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cution: disons plus avec l'aveu même de ses auteurs, dont les amis, les complices et les adeptes ne sauroient Bous contredire.:

Dans les premiers jours de la révolution, trop impatiens de se débarrasser des prêtres et même des laïcs qui montroient un zèle courageux pour la défense de l'antique religion de la France, ces persécuteurs ne se laissèrent pas le temps de recourir à des formalités judiciaires. Il leur parut suffisant et plus expéditif de susciter contre ces soutiens de l'autel, ainsi que du trône, quelque secte ennemie, ou une populace ignare, perverse et brutale, dans laquelle se mêleroient des assassins chargés de les détruire pendant qu'elle-même, dans son aveugle férocité, les appelleroit aristocrates (1). Suivant les fausses idées qu'on lui avoit perfidement suggérées, cette qualification plus que néologique, signifioit: «<Fauteurs du despotisme, partisans de la tyrannie, ennemis du peuple et de sa liberté ». Ils ne l'étoient tout au plus, à le bien prendre, que de cette licence horrible, impie et meurtrière, dont les novateurs enivroient la multitude pour que, dégagée de tout frein, elle concourût avec frénésie, à l'accomplissement de leurs affreux projets. Ces prêtres et ces fidèles ne pouvoient, après tout, passer pour les contrarier, qu'en ce qu'ils tâchoient, l'Evangile à la main, de conserver parmi le peuple la salutaire pratique d'une religion

(1) L'archevêque de Paris, pour nous borner à un seul exemple choisi entre mille, M. Leclerc de Juigné, l'un de nos prélats les plus charitables, fut assailli et poursuivi à coups de pierres, le 24 juin 1789, par ce même peuple que, dans l'hiver précédent, il avoit soustrait, par ses immenses aumônes, aux horreurs de la famine.

céleste dont la croyance et les préceptes ont tant d'efficacité pour contenir ses passions dangereuses, et de l'empire de laquelle, pour cette raison-là même, les réformateurs s'efforçoient de l'affranchir.

Les vues de ceux-ci étoient donc encore plus infernales que ne l'avoient été celles des préfets et proconsuls que l'empereur Dèce avoit envoyés, vers 250, dans la province d'Antioche, et qui s'y prirent de la même manière à l'égard des chrétiens. Dumoins ceux-ci avoient-ils, indépendamment de l'odieux mérite de l'invention, l'excuse du maintien de l'ancienne religion du prince et de l'Etat, ne voulant pas que celle des chrétiens, qui étoit récente, prévalût sur elle. Nos persécuteurs qui vouloient au contraire substituer au règne de l'antique religion nationale, celui d'une monstrueuse irréligion, ne surent que se traîner sur les vestiges sanglans de ces vieux modèles. « C'étoit par des écrits impies qu'ils avoient commencé à exciter le peuple contre les prêtres et les vrais disciples de l'Evangile. Ils les faisoient poursuivre par des furieux qui exigeoient d'eux certains cris sacriléges, et les assassinoient quand leur voix se refusoit à les proférer (1). Dans les villes où

(1) Infaustus quidam vates commoverat atque incitaverat adversùs nos gentilium turbas, ad innatam genti superstitionem animos eorum incendens. Ab hoc igitur homines stimulati, omnemque ad patranda scelera licentiam nacti, hanc solam pietatem cultumque dæmonum suorum existimabant, si cœdibus adversùs nos sævirent..... Porro nusquam, non per viam publicam, non per angiportus incedere, aut noctu aut interdiù nobis licebat; cùm omnes ubique et assiduè clamitarent: Quicunque impia illa verba proferre abnuisset, eum itico trahendum esse, et flammis ultricibus absumendum. Et hæc

s'exerçoient de telles violences, il ne leur étoit presque plus possible de se montrer dans les voies publiques sans crainte d'y être massacrés. Leur domicile mème ne fut pas à l'abri de la rage des impies. Ils sembloient être dans une cité prise d'assaut par un implacable ennemi; et ce déplorable état de choses, empirant chaque jour, dura long-temps (1) ».

Nos persécuteurs, devenus ensuite maîtres du pouvoir, ne tardèrent pas à se créer un moyen d'agir légalement contre les évêques et les prêtres dont la fermeté dans la Foi opposoit tant de résistance à leurs desseins. Ce fut de les réduire à une espèce d'ilotisme, par la supercherie d'une loi qui les mettoit dans la cruelle alternative ou de trahir leur Foi par un serment anti-catholique, ou d'être expulsés des dignités et charges spirituelles qu'ils remplissoient avec honneur et fruit dans l'Eglise. Décidés à tout souffrir plutôt que de manquer aux devoirs de leur croyance, et ces devoirs-là même voulant qu'à l'approche de l'expulsion dont ils étoient menacés ils soutinssent la Foi de leurs troupeaux, les évêques se hâtèrent de prévenir leurs coopérateurs dans le saint ministère, et par eux toutes leurs ouailles, des piéges

diutissimè viguerunt ad hunc modum. (Euseb. Hist. Eccles. L. VI, €. XLI. )

(1) Omnes deindè uno impetu in domos christianorum irruere cœperunt: et quos quisque sibi vicinos noverat, eos ilico properantes agebant, spoliabant ac diripiebant: ea quidem quæ maximè pretiosa essent in sinum suum congerentes; viliora autem et lignea quæque disjiciebant, ac per vias concremabant: capta ab hostibus urbis speciem atque imaginem exhibentes. (Id. Ibid.) Voy. ci-devant, tom. I", depuis la pag. 119 Jusqu'à la pag. 132.

tendus à leur Foi par cette constitution civile du clergé, à laquelle on exigeoit si rigoureusement qu'ils adhérassent par serment. Ils disoient à leurs prêtres comme autrefois saint Victor à ses compagnons de martyre: « Vous êtes appelés à partager les combats qu'il nous faut soutenir pour la cause de Jésus-Christ; ô vous qui portez avec nous, dans les phalanges chrétiennes, les 'glorieuses enseignes de la Foi, sachez que les circonstances réclament tout votre courage, et la plus grande force de votre âme. Gardez en hommes de cœur, cette fidélité que vous avez promise à celui qui, du haut des cieux, règne sur nous tous. L'ennemi est en présence; le combat s'engage (1). »

La peine infligée à ceux qui avoient refusé le coupable serment, cette peine qu'ils avoient acceptée avec un héroïque désintéressement, ne satisfaisoit pas la haine des persécuteurs contre leur Foi, et la satisfaisoit d'autant moins qu'elle les rendoit encore plus vénérables aux yeux des fidèles. Ils recoururent donc à leur précédent stratagème, et excitèrent derechef contre eux la brutale fureur de la populace en les lui désignant comme d'exécrables réfractaires. Désignation atrocement impropre, puisque, s'étant résignés à la peine temporelle dont le refus du serment devoit être suivi, ils restoient dans l'obéissance de la loi qui ne l'avoit prescrit que d'une manière conditionnelle, et qu'ils n'étoient aucunement coupables de cette résistance

(1) O fortissimi commilitones, ó gloriosi certaminis antesignani, opus est animis, opus est tota fortitudine. Fidem quam imperatori nostro promisistis viriliter custodite. Imminet enim hostis, adest pugna. (Ruinart : Passio sanctorum Victoris, etc. n° XII.)

formelle, accompagnée d'opiniâtreté et de mépris, qui constitue le véritable réfractaire; mais, désignation d'autant plus propre à les faire tuer par la populace que, le mot étant nouveau pour elle, il étoit plus facile de le lui faire regarder comme l'expression d'un trèsgrand attentat contre sa licence qu'elle appeloit liberté. Aussi lui sembla-t-il que les prêtres catholiques et les gens pieux qui leur restoient fidèles, étoient conjurés contre les intérêts du peuple et même contre l'Etat. Dans sa fureur alors entièrement libre de tout frein religieux, et délirant d'une rage infernale, la populace ne pouvoit plus les entendre lorsqu'ils répondoient avec le même saint Victor : « Loin d'avoir jamais nui aux intérêts de la patrie, loin d'avoir cessé de la servir, nous offrons encore chaque jour à Dieu des sacrifices pour sa prospérité; mais, s'il faut renoncer à notre Foi, et embrasser vos impies systèmes pour être obéissans selon vos caprices, vous ne l'obtiendrez pas de nous; et vous pouvez accumuler sur nos têtes toutes les peines qu'il vous plaira d'imaginer (1)».

Les irruptions violentes que les impies faisoient dans les oratoires où les prêtres catholiques célébroient les saints mystères au milieu de leurs fidèles, ne pouvoient encore répandre le sang des uns et des autres que goutte à goutte; et les chefs de la persécution brûloient de le voir couler par torrens. Une guerre atroce leur fut

(1) Nunquam reipublicæ nocui, non ab ejus me propugnatione detraxi. Quotidiè pro salute totius imperii studiosè sacrifico; quotidiè pro statu reipublicæ coràm Deo meo spirituales hostias macto..... Deos vestros sperno, fateor Christum. Quæcunque potestis dare supplicia, cumulate tormenta. (Ibid. n⚫ VII et X.)

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