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total, en le comparant à celui de la Grande-Bretagne, l'Irlande non comprise, donne par hectare un produit inférieur de moitié, malgré le nombre presque double des bras qui sont employés à la culture.

. La production des bestiaux des deux pays, tant sous le rapport du nombre que sous le rapport de la qualité, ne permet aucune comparaison.

» L'infériorité de l'industrie agricole en France est la suite du manque des capitaux nécessaires à son développement. Ce fait a différentes causes. Le morcellement des propriétés dans certains départements n'est pas sans influence, quoique, sous d'autres rapports, il puisse avoir quelques conséquences avantageuses. Il en est une autre, plus importante; les propriétaires du sol sont rarement ceux qui le cultivent. Or, les propriétaires seuls ont un intérêt suffisant pour employer des capitaux considérables à l'amélioration de leurs propriétés; les fermiers, qui prévoient que leurs fermages seront élevés en raison de la plus-value des terres qu'ils auront amendées, ne le peuvent à moins que la longue durée de leurs baux ne leur donne la certitude de recueillir le fruit de leurs avances. Mais le plus souvent ils manquent des lumières et des fonds nécessaires pour exécuter ces améliorations. Cette dernière observation s'applique également à la grande masse des cultivateurs qui exploitent leurs propres terres.

» L'inconcevable lenteur avec laquelle les améliorations s'opèrent en France, les préjugés et plus souvent les intérêts privés qui s'y opposent, sont une autre cause de l'infériorité de son agriculture. C'est un fait positif que l'élève des bestiaux est la condition première des progrès de l'industrie agricole; l'on a cru protéger cette branche spéciale au moyen d'un droit d'entrée fort

ces

élevé sur les bestiaux venant de l'étranger. Les résultats ont prouvé que la mesure n'a pas eu d'autre portée que celle d'une mesure fiscale: c'est un impôt de plus, prélevé sur un objet de consommation de première nécessité. Il eût été plus rationnel de placer les cultivateurs en France dans une situation aussi favorable que les cultivateurs étrangers. Le gouvernement en a les moyens; il a refusé jusqu'ici de s'en servir : moyens consistent dans la création de banques agricoles, qui permettront au cultivateur de s'affranchir de l'usure qui l'exploite; dans la révision de notre système hypothécaire et de la loi sur l'expropriation si hontensement fiscale; dans une législation plus rationnelle sur la gestion des immenses communaux qui restent en nature de landes, de marais, de terres vaines et vagues; ils consistent encore dans l'abaissement du prix du sel, dans l'adoucissement de nos lois forestières, surtout relativement à l'exercice des droits de pâturage, de parcours, de panage et de glandée dans la haute futaie; une tolérance plus large pour l'enlèvement des feuilles mortes, et des amendes moins exorbitantes et plus en rapport avec le préjudice causé. La persévérance dans le système actuel entraîne la ruine de toutes les communes qui sont à proximité des forêts domaniales, et ce sont précisément ces communes qui se trouvent dans les conditions naturelles les plus avantageuses pour l'éducation des bestiaux. Les habitants s'expatrient, et c'est ce qu'ils ont de mieux à faire.

» Il ne faut pas perdre de vue qu'en France la production des bestiaux est à peu près de huit fois inférieure à celle de la Grande-Bretagne. Dès lors il est facile de calculer les effets qui en résultent pour l'industrie agricole et la consommation générale du pays.

Ajoutez à ces considérations que la population agricole est en général mal logée, mal nourrie, mal vêtue, qu'elle vit de privations de toutes espèces, que les produits actuels de l'agriculture ne donnent qu'un faible excédant sur les besoins généraux de la consommation, tandis que les conditions naturelles dans lesquelles elle se trouve lui permettraient, à coup sur, de tripler la production actuelle du sol.

» Alors aussi la consommation serait triplée; le commerce intérieur prendrait des développements proportionnés à ceux de l'agriculture; l'industrie manufacturière y trouverait d'immenses avantages; la condition des travailleurs deviendrait meilleure; enfin, le commerce extérieur serait replacé dans ses conditions naturelles, et le système des douanes reprendrait le caractère d'une simple institution fiscale fort légitime....

» La troisième cause du paupérisme, c'est le défaut de constitution de la commune....

» La commune a eu le sort de l'ancienne organisation des classes ouvrières, elle fut détruite dans son principe constitutif. La nature des choses a voulu qu'elle fût dans l'ordre politique ce qu'est la famille dans l'ordre du droit privé. Les liens de la famille sont les plus intimes de tous; ils sont fondés sur une commune origine ou sur des alliances qui la remplacent. Les liens qui unissent les habitants d'une même commune forment une association plus intime encore que celle qui résulte de la nationalité. C'est détruire le caractère naturel de l'association communale que d'y admettre, sans aucune condition, tous ceux qui veulent en faire partie. Je comprend les nécessités de notre époque et de notre civilisation, et la pensée que j'exprime n'est pas inspirée par le regret du passé; je n'ai, du reste, aucune illu

sion sur la valeur que les anciennes institutions communales avaient conservée... Mais il eût été possible... de rattacher la commune à l'unité nationale, de détruire ses priviléges, de soumettre son administration au contrôle central, d'établir l'uniformité de la loi et de son exécution, et de conserver néanmoins à la commune son vrai caractère, celui d'une association plus intime, dans laquelle on n'aurait été admis qu'à de certaines conditions, déterminées par la loi; et la législation aurait pu s'en occuper en fixant les principes qui régissent le domicile civil. »

Après avoir signalé les causes générales du mal, M. Schutzenberger rappelle les remèdes dont la commune de Strasbourg a essayé l'emploi : il en déplore l'insuffisance, et démontre que la transformation de la maison de refuge de Strasbourg en établissement d'industrie, ne constituerait qu'une amélioration appa

rente.

« A la place d'un établissement d'industrie, » dit M. le maire,« je vous propose la fondation d'une colonie agricole.

» Les frais de premier établissement sont moins coûteux que ceux d'un établissement industriel, et n'imposeront à la commune aucun sacrifice réel. Vous arriverez plus facilement au but que vous vous proposez; enfin, l'établissement que vous fondez reposera sur une base plus solide, et ne fera point concurrence à d'autres industries. >>

LXI. Cause célèbre du droit des gens. - Neutralité maritime. Le marquis de Pombal et l'Angleterre.

Episode de la guerre de sept ans1.

Par M. DE HOFFMANNS.

Avant l'administration énergique de D. SébastienJoseph Carvalho e Melo, comte d'Oeyras, marquis de Pombal, secrétaire d'Etat et premier ministre de D. Joseph 1er, roi de Portugal et des Algarves, l'Angleterre avait tenu la cour de Lisbonne dans une dépendance qui ressemblait plus à la servitude qu'à cette égalité naturelle qui existe de droit entre deux couronnes. Mésusant de l'autorité qu'elle s'arrogeait, ses forces navales avaient brûlé dans la baie de Lagos, malgré la neutralité du pavillon portugais, plusieurs vaisseaux français désemparés, de l'escadre aux ordres de M. de La Clue, qui était sortie de Toulon, le 14 août 1759. Voici après quelle fatale circonstance, ces vaisseaux avaient cherché un refuge sur les côtes de Portugal.

Au mois d'août 1759, l'amiral Boscawen, qui bloquait, avec quatorze vaisseaux, M. de La Clue dans la rade de Toulon, ayant été obligé de retourner à Gibraltar, la flotte française, forte de douze vaisseaux, apareilla le 14 août, avec un vent d'est très-fort, faisant route pour passer le détroit en filant le long de la côte d'Afrique. Le 16, au soleil couchant, elle fut aperçue par les découvertes de l'escadre anglaise qui mit immédiatement à la voile. Dans la nuit, M. de La Clue ayant

1 Le fait peu connu que nous allons mettre sous les yeux de nos lecteurs, nous semble offrir un intérêt d'actualité dans les circonstances présentes.

(Note des directeurs de la Revue.)

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