Page images
PDF
EPUB

Frédéric, firent dans plus d'une occasion, et qui, mieux secondées, eussent pu conduire à des résultats heureux. Dans leur nombre, je citerai celle du 16 Juin 1794; et pour ne point encourir le soupçon de partialité, j'emprunterai le témoignage de l'estimable écrivain auquel j'ai déjà

eu recours.

Voici comme il s'énonce à ce sujet (1): «< Sans » être intimidé par la supériorité des forces qu'il >> allait avoir à combattre, le prince héréditaire >> d'Orange, qu'animait le génie de la guerre et » une ardeur trop peu imitée pour la cause com>> mune, repoussa, le 16 Juin, avec quarante mille >> soldats les quatre-vingt mille hommes de l'armée » de Jourdan, qui avaient été mal engagés. Me» nant lui-même au feu l'élite de ses troupes, le » jeune guerrier se jeta successivement sur les >> divisions françaises du centre en position sur >> un espace de trois lieues, et les accabla l'une >> après l'autre. >>

(1) Mémoires tirés des papiers d'un homme d'état, T. 2. p. 449.

Je pourrais multiplier de semblables citations, et m'étendre sur les détails de la prise de Landrecies; sur la levée du siège de Charleroi: levée qui, il est vrai, ne fut que momentanée, mais qui aurait pu devenir définitive, si le prince héréditaire avait été mieux soutenu (1); sur les succès mémorables que ce prince obtint à la trop fameuse journée de Fleurus, que des fautes graves, mais complètement indépendantes de lui, ont rendue si funeste aux alliés (2).

Je pourrais renforcer le témoignage que je viens d'invoquer à l'appui de ces faits d'armes, par ceux d'une multitude d'autres écrivains, et nommément d'un historien qu'à coup sûr on n'accusera pas d'être à la solde de la Hollande, ou de la maison d'Orange-Nassau (3).

Je pourrais d'autre part aussi parler d'un combat à jamais déplorable, où toute l'armée hollandaise

(1) Mémoires, etc. T. 2. p. 444 et 445.

(2) Ibid, T. 2. p. 463 465.

(3) Histoire de la Révolution française, par M. A. Thiers T. 6, où il rend compte de la campagne de 1794.

fut menacée de sa destruction, tandis que les troupes qui devaient la secourir contre un ennemi supérieur en nombre « mangeaient tranquil>>lement leur soupe. » Mais à quoi bon s'appesantir sur les causes secondaires des malheurs de la Hollande, lorsqu'une fatalité plus décisive suffit à elle seule pour l'expliquer?

Le gouvernement de ce pays et le cabinet britannique avaient conclu avec la Prusse un traité de subsides, en vertu duquel cette dernière Puissance s'engagea à mettre en campagne une armée de 62,400 hommes, qui devait se porter et agir <<< sur les points où les intérêts de l'Angleterre et » de la Hollande réclameraient sa présence (1).» Les subsides furent régulièrement payés aux époques convenues, mais les secours, vainement réclamés, n'arrivèrent jamais. Pas un seul homme, d'une armée qui devait être tout entière à la disposition des États maritimes, ne parut, malgré leurs pressantes instances, sur les bords de l'Escaut, de la Meuse, ou du Whaal.

(1) Memoires d'un homme d'état, T. 2. p. 403.

Il n'est pas de mon sujet d'examiner les motifs de cette conduite du cabinet prussien, ni de discuter jusqu'à quel point ils sont susceptibles d'être justifiés par les circonstances; ce qui est évident, c'est qu'une semblabe défection devait être ruineuse pour la Hollande.

Ce n'est pas tout encore. La Prusse s'était àpeu-près détachée de l'alliance, même avant de faire sa paix séparée avec la France. La politique de l'Autriche avait changé de direction : elle était devenue incertaine et vacillante. Lassée d'une guerre qu'elle fesait avec peu de succès, elle tourna ses regards vers d'autres contrées dont elle convoitait la possession; et complètement dégoutée de la Belgique, qu'elle avait vainement cherché à armer contre la France, elle ordonna à ses armées de se retirer, d'abord derrière la Meuse, ensuite derrière le Rhin. Elle laissa la Hollande ouverte à l'envahissement de la France, partout victorieuse.

L'Angleterre devint alors l'unique ancre de salut de la république des Pays-Bas. Les forces du

TOM. I.

3

prince d'Orange, unies à celles du duc d'York, suffisaient peut-être encore pour défendre un pays que la nature protège puissamment. Mais le duc d'York ne tarda guère à regagner l'Angleterre, et lorsque les dangers devinrent plus imminens, l'armée anglaise, restée sous le commandement du général de Walmoden, évacua entièrement la Hollande. Les rigueurs d'un hiver presque sans exemple dans les annales de ce pays; les divisions intestines qui, à la suite des revers des armées alliées, y avaient pris un caractère plus grave; et les intelligences secrètes que la France y entretenait, achevèrent la ruine de la République. Elle tomba au pouvoir d'un ennemi qui s'en déclara le libérateur pour en faire l'un des satellites de sa grandeur naissante.

C'est ainsi que succomba la république des Provinces-Unies, après des siècles de gloire et de prospérité. Elle perdit avec des trésors immenses, avec la plus grande partie de sa flotte dont les Anglais s'emparèrent (afin, disaient-ils, de la lui conserver pour un meilleur avenir),

[ocr errors]
« PreviousContinue »