; ideòque eam quam pater meus adoptavit et emancipavit potero uxorem ducere, æquè et si me emancipato, illam in potestate relinuerit, poterimus jungi matrimonio.

Ulique amitam et amilam magnam prohitemur ucorem ducere et si per adoptionem nubiis conjunctæ sint. L. 17, ff. de Ritu nupt.

Mais, comme on le voit, chez les Romains, l'émancipation, soit du fils adoptif, soit des enfants légitimes, faisait cesser la prohibition, parce que par l'émancipation on sortait de la famille de l'adoptant.

Cependant l'empêchement subsistait entre l'adopté et l'épouse de l'adoptant, comme aussi entre l'adoptant et l'épouse de l'adopté.

Adoptivus filius si emancipetur, eam quæ patris adoptivi uxor fuit ducere non potest; quia noverca locum habet.

Ilem si quis filium adoptaverit, uxorem ejusdem quæ nurus loco est nequidem post emancipationem filii, ducere poterit, quoniam aliquandò nurus fuerit. L. 14, § 1er, ff. de Ritu nupt.

La loi 55, au même titre, défendait aussi le mariage, même malgré l'émancipation, entre le père adoptif et sa fille ou sa petite-fille adoptive.

Cette loi, au contraire, permettait, après l'émancipation seulement, le mariage entre l'adopté et la mère ou la grand

TOME I.

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mère de l'adoptant ou sa petite-fille née d'un autre fils. La prohibition disparaissait par l'émancipation, parce qu'elle faisait considérer l'adopté comme étranger à la famille de l'adoptant.

77. Entre notre loi et les lois romaines l'on trouve des différences assez remarquables.

La principale consiste dans l'effet de l'émancipation qui, chez les Romains, effaçait l'adoption et faisait disparaître les empêchements au mariage en ligne collatérale et même en ligne directe, à l'égard de la mère ou de la grand-mère de l'adoptant.

Parmi nous, au contraire, l'adoption consommée est irrévocable, et les empêchements qu'elle produit sont perpétuels.

Chez les Romains, la prohibition s'étendait, en ligne ascendante, à la mère et à la grand-mère de l'adoptant; en ligne descendante, à la fille et à la petite-fille de l'adopté, et en ligne collatérale, à la tante paternelle ou maternelle du père adoptif.

Notre loi nouvelle, au contraire, n'interdit pas le mariage entre l'adopté et les tantes de l'adoptant, et, par conséquent, elle le permet.

Elle est aussi muette sur les mariages entre l'adopté et les ascendantes de l'adoptant. Ce silence est-il oubli, est-il affectation? Quelle qu'en soit la cause, il doit surprendre ; car, comme le fait observer avec sagesse M. Vazeilles, «< convient-il que le père de l'adoptant puisse devenir son » gendre, en épousant sa fille adoptive?» (Traité du mariage, no 109, in fine).

78. Au reste, on remarquera que, pour les prohibitions même qu'elle prononce par l'art. 348, la loi ne prescrit aucune mesure et n'établit aucune peine qui en assure l'exécution. Il n'est déclaré, en effet, ni au Titre du mariage ni à celui de l'adoption, que la peine de nullité serait attachée au mépris des prohibitions ordonnées; ces deux lois

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