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L'art. 1530 déclare que le montant de l'assurance du navire est compris dans l'abandon; cette question est encore controversée dans le droit français. L'article 1531 refuse aux armateurs la faculté de se libérer par l'abandon de leurs parts de navire, si, nonobstant les réclamations relatives au dernier voyage et dûment notifiées, ils ont de nouveau remis le bâtiment à la mer.

En Angleterre, l'armateur est responsable des engagements du capitaine relatifs au navire et à l'expédition, d'après les règles ordinaires du mandat1. Si le capitaine a contracté dans le but immédiat du voyage maritime, et encore que le contrat ait été passé dans le lieu de la demeure des armateurs, ils sont tenus personnellement jusqu'à concurrence de la somme qui est constatée avoir été nécessaire 2. Il peut aussi, pendant le cours du voyage et lorsqu'il ne peut pas communiquer facilement avec les propriétaires, engager jusqu'à concurrence de la somme dont il aura besoin, le navire et la cargaison, même vendre une partie de la cargaison, mais jamais la cargaison entière. La difficulté de communiquer avec les armateurs existe par la seule circonstance que le navire se trouve hors d'Angleterre ou dans une colonie ou ile anglaises, les armateurs se trouvant ailleurs '. Les emprunts que le capitaine a été obligé de faire, en

'Abbot, Treatise of the law relative to merchant ships and seamen. London, 1812, p. 102, 115. E. L. Holt, System of the shipping and navigation laws of Great Britain, etc. London, 1820, t. I, Pohls, Exposé du droit maritime (Darstellung des Seerechts, etc.).

t. 1, p. 207.

2 Abbot, p. 127.

p.

379.

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agent les armateurs, mais il n'en est pas de même des traites qu'il a tirées sur eux 1.

Le droit des États-Unis, sur cette matière, prend sa source dans l'usage, comme le droit anglais. Les armateurs sont obligés par les engagements du capitaine, en tant que ces engagements ont été nécessaires ; les armateurs sont également responsables des faits illicites commis par le capitaine dans l'exercice de son pouvoir Le capitaine ne peut emprunter sur le corps et quille du vaisseau, que lorsqu'il se trouve hors des États-Unis et dans l'impossibilité de continuer le voyage; dans ce cas même, il lui est défendu de recourir à l'emprunt sil possède des objets appartenant à lui ou aux armateurs, ou si ceux-ci ont, dans le port où il se trouve, des correspondants qui seraient en état de lui procurer les fonds nécessaires; alors il peut mettre en gage les marchandises ou en vendre une partie, tant qu'il se trouve encore en route; une fois arrivé au lieu de la destination du navire, il ne peut plus faire aucun de ces actes. Les armateurs sont obligés par les lettres de change que le capitaine se trouvant hors du pays a tirées sur eux ®.

L'article 203 du Code de commerce de Naples ne contient que la traduction littérale de l'article 216 du Code français.

Campbell's Reports, t. IV, 250.

Treatise of the law relative to merchant ships and seamen, by Charles Abbot, with the copious annotations of Joseph Story, 3a American edition. Exeter, N. H. 1822, p. 149.

4

Story, p. 184.

Story, p. 175.

5 Story, p. 178.

Story, p. 105 sq.

Dans le nouveau Code des Pays-Bas, en vigueur depuis le 1er octobre 1838, on a vidé la controverse par une disposition contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation. L'article 321, § 1er et 2, décide expressément que la responsabilité des propriétaires du navire, à l'occasion des faits et obligations du capitaine, cesse dans tous les cas par l'abandon du navire et du fret gagné durant le dernier voyage. Cet article déclare encore à la fin, en opposition avec l'article 1530 du Code prussien, mais conformément à la doctrine soutenue déjà par Emérigon, que le montant de l'assurance n'est pas compris dans le délaissement du

navire.

La loi maritime de Suède ( de l'an 1667), sect. II, chap. 16, et le Code danois promulgué par le roi Chretien V, en 1683, liv. IV, chap. 2, art. 5, et chap. 5, art. 5, accordent également aux armateurs la faculté absolue de se libérer par l'abandon du navire.

C'est donc par erreur que la commission chargée de l'examen du projet de loi relatif à la responsabilité des propriétaires de navire, a dit dans son rapport : « Il était bien de mettre notre législation maritime d'accord avec celle des peuples qui commercent avec la France. » Bien au contraire, la législation des peuples qui commercent avec la France, à l'exception de celle de Hollande, de la Suède et du Danemark, est plutôt en harmonie avec les principes adoptés par la doctrine et la jurisprudence de la Cour de cassation. Le projet de loi dont je viens de parler est destiné à modifier cette jurisprudence.

Voici la nouvelle rédaction de l'article 216 Ju Code de commerce :

« Tout propriétaire de navire est responsable des faits

et engagements du capitaine, pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition.

» La responsabilité cesse, dans tous les cas, par l'abandon du navire et du fret. »>

La commission de la chambre des députés a de plus ajouté, à la fin de l'article 298, la disposition sui

vante :

Si le navire se perd, le capitaine tiendra compte des marchandises sur le pied qu'il les aura vendues, en retenant également le fret porté au connaissement, sauf le droit réservé au propriétaire du navire par le § 2 de

Particle 216. »

Les arguments développés dans le rapport se réduisent aux propositions suivantes :

Le caractère et l'étendue du mandat résultent virtuellement du choix que l'armateur fait du capitaine auquel il donne la conduite de son navire. Ce mandat n'a point un caractère général, ni une étendue indéfinie; son objet déterminé est la conduite du navire. Ce mandat ne peut donc engager le propriétaire au delà de la valeur du navire et du fret qui en est l'accessoire ou le fruit civil. La distinction admise par la Cour de cassation fait sortir le mandat de l'armateur des limites qui lui sont naturellement assignées par son objet : à une spécalation dont il n'a pas voulu étendre les risques au delà de la valeur de son navire, la jurisprudence de la Cour suprême substitue une opération de nature à compromettre toute sa fortune.

Cet argument me semble reposer sur une pétition de principe. L'objet du mandat de l'armateur est la conduite du navire; mais il ne s'ensuit pas que la responsabilité de l'armateur soit bornée à la valeur du navire, de même que la responsalité du mandant en général ne

se mesure pas à la valeur de la chose qui fait l'objet du mandat. La volonté du propriétaire ne peut non plus être prise en considération; elle pourrait lui créer des droits contre le capitaine; mais elle ne pourrait être présumée ni opposée contre des tiers, qui n'ont agi qu'avec le capitaine, et ayant seulement égard aux besoins et nécessités du voyage.

La commission fait remarquer que le prêteur à la grosse a accepté le navire pour sûreté de son prêt, el que par cela même qu'il n'avait pas d'autre garantie, il a stipulé un profit maritime bien supérieur à ses risques de mer.

Elle fait remarquer aussi que les chargeurs dont les marchandises ont été vendues ou mises en gage auront pour gage le navire et le fret, c'est-à-dire tout ce que l'armateur leur a offert, pour répondre des faits du capitaine. Si cette valeur ne suffisait pas pour rembourser le prix des marchandises vendues, la perte commune aura eu, le plus souvent, pour cause le désir de pourvoir aux intérêts des chargeurs autant qu'à ceux des propriétaires du navire.

Les directeurs des principales compagnies d'assurance de Paris, dans leurs observations contre le projet, ont demandé avec insistance que l'armateur fùt déclaré personnellement responsable des engagements du capitaine, parce que c'est lui qui l'a choisi. Le rapport répond que le capitaine n'est pas toujours choisi par l'armateur, puisqu'il peut être remplacé en cours de voyage, soit en cas de décès, soit en cas d'empêchement absolu de continuer ses fonctions. Sur la demande des compagnies d'assurance, que du moins l'armateur qui fait l'abandon du navire et du fret soit tenu d'abandonner également le montant de l'assurance qu'il

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