Page images
PDF
EPUB

ne laisse aucun doute sur la portée du mot filiifamilias, et il est confirmé par d'autres dispositions qui permettent de poser comme règle, que le sénatus-consulte atteignait tous les descendants sans avoir égard au degré qui les séparait du détenteur de la puissance (L. 6 § 1, C., Ad. s.-c. Maced. IV, 28; § 7, Instit., Quod cum eo, IV. 7). (b) Il n'était pas fait non plus de distinction de sexe; Hoc senatusconsultum ad filias quoque familiarum pertinet (L. 9 § 2 De s.-c. Maced. V. aussi § 7, Inst. Quod cum eo) (1).

(c) Il suffisait, au surplus, que le descendant fût alieni juris au moment de l'emprunt pour rendre l'acte irrégulier: Certe si adrogatus mutuam pecuniam acceperit, deinde sit restitutus ut emanciparetur senatusconsultum locum habebit: fuit enim filiusfamilias (L. 1, § 2 De s.-c. Maced).

Toutes ces idées sont résumées dans le § 7 du Titre VIII du Livre IV des Institutes, Quod cum eo, qui refuse l'action au sujet du prêt, tam adversus ipsum filium filiamve nepotem neptemve sive adhuc in potestate sunt, sive morte parentis vel emancipatione suæ potestatis esse cœperint, quam adversus patrem avumve, sive eos habeat adhuc in potestate, sive emancipaverit.

(d) Aucune difficulté ne se présentait pour appliquer la règle qui précède, s'il s'agissait d'un mutuum ou d'un acte simple qui, en déguisant le prêt d'argent, s'accomplissait uno tractu temporis. Que décider si l'on recourait à une autre opération qui s'effectuait en un certain laps de temps durant lequel la situation de l'emprunteur avait pu changer, comme dans les cas de stipulation suivie plus tard d'une numération d'espèces, d'une vente précédant une revente, d'une fidéjussion, etc. A quel moment devait-on se placer pour apprécier la capacité de l'emprunteur? Ainsi, suivant l'exemple cité par Ulpien: Si a filiofamilias stipulatus sim et patrifamilias facto crediderim, sive capite diminutus sit, sive morte patris, vel alias sui juris sive capitis diminutione fuerit effectus..., le prêt était-il valable ou frappé par le sénatus-consulte? Le jurisconsulte répond sans hésitation: Debet dici cessare senatusconsultum : quia mutua jam natrifamilias data est, le prêt a été fait en définitive à une personne sui juris (L. 3 § 4 De s.-c. Maced). Et la loi 4, empruntée à Scævola,

1. Nous verrons dans le chapitre IV les conséquences qu'on a voulu tirer de cette loi, au sujet de la capacité de la fille de famille pubère.

nous donne la raison de cette décision: Quia quod vulgo dicitur, filiofamilias credi non licere, non ad verba referendum est, sed ad numerationem. En d'autres termes, c'était non pas à la stipulation, mais à la numération des espèces qu'il fallait avoir égard, et on devait se placer au moment de cette numération pour apprécier la validité de l'opération. Si le fait principal susceptible de donner naissance à l'application du sénatus-consulte s'était accompli lorsque le fils de famille était devenu sui juris, il n'y avait plus alors aucune raison d'invoquer la prohibition. La loi 5 de Paul fait ressortir cette idée quand elle ajoute: Ergo hic, et in solidum damnabitur, non id quod facere potest. Le débiteur était condamné in solidum, sans même qu'il pût être question de l'exception quod facere potest accordée en d'autres occasions au fils de famille, parce que l'opération ne devenait parfaite que lorsqu'il était paterfamilias. Scævola appliquait les mêmes principes dans une hypothèse inverse de la loi 3 § 4: Contra etiam rectè dicitur, si a patrefamilias stipulatus sis, credas postea filiofamilias facto, senatus potestatem exercendam, quia expleta est numeratione substantia obligationis (L. 6 De s.-c. Maced.). En d'autres termes, une stipulation avait été passée avec le débiteur sui juris, et elle avait été suivie d'une numération de deniers quand il était devenu alieni juris; le sénatus-consulte produisait alors son effet.

En résumé il fallait et il suffisait, pour entacher le prêt d'irrégularité, que l'emprunteur fût filiusfamilias au moment où les deniers. lui étaient comptés, sans qu'on eût à considérer s'il était ou non sui juris quand la stipulation ou tout autre acte qui déguisait le prêt et précédait la numération des espèces avait été effectué: Expleta est numeratione substantia obligationis.

(e) Le sénatus-consulte conservait toute son efficacité, quelle que fût la dignité dont le fils était revêtu, parce que la situation sociale du fils était, en principe, sans in fluence sur la dissolution de la puissance paternelle: In filiofamilias nihil dignitas facit, quominus senatusconsultum Macedonianum locum habeat: nam etiamsi consul sit, vel cujusvis dignitatis, senatusconsulto locus est (L. 1 § 3, De s.-c. Maced.). Dans quelques cas exceptionnels pourtant, les dignités conférées au fils de famille l'affranchissant de la puissance, la disposition qui précède restait sans effet; telles étaient, dans le droit classique, la qualité de flamine de Jupiter et celle de vestale et, sous Justinien, celle de patrice.

(f) Il pouvait arriver que l'on ne sût pas au juste si l'emprunteur était sui juris ou alieni juris. L'application du sénatus-consulte restait alors incertaine jusqu'à ce que le doute eût disparu. Ulpien nous en donne un exemple dans le fait de la captivité du père: Si pendeat, an si in potestate filius, utputa quoniam patrem apud hostes habet, in pendenti est, an in senatusconsultum sit commissum: nam si reciderit in potestatem senatusconsulto locus est: si minus cessat interim igitur deneganda est actio (L. 1 § 1 De s.-c. Maced.).

§ IV. Exceptions apportées à l'application du sénatus-consulte Macédonien. Le prêt d'argent consenti au fils de famille échappait parfois à la prohibition du sénatus-consulte. Dans certains cas, en effet, le filiusfamilias se trouvait tenu jure civili du remboursement, mais alors tantôt il était lié seul, tantôt il obligeait son père avec lui, soit in solidum, soit de peculio, soit de in rem verso. Nous allons examiner successivement chacune de ces situations.

1r catégorie d'exceptions. - Le fils était seul obligé.

Cela se produisait dans deux cas particuliers:

1o Le fils avait un pécule castrense (L. 1 §3, De s.-c. Maced). Il était tenu, parce que filiifamilias in castrensi peculio vice patrum familiarum fungantur (L. 2 De s.-c. Maced).

De ce qu'il était réputé sui juris à l'égard du pécule castrense, résultaient deux conséquences: d'une part, il ne pouvait obliger son père, puisqu'on faisait abstraction de tout lien de puissance; d'autre part, comme le disent les textes, il n'était lui-même tenu que usque ad quantitatem castrensis peculii. Pour le surplus, il restait alieni juris et son obligation était atteinte par le sénatus-consulte.

Tel était l'état du droit classique. Une constitution de Justinien y apporta des changements notables. D'après elle, tout emprunt contracté par un fils de famille militaire fut désormais pleinement valable. Car, disait Justinien: In pluribus juris articulis filiifamilias milites non absimiles videntur hominibus, qui sui juris sunt: et ex præsumptione omnis miles non creditur in aliud quicquam pecuniam accipere et expendere, nisi in causas castrenses (L. 7 § 1, C., Ad senat.-consult. Macedon IV, 28). L'emprunt était donc validé, pour le fils militaire, indépendamment de tout pécule castrense, et parce que la somme prêtée était réputée nécessitée par les besoins de la vie des camps:

la cause illicite du prêt disparaissait, le prêt était assimilé à tout autre contrat passé par le fils. De là deux innovations: (a) rien ne mesurait plus l'obligation civile du fils militaire que l'étendue du prêt même et il était tenu in solidum; (b) le père était obligé, de son côté, suivant les principes du droit commun, de peculio profectitio. Les filiifamilias qui, comme les agentes in rebus, les avocats, etc, avaient un pécule quasi castrense devaient à notre avis être assimilés à ceux qui possédaient un pécule castrense, les règles concernant ces deux pécules étant les mêmes, dès l'origine jusqu'à Justinien, sauf le droit de disposer par testament.

Il y avait lieu d'étendre aussi sans doute cette assimilation aux fils de famille pourvus d'un pécule adventitium irregulare.

2o Le filiusfamilias s'était fait passer mensongèrement pour sui juris. Il était tenu alors in solidum, à cause de son manque de loyauté et de l'intérêt que méritait le prêteur trompé ; le père étant innocent des manoeuvres commises n'était pas obligé même de peculio. D'ailleurs le prêteur ne devait avoir aucune négligence à se reprocher pour la découverte de la fraude (cum filius se patremfamilias diceret, ejusque affirmatione credidisse te justá ratione edocere potes). Autrement, il cessait de mériter protection et le sénatusconsulte reprenait tout son empire (L. 1, C., Ad S.-consult. Maced.).

2° Catégorie d'exceptions: Le fils était tenu in solidum et le père obligé soit pour le tout, soit de peculio, soit de in rem verso.

I. Le père et le fils étaient tenus in solidum. Ce résultat se produisait quand le paterfamilias avait autorisé ou ratifié le prêt.

En effet, le but. avoué du sénatus-consulte étant de protéger le père, celui-ci, en donnant son adhésion à l'emprunt, renonçait au secours légal qui lui était offert, et le fils recouvrait alors toute sa capacité. L'assentiment exprès ou tacite du père constituait un véritable jussus ou un mandat général d'institor ou de magister nuvis; il était soumis dès lors jure prætorio, suivant les cas, aux actions quod jussu, institoria ou exercitoria et, par conséquent, obligé toujours in solidum comme le fils emprunteur.

A. L'autorisation de père pouvait être antérieure au prêt, et elle était alors tacite ou expresse.

Elle était tacite lorsque, comme l'indique Ulpien, le père avait

préposé son fils à un commerce. En connaissant les négociations du fils sans les avoir formellement interdites, il était censé les avoir autorisées (L. 7 § 11, De s.-c. Maced.). Le créancier agissait alors contre le fils par l'action née du contrat, et contre le père, par l'action institoria. Une solution analogue était donnée pour l'action exercitoria contre le père, si celui-ci avait préposé son fils en qualité de magister navis. L'autorisation du père était expresse quand il donnait à son fils l'ordre d'emprunter. Telle était l'espèce prévue ci-après par Paul: Si jusserit pater filio credi, deinde ignorante creditore mutaverit voluntatem, locus senatusconsulto non erit; quoniam initium contractus spectandum est (L. 12, De s.-c. Maced.). Daus ce cas particulier le créancier poursuivait le père à l'aide de l'action quod jussu.

Bien entendu, le changement de volonté du père restait également sans efficacité, pour soustraire le fils à la prohibition du sénatusconsulte, en cas d'autorisation tacite d'emprunter donnée au fils institor ou magister navis (Comp. L. 11 §§ 2 à 4, De inst. act., XIV, 3).

B. L'assentiment était donné souvent aussi par le père au moment de l'emprunt. Le simple fait qu'il connaissait le prêt consenti à son fils suffisait pour écarter le bénéfice du sénatus-consulte, ainsi que nous le dit Paul: Si, tantum sciente patre, creditum sit filio, dicendum est, cessare senatusconsultum (L. 12 pr. De s.-c. Maced.).

C. Enfin la ratification donnée postérieurement à l'emprunt empêchait aussi d'invoquer utilement le sénatus-consulte. Ici encore l'adhésion du père pouvait être tacite. Telle était l'hypothèse indiquée par Ulpien, où le père avait commencé à payer la somme prêtée au fils: Si pater solvere cœpit quod filiusfamilias mutuum sumpserit: quasi ratum habuerit (L 7 § 15, De s.-c. Maced.). De même de cet autre cas cité encore par Ulpien : Un fils de famille emprunte de l'argent en l'absence de son père; il lui écrit qu'il a reçu la somme en se donnant pour son mandataire et il le prie, en même temps, de vouloir bien payer dans la province où il se trouve: debet pater, si actum filii sui improbat, continuò testationem interponere contrariæ voluntatis (L. 16 De s.-c. Maced.).

La ratification rétroagissait-elle au jour du contrat? Comme dans l'interprétation de la règle générale ratihabitio mandato æquiparatur, la question était controversée. Une constitution de Justinien la trancha dans le sens de la rétroactivité veterum ambiguitatem decidentes sancimus,quemadmodum, si ab initio voluntate patris,vel mandato filius

« PreviousContinue »