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Réponse et mesures diverses de Son

· Proclamation de Smith, - Bauvais à la Croix-desMeurtre d'Halaou et ex

du 1er février. - Les Anglais prennent Tiburon. Bouquets. Guyambois relaxé par Sonthonax. plication de ce fait. Prise de l'Acul-de-Léogane par les Anglais. — Ils reviennent devant le Port-au-Prince. - Proclamations de Sonthonax, du 27 février et du 1er mars.—Intrigues et jalousie de Martial Besse et de Desfourneaux contre Montbrun. - Dissensions et affaire du 17 au 18 mars, au Port-au-Prince. Embarquement forcé de Desfourneaux et sa lettre à LaJugement sur Sonthonax et les hommes de couleur.

veaux.

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Meurtre

de Bébé Coustard par Daguin. — Polvérel revient des Cayes au Port-auPrince.. Bruno Blanchet, délégué civil aux Cayes. Rigaud, gouverneur général du Sud. Montbrun, gouverneur général de l'Ouest. Laveaux, gouverneur général de Saint-Domingue. - Conduite de Polvérel au Portau-Prince. Défense de la mémoire de Pinchinat, contre divers auteurs.

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Le sort de Saint-Domingue semblait devoir se décider dès le commencement de l'année 1794; car, à cette époque, la majeure partie de son territoire était au pouvoir des puissances ennemies de la France. Pour conserver le reste de cette colonie, il fallait toute l'énergie des commissaires civils et tout le dévouement des chefs militaires auxquels ils confièrent sa défense. La capitale elle-mème a subi le joug de la Grande-Bretagne, et

cependant les étrangers finirent par être chassés de tous les points qu'ils occupèrent! Ils le furent, sans le concours matériel de la métropole ses idées, ses principes, sa tardive justice envers la race opprimée opérèrent seuls ce prodige. Que ne peuvent, en effet, des idées et des principes sur l'esprit des hommes! Que ne peut la justice sur leurs cœurs! Il suffit d'une idée pour remuer le monde. Les forces humaines sont donc inertes ou actives, selon la volonté des gouvernemens; presque toujours il dépend d'eux de leur donner une direction convenable au but que doit atteindre l'humanité, dans sa marche ascendante vers la civilisation. S'ils remplissent leurs devoirs envers les peuples qui leur obéissent, leur tâche devient facile; ils les poussent alors à la réalisation de ce grand problème dont la solution est laissée à leur intelligence, et surtout à leur vertu. A Saint-Domingue, c'est la Liberté, c'est l'Égalité, bases de toute Justice, qui portèrent la race noire à triompher des ennemis qui vinrent pour lui imposer de nouvelles chaînes.

Polvérel d'un côté, Sonthonax de l'autre, ne pouvaient pas rester spectateurs impassibles de tant de trahisons. Le premier ordonna à Rigaud de marcher contre Léogane, tandis que le second faisait marcher Marc Borno pour l'appuyer. Mais cette ville, bien gardée, repoussa leurs attaques l'heure de sa délivrance n'avait pas encore sonné. En se retirant, Rigaud fit fortifier une position avantageuse située à l'Acul-de-Léogane, à peu de distance de cette ville; il retourna ensuite aux Cayes. Marc Borno vint occuper le poste de Gressier, à deux lieues de Léogane: peu après, il reçut l'ordre de venir

prendre le commandement du fort de Bizoton, à une petite lieue du Port-au-Prince.

Le 1 janvier 1794, le commodore J. Ford parut devant cette ville avec plusieurs bâtimens de guerre. Le 2, il adressa à Sonthonax une lettre qui fut portée par le capitaine Rowley, commandant de la frégate la Pénélope. Il lui disait :

<«< Monsieur, l'escadre dont il a plu à S. M. B. de me confier le commandement, est maintenant en partie devant votre port: nonobstant le défaut d'égards de la part des habitans du Port-au-Prince, à la proclamation de Jérémie, du 23 septembre dernier, par le colonel Whitelocke, commandant des forces britanniques dans ce district et ses dépendances; néanmoins, afin d'éviter une plus grande effusion de sang, une fois encore, et par un pavillon parlementaire, je vous offre les mêmes termes accordés aux habitans de Saint-Marc, les navires dans le port exceptés, lesquels ne peuvent raisonnablement être compris dans la capitulation, puisqu'on m'a porté à employer la force, au lieu de la prière qui a été sans effet.

>> Je promets aussi de bonne foi de recommander au ministre de la Grande-Bretagne, tels autres priviléges et immunités aux hommes de couleur, qui peuvent être jugés convenables et expédiens, suivant l'exigence des cas, à la conclusion de la guerre, avec la conviction entière que toute concession raisonnable leur sera faite à cette période.... >>

Cette lettre se terminait par l'annonce de forces navales arrivées à la Barbade, et de la reddition de quelques postes importans en France.

Il ne négligeait pas, comme on voit, les intérêts matériels de son pays: la capture d'une cinquantaine de navires chargés de denrées souriait aux Léopards. Mais il était gauche, il faut le dire, en faisant de simples promesses de recommandation, pour ce qui concernait les droits à accorder aux hommes de couleur, à la conclusion de la paix. Ceux de cette classe qui étaient au Portau-Prince étaient déjà assez fixés sur ce qui était de leur devoir en cette circonstance : la jouissance de la liberté politique et de l'égalité parfaite avec les blancs ne pouvait pas être mise en balance avec des promesses éventuelles. Nous entendons parler des sommités parmi les hommes de couleur, Pinchinat, Montbrun, Bauvais, Chanlatte, qui exerçaient de l'influence sur les autres. Egalement fixés sur la justice de la liberté générale en faveur des noirs, ils étaient inaccessibles à cette séduction.

Lorsque le capitaine Rowley se rendait au palais du gouvernement où était Sonthonax, le peuple agité cria : Vive la République! Mort aux traîtres ! A bas les Anglais! Arrivé auprès du commissaire, Rowley demanda à lui parler en particulier; mais Sonthonax lui répondit : <«< Des Anglais ne peuvent avoir rien de secret à me >> dire parlez en public, ou retirez-vous. — Je viens

vous sommer de la part du roi de la Grande-Bretagne, » de lui rendre cette ville qu'il prend sous sa protec» tion. - Comme il veut y prendre, sans doute, les >> cinquante-deux bâtimens qui sont dans le port. >> Nous sommes en guerre avec la France, ils sont de >> bonne prise. Halte-là, Monsieur; si nous étions

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jamais forcés d'abandonner la place, vous n'auriez de >> ces bâtimens que la fumée, car les cendres en appar» tiendraient à la mer. »

A cette fière réponse du républicain enthousiaste, les cris de Vive Sonthonar! Vive la République! enjoignirent à l'Anglais de se retirer sa mission était finie.

Les autorités civiles et militaires s'étaient réunies d'elles-mêmes autour de Sonthonax; il donna lecture en leur présence de la lettre du commodore Ford : toutes jurèrent de défendre le Port-au-Prince contre les Anglais. Sonthonax fit en son nom et au leur la réponse

suivante :

<< Commodore, j'ai communiqué aux commandans de la force armée et aux représentans du peuple du Port-Républicain, la dépêche et le projet de capitulation qui m'ont été transmis de votre part par le capitaine Rowley; tous ont rejeté unanimement vos propositions; ils veulent vivre et mourir Français, ils ne s'écarteront pas de leur serment.

» Les citoyens blancs sont invariablement attachés aux principes de la convention nationale; ils ont vu dans l'article 4 des propositions du gouvernement britannique, un mépris formel de la loi du 4 avril 1792; ils ne souffriront jamais que leurs frères de couleur soient plongés une seconde fois dans l'ignominie et dans la barbarie d'un préjugé devenu intolérable chez un peuple éclairé. Les anciens libres, de toutes les couleurs, sont réunis de cœur et d'esprit pour la liberté générale; les Africains, de leur côté, ont juré de défendre les propriétés de leurs patrons'.

>> Telles sont, commodore, nos dispositions. Je vous conseille d'épargner au Port-Républicain une attaque

1 A cette époque, on désignait les noirs par le terme d'africains, comme on désignait les hommes de couleur par l'expression de citoyens du 4 avril.

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