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dans l'intérêt de ce dernier ou plutôt de son père, qu'il réfléchissait accidentellement pour ainsi dire sur le fidejusseur. Si donc l'engagement avait peu d'effet, cela tenait à des causes extrinsèques et nullement à la nature de l'obligation. De cette observation découlaient deux conséquences: d'une part si le débiteur principal venait à perdre le secours de l'exception, le fidéjusseur, qui en jouissait uniquement à cause de lui, cessait également d'en profiter; d'autre part, la ratification faite par le père de famille pendant que le fils était sous sa puissance, ou par le fils devenu sui juris, produisait son effet à l'égard du débiteur principal comme envers le fidéjusseur (1).

B. Le fidejusseur qui pouvant invoquer l'exception du sénatusconsulte avait refusé de le faire et payé le créancier, pouvait-il répéter contre lui les deniers qu'il avait versés? Non, parce que s'il était muni d'une exception perpétuelle, cette exception était donnée in odium creditoris et excluait par conséquent, comme nous l'avons déjà constaté, la condictio indebiti (L. 40, De cond indeb XII, 6; L. 9 § 4, De s. c. Maced.).

C. L'autorisait-on du moins à se retourner contre le fils de famille par l'action mandati. On a soutenu que ce recours devait lui être accordé dans tous les cas. Et en effet, a-t-on dit, en règle générale,

1. On a prétendu que la ratification faite par l'emprunteur devenu sui juris n'avait pas d'effet contre le fidéjusseur. Le débiteur principal ne pouvait, a-t-on dit, faire cesser par l'effet de sa volonté le bénéfice de l'exception dont jouissait le débiteur accessoire. On a fondé cette opinion sur un texte de Furius Anthianus, d'après lequel le débiteur principal ne pouvait, par un pacte ulté ieur, faire renaître vis-à-vis du fidejusseur, en même temps que la sienne, l'obligation qu'il avait éteinte par un pacte de non petendo (L 62, De pact, II,14). Mais ce texte indique que la question est douteuse,et Paul dans un autre passage du Digeste la résout en sens contraire(L 27, eod. tit.). A supposer même, et nous le concédons volontiers, que l'opinion de Paul ne soit pas la plus équitable, l'hypothèse d'un pacte de non petendo révoqué par un pacte ultérieur n'était pas absolument analogue à celle de l'exception du sénatus-consulte. Le fidejusseur,qui accédait à la dette du fils, s'engageait en effet dans l'intention de donner à la fidéjussion un certain effet. Quel résultat eût-elle produit, si le fidéjusseur n'avait pas été lié pour le cas où le fils ratifiait valablement? La ratification seule du père aurait obligé le fidejusseur ; mais rien ne prouvait que le débiteur accessoire se fût engagé pour ce cas unique. Au surplus, comme le dit la loi L. 2, C. Ad s.-cMaced.,si le fils ratifiait sa dette lorsqu'il était devenu sui juris, le sénatus-consulte n'avait plus d'effet. La ratification du fils ne formait pas un contrat nouveau, elle était la reconnaissance d'un contrat antérieur dégagé désormais de toute entrave, dans son exécution: les obligations principales et accessoires qui en résultaient étaient donc validées du même coup.

le fils était capable de contracter. Le sénatus-consulte Macédonien lui défendait, il est vrai, d'emprunter, mais les autres actes non interdits lui restaient permis et, puisqu'aucune disposition ne prohibait le mandat, ce contrat restait possible pour le fils de famille. Donc le filiusfamilias pouvait donner à une personne le mandat de se porter fidéjusseur pour lui à l'occasion d'un prêt d'argent et, dans ces conditions, il était obligé de rembourser le fidejusseur poursuivi qui avait payé le créancier commun.

Cette solution est trop absolue; elle a en outre l'inconvénient de permettre de tourner trop facilement le sénatus-consulte. Elle doit être bornée au cas où le fidéjusseur mandataire du fils emprunteur était de bonne foi. En effet, Ulpien statue sur l'hypothèse d'un mandator pecuniæ credendæ, que, dans la loi 9 § 3, De s-c. Maced., il assimile, comme nous l'avons vu, au fidéjusseur s'engageant sur le mandat de l'emprunteur. Upien n'admet comme licite que le mandat non contraire au sénatus-consulte: Si quis mandaverit, filiofamilias credendam pecuniam non contra senatusconsultum accipienti, sed ex ea causa, ex qua de peculio, vel de in rem verso, vel quod jussu pater teneretur, erit licitum mandatum (L. 12§ 13, Mandat., XVII, 1).

Il pouvait arriver aussi que le fidéjusseur s'engageât, en croyant que le fils était sui juris ou contractait sur l'ordre de son père, etc. Dans ce cas encore, le fidejusseur était de bonne foi et il avait le droit, s'il payait le créancier, de recourir par l'action mandati contraria contre l'emprunteur. Ulpien le dit formellement dans un autre texte. Si aliqua exceptio debitori competebat (et fidejussor) ignarus hane exceptionem non exercebit, dici oportet, ei mandati actionem competere (L. 29, pr.. Mandat.)

La bonne foi du fidéjusseur devait d'ailleurs avoir persisté jusqu'au paiement. Si, dans l'intervalle compris entre la fidéjussion et le remboursement des deniers au prêteur, il avait connu l'illégalité de l'affaire, on lui appliquait cette règle indiquée toujours par Ulpien: Si quidem sciens prætermiserit exceptionnem vel doli, vel non numeratæ pecuniæ, videtur dolo versari: dissoluta enim negligentia prope dolum est. (L. 29, pr., Mand.). L'action mandati contraria échouait alors certainement.

D.Faut-il aller plus loin et admettre que le fidejusseur de mauvaise foi, n'ayant pas de recours à exercer contre le fils emprunteur, pouvait être livré aux poursuites du créancier?

Rigoureusement, on pourrait le soutenir et dire que le fidéjusseur avait assumé sur lui les risques de l'affaire. Cependant, l'idée qui prévaut en cette matière, c'est la défaveur qu'inspire le prêteur, l'odium creditoris: le fidejusseur n'était pas sans doute digne d'intérêt, mais celui qui fournissait l'argent l'était encore moins; la cause la meilleure était celle du fidéjusseur défendeur (1).

1. V, en ce sens Machelard, Oblig.natur.; p. 129. note 1.

CHAPITRE III

De la capacité du fils de famille au point de vue des obligations existant entre lui et le paterfamilias ou une autre personne placée sous la même puissance paternelle.

Le filiusfamilias, sauf la restriction du sénatus-consulte, était capable de contracter. Mais cette capacité pouvait se modifier si les parties étaient unies entre elles par un lien de puissance paternelle. Le fils contractait-il avec le paterfamilias, les obligations étaient sans valeur au point de vue civil (Gaius, III, § 104; § 6, De inutil. stip.; Instit. III, 19). De même, si l'engagement était passé entre le filiusfamilias et une autre personne soumise à la même puissance que Les deux hypothèses aboutissaient au même résultat, puisque le paterfamilias acquérait immédiatement toutes les créances nées en la personne de ceux qu'il détenait en son pouvoir; tout se passait en définitive comme s'il avait figuré lui-même au contrat: sicut filii vox tamquam tua intelligitur (§4, De inut stip. Instit. III. 19).

lui.

L'inexistence d'obligation civile est généralement expliquée par l'unité de patrimoine existant entre les membres de la famille romaine. Cette unité de patrimoine formait, pour l'exercice du droit d'action, un obstacle analogue à celui qui empêcherait une personne de se poursuivre elle-même, ainsi que le remarquait Paul à propos du furtum: Ne cum filiofamilias pater furti agere possit, non juris constitutio, sed natura rei impedimento est: quod non magis cum his quos in potestate habemus,quam nobiscum ipsi agere possumus (L. 16, De furt. XLVII, 2). Justinien relevait aussi cette impossibilité d'action et la constatait, dans les termes les plus généraux à l'occasion de l'action furti, qu'il refusait quia nec ex alia ulla causá potest inter eos actio nasci (§ 12, De obl. quæ ex delict. nasc., IV, 1). Là où il n'y avait pas d'action, il ne pouvait être question d'une obligation civile (1).

1. Les partisans de l'incapacité absolue primitive du fils de famille estiment que ces raisons de l'unité de patrimoine et de l'impossibilité d'action ne motivent pas

Cette règle souffrait naturellement exception à l'égard des fils de famille pourvus d'un pécule castrense puisque, comme nous avons déjà eu l'occasion de le constater, in castrensi peculio vice patrumfamiliarum fungantur (L. 2, De sc. Maced.). Une action était alors possible (Lis nulla nobis esse potest cum eo quem in potestate habemus nisi ex castrensi peculio. - L., De jud., V, 1), l'obligation civile devait donc pouvoir naître. Ainsi et sauf cette hypothèse, l'obligation contractée entre personnes unies par un lien de puissance n'engendrait pas d'effets civils. Elle était, suivant l'expression des Institutes, inutilis. Mais la nullité de l'obligation civile n'empêchait pas la formation d'une obligation naturelle (1). Il nous reste à en démontrer l'existence, constatée par les textes, et à en déterminer les effets. I. Existence de l'obligation. Effets du paiement. 1° Examinons tout d'abord le cas où un fils de famille, que nous supposerons, avec les textes, pourvu d'un pécule profectice, s'était engagé envers le paterfamilias. Pendant toute la durée de la puissance paternelle, toute action entre le père et le fils restait impossible. Mais le fils, qui après son émancipation remboursait son père, pouvait-il répéter ce qu'il avait payé? La question est posée et résolue en ces termes par

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suffisamment l'inexistence de l'obligation civile entre personnes unies par le même lien de puissance, et ils en tirent argument en faveur de leur opinion. En effet, disentils, l'obligation pourrait exister malgré le défaut d'action, seulement le fils débiteur ne pourrait pas être poursuivi par son père durant la puissance paternelle; il n'aurait pu l'être que,soit après la mort de celui-ci, par les héritiers, soit par le père, après l'émancipation. Mais en réalité il n'en était pas ainsi. La poursuite contre le fils était aussi impossible avant qu'après la dissolution du pouvoir paternel. L'obligation contractée était nulle dès le début et elle restait nulle civilement. C'est donc qu'il y avait là plus qu'une conséquence du défaut d'action. L'idée d'unité de patrimoine ne justifie pas davantage l'inexistence de l'obligation civile, car malgré l'unité de patrimoine qui existait entre le père et le fils, si celui-ci contractait avec des tiers, il était lié euvers eux par une obligation civile. Ici encore, dit-on, il faut chercher ailleurs l'explication du défaut d'obligation civile, et l'inexistence s'en explique très bien si l'on veut y voir la subsistance sur ce point particulier d'une incapacité primitive absolue des fils de famille.

1. Le sénatus-consulte Macédonien n'était pas un obstacle à l'existence de cette obligation naturelle, car il ne s'appliquait pas en notre matière. C'eût été le retourner contre le père dans l'intérêt duquel il avait été rendu. D'ailleurs, ainsi que nous le verrons plus loin, si un filiusfamilias empruntait à son père, ou, ce qui revenait au même, à son frère, et qu'il fournit un fidejusseur au créancier, la fidéjussion était valable à l'égard du père (L. 56 § 1. De fidej, XLVI, 1). Ce résultat ne se serait pas produit si le prêt fût tombé sous le coup de la prohibition du sénatus-consulte Macédonien. Machelard, oblig. nat. p. 134, note 1.

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