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toujours parler; c'est prévenir les ames contre | fin, qui est la gloire de Dieu. Saint François de Sal'illusion.

III. - FAUX.

L'amour intéressé est un amour bas', grossier, indigne de Dieu, que les ames généreuses doivent mépriser. Il faut se hâter de leur en donner le dégoût, pour les faire aspirer, dès les commencements, à un amour pleinement désintéressé.

Il faut leur ôter les motifs de la crainte sur la mort, sur les jugements de Dieu et sur l'enfer, qui ne conviennent qu'à des esclaves; il faut leur ôter le desir de la céleste patrie, et retrancher tous les motifs intéressés de l'espérance. Après leur avoir fait goûter l'amour pleinement désintéressé, il faut supposer qu'elles en ont l'attrait et la grace; il faut les éloigner de toutes les pratiques qui ne sont pas dans toute la perfection de cet amour tout pur.

Parler ainsi, c'est ignorer les voies de Dieu et les opérations de sa grace. C'est vouloir que l'esprit souffle où nous voulons, au lieu qu'il souffle où il lui plaît. C'est confondre les degrés de la vie intérieure. C'est inspirer aux ames l'ambition et l'avarice spirituelles, dont parle le bien heureux Jean de la Croix. C'est les éloigner de la véritable simplicité du pur amour, qui se borne à suivre la grace sans entreprendre jamais de la prévenir. C'est tourner en mépris les fondements de la justice chrétienne, je veux dire la crainte, qui est le commencement de la sagesse, et l'espérance par laquelle nous sommes sauvés.

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Dans l'état habituel du plus pur amour, l'espérance, loin de se perdre, se perfectionne, et conserve sa distinction d'avec la charité. 4° L'habitude en demeure infuse dans l'ame, et elle y est conforme aux actes de cette vertu qui doivent être produits. 2o L'exercice de cette vertu demeure toujours distingué de celui de la charité. Voici comment. Ce n'est pas la diversité des fins qui fait la diversité ou spécification des vertus. Toutes les vertus ne doivent avoir qu'une seule fin, quoiqu'elles soient distinguées les unes des autres par une véritable spécification. Saint Augustin assure2 la charité exerce elle seule toutes les vertus, et qu'elle prend divers noms, suivant les divers objets auxquels elle s'applique. Saint Thomas dit que la charité est la forme de toutes les vertus, parce qu'elle les exerce et les rapporte toutes à la

que

Voyez pag. 7.

De Morib. Eccles., liv. 4.

les, qui a exclu si formellement, et avec tant de répétitions, tout motif intéressé de toutes les vertus des ames parfaites, a marché précisément sur les vestiges de saint Augustin et de saint Thomas, qu'il a cités. Ils ont tous suivi la tradition universelle qui met un troisième degré de justes, lesquels excluent tout motif intéressé de la pureté de leur amour. Il est donc constant qu'il ne faut plus chercher dans cet état une espérance exercée par un motif intéressé : autrement ce seroit défaire d'une main ce qu'on auroit fait de l'autre; ce seroit se jouer d'une si sainte tradition ; ce seroit affirmer et nier la même chose en même temps; ce seroit vouloir trouver le motif de l'intérêt propre dans l'amour pleinement désintéressé. Il faut donc se bien souvenir que ce n'est pas la diversité de fins ou de motifs qui fait la distinction ou spécification des vertus. Ce qui fait cette distinction est la diversité des objets formels. Afin que l'espérance demeure véritablement distinguée de la charité, il n'est pas nécessaire qu'elles aient des fins différentes au contraire, pour être bonnes elles doivent se rapporter à la même fin. Il suffit que l'objet formel de l'espérance ne soit pas l'objet formel de la charité. Or est-il que, dans l'état habituel de l'amour le plus désintéressé, les deux objets formels de ces deux vertus demeurent très différents; donc ces deux vertus conservent en cet état une distinction et une spécification véritable, dans toute la rigueur scolastique. L'objet formel de la charité est la bonté ou beauté de Dieu, prise simplement et absolument en elle-même, sans aucune idée qui soit relative à nous. L'objet formel de l'espérance est la bonté de Dieu en tant que bonne pour nous et difficile à acquérir: or est-il que ces deux objets, pris dans toute la précision la plus rigoureuse et suivant leur concept formel, sont très différents. Donc la différence des objets conserve la distinction ou spécification de ces deux vertus. Il est constant que Dieu en tant que parfait en lui-même et sans rapport à moi, et Dieu en tant qu'il est mon bien que je veux tâcher d'acquérir, sont deux objets formels très différents. Il n'y a aucune confusion du côté de l'objet qui spécifie les vertus; il n'y en a que du côté de la fin, et cette confusion y doit être : elle n'altère en rien la spécification des vertus. L'unique difficulté qui reste est d'expliquer comment une ame pleinement désintéressée peut vouloir Dieu, en tant qu'il est son bien. N'est-ce pas, dira-t-on, déchoir de la perfection de son désintéressement, reculer dans la voie de Dieu, et revenir à un mo

ne peut plus faire aucun acte de vraie espérance distingué de la charité; c'est-à-dire qu'on ne peut plus desirer ni attendre l'effet des promesses en soi et pour soi, même pour la gloire de Dieu.

Parler ainsi, c'est mettre la perfection dans la résistance formelle à la volonté de Dieu, qui veut notre salut, et qui veut que nous le voulions pour sa gloire, comme notre propre récompense. En même temps c'est confondre l'exercice des vertus théologales, contre la décision du saint concile de Trente.

ARTICLE V.

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VRAI.

tif d'intérêt propre, malgré cette tradition des | ait cette volonté. D'où il s'ensuit qu'en cet état on saints de tous les siècles; qui excluent du troisième état des justes tout motif intéressé? Il est aisé de répondre que le plus pur amour ne nous empêche jamais de vouloir, et nous fait même vouloir positivement tout ce que Dieu veut que nous voulions. Dieu veut que je veuille Dieu, en tant qu'il est mon bien, mon bonheur, et ma récompense. Je le veux formellement sous cette précision : mais je ne le veux point par ce motif précis qu'il est mon bien. L'objet et le motif sont différents; l'objet est mon intérêt, mais le motif n'est point intéressé, puisqu'il ne regarde que le bon plaisir de Dieu. Je veux cet objet formel, et dans cette réduplication, comme parle l'école : mais je le veux par pure conformité à la volonté de Dieu, qui me le fait vouloir. L'objet formel est celui de l'espérance commune de tous les justes, et c'est l'objet formel qui spécifie les vertus. La fin est la même que celle de la charité; mais nous avons vu que l'unité de fin ne confond jamais les vertus. Je puis sans doute vouloir mon souverain bien en tant qu'il est mon souverain bien, en tant qu'il est ma récompense et non celle d'un autre, et le vouloir pour me conformer à Dieu, qui veut que je le veuille. Alors je veux ce qui est réellement et ce que je connois comme le plus grand de tous mes intérêts, sans qu'aucun motif intéressé m'y détermine. En cet état l'espérance demeure distinguée de la charité, sans altérer la pureté ou le désintéressement de son état. C'est ce que saint François de Sales a expliqué par ces paroles, qui sont d'une précision si théologique': C'est chose bien diverse de dire; J'aime Dieu pour moi, et de dire, J'aime Dieu pour l'amour de moi... L'une est une sainte affection de l'épouse... l'autre est une impiété non pareille, etc.

Parler ainsi, c'est conserver la distinction des vertus théologales dans les états les plus parfaits de la vie intérieure, et par conséquent ne se départir en rien de la doctrine du saint concile de Trente. En même temps, c'est expliquer la tradition des Pères, des docteurs de l'école et des saints mystiques, qui ont supposé un troisième degré de justes, qui sont dans un état habituel de pur amour sans aucun motif d'intérêt.

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Il y a deux états différents parmi les ames justes. Le premier est celui de la sainte résignation. L'ame résignée veut, ou du moins voudroit plusieurs choses pour soi, par le motif de son intérêt propre. Saint François de Sales dit' qu'elle a encore des desirs propres, mais soumis. Elle soumet et subordonne ses desirs intéressés à la volonté de Dieu, qu'elle préfère à son intérêt. Par-là cette résignation est bonne et méritoire. Le second état est celui de la sainte indifférence. L'ame indifférente ne veut plus rien pour soi, par le motif de son propre intérêt elle n'a plus de desirs intéressés à soumettre, parce qu'elle n'a plus aucun desir intéressé. Il est vrai qu'il lui reste encore des inclinations et des répugnances involontaires, qu'elle soumet; mais elle n'a plus de desirs volontaires et délibérés pour son intérêt, excepté dans les occasions où elle ne coopère pas fidèlement à toute sa grace. Cette ame, indifférente quand elle remplit sa grace, ne veut plus rien que pour Dieu seul, et que comme Dieu le lui fait vouloir par son attrait.

Elle aime, il est vrai, plusieurs choses hors de Dieu, mais elle ne les aime que pour le seul amour de Dicu, et de l'amour de Dieu même; car c'est Dieu qu'elle aime dans tout ce qu'il lui fait aimer. La sainte indifférence n'est que le désintéressement de l'amour, comme la sainte résignation n'est que l'amour intéressé, qui soumet l'intérêt propre à la gloire de Dieu. L'indifférence s'étend toujours tout aussi loin, et jamais plus loin, que le parfait désintéressement de l'amour. Comme l'indifférence est l'amour même, c'est un principe très réel et très positif. C'est une volonté positive et formelle qui nous fait vouloir ou desirer réellement toute volonté de Dieu qui nous est connue. Ce n'est

Amour de Dieu, liv. 9.

point une indolence stupide, une inaction inté-férence est au-dessus de la résignation, car elle rieure, une non-volonté, une suspension générale, un équilibre perpétuel de l'ame. Au contraire, c'est une détermination positive et constante de vouloir et de ne vouloir rien, comme parle le cardinal Bona. On ne veut rien pour soi; mais on veut tout pour Dieu on ne veut rien pour être parfait ni bienheureux, pour son propre intérêt; mais on veut toute perfection et toute béatitude, autant qu'il plaît à Dieu de nous faire vouloir ces choses par l'impression de sa grace, suivant sa loi écrite, qui est toujours notre règle inviolable. En cet état on ne veut plus le salut comme salut propre, comme délivrance éternelle, comme récompense de nos mérites, comme le plus grand de tous nos intérêts mais on le veut d'une volonté pleine, comme la gloire et le bon plaisir de Dieu, comme une chose qu'il veut, et qu'il veut que nous voulions pour lui.

:

Il y auroit une extravagance manifeste à refuser par pur amour de vouloir le bien que Dieu veut nous faire, et qu'il nous commande de vouloir. L'amour le plus désintéressé doit vouloir ce que Dieu veut pour nous, comme ce qu'il veut pour autrui. La détermination absolue à ne rien vouloir ne seroit plus le désintéressement, mais l'extinction de l'amour, qui est un desir et une volonté véritable: elle ne seroit plus la sainte indifférence; car l'indifférence est l'état d'une ame également prête à vouloir ou à ne vouloir pas, à vouloir pour Dieu tout ce qu'il veut, et à ne vouloir jamais pour soi ce que Dieu ne témoigne point vouloir : au lieu que cette détermination insensée à ne vouloir rien est une résistance impie à toutes les volontés de Dieu connues et à toutes les impressions de sa grace. C'est donc une équivoque facile à lever, que de dire qu'on ne desire point son salut. On le desire pleinement comme volonté de Dieu. Il y auroit un blasphème horrible à le rejeter en ce sens, et il faut parler toujours là-dessus avec précaution. Il est vrai seulement qu'on ne le veut pas, en tant qu'il est notre récompense, notre bien et notre intérêt. C'est en ce sens que saint François de Sales a dit1, que s'il y avoit un peu plus du bon plaisir de Dieu en enfer, les saints quitteroient le paradis pour y aller. Et encore ailleurs 2: Le desir de la vie éternelle est bon, mais il ne faut desirer que la volonté de Dieu. Et encore ailleurs 3: Si nous pouvions servir Dieu sans mérite, nous derrions desirer de le faire. Il dit ailleurs: L'indif

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n'aime rien, sinon pour la volonté de Dieu : si qu'aucune chose ne touche le cœur indifférent en la présence de la volonté de Dieu..... Le cœur indifférent est comme une boule de cire entre les mains de son Dieu, pour recevoir semblablement toutes les impressions du bon plaisir éternel. C'est un cœur sans choix, également disposé à tout, sans aucun autre objet de sa volonté que la volonté de son Dieu ; qui ne met point son amour ès choses que Dieu veut, ains en la volonté de Dieu qui les veut. Ailleurs il dit, parlant de saint Paul et de saint Martin2: Ils voient le paradis ouvert pour eux; ils voient mille travaux en terre, l'un et l'autre leur est indifférent au choix, et il n'y a que la volonté de Dieu qui puisse donner le contrepoids à leurs cœurs. Il dit dans la suite que s'il savoit que sa damnation fût un peu plus agréable à Dieu que sa salvation, il quitteroit sa salvation, et courroit à sa damnation. Il parle encore ainsi ailleurs : Il n'est pas seulement requis de nous reposer en la divine Providence pour ce qui regarde les choses temporelles, ains beaucoup plus pour ce qui appartient à notre vie spirituelle et à notre perfection. Ailleurs il dit : Soit pour ce qui regarde l'intérieur, soit pour ce qui regarde l'extérieur, ne veuillez rien que ce que Dieu voudra pour vous. Enfin, il dit dans un autre endroit : Je n'ai presque point de desirs; mais si j'étois à renaître, je n'en aurois point du tout. Si Dieu venoit à moi, j'irois aussi à lui : s'il ne vouloit pas venir à moi, je me tiendrois là, et n'irois pas à lui. Les autres saints des derniers siècles, qui sont autorisés dans toute l'Église, sont pleins d'expressions semblables. Elles se réduisent toutes à dire qu'on n'a plus aucun desir propre et intéressé ni sur le mérite, ni sur la perfection, ni sur la béatitude éternelle.

Parler ainsi, c'est ne laisser aucune équivoque dans une matière si délicate, où l'on n'en doit jamais souffrir; c'est prévenir tous les abus qu'on pourroit faire de la chose la plus précieuse et la plus sainte qui soit sur la terre, je veux dire le pur amour; c'est parler comme tous les Pères, comme tous les principaux docteurs de l'école, et comme tous les saints mystiques.

V.. - FAUX.

La sainte indifférence est une suspension absoluc de volonté, une non-volonté entière, une ex

clusion de tout desir même désintéressé. Elle s'é* Ibid.

Amour de Dieu, liv. 9. chap. 21. * Ibid. 4 III Entretien.

tend plus loin que le parfait désintéressement de | Il ne faut jamais admettre aucun des desirs pieux l'amour. Elle ne veut point pour nous les biens et édifiants auxquels nous nous pouvons trouver éternels que la loi écrite nous enseigne que Dieu portés intérieurement. nous veut donner, et qu'il veut que nous desirions recevoir en nous et pour nous, par le motif de sa gloire. Tout desir, même le plus désintéressé, est imparfait. La perfection consiste à ne vouloir plus rien, à ne desirer plus non-seulement les dons de Dieu, mais encore Dieu même, et à le laisser faire en nous ce qu'il lui plaît, sans que nous y mêlions de notre part aucune volonté réelle et positive.

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La sainte indifférence, qui n'est que le désintéressement de l'amour, loin d'exclure les desirs désintéressés, est le principe réel et positif de tous les desirs désintéressés que la loi écrite nous commande, et de tous ceux que la grace nous inspire. C'est ainsi que Daniel fut nommé l'homme des desirs; c'est ainsi que le Psalmiste disoit à Dieu Tous mes desirs sont devant vos yeux. Non-seulement l'ame indifférente desire pleinement son salut, en tant qu'il est le bon plaisir de Dieu; mais encore la persévérance, la correction de ses défauts, l'accroissement de l'amour par celui des graces, et généralement sans aucune exception tous les biens spirituels, et même temporels qui sont, dans l'ordre de la Providence, une préparation de moyens pour notre salut, et pour celui de notre prochain. La sainte indifférence admet, nonseulement des desirs distincts et des demandes expresses, pour l'accomplissement de toutes les volontés de Dieu qui nous sont connues; mais encore des desirs généraux pour toutes les volontés de Dieu que nous ne connoissons pas.

Parler ainsi, c'est parler suivant les vrais principes de la sainte indifférence, et conformément aux sentiments des saints, dont toutes les expressions, quand on les examine de près par ce qui précède et parce qui suit, se réduisent sans peine à cette explication pure et saine dans la foi.

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Parler ainsi, c'est s'opposer à la volonté de Dieu, sous prétexte de s'y conformer plus purement; c'est violer la loi écrite, qui nous commande des desirs, quoiqu'elle ne nous commande pas de les former d'une manière intéressée, inquiète, ou toujours distincte. C'est éteindre le véritable amour par un raffinement insensé ; c'est condamner avec blasphème les paroles de l'Écriture et les prières de l'Église, qui sont pleines de demandes et de desirs. C'est s'excommunier soi-même, et se mettre hors d'état de pouvoir jamais prier ni de cœur ni de bouche dans l'assemblée des fidèles.

ARTICLE VII.-VRAI.

ne

Il n'y a aucun état ni d'indifférence, ni d'aucune autre perfection connue dans l'Église, qui donne aux ames une inspiration miraculeuse ou extraordinaire. La perfection des voies intérieures ne consiste que dans une voie de pur amour qui aime Dieu sans aucun intérêt et de pure foi, où l'on ne marche que dans les ténèbres, et sans autre lumière que celle de la foi même qui est commune à tous les chrétiens. Cette obscurité de la pure foi n'admet aucune lumière extraordinaire. Ce n'est pas que Dieu, qui est le maître de ses dons, puisse y donner des extases, des visions, des révélations, des communications intérieures. Mais elles ne sont point de cette voie de pure foi, et les saints nous apprennent qu'il faut alors ne s'arrêter point volontairement à ces lumières extraordinaires, mais les outre-passer, comme dit le bienheureux Jean de la Croix, et demeurer dans la foi la plus nue et la plus obscure. A plus forte raison faut-il se garder de supposer dans les voies dont nous parlons aucune inspiration miraculeuse ou extraordinaire, par laquelle les ames indifférentes se conduisent elles-mêmes. Elles n'ont pour règle que les préceptes et les conseils de la loi écrite, et la grace actuelle, qui est toujours conforme à la loi. A l'égard des préceptes, elles doivent toujours présupposer, sans hésiter ni raisonner, que Dieu n'abandoune personne s'il n'en a pas été abandonné auparavant; et par conséquent, que la grace toujours prévenante les inspire toujours pour l'accomplissement du précepte, dans le cas où il doit être accompli. Ainsi c'est à elle à coopérer de toutes les forces de sa volonté, pour ne manquer pas à la grace par une transgression du précepte. Pour les cas où les conseils ne se tournent point en précep

par leur libre arbitre. Leur sainte indifférence, qui contient éminemment tous les desirs, les dispense d'en former jamais aucun. Leur inspiration est leur seule règle.

tes, elles doivent sans se gêner faire les actes ou de l'amour en général, ou de certaines vertus distinctes en particulier, suivant que l'attrait intérieur de la grace les incline plutôt aux uns qu'aux autres en chaque occasion. Ce qui est certain, c'est Parler ainsi, c'est éluder tous les préceptes et que la grace les prévient pour chaque action déli- tous les conseils, sous prétexte de les accomplir bérée; que cette grace, qui est le souffle intérieur d'une façon plus éminente; c'est établir dans l'Éde l'esprit de Dieu, les inspire ainsi en chaque oc- glise une secte de fanatiques impies; c'est oublier casion; que cette inspiration n'est que celle qui est que Jésus-Christ est venu sur la terre, non pour commune à tous les justes, et qui ne les exempte dispenser de la loi ni pour en diminuer l'autorité, jamais en rien de toute l'étendue de la loi écrite; mais au contraire pour l'accomplir et pour la perque cette inspiration est seulement plus forte et fectionner en sorte que le ciel et la terre passeplus spéciale dans les ames élevées au pur amour, ront avant que les paroles du Sauveur prononcées que dans celles qui n'ont en partage que l'amour pour confirmer la loi puissent passer. Enfin, c'est intéressé; parce que Dieu se communique plus aux contredire grossièrement tous les meilleurs mysparfaits qu'aux imparfaits. Ainsi, quand quelques tiques, et renverser de fond en comble tout leur saints mystiques ont admis dans la sainte indiffé- système de pure foi, qui est manifestement incomrence les desirs inspirés, et ont rejeté tous les au-patible avec toute inspiration miraculeuse ou extres, il faut bien se garder de croire qu'ils aient traordinaire, qu'une ame suivroit volontairement voulu exclure les desirs et les antres actes commancomme sa règle et son appui, pour se dispenser dés par la loi écrite, et n'admettre que ceux qui d'accomplir la loi. sont extraordinairement inspirés. Ce seroit blasphémer contre la loi, et en même temps élever audessus d'elle une inspiration fanatique. Les desirs et les autres actes inspirés dont ces saints mystiques ont voulu parler sont ceux que la loi commande, ou ceux que les conseils approuvent, et qui sont formés dans une ame indifférente ou désintéressée, par l'inspiration de la grace toujours prévenante, sans qu'il s'y mêle aucun empressement intéressé de l'ame pour prévenir la grace. Ainsi tout se réduit à la lettre de la loi, et à la grace prévenante du pur amour, à laquelle l'ame coopère sans la prévenir.

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ARTICLE VIII.

VRAI.

La sainte indifférence, qui n'est jamais que le désintéressement de l'amour, devient dans les plus extrêmes épreuves ce que les saints mystiques ont nommé abandon; c'est-à-dire que l'ame désintéressée s'abandonne totalement et sans réserve à Dieu pour tout ce qui regarde son intérêt propre; mais elle ne renonce jamais ni à l'amour, ni à aucune des choses qui intéressent la gloire et le bon plaisir du bien-aimé. Cet abandon n'est que l'abnégation ou renoncement de soi-même que Jésus-Christ nous demande dans l'Évangile, après que nous aurons tout quitté au-dehors. Cette abnégation de nousmêmes n'est que pour l'intérêt propre, et ne doit jamais empêcher l'amour désintéressé que nous nous devons à nous-mêmes comme au prochain, pour l'amour de Dieu. Les épreuves extrêmes où cet abandon doit être exercé sont les tentations par lesquelles Dieu jaloux veut purifier l'amour, en ne lui faisant voir aucune ressource ni aucune espérance pour son intérêt propre même éternel. Ces épreuves sont représentées par un très grand nombre de saints comme un purgatoire terrible, qui peut exempter du purgatoire de l'autre vie les ames qui le souffrent avec une entière fidélité. Il n'appartient, comme le cardinal Bona l'assure, qu'à des insensés et à des impies de refuser de croire ces choses sublimes et secrètes, et de les mépriser comme fausses, quoiqu'elles ne soient pas claires, lorsqu'elles sont attestées par des hommes d'une vertu très vénérable, qui parlent

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