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les tribunaux prononcent d'après les circonstances. En Autriche, en Hollande, en Saxe, en Saxe-Weimar, en Norwége, en Suède, en Danemark, dans les cantons de Vaud, Argovie et Lucerne, toutes les personnes qui ont péri dans le même événement, sont censées mortes ensemble.

Aux causes d'exclusion et d'indignité de notre Code, les lois étrangères en ajoutent souvent quelques autres. Ainsi est indigne : dans le droit commun allemand, en Autriche, en Sardaigne, dans les Deux-Siciles, en Saxe, à Parme, à Modène, dans les lles Ioniennes, dans les cantons du Tessin, de Saint-Gall et du Valais, celui qui a empêché le défunt de tester; ou, dans le canton de Vaud, en SaxeWeimar, en Autriche, celui qui a soustrait le testament du défunt; ou encore en Autriche, celui qui émigre, celui qui déserte, l'époux adultère appelé à la succession de son complice; dans le droit commun allemand, le descendant qui ne retire pas ses parents de prison pour dettes ou qui ne les secourt pas lorsqu'ils sont en démence. Les religieux profès sont exclus des successions en Sardaigne, en Russie, en Toscane, dans l'Amérique du Sud, en Bolivie et dans le canton de Soleure.

La distinction des biens, au point de vue des successions, d'après leur nature (nobles ou roturiers, meubles ou immeubles) et leur origine (propres ou acquêts; paterna paternis, materna maternis), qui compliquait si singulièrement les législations des siècles derniers a disparu presque partout, sauf les exceptions suivantes en Angleterre, les biens sont réels et personnels; en Russie, ils sont nobles ou non nobles; en Toscane et dans le canton de Neuchâtel, ils sont paternels ou maternels.

L'ancien droit germanique ne connaissait pas la fiction de la loi qu'on appelle représentation. Laurière, dans son commentaire sur les institutes de Loysel (vol. I. p. 379), a prouvé que l'édit de Childebert II, de l'an 595, qui voulait l'établir, n'a jamais été observé, et Merlin, dans son Répertoire (vol. x1, p. 594), indique les coutumes où elle n'était pas admise au moment de la Révolution. On sait qu'en Allemagne, en l'an 942, l'empereur Othon fit décider la question de la représentation à l'avantage des petits-fils par un combat judiciaire, et que le Miroir de Saxe en reconnut le principe. L'influence du droit romain et du clergé et l'équité naturelle le firent prévaloir d'abord pour les petits-fils, ensuite pour les descendants plus éloignés, et enfin pour la ligne collatérale. Cependant, les recès de l'empire, de 1498 et de 1529, qui fondaient ce droit dans toute son extension, trouvèrent beaucoup de résistance dans plusieurs pays du nord de l'Allemagne, où il ne fut introduit que vers les dernières années du XVIIIe siècle. Aujourd'hui encore, dans le droit commun allemand, comme autrefois dans la novelle 118 et les coutumes de Paris et d'Orléans, la représentation en ligne collatérale est admise seulement au premier degré, pour les enfants des frères et sœurs. Il en est de même en Bavière, dans l'Amérique du Sud, en Bolivie, aux Etats-Unis, en Angleterre. Dans les Deux-Siciles, elle n'est admise en ligne collatérale que lorsque les descendants sont en degrés inégaux; lorsqu'ils sont en degrés égaux, ils succèdent par tête. En Hollande, la représentation a été adoptée très-anciennement (voir l'Introduction au droit hollandais par Hugo Grotius, p. 294). En Angle

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terre, aux États-Unis, dans le canton de Berne, elle n'a lieu que si l'un des frères ou sœurs est encore vivant. La représentation est établie en Danemark dans tous les ordres de succession; en Turquie, au contraire, elle est inconnue.

Jusqu'ici, nous avons pu établir un parallèle entre les législations modernes qui admettent presque toutes la saisine, la représentation et certaines causes d'indignité. Il n'en est plus de même en ce qui concerne l'ordre des successions. Chaque pays a son système, et on ne pourrait en trouver deux qui eussent exactement la même législation en cette matière. C'est que l'influence étrangère s'y fait peu sentir, rien n'étant plus difficile et plus dangereux que de changer une législation déjà existante sur les successions; il y a là tant de droits acquis pour un avenir indéterminé, que le législateur n'ose y toucher sans une révolution sociale qui bouleverse tous les fondements de la famille, ce qui eut lieu en France lors de la Révolution de 1789. Nous devrons donc pour donner une idée de la diversité de ces systèmes, entrer dans quelques détails sur l'ordre des successions dans chacun des pays qui nous occupent. Ces détails sont rendus nécessaires par l'importance du sujet qui est peut-être celui où l'on a le plus souvent à mettre en pratique la connaissance des lois étrangères, et celui qui peut faire dire le plus que l'étude des législations comparées est aussi utile au magistrat qu'au législateur.

Dans le droit commun allemand, les successions sont dévolues dans l'ordre suivant: 1° descendants; les enfants naturels succèdent à leur mère mais non à leur père, à moins qu'il ne laisse ni enfants légitimes, ni épouse; dans ce cas, ils prennent le sixième de ses biens qu'ils partagent avec leur mère; la succession de l'enfant naturel échoit à sa mère et aux parents de sa mère; 2o ascendants, et frères et sœurs germains ou leurs descendants au premier degré, par portions égales; 3° frères et sœurs consanguins ou utérins; 4o autres parents par ordre de proximité; 5o conjoint survivant; mais lorsque l'épouse est pauvre, elle a droit dans tous les cas à une portion des biens du mari; cette portion revient aux descendants du mari après le décès de la veuve.

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En Autriche 1o descendants; les enfants naturels ont, sur la succession de leur mère seule, un droit de succession comme des enfants légitimes; 2o père et mère seuls; 3° si l'un d'eux seulement survit, les frères et sœurs du défunt prennent la part de l'autre ; 4° les aïeuls et leurs descendants; la succession est alors divisée en deux parts: l'une pour les ascendants maternels, l'autre pour les ascendants paternels; 5° les trisaïeuls et leurs descendants, et ainsi de suite jusqu'au sixième degré, passé lequel il n'y a plus de succession légitime. Le conjoint survivant a l'usufruit viager d'une part d'enfant, s'il y a trois enfants ou plus; s'il y en a moins, il a l'usufruit du quart de la succession; s'il n'y a qu'un héritier légitime, autre qu'un descendant, le conjoint a le quart de la succession en toute propriété.

En Bavière : 1° descendants; les enfants naturels ont droit à la succession de la mère, si elle ne laisse pas d'enfants légitimes, mais non à celle du père, à moins qu'il ne laisse aucun héritier; 2° par portions égales ascendants et frères et sœurs germains, ou leurs descendants au premier degré; 3° frères et sœurs consanguins et utérins ; 4° autres collatéraux, sans limitation de degré. Quant au

conjoint survivant, voici quelle règle on suit : si le mari est prédécédé laissant des enfants, la femme reprend sa dot, les dons de noces et une part d'enfant dans les acquêts et le mobilier; si la femme est prédécédée, laissant des enfants, le mari gardera les acquêts et rendra aux enfants les dons de noces et la fortune de la mère. S'il n'y a pas d'enfants, le conjoint survivant rendra aux héritiers du prédécédé ce que le défunt a apporté à la communauté, plus la nue propriété de la moitié des acquêts.

En Prusse: 1o descendants; les enfants naturels succèdent à leur mère comme des enfants légitimes; ils ont droit aussi au sixième de la succession du père, s'il ne laisse pas de descendants légitimes; 2° père et mère seuls ou même le survivant d'entre eux seul; on voit donc que les collatéraux sont traités ici encore moins favorablement qu'en Autriche ; 3° frères et sœurs germains et descendants d'eux; 4° frères et sœurs unilatéraux ou descendants d'eux prenant moitié de la succession; ascendants autres que père et mère prenant moitié de la succession; 5° ascendants seuls; 6° collatéraux autres que frères et sœurs. Les droits du conjoint survivant sont réglés d'après les statuts provinciaux, et à défaut de règles de ces statuts, par des dispositions assez semblables à celles du Code de Bavière (Code prussien, partie II, titre Ier, art. 495 à 539).

En Saxe 1o descendants; les enfants naturels succèdent à la mère et aux ascendants maternels et jamais au père; 2° ascendants; 3° frères et sœurs ; 4o. autres collatéraux. Le conjoint survivant a le quart des biens, s'il reste des descendants; le tiers, s'il y a des ascendants; la moitié, s'il y a des collatéraux jusqu'au sixième degré; la totalité, si les collatéraux sont au delà du sixième degré.

En Saxe-Weimar : 1° descendants; les enfants naturels succèdent comme des enfants légitimes à leur mère et à leurs ascendants et collatéraux maternels; ils n'ont droit au sixième sur la succession de leur père que s'il ne laisse pas d'enfants légitimes; 2° père et mère ou le survivant d'eux seul; 3° frères et sœurs; ascendants; 5° collatéraux. Le conjoint survivant a une part d'enfant, s'il concourt avec des enfants; il a la moitié de la succession, s'il concourt avec des frères et sœurs ou des ascendants, et la totalité, s'il concourt avec des collaté– raux, autres que frères et sœurs.

Dans le duché de Brunswick: 1° descendants par moitié et ascendants par moitié; les enfants naturels n'ont droit qu'à des aliments; 2° frères et sœurs germains et descendants d'eux; 3° frères et sœurs unilatéraux; 4° autres collatéraux. Le conjoint survivant concourant avec des enfants de l'époux prédécédé prend une part d'enfant, avec des ascendants prend la moitié de la succession et avec des collatéraux quelconques, la totalité.

A Francfort: 1° descendants; les enfants naturels ont droit comme les légitimes à la succession de leur mère; mais ils succèdent concurremment avec leur mère à un sixième de la succession du père ; 2° ascendants (de la ligne paternelle et de la ligne maternelle par moitié) concourant par portions égales avec les frères et sœurs germains; 3° frères et sœurs unilatéraux; 4° autres collatéraux les plus proches. Le conjoint survivant a droit à une portion statutaire qui, s'il y

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a des enfants issus du mariage, comprend la propriété de la moitié des meubles et l'usufruit de la moitié des acquêts.

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A Hambourg 1° descendants; 2° père et mère; 3° frère et sœurs germains et descendants d'eux; 4° ascendants et frères et sœurs unilatéraux ou descendants d'eux, par portions égales; 5° collatéraux les plus proches. Le conjoint survivant a, en commun avec les enfants issus du mariage, les biens laissés par le conjoint prédécédé; s'il ne reste pas d'enfants, le mari survivant succède aux deux tiers de la succession de sa femme, et la femme survivante au tiers de la succession du mari.

Dans le grand duché de Bade, le titre des successions du Code Napoléon est conservé intact, sauf les modifications suivantes : le conjoint commun et survivant a l'usufruit des biens de l'autre époux, s'il ne reste pas d'enfants. Les enfants naturels reconnus, quand il y a déjà des enfants légitimes, ne peuvent se prévaloir de leurs droits tant que ces enfants existent. Les enfants naturels non reconnus ont droit à des aliments (762, a) ce qui est controversé peut-être à tort en France.

Dans le Wurtemberg: 1° descendants; les enfants naturels succèdent à la mère et à ses parents; ils ne succèdent au père pour le sixième de sa succession que s'il ne laisse ni femme ni enfants légitimes; 2° ascendants et frères et sœurs germains; 3° frères et sœurs unilatéraux ; 4o collatéraux jusqu'au dixième degré. Le conjoint survivant a droit à une portion statutaire variable selon qu'il reste un ou plusieurs enfants.

Dans le canton d'Appenzell: 1° descendants; les enfants naturels ont moitié moins que les légitimes et succèdent même en ligne ascendante et collatérale ; 2° père et mère avec frères et sœurs, par tête; 3° frères et sœurs seuls; 4° parents plus éloignés. Le conjoint survivant, s'il reste un enfant, a un tiers des biens moitié en toute propriété et moitié en usufruit; s'il en reste plusieurs, il a de même une part d'enfant.

Dans le canton de Bâle : 1o descendants; 2o père et mère seuls; 3o frères et sœurs concourant avec le grand-père et la grand'mère; 4o parents plus éloignés. Le conjoint survivant a droit aussi à une certaine part.

Dans le canton de Berne: 1° descendants; les enfants naturels n'ont aucun droit de succession; 2o père; 3° frères et sœurs germains ou leurs descendants par souche, s'il reste un frère germain ou une sœur ; 4o mère; 5o frères et sœurs unilatéraux par tête avec les descendants des frères germains, si tous les frères germains sont morts. Le conjoint survivant a droit à l'apport du défunt.

Dans le canton de Fribourg: 1o descendants; les fils à titre de prérogative masculine, prélèvent le cinquième des biens du père; les enfants naturels ne succèdent pas au père; ils succèdent à la mère en prenant moitié de la part des enfants légitimes; 2° frères et sœurs ; 3° père et mère ou le survivant d'eux; 4° autres ascendants; 5° collatéraux jusqu'au douzième degré. Le conjoint survivant succède, s'il n'y a que des parents au dixième degré; s'il n'y a pas d'enfants du mariage ni d'un mariage antérieur, il a l'usufruit de la totalité des biens du prédécédé ; s'il y a des enfants du mariage, il a l'usufruit légal des biens jusqu'à la

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majorité ou l'émancipation des enfants; s'il n'y a que des enfants d'un mariage antérieur, il a l'usufruit du quart des biens.

Dans le canton de Lucerne : 1o descendants; dans la succession du père, les fils peuvent s'attribuer les immeubles et avoir cinq parts, et les filles quatre parts; les enfants naturels n'ont droit qu'à la succession de la mère comme des enfants légitimes; 2° père seul; 3° mère avec les frères et sœurs. Le conjoint survivant en concours avec des enfants, a le quart de la succession en usufruit; sinon, il a le quart ou même le tiers en toute propriété. Enfin, à défaut d'héritiers, moitié de la succession est dévolue a l'état, et moitié au fonds des pauvres de la commune.

Dans le canton de Neuchâtel : 1o descendants; 2o père et mère; 3o frères et sœurs; 4° ascendants jusqu'au quatrième degré inclusivement, le plus proche parent paternel prenant les biens paternels, le plus proche parent maternel, les biens maternels, et le plus proche en degré, les acquêts. Le système adopté pour les enfants naturels et le conjoint survivant est le même que celui du Code Napo léon.

Dans le canton de Soleure : 1o descendants; les fils ont le droit de prendre à juste prix les immeubles des père et mère; les enfants naturels n'héritent que de la mère comme s'ils étaient légitimes; 2o père et mère ou autres ascendants concurremment avec les frères et sœurs ou descendants d'eux. Le conjoint survivant a un droit d'usufruit sur la succession du défunt.

Dans le canton du Valais: 1o descendants; pour les enfants naturels, même système que dans le Code Napoléon; 2o père et mère par portions égales; 3° s'il n'y a qu'un survivant, il a la moitié et les frères et sœurs l'autre moitié. Le conjoint survivant, lorsqu'il y a des enfants, a l'usufruit de la moitié des biens; sinon, il a l'usufruit de la totalité.

Dans le canton de Saint-Gall, les enfants naturels ne succèdent qu'à la mère et à ses ascendants; le conjoint survivant, s'il y a des enfants, prend une part d'enfant, et s'il n'y en a pas, la moitié des biens. Le dernier degré successible est le dixième.

Dans le canton du Tessin : 1° descendants; les enfants naturels n'ont droit qu'à des aliments; ils ne succèdent qu'à défaut de parents successibles et de conjoint survivant; 20 ascendants et frères et sœurs, à peu près comme dans le Code Napoléon; 3o collatéraux paternels jusqu'au dixième degré; ils ont les trois quarts, et le conjoint survivant le quart.

Dans le canton de Vaud, le système du Code Napoléon est adopté, sauf les modifications suivantes : à défaut de frères et sœurs ou descendants d'eux et d'ascendants dans l'autre ligne, les ascendants d'une seule ligne succèdent, ce qui remédie à cette disposition un peu bizarre de notre Code, d'après laquelle un père ou une mère, par exemple, peut avoir à partager la succession avec un collatéral du douzième degré, disposition qui, du reste, découle logiquement du principe du partage entre deux lignes qu'on a pris, en France, pour base de la législation sur les successions, quoique la loi du 17 nivôse an II eût dérogé à cette règle en faveur des père et mère. Dans le canton de Vaud aussi, à défaut de

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