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vention est trop juste, trop amie de l'humanité, pour ne pas proclamer les grands principes. La déclaration des droits ne lui permet plus de tolérer que l'homme puisse être la propriété d'un autre. Les négriers et les rois doivent être mis sur la même ligne; qu'ils cessent de tyranniser; qu'ils abandonnent leur proie, ou bien qu'ils disparaissent de dessus la surface du globe.

>> Je ne vous dirai rien, citoyens représentans, du nouveau système colonial qui doit amener la liberté. Je vous dois le tribut des faibles lumières que m'a données l'expérience de Saint-Domingue; mais c'est de concert avec mes collègues, et lorsque la guerre nous permettra de nous réunir, que nous rédigerons ensemble le plan que nous devons vous présenter. >>

Nous remarquons un autre passage dans cette dépêche. En parlant de la cérémonie du 14 juillet, Sonthonax dit à la convention : La présence du prêtre n'a point souillé la cérémonie. Cette observation, faite pour plaire aux athées de la convention, prouve aussi de la part de Sonthonax cette facilité trop grande à s'assouplir à toutes les formes, pour arriver à ses fins. Ce langage était sans doute celui du temps, de cette époque d'excès en tous genres. Mais le même commissaire civil qui le tenait, employait alors l'influence de l'abbé de La Haye, ancien curé du Dondon, pour tâcher d'amener les chefs insurgés à la soumission. Esprit éclairé, il n'ignorait pas de quel poids est la religion dans les affaires humaines; et lorsqu'il voyait les Espagnols employer son influence sur l'esprit des insurgés, qu'ils détournaient de toute soumission à son autorité, en représentant la nation française comme un peuple d'athées et de régicides, à quoi bon mentionner dans sa dépêche cette absence de tout prêtre,

en des termes flétrissans? La fédération du Cap eût-elle été moins imposante, si un ministre de la religion du Christ eût appelé les bénédictions du ciel sur la grande révolution qu'elle avait pour but de consacrer?

Enfin, Sonthonax condamne lui-même ses déclarations aux colons, dans son discours improvisé le 20 septembre 1792 et dans sa proclamation du 4 décembre suivant. Le temps des tergiversations, des faux ménagemens, du modérantisme hypocrite, est passé, et cela à l'occasion de l'esclavage dont il demande l'abolition à la convention nationale! N'a-t-il pas dès lors reconnu le tort qu'il avait eu de faire ces imprudentes déclarations si solennellement?

Toutefois, rendons justice à ses sentimens personnels en faveur de la liberté des noirs en la provoquant de la convention nationale, il se montra digne de sa mission.

Sa dépêche du 30 juillet prouve ensuite que Polvérel et lui avaient conçu un plan d'émancipation générale pour les esclaves, ainsi qu'ils l'ont annoncé dans leurs actes précédens; mais seulement depuis la tentative criminelle de Galbaud. Le désaccord qui surgit bientôt entre lui et Polvérel, au sujet de la proclamation qu'il rendit le 29 août, et entre Delpech et eux, prouve encore que cette émancipation devait être graduelle, selon le plan arrêté.

CHAPITRE IX.

Doyon est nommé commandant des troupes réunies au Petit-Trou.

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se rend aux Cayes. — Affaire de la fédération du 14 juillet. — Déportation de quelques individus par Delpech. — I organise la légion de l'Egalité du Sud. Prépondérance des hommes de couleur dans cette province.

L'armée battue au camp Desrivaux était revenue au Petit-Trou avec la délégation. La mort de Jourdain laissait un vide immense dans le commandement de cette commune, qui touche aux limites de celles où les blancs de la Grande-Anse exerçaient tout leur empire. La présence de Rigaud étant nécessaire aux Cayes, Gérin, à cause de son caractère, ne pouvait convenir pour commander l'armée qu'il allait y laisser pour s'opposer aux agressions de la Grande-Anse. Doyon fut choisi pour ce poste important, par Rigaud qui le désigna aux commissaires civils; ils lui firent donner l'ordre de se rendre au Petit-Trou. Il partit du Port-au-Prince, le 29 juin, à la tête d'un détachement composé de gardes nationaux de cette ville qu'il commandait déjà, et de quatre compagnies de la légion de l'Ouest : deux d'infanterie, sous les ordres de Blaise et de Brunache; deux d'artillerie, celles de Pétion et de Bordure. Doyon, arrivé au PetitTrou le 2 juillet, prit le commandement de l'armée le 7,

au moment où Rigaud partait pour les Cayes. Au commandement de cette armée se joignit bientôt celui des communes du Petit-Trou, de l'Anse-à-Veau et de SaintMichel, réunies et formant l'arrondissement de l'Ouest. Doyon s'y distingua non-seulement comme militaire, mais encore comme administrateur; ses qualités personnelles le firent chérir et respecter de ses subordonnés et des habitans. Il maintint dans son commandement l'influence que Jourdain avait établie en faveur des hommes de couleur.

Rendu aux Cayes, Rigaud y trouva Delpech qui, secrétaire de la commission civile, avait été envoyé dans ce chef-lieu de la province du Sud, en qualité d'ordonnateur, pendant que les commissaires étaient au Port-auPrince. Delpech venait de recevoir sa nomination de commissaire civil.

Avant leur proclamation du 25 juillet qui appelait les noirs du Sud, déclarés libres par cet acte, à faire partie de la légion qui y serait formée, à l'instar de celle de l'Ouest, Polvérel et Sonthonax avaient donné l'ordre à Rigaud de commencer la formation de celle du Sud, également dénommée Légion de l'Égalité. Ce corps qui reçut dans ses rangs des blancs, des mulâtres et des noirs, porta ombrage aux colons des Cayes. Ils virent dans ces forces créées comme organisation militaire, un moyen de comprimer leur projet d'indépendance. L'arrivée de Rigaud aux Cayes leur déplut extrêmement il allait servir de point d'appui à Delpech.

:

Ce commissaire civil, en apprenant la révolte de Galbaud au Cap, avait rendu une proclamation, le 1" juillet, pour soutenir ses collègues dans leurs mesures de con

servation de la colonie à la France. Harty, commandant la province du Sud, le secondait dans ses opérations. Ce fut un nouveau motif de mécontentement pour les colons.

Delaval, ancien membre de l'assemblée coloniale du Cap, était toujours maire de la ville des Cayes. Mouchet y commandait la garde nationale blanche; Badolet était capitaine des grenadiers de ce corps, et Rey, qui a joué un autre rôle plus important aux Cayes, en 1796, s'y trouvait aussi intrigant, portant sa haine pour les hommes de couleur, à la hauteur de celle des colons, il entrait avec eux dans les combinaisons qu'ils formaient pour se soustraire à l'autorité de la commission civile. En correspondance avec ceux de la Grande-Anse et de Tiburon, qui préparaient la remise de ces quartiers à la GrandeBretagne, satisfaits de l'insuccès de Rigaud contre le camp Desrivaux, ils méditaient de porter le dernier coup à ce mulâtre qui exerçait une si grande influence sur sa classe et sur celle des noirs.

Dans cet état de choses, Delpech voulut célébrer la fédération du 14 juillet, comme ses collègues faisaient en même temps au Cap, dans l'espoir que cette fète appellerait tous les hommes libres à la concorde, en confondant leurs sentimens d'attachement à la France dans celui de la fraternité; il ne savait pas les projets des colons, il les jugeait mieux qu'ils ne méritaient.

Ce jour arrive enfin : tous les corps constitués, tous les fonctionnaires publics suivent Delpech sur la place publique où la cérémonie va s'exécuter; la garde nationale, les troupes environnent l'autel de la patrie. Delaval Y monte et prononce un discours analogue à la circonstance; après lui, Delpech en prononce un aussi où il

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