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>> Une autre différence importante se rapportant toujours à ce principe que l'on s'adresse aux intelligence les plus simples, c'est la division des personnes. Ily a deux ans le gouvernement français a voulu essaye d'introduire dans certains cas un principe semblabl par sa loi de disjonction, qui attribuait aux juges droit de séparer certaines catégories et de les juger part. Ce principe de disjonction qui a soulevé une s vive opposition dans ce pays, est en Angleterre consi déré comme la seule manière de fixer les idées et l'atten tion sur une seule personne, et d'éviter la confusion qui résulterait de la mise collective en jugement grand nombre de prévenus 1. Ainsi, dans ce moment, il a en Angleterre une cause de haute trahison. Le che de l'insurrection, Frost, a été disjoint d'avec ses com plices pour être traduit et jugé seul. De cette manièr les questions soumises au jury sont mieux réduites à plus grande simplicité possible.

» Il résulte de cette organisation une chose dont j'ai ét surpris et même alarmé en suivant les assises anglaises c'est que l'on y voit jusqu'à vingt ou trente causes cri minelles être jugées en une seule séance avec une rapi dité qui m'a confondu. Il y a un sentiment profon d'humanité et de justice chez le juge qui préside, beaucoup de précision et de netteté dans la manièr dont il dirige les débats. Aussi dans ce grand nombr

1 M. de Sismondi se trompe étrangement sur le but de la loi d disjonction. Ce qui avait soulevé contre elle l'opinion des juriscon sultes, c'est qu'elle avait pour objet, lorsqu'un crime de complot au rait été commis par des militaires et par des bourgeois, de renvoye les premiers devant les tribunaux militaires, et les seconds devan les cours d'assises.

de causes, je n'ai jamais vu le jury délibérer. Le juge adressait les questions aux 12 jurés pour ainsi dire tacitement, et le plus souvent personne ne répondait, ou du moins les jurés répondaient sans que je pusse comprendre comment ils avaient manifesté leur assentiment. Mais n'importe, l'institution a d'heureux effets; elle assure la publicité et l'impartialité de l'administration de la justice, et le jury, qui représente la nation, ne manquerait pas de faire entendre le cri de la conscience nationale, si jamais il venait à être violé par le juge.

En France, l'institution du jury est tout autre. Mais quoique je l'estime mal organisée, je n'hésiterais pas toutefois, s'il était question de l'abolir, à me joindre à Ceux qui voudraient la conserver, même telle qu'elle existe, parce qu'il est d'une très-haute importance l'empêcher que le gouvernement n'administre par le glaive, et de conserver l'indépendance des juges en les mettant à l'abri des menaces du pouvoir.

Mais chez nous, dans l'état actuel de nos institutions, le jury ne me paraît point une garantie nécessaire. Les mœurs et les habitudes françaises gagnent ici tellement tous les jours davantage, que malgré la supériorité de notre procédure, qui a été si bien retracée par l'honorable président de notre cour criminelle, je craindrais que notre barreau ne tardât pas à suivre les manières du barreau français, ce qui serait une chose déplorable; t le jury, de son côté, ne manquerait pas de suivre le funeste exemple des jurys du pays voisin.

On a parlé du scandale des circonstances atténuantes qu'en France le jury prétend trouver jusque dans les trimes qui se présentent avec les caractères les plus dieux, et de cette légèreté avec laquelle les jurés se permettent de fausser leur serment et d'ébranler dans

la population le respect pour les grands principes mo raux. Il ne se présente en effet presque pas de causes parricide où l'on ne déclare des circonstances atte nuantes, pas d'empoisonnement qu'on n'excuse. De tot côtés d'horribles forfaits sont commis sans qu'on osel punir conformément à la loi et comme ils le mériten Certainement l'introduction chez nous d'une pareil manière de procéder aurait de quoi nous effrayer....

>> Je repousse l'introduction du jury chez nous; suis convaincu que nous aurions le jury français et n le jury anglais, et que nous changerions le bien cont le mal. Si je fus, il y a vingt-cinq ans, partisan ( cette institution pour mon pays, c'est que j'avais pr sent à la mémoire ce qu'avait été le glaive de la justi dans les mains du pouvoir; la constitution sembla bien déjà préparer la séparation des pouvoirs, ma cette idée n'y était pas encore nettement dégagée; alo je me joignis à d'illustres amis pour demander le jury je le préférais à des institutions qui m'étaient enco inconnues mais aujourd'hui ces institutions ne m sont plus inconnues, elles existent depuis vingt-cin ans à ma pleine satisfaction; vingt-cinq années n'o fait naître aucune réclamation, aucune plainte cont nos tribunaux; l'approbation qu'ils ont reçue est contraire unanime; gardons-nous donc de les échang contre une organisation nouvelle dont je me défie.

» On n'a pas assez considéré si les devoirs nouvea qu'on voudrait lui imposer ne pèseraient pas d'une m nière trop onéreuse sur la population. Tous les toyens sont appelés à faire partie de la garde national à prendre les armes pour la sûreté de la patrie; grand nombre siégent sur les bancs de l'assemblée légi lative et consacrent une partie notable de leur temps

d

travaux législatifs; une foule de citoyens ont une part plus ou moins active à toutes les branches de l'administration. Vouloir encore leur imposer l'obligation de parciper à l'administration de la justice, ne serait-ce pas ggraver les charges d'une manière insupportable, et rendre impossible la vie domestique?

Les quarante jurés tirés pour la session seraient oblies d'être toujours présents, malgré les récusations, et haque cause prendra ici un temps bien plus considéable qu'en Angleterre. Je redoute que l'on ne se plaigne le la perte de temps et qu'il n'en résulte du décourapement et une résistance de deux espèces : les uns, préerant payer l'amende, ne se présenteront pas ; les autres léclareront qu'ils ne veulent pas exercer les fonctions le jurés, et que si on les appelle ils ne condamneront amais. Il y a eu des exemples pareils à Genève pendant que nous étions Français, et si cette résistance se préentait souvent, elle désorganiserait l'institution sans u'on sût quel remède y porter. Un inconvénient de ce enre se présente moins en Angleterre par une petite rconstance dont on n'a pas parlé et qui a pourtant sa aleur; c'est que chaque juré emporte une guinée par jar de séance, et puis par d'autres circonstances partialières les jurés ont à cœur de ne pas mécontenter les ges non plus que le shérif du comté qui est chargé de are le choix de la liste pour la session. »>

Ce dernier discours a donné lieu à une discussion fort mée entre M. de Sismondi et M. Delapalud. Celui-ci, 1 effet, étonné de voir un publiciste aussi éminent et i libéral que M. de Sismondi se prononcer contre nstitution du jury, lui opposa l'opinion qu'il a énone en faveur de cette institution, dans son mémorable vrage publié, il y a quelques années, sous le titre

d'Études sur les constitutions des peuples libres. Cett polémique s'est continuée dans les journaux, et not avons vu avec peine l'illustre auteur de l'Histoire de Républiques italiennes devenir le champion de la pa linodie en matière d'opinions politiques. La constan des principes est l'un des premiers gages de la probité de la sincérité des hommes d'état; c'est elle seule q peut les environner de la considération dont ils ont bi soin pour remplir honorablement leur mission.

Nous ajouterons que la discussion qui vient d'avo lieu dans le sein du conseil représentatif ne prow pas que l'on se fasse à Genève une idée exacte de l'a ministration de la justice criminelle en France; le jur dans ce pays, est loin de mériter les reproches que pl sieurs honorables membres du conseil représentatif or cru devoir lui adresser: c'est ce que nous ne craignor pas d'affirmer d'après notre expérience personnelle.

A. TAILLANDIER.

XLVII. Notes communiquées par un jurisconsul sarde sur la loi transitoire relative à la compétenu et l'instruction des causes en matière pénale, da

les états sardes.

La promulgation du nouveau Code pénal pour états sardes avait rendu nécessaires quelques dispos tions relatives à la compétence des juges.

La forme de procéder, réglée par les anciennes lo du pays, était la procédure par écrit, et secrète, som la direction d'un magistrat instructeur, qui ordinaire ment n'était pas appelé à siéger parmi les juges; ceux ci prononçaient sur les pièces du procès, pièces q avaient été communiquées à l'avocat des pauvres (de

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