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où Voltaire voulait placer en quelque sorte le séjour du bonheur; enfin, qu'à soixante-dix ans, âge de Pacius, un second voyage de deux cents lieues et en traversant les Alpes devait être fort pénible, on aperçoit sans peine de purs prétextes dans ces prétendus motifs.

Le véritable fut-il encore son opinion religieuse, et par conséquent le désir fort naturel de vivre dans une ville protégée par l'édit de Nantes, plutôt que dans un pays d'inquisition? Nous n'en doutions point d'abord, parce que l'assertion d'un biographe moderne, le père Niceron, que Pacius était, avant sa mort, rentré dans le sein de l'Église catholique, ne reposait sur aucune sorte de preuve, et qu'elle était tacitement contredite, suivant la remarque de Chauffepié (pag. 4), par le silence de Gassendi sur ce point, auquel son héros, Peiattachait une si grande importance.

resc,

La lecture de sa dernière épître dédicatoire, négligée, comme les autres, par les biographes, nous a fait changer de sentiment 1. Elle émane évidemment d'un catholique, et d'un catholique converti au moins depuis quelques années. Elle est, en effet, adressée à un cardinal légat, le célèbre François Barberin, en même temps neveu du pape (Urbain VIII). On y qualifie le pape de beatissime pater, et son siége sedes apostolica. On y dit que ce chef de l'Église catholique peut amener et même contraindre les hérétiques et les infidèles à rentrer dans te sein de l'Église (hereticos et infideles vel ad sanitatem adducere, vel coercere potest), etc., etc., sans parler d'autres assertions ou expressions que jamais un calviniste n'eût faites ou employées.

› Épître de l'Enantiophanon, édition de 1643, datée de Valence. Elle fut, dit l'éditeur,écrite en 1625, mais publiée seulement en 1631.

Entre cette épître, écrite en 1625, et le dernier des ouvrages de Pacius à nous connus, ou le Dominium maris Adriatici, où l'on n'aperçoit aucune trace d'opinions semblables, il s'était écoulé six années. C'est dans cet intervalle qu'il dut abandonner le calvinisme; et, en effet, on apprend par une correspondance curieuse de Peiresc, publiée au XVIIIe siècle', et où sont tous les détails des démarches faites par ce savant pendant quinze à vingt années pour la conversion de Pacius, que celui-ci fit une profession publique du catholicisme au mois de juillet 1619. A l'égard des motifs par lesquels il s'y détermina, nous devons, sans doute, les attribuer à une véritable conviction, bien que Peiresc cite comme ayant dû influer sur la démarche de Pacius. la mort inopinée de deux de ses fils.

Quoi qu'il en soit, nous l'apprenons par les mêmes documents, parti au mois d'avril 1620 pour Padoue, il retourna à la fin de l'été de 1621 à Valence, où il fut reçu, dit Comnène, avec des applaudissements extraordinaires, et rétabli dans sa première chaire avec une pension ou des honoraires portés, selon Comnène, trois mille livres.

à

Pendant ce dernier professorat et vers le printemps de 1621, le légat Barberin passa à Valence; l'université alla en corps à sa rencontre. Il fit un accueil distingué, non-seulement à Pacius, mais à un de ses fils. En reconDaissance, le jurisconsulte lui dédia en 1625 une nouvelle édition d'un de ses ouvrages, augmentée de trois nouvelles parties; mais divers événements empêchèrent de la publier avant 1631.

Peu de temps après, le 19 mars 1632, à l'âge d'en

Elle est extraite avec détail dans Tiraboschi, in-4o, VII, p. 148, 146、

viron quatre-vingt-deux ans, il fit son testament dans cette ville; et enfin, d'après Comnène et Brucker, il y

mourut en 1635.

Pacius a laissé des ouvrages de philosophie et de droit dont nous donnerons l'indication'. Nous ne pouvons rien dire des premiers, si ce n'est que sa traduction latine de l'Organon d'Aristote, reproduite dans plusieurs éditions, a été jugée par des hellénistes du XVII siècle comme la meilleure qui existât, et qu'encore à présent, dans l'opinion du savant de nos jours qui a le plus approfondi ces matières, elle est un chef-d'œuvre sur lequel s'appuient tous les écrits qui ont pour objet la logique d'Aristole.

A l'égard des ouvrages de droit de Pacius, ils se distinguent par la clarté et la méthode. Il a voulu surtout employer celle des tableaux que nous avons vue également adoptée de nos jours, pour mieux graver dans la mémoire des élèves la classification des matières et leur faire retenir les principes généraux. Son édition du Corpus juris est placée au nombre des cinq ou six éditions remarquables du XVIe siècle, qui ont servi à publier les éditions usuelles et courantes; enfin, plusieurs de ses Traités se distinguent par la sagacité et l'étendue des connaissances. Nous pouvons citer à cet égard, 1° les Traités des Pactes et Transactions, comme ayant été nous-même plusieurs fois dans le cas d'en faire usage; 2° l'Enantiophanon dont se sert également aujourd'hui l'un de nos plus savants docteurs. Un mot, d'ailleurs, suffit à l'appréciation au moins des Disser

1 V. plus loin, note finale B.

2 M. V. C. de l'Institut.

3 M. S., professeur suppléant à l'école de droit de Paris.

tations civilistiques publiées par lui avant 1580, c'est qu'elles avaient obtenu l'approbation de Cujas, fait encore ignoré des biographes.

Nous n'accorderions pas les mêmes louanges, nous devons l'avouer, à son espèce de plaidoyer relatif à la souveraineté de la mer Adriatique, dont il fut si magnifiquement récompensé par le sénat de Venise: on y trouve, presque à chaque page, les défauts des avocats dont nous avons parlé dans nos remarques sur Cochin et sur les orateurs des XVI et XVII° siècles', par exemple un luxe inouï d'autorités et une absence non moins étrange de motifs et de discussions logiques.

Peut-être

que comme, à cette époque, on préférait en Italie (et ce goût bizarre s'y est maintenu, dit-on, jusqu'au XVIII siècle) les citations au raisonnement, Pacius crut-il, dans un ouvrage destiné à des Italiens, devoir suivre une méthode analogue à ce même goût, et abandonner celle du raisonnement, introduite depuis un demi-siècle, par l'école de Cujas. En dernière analyse, nous pouvons du moins dire avec Tiraboschi que, d'après les honneurs qui lui furent rendus, les hono raires considérables dont il fut doté, les démarches de tant d'universités célèbres pour se l'attacher, il est inque Pacius était généralement regardé comme un des plus savants hommes du temps où il vivait.

dubitable

NOTES.

A. Pièce de vers où Pacius fait son histoire pendant le XVIe siècle.

Urbs genuit Venetis condens quam Gallus in oris,

Hostibus à victis nomen habere dedit.

Notice sur la nouvelle édition de Cochin, etc., insérée dans la Themis, t. V (1823), p. 433 et suiv.

Pacis ubi et Berigæ nostræ cognomina gentis,

Clara per innumeros inveniuntur avos.
Cum fratre à teneris, jussu patris, excolor annis,
Helladis et Latii scripta diserta legens,
Missus in illustrem post hæc Antenoris urbem,
Et Sophiæ jussis imbuor et Themidis.
Tum fatum injusti fugientem tela furoris
Detulit ad fines, terra Lemanna, tuos.
Tu vitæ sociam prima florente juventa
Junxisti: decies me facit illa patrem.
Evocat hinc lustris tradentem jura duobus
Pannonia, et retinet tempore penè pari.
Abstrahor à caris, colui quos semper, amicis
Moribus aversis, livida turba, tuis.
Pace peto Mosam, mox linquo bella gerentem,
Antiquo Allobrogum reddor et hospitio.
Sed si hinc pertraxit Rectoris læta Nemausus,
Imponens humeris munera cuncta meis,
Cur revocas? præstare vetant, en optime princeps,
(Parce piæ menti) jussa superba fidem.
Non tamen invitus retinebor tempore longo;
Auro libertas gratior esse solet.

Excipit hinc igitur vicina Academia, tandem

Sede Placentini, rege jubente, locans.

Hactenus adversam expertus, sortemque secundam,
Evasi invictus. Scire futura nefas,

B. Ouvrages de Pacius.

Le père Niceron (t. 39, p. 280 à 288) a donné un catalogue exact des ouvrages de Pacius au nombre de vingt-neuf, avec l'indication de leurs éditions diverses. Tiraboschi (sup.) s'en réfère à ce catalogue. Chauffepié l'adopte aussi, mais le disperse en quelque sorte dans plusieurs notes séparées, sans y rien changer; en un mot, si l'on excepte une indication de trois éditions de l'Organon, omises par Niceron et citées d'après Fabricius, par Chauffepié, le travail de Chauffepié ne diffère en rien de celui de Niceron, si ce n'est en ce qu'il est moins commode à consulter.

Voici le sommaire de la notice de ce bibliographe, auquel, à l'exemple de Tiraboschi, nous renverrons pour les détails, soit re

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