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CHAPITRE VII.

Situation de la ville du Cap.

Instructions données à Galbaud, et sa conduite à son arrivée. Polvérel et Sonthonax entrent au Cap.

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Intrigues

des colons et divers écrits de Tanguy Laboissière. Destitution et embarquement de César Galbaud. Proclamation de don Gaspard de Cassassola, du 7 juin. Explications du gouverneur général Galbaud avec les commissaires civils. Leur proclamation du 13 juin qui destitue Galbaud. — H s'embarque avec sa famille. - Rixes entre les marins de la flotte et les hommes de couleur. Mesures prises par les commissaires civils. Révolte de Galbaud et des marins. Combats au Cap, les 20, 21 et 22 juin. - Pillage et incendie du Cap. Les commissaires civils se retirent au Haut-du-Cap. Lettre de Sonthonax à la convention nationale, du 18 février, sur la liberté des esclaves. Proclamation des commissaires civils, du 21 juin, qui accorde la liberté aux noirs qui défendent la République française. dépêche à la convention, du 10 juillet.

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Unis. Le général Lasalle appelé au Cap. res civils, du 26 juin, et mesures diverses.

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Réflexions de Sonthonax concernant les colons de Saint

En partant du Cap pour se rendre à Saint-Marc, Sonthonax avait reconnu les mauvaises dispositions des colons blancs, et particulièrement de ceux qui formaient la municipalité de cette ville. Ce fut le motif qui le porta, par sa proclamation du 24 février 1793, à confier à la commission intermédiaire spécialement la sûreté publique dans toute l'étendue de la province du Nord, ainsi que dans la ville du Cap, en enjoignant à Laveaux de déférer à toutes ses réquisitions.

Parmi les factieux de cette ville, Lavergne, procureur

de la commune, substitué à Larchevesque Thibaud, était celui qui se distinguait le plus : en correspondance avec ceux du Port-au-Prince, il ne cessa, après le départ de Sonthonax, de provoquer des conflits entre la municipalité et la commission intermédiaire. Avisé de ces menées, Sonthonax écrivit à Laveaux d'opérer l'arrestation de quelques-uns des factieux; et alors Lavergne partit du Cap en disant publiquement qu'il allait se rendre en France pour dénoncer Sonthonax à la convention nationale; mais il se rendit aux Etats-Unis.

Ses intrigues, secondées par la municipalité, empêchèrent les blancs du Cap de concourir avec Laveaux à la répression des noirs révoltés. Après quelques succès, ce général se vit forcé de rentrer au Cap, pour mieux conjurer les agitations qui s'y préparaient. C'était à l'époque de la seconde sortie qu'il avait faite contre les révoltés, au commencement de mars. Sonthonax l'approuva par sa lettre du 10 du même mois, datée de Saint-Marc ', et lui donna la haute police du Cap.

A cette époque, divers agens de la contre-révolution arrivèrent au Cap, entre autres le baron de la Valtière, se qualifiant de maréchal de camp des armées du roi (du roi qui avait péri sur l'échafaud depuis environ deux mois), et Thomas Millet, dont nous avons déjà parlé, chaud partisan de l'indépendance. Ces factieux furent tous dénoncés à Sonthonax, par le contre-amiral Cambis, commandant de la station au Cap, comme cherchant à exciter des troubles dans cette ville.

A ces coupables meneurs se joignirent bientôt les factieux déportés du Port-au-Prince, qui avaient été embar

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Rapport, t. 3, p. 377, 378 et 379. — Ibid. p 247, 248 et 249.

qués sur des navires arrivés au Cap, à la fin d'avril. Ils adressèrent des réclamations emportées à la municipalité, se plaignant hautement des commissaires civils.

La ville du Cap se trouvait done, à l'arrivée de Gal baud, dans un état de fermentation qui faisait présager des troubles profonds. Son atmosphère était imprégnée de tout le fiel que vomissaient les colons contre Polvérel et Sonthonax.

Thomas-François Galbaud, général de brigade, était parti de Brest au commencement d'avril sur la frégate la Concorde il arriva au Cap le 7 mai. Nommé d'abord gouverneur général des îles du vent par le conseil exécutif, il n'avait pas tardé à être destiné au gouvernement général de Saint-Domingue, en remplacement de d'Esparbès sa commission lui fut délivrée le 6 février 1793. Quelques jours après, sa mère, propriétaire à Saint-Domingue, étant morte, sa succession ouverte rendit Galbaud co-propriétaire avec ses frères et ses sœurs. Or, la loi du 4 avril 1792 disposait que tout propriétaire dans les colonies ne pourrait être nommé gouverneur, etc. Galbaud eut la franchise de faire savoir sa qualité de propriétaire au ministre de la marine, en demandant qu'une nouvelle loi fût rendue à l'effet d'abroger cette disposition. Il reconnaissait donc son inaptitude à occu per la charge de gouverneur général. Le ministre ne lui répondit pas, et il partit pour Saint-Domingue '.

Quoique sa commission fût calquée sur le protocole de celles des anciens gouverneurs des colonies, qui leur donnaient de grands pouvoirs, ses instructions portaient :

Galbaud avait pour père un ancien membre du conseil supérieur du Portau-Prince, on colon.

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Dépositaire de la force publique, le général Gal» baud n'oubliera jamais qu'il est, dans toutes les circon» stances, soumis par la loi aux réquisitions des commis» saires, et qu'il doit faire agir la force lorsqu'il en

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sera requis, soit pour les protéger, soit pour faire res» pecter les lois et la souveraineté nationale. Il est maî>>tre des moyens d'exécution et des dispositions mili» taires.... Mais il ne pourra jamais sortir du cercle que les commissaires lui traceront dans leurs réquisitions. >> En lui recommandant l'exécution de la loi du 4 avril, ces instructions lui renouvelaient encore l'injonction d'exécuter ponctuellement les réquisitions que les commissaires civils pourraient lui adresser à cet égard.

Ainsi, Galbaud était bien positivement placé sous les ordres des commissaires civils, revêtus de tous les pouvoirs nationaux par les divers décrets rendus par l'assemblée législative et la convention, notamment ceux des 5 et 6 mars 1793, envoyés par le ministre de la marine.

Ce général s'était trouvé sur les frontières de la France, à ce qu'il paraît, lorsque l'armée du duc de Brunswick vint envahir le territoire : il s'était vaillamment conduit contre les ennemis de sa patrie. Cette circonstance paraît avoir déterminé les démarches de plusieurs colons de Saint-Domingue, à Paris, pour le faire nommer gouverneur de cette colonie, afin de s'en faire un instrument. Parmi eux, étaient Charette de la Colinière, Périgny, l'un des chefs de bureau de la guerre et fils du grand planteur de ce nom qui était député à l'assemblée constituante; Brulley, planteur de la Marmelade; et Page, planteur de la Grande-Anse.

Toutefois, en partant de France, en recevant ses in,

structions auxquelles il ne fit aucune objection, il paraissait disposé à concourir franchement à l'exécution de la loi du 4 avril. Pour mieux prouver ses sentimens à cet égard, il s'attacha, en qualité de secrétaire, un homme de couleur qui résidait en France, nommé BarbaultRoyer qui, par la suite, y publia un écrit dont nous aurons à parler. En arrivant au Cap, Galbaud s'attacha un autre du nom de Maucombe.

Mais, d'un caractère faible et irrésolu, comme l'avait été Blanchelande, il ne put se garantir des embûches que lui tendirent les colons de toutes nuances d'opinion, dès son arrivée. Ceux qui l'avaient fait nommer lui avaient recommandé d'ailleurs de chercher à gagner la confiance de leurs pareils, et probablement ils en avaient fait la leçon à ceux de Saint-Domingue par leur correspondance.

La faiblesse du caractère et l'irrésolution chez des militaires braves et courageux, est la pire des choses lorsqu'il s'agit d'affaires politiques. On rencontre souvent de ces hommes qui, propres à la guerre, se montrent tout à fait incapables de se bien conduire au milieu de partis rivaux.

En débarquant au Cap avec l'ordonnateur Masse, venu avec lui, Galbaud oublia entièrement que ses instructions lui enjoignaient de se prémunir contre les menées des contre-révolutionnaires, et de se faire d'abord reconnaître par les commissaires civils. Ne voulant ni les attendre au Cap, ni aller les joindre au Port-au-Prince, il se rendit le jour même de son débarquement à la municipalité pour s'y faire installer : il y prêta serment, sur son honneur, d'être fidèle à la

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