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tilités, ni d'avantage en ce qui concerne les Français quelconques, désobéissant à un décret de rappel en ne rentrant pas en France. Loin de là, ne doit-on pas conclure à contrario de l'ordonnance de 1823 :

1° Que parmi les cas assimilés par le décret de 1809 au fait de porter les armes contre la patrie, elle n'en admet qu'un seul, celui de rester au service militaire de l'ennemi ;

2° Que la désobéissance au décret de rappel, qui prescrit de rentrer en France, ne donne lieu à aucune peine contre ceux qui quitteraient le service étranger;

3. Que le fait de rester au service étranger en cas de guerre ne constitue un fait punissable que pour les militaires ;

En un mot, que le décret de 1809, maintenu dans les dispositions que nous avons reconnues conformes aux principes, et nullement entaché d'excès de pouvoir demeure au contraire sans force pour le surplus?

Quant aux quelques ordonnances qui ont autorisé des naturalisations, est-on bien fondé à en conclure que le gouvernement, en se reconnaissant le pouvoir d'accorder ces autorisations, entendait consacrer toute la législation impériale sur la nécessité de les obtenir ? Et d'abord il faut bien remarquer que des concessions faites à la demande de quelques personnes qui croyaient en avoir besoin ne révèlent pas aussi clairement la pensée du gouvernement sur le maintien prétendu des décrets que pourraient le faire des actes de propre mouvement.

Mais à part cette considération, qui ne voit encore que le maintien du décret de 1811, en ce qu'il contient de favorable, pouvait être dans la pensée du gouvernement, sans que la même pensée s'appliquât à la partie rigoureuse comprise au contraire dans la réprobation

générale dont les décrets avaient été frappés par les premiers actes du pouvoir royal?

Si quelque chose, au reste, peut montrer la persuasion où l'on était sur l'abrogation de la pénalité exorbitante du décret de 1811, c'est le petit nombre des autorisations accordées, et cela sans doute à raison du petit nombre des demandes. On n'en peut citer que trois depuis 1814 jusqu'à nos jours, quand on en trouve vingtcinq de 1812 à 1814. C'est là encore une grave considération contre l'application que l'on voudrait faire aujourd'hui de cette pénalité exorbitante; car il est évident que si vingt-cinq naturalisations ont été autorisées dans un intervalle de deux ans, un bien plus grand nombre denaturalisations ont eu lieu dans un intervalle de vingtsix ans ; et cependant trois seulement ont été autorisées. Alors on est effrayé de penser qu'un si grand nombre personnes qui auraient certainement sollicité et obtenu l'autorisation, si elles l'avaient cru utile, se trouveraient aujourd'hui victimes d'une erreur d'autant plus excusable qu'elle était généralement partagée.

de

Tels sont les motifs qui me portent à penser que les décrets, en ce qui concerne la pénalité qu'ils établissent en dehors des dispositions de nos Codes criminels, comme aussi en tout ce qu'ils contiennent de dérogatoire au Code civil sur l'état des personnes, n'ont pas survécu au pouvoir qui les avait rendus, ni aux circonstances qui les avaient fait rendre; qu'en tous cas, ils doivent être considérés aujourd'hui comme abrogés.

Si ce système n'était pas admis, il resterait à combiner les dispositions du décret de 1811 sur la naturalisation des Français en pays étranger avec celles de la loi du 14 juillet 1819 sur les étrangers. A cet égard il est certain que cette loi fait entièrement disparaître la

faveur accordée par le décret de 1811 à la naturalisation autorisée, car il n'est aucun des droits réservés par le décret au Français naturalisé ou à ses enfants, qui nez soit aujourd'hui commun à tout étranger.

Si donc l'autorisation pouvait être aujourd'hui utile, ce serait uniquement pour soustraire celui qui l'obtien-. drait aux peines de la naturalisation non autorisée.

Mais ici précisément se présente la question de sa voir si la même loi de 1819 n'aurait pas fait cesser les principales rigueurs de cette pénalité déjà si notable ment réduite par l'abolition de la confiscation.

Ainsi, comme on l'a démontré, l'abolition de la con fiscation ne permet plus d'appliquer au Français naturalisé ou entré au service sans autorisation, la perte des biens prononcée par l'art. 6 du décret ; mais il rest à savoir si l'incapacité de succéder, prononcée par l même article comme conséquence de la perte des droits civils (v. art. 7), doit continuer à subsister depuis que les étrangers sont devenus capables de succéder. Même, question quant à l'incapacité de transmettre ou d'acqué rir à titre gratuit, que le décret n'a pas formellement prononcée, mais qui suit comme conséquence naturelle de la perte des droits civils.

Pour la négative, on peut dire que le Français ainsi naturalisé n'est en définitive qu'un étranger; que l'incapacité de succéder, et plus généralement la perte des droits civils, n'est encourue par lui que comme conséquence de la perte de la qualité de Français. Cette proposition se démontre par argument à contrario tiré de l'article 3 combiné avec l'article 6. On remarque, en effet, que l'article 6 n'exprime pas, quant à l'incapacité qu'il prononce, comme le fait l'article 3, quant à la capacité qu'il réserve, l'intention d'établir pour le Fran

çais naturalisé une condition indépendante de celle des sujets de sa nouvelle patrie. Enfin, quand il en serait autrement, quand même le Français dont il s'agit serait placé par le décret dans une catégorie particulière d'étrangers, on invoque encore en sa faveur la généralité de la loi de 1819 qui, ne distinguant pas, doit, dit-on, comprendre toutes les classes d'étrangers.

Tel est l'avis embrassé par Merlin après hésitation', et cette doctrine est consacrée par un arrêt de la cour royale de Paris, du 1er février 18362.

Ce système sans doute est favorable puisqu'il tend à repousser l'application d'une législation odieuse; mais quelque désir qu'on doive avoir d'entrer dans cette voie, il faut pourtant reconnaître qu'il est inadmissible et qu'il repose sur une fausse interprétation tant de la loi de 1819 que du décret de 1811.

La loi de 1819 a eu pour objet unique de lever les incapacités attachées à la qualité d'étranger, les incapacités qu'elle a en vue sont celles qui résultaient des articles 726 et 912. Aussi sa proposition principale, dont la suite de l'article n'est que le développement, c'est Fabrogation de ces deux articles. Mais ce n'est pas au seul titre d'étranger et par application des articles 726 #1912 que le Français naturalisé encourt, aux termes des articles 6 et 7 du décret, l'incapacité de succéder et la perte des droits civils; c'est à titre de peine pour contravention à la défense qui lui était faite par les articles 1 et 17. Ce qui le prouve clairement, ce sont les riqueurs inapplicables aux simples étrangers dont il est 'objet, je veux parler de la perte des biens et de la con

Répert., t. 16, v Français.
J. du P., t. 105, p. 384.

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fiscation. C'est certainement dans la même pensée que l'incapacité de succéder est prononcée contre lui dans le même article, et rattachée par l'article suivant à la perte générale des droits civils. Voilà qui doit suffire pour exclure l'assimilation qu'on eût voulu établir entre lui et les sujets de sa nouvelle patrie, et pour repousser l'argument à contrario tiré de l'article 3. Ajoutons à cel égard qu'il fallait bien s'expliquer pour la réserve fait en faveur du Français naturalisé avec autorisation car on aurait pu croire que l'autorisation n'avait pow effet que de soustraire aux peines, mais n'en laissai pas moins entière l'application de l'article 17, et pa suite celle des articles 11, 726 et 912 du Code civil Mais, au contraire, on n'avait pas besoin d'exprimer qu le Français naturalisé sans autorisation était placé hor du droit commun des étrangers. Il est clair que si l'o n'eût voulu que lui appliquer ce droit commun, of n'avait pas besoin de formuler contre lui des incapaci tés ; il suffisait de ne rien dire pour amener l'application naturelle de l'article 17 du Code civil.

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Disons-le donc, quoique à regret, la perte des droit

civils, l'incapacité de succéder formellement pronon cée, celle de transmettre et de recueillir à titre gratuit cette dernière résultant virtuellement de la perte de droits civils, rigueurs encourues à titre de peine aut termes du décret de 1811, n'ont rien de commun ave les incapacités résultant des articles 726 et 912. Si don le décret de 1811 est encore en vigueur, l'abrogation des articles 726 et 912, par la loi de 1819 ne les a pa fait cesser; c'est ce qu'enseigne M. Duranton', et a

1 T. 1, no 180. V. aussi Delvincourt, t. 17, no (3).

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