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Durant toute cette période, que la guerre qui éclata bientôt après avec la Russie rendait chaque jour plus difficile et plus orageuse, l'ambassadeur des Pays-Bas eut la gloire de protéger en Turquie les sujets des trois Puissances, que les événemens avaient privés de leurs appuis naturels. C'est à lui que parvenaient toutes les directions parties du centre commun de la diplomatie européenne, qui s'était formé à Londres, dans l'intérêt de la régénération de la Grèce; la correspondance officieuse avec le gouvernement ottoman passait par ses mains; et ce fut lui qui au nom de son roi représenta les deux tiers de l'Europe à Constantinople.

Mr. de Zuylen, fidèle interprète des sentimens et des vœux de sa cour, chercha à faire valoir sa position dans l'intérêt de la paix, dont le besoin se fesait sentir partout, et plus particulièrement encore dans le pays où il était accrédité. Si ses sages conseils avaient été suivis par la Sublime Porte, elle se serait contentée de la mémorable défense de Varna, et de quelques autres beaux faits d'arme qui signalèrent la première

époque de la guerre; et sans exposer à une destruction complète une milice jeune et récemment organisée sur les cadavres des janissaires, elle aurait arrangé ses différens avec son puissant adversaire pendant l'hiver de 1828. Mais d'autres conseils prévalurent dans le divan, et la campagne suivante ouvrit aux Russes, avec le passage des Balkans, les portes d'Andrinople. Il aurait été difficile de leur disputer la conquête de la capitale de l'empire ottoman, si le vainqueur avait voulu compléter son triomphe par cette brillante expédition.

L'ambassadeur des Pays-Bas en revint alors avec plus de vivacité aux instances qu'il avait précédemment faites dans des vues de pacification. La médiation que la Prusse interposa d'une manière si honorable dans le même but, trouva en lui un collaborateur plein de zèle. Il se joignit au général Müffling pour porter aux deux camps ennemis des paroles de modération et de condescendance. La paix d'Andrinople s'ensuivit: et l'ambassadeur des Pays-Bas après avoir rempli une mission qui valut à son gouvernement les

bénédictions de plusieurs milliers de Chrétiens de toutes les nations; et après avoir ajouté une belle page à l'histoire de la diplomatie de son pays natal, (qui, soit dit en passant, s'était, depuis deux siècles illustré souvent en Orient, nommément aux congrès de Carlowitz, de Passarowitz et de Tzistove), quitta Constantinople, lorsque sa présence cessa d'y être necessaire. Il revint dans sa patrie comblé de faveurs des trois souverains, dont les intérêts avaient été pendant si longtemps et si utilement confiés à ses mains.

Politique extérieure dans ses

Une année était à peine révolue depuis que ces services avaient été rendus, lorsque deux révolu- rapports avec la

tions, éclatant l'une à la suite de l'autre, vînrent subitement changer de fond en comble la face du monde politique, et particulièrement les destinées des Pays-Bas.

La révolution de juillet n'était pas un simple changement de dynastie et d'ordre social en France. Avec elle les souvenirs d'une grandeur et d'une prépondérance récemment perdue, se reveillèrent d'un assoupissement de quinze ans.

TOM. I.

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révolution belge.

Des projets ambitieux germèrent de nouveau dans les têtes françaises; et le prosélytisme politique de cette nation, non moins redoutable que ses armes, se déchaîna impétueusement dans toutes les directions.

Il ne tarda pas à s'emparer des matières inflammables qui étaient dispersées sur le sol de la Belgique. Les déplorables émeutes d'août, qui impriment une tache ineffaçable à la ville de Bruxelles, conduisirent un peuple aveuglé à la révolte. Le royaume des Pays-Bas était menacé d'une destruction totale. La France, et la France seule gagnait à cet évènement funeste, s'il venait à s'accomplir. C'est dans ses mains que la force des choses devait en dernier résultat faire passer les débris de l'état renversé, et agrandir ainsi la puissance d'une nation dont cet état était destiné à arrêter l'esprit d'envahissement.

Dans cette situation on devait s'attendre à voir toutes les Puissances de l'Europe s'armer de sagesse et de force, pour protéger et pour défendre le boulevard qu'elles avaient élevés

elles-mêmes à leur propre sûreté. Tout le contraire arriva. Les Puissances se réunirent à la vérité, mais ce fut pour souscrire à la démolition de leur ouvrage.

Un changement si complet, si subit, et surtout si intempestif, dans la politique de tous les cabinets, exige une investigation spéciale. Elle trouvera sa place ailleurs. Ce qu'il importe d'examiner ici, c'est uniquement, si la conduite du roi des Pays-Bas, lors de l'explosion des troubles en Belgique, a été de nature à indisposer contre lui l'une ou l'autre des Puissances, avec lesquelles il avait vécu jusqu'alors dans la meilleure intelligence.

Jetons donc, pour épuiser le sujet de ce chapitre, un coup d'œil rapide sur cette conduite, et voyons jusqu'à quel point elle pourrait donner lieu à un semblable reproche!

Assurément personne n'accusera le Roi de s'être porté, à cette occasion, à des démarches directement hostiles envers aucun état voisin ou éloigné. C'eût été bien mal choisir son temps, que de

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