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La femme mariée sous la clause de séparation de biens, qui a la libre administration de ses biens personnels, et libre jouissance de ses revenus, ne peut cependant aliener ses immeubles sans le consentement spécial du mari, ou, à son refus, sans être autorisée en justice. Aucune stipulation ou clause générale du contrat de mariage ne peut lui attribuer cette faculté. (Art. 1538, conféré avec l'art. 1449.)

Sous le régime dotal, la loi fait d'autres distinctions non moins importantes entre les biens meubles et immeubles. Tout ce qui est constitué en dot reste la propriété de la femme; mais le mari en a l'administration, et en perçoit des fruits et intérêts, pour supporter les charges du mariage (art. 1549, conféré avec l'art. 1540). Souvent les biens constitués en dot sont mis à prix dans le contrat de mariage, et alors il faut distinguer si ce sont des meubles ou des immeubles. S'il s'agit d'un objet mobilier, le mari en devient propriétaire, et ne doit que le prix d'estimation; si, au contraire, il s'agit d'un immeuble, l'estimation n'en transporte point la propriété au mari, mais elle reste à la femme. Cependant ces dispositions de la loi peuvent être modifiées par les declarations expresses des parties. (Art. 1551, 1552.) Sous le régime dotal, on n'a pas suivi aussi scrupuleusement la règle «pretium succedit in locum rei, et res fuccedit in locum pretii» que sous le régime de la coinmunauté. Ici les immeubles acquis avec les deniers provenant des immeubles aliénés, rentrent en leur place et deviennent à leur tour des biens personnels; il n'en est pas de même dans le régime dotal : l'immeuble acquis avec les deniers dotaux n'est pas pour cela dotal, à moins que l'emploi en ait été stipulé dans le contrat de mariage Il en est de même si la dot est constituée en

argent, et si on donne un immeuble en payement (1553). La raison se trouve, selon nous, dans l'inaliénabilité du fonds dotal, dont le législateur a voulu frapper le moins d'immeubles possible. Cependant la loi admet plusieurs exceptions à la règle de l'inaliénabilité de la dot, et qui sont établies aux art. 1555, 1556 et 1558. Dans ces divers cas, si le prix du fonds dotal aliéné excède les besoins, il doit être fait emploi de l'excédant au profit de la femme (art. 1558, dernier alinéa ). Quoique la loi ne défende pas l'échange du fonds dotal, elle l'environne cependant de toutes les précautions possibles. L'immeuble reçu en échange doit avoir au moins les quatre cinquièmes de la valeur de l'immeuble échangé, l'utilité de l'échange doit êtrejustifiée, l'autorisation en justice obtenue, et l'estimation faite par des experts nommés par le tribunal. L'immeuble reçu en échange et l'excédant du prix, s'il y en a, seront dotaux (1559). Les art. 1560 et 1561 complètent le système de l'inaliénabilité des biens dotaux ; le premier autorise la révocation de l'aliénation, le second déclare les biens imprescriptibles pendant le mariage.

Quant aux biens paraphernaux, c'est-à-dire qui ne sont pas constitués en dot, et dont la femme a l'administration et la jouissance, ils ne peuvent non plus être aliénés par la femme sans l'autorisation du mari, ou la permission de la justice (art. 1574, 1575).

La loi distingue encore entre les meubles et les immeubles, quand il s'agit de la résolution du contrat de vente, faute par l'acheteur de payer le prix de la

chose. La vente d'un immeuble n'est résiliée de suite. faute de payement, que dans le cas où le vendeur est en danger de perdre la chose et le prix; tandis que le juge peut, hors ce cas, accorder à l'acquéreur un

délai, et que même dans l'hypothèse où on aurait stipulé la résolution de plein droit, faute de payement dans le terme convenu, le vendeur est encore obligé de mettre l'acheteur en demeure (art. 1654-56); en matière d'objets mobiliers la résolution de la vente a toujours lieu de plein droit et sans sommation, après l'expiration du terme convenu pour le retirement de la chose achetée

art. 1657).

La vilité du prix est encore un moyen accordé au vendeur pour faire résilier le contrat de vente; mais il n'est donné que lorsqu'il s'agit d'un immeuble, et n'a point lieu pour les objets mobiliers (art. 1674). Ici le but de la loi est encore évidemment de prévenir la trop grande dépréciation des immeubles dans les transactions entre particuliers. (Conférez l'art. 1684.)

La propriété d'immeubles est exigée par la loi civile pour la solvabilité d'une caution. Nul individu n'est admis comme caution dans une cause civile, à moins qu'il ne possède des propriétés foncières : il y a exception lorsque la dette est modique, et dans les affaires le commerce (art. 2019 ).

L'article 2059 témoigne également de la sollicitude lu législateur pour les immeubles, en ce que la contrainte par corps y est prononcée contre le stellionaaire, c'est-à-dire, contre tout individu coupable d'avoir rendu ou hypothéqué sciemment un immeuble d'autrui; l'avoir présenté comme libres des biens hypothéqués, u de n'avoir point déclaré toute la quantité des hypothèques dont ils sont chargés. Quelle peine, puisque la contrainte par corps en est une en ce cas, la loi attache-elle à celui qui vend un objet mobilier qui ne lui appartient pas, ou qui le donne en gage à son débiteur ? Evidemment aucune; pourvu que le fait ne tombe pas

dans les termes de l'escroquerie, la loi se borne à imposer des dommages intérêts (art. 1599 ).

Arrivant à la matière des droits réels, les priviléges et hypothèques, nous voyons d'abord, à l'égard des créances privilégiées, que la loi fait une importante distinction entre les priviléges sur les meubles et ceux sur les immeubles, en ce qu'elle exige la transcription des derniers sur les registres du conservateur des hypothèques; obligation qui n'est point imposée aux priviléges sur les meubles (art. 2106). Cependant les nombreuses exceptions admises par la loi diminuent l'efficacité de cette sage précaution. Ainsi sont exceptées de la forma lité de l'inscription les créances énoncées en l'art. 2101, c'est-à-dire les priviléges généraux sur les meubles et les immeubles (art. 2107); celle du vendeur d'un im meuble, et celle du bailleur de fonds pour l'acquisition d'un immeuble, lorsque l'emploi des fonds empruntés est constaté par l'acte de vente; en ce cas la transcrip tion de l'acte translatif de propriété suffit (2108; conf. les art. 2109-2111). Les titulaires des priviléges généraux sont cependant tenus de se faire payer de préférence sur le mobilier, et ce n'est que subsidiairement, en cas d'insuffisance de celui-ci, qu'ils peuvent se faire colloquer sur le prix des immeubles. C'est ce qui résulte de l'esprit général de la loi, qui veut que les dettes soient acquittées de préférence sur les meubles; ce qui est conforme à l'opinion de Grenier et de Persil, et à la jurisprudence de la Cour de cassation (1). Quand l'inscription exigée par la loi pour conserver le privilége sur un immeuble n'est pas faite dans les conditions voulues, la créance devient purement hypothécaire, et ne prend

1 V. Zacharia, Cours de droit civil (trad. française), II, p. 116.

rang parmi les autres créances, que du jour de l'inscription (art. 2113). Le même motif qui a fait dire à nos législateurs que les meubles n'ont pas de suite par hypothèque (art. 2119), en restreignant le droit réel de Thypothèque aux seuls immeubles, a conduit les auteurs du Code civil à plusieurs restrictions dans les priviléges sur les meubles.

La promptitude et la facilité avec lesquelles les objets mobiliers passent d'une main dans l'autre font obstacle à ce qu'on y attache des droits réels, qui suivraient l'objet mobilier dans la main de tiers. Toutes les fois que la loi accorde au créancier la faveur d'être payé sur un objet mobilier, par préférence à tous les autres créanciers, elle soumet ce privilége à la condition que l'objet n'ait pas encore changé de possesseur. Nous disons possesseur et non propriétaire; car quoique ordinairement le privilége cesse dès que l'objet n'est plus la propriété du débiteur, le privilége sur les objets mobiliers est encore subordonné à la condition que l'objet reste dans les mains du créancier. Les priviléges de cette nature sont:

1° Celui qu'exerce le propriétaire ou bailleur sur les objets de son locataire ou fermier, et qui ne s'étend que sur ce qui garnit la maison ou la ferme. Mais comme le bailleur est souvent éloigné et qu'il lui est impossible d'observer tous les actes du locataire, la loi a introduit en sa faveur des exceptions, savoir: que le bailleur conserve son privilége, si les objets garnissant sa maison ou sa ferme ont été déplacés sans son consentement, pourvu qu'il fasse sa revendication dans un délai déterminé (art. 2102, no 1).

2o Le privilége sur le gage, qui s'évanouit dès que le créancier s'en dessaisit (art. 2102, no 2, 2076). L'objection tirée de ce que le privilége subsiste encore quand

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