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prussien, ami et confident intime de M. de Bismarck, « cela se met dans les livres, mais voilà tout (1). » N'est-ce pas la reproduction de de cette phrase que ceux qui ont subi les douleurs de l'invasion se souviennent avoir si souvent entendu répéter aux soldats allemands, pour excuser telles ou telles exactions : « C'est la guerre! »

Si nous passons maintenant aux contributions en argent, nous dirons avec M. Calvo que « presque toutes les villes ont eu à payer, dans de très courts délais, des contributions en argent excédant de beaucoup les ressources du trésor municipal, qui pour y satisfaire a dû recourir à des emprunts forcés ou à des appels aux habitants. Bien plus, ces contributions n'ont servi à exempter les villes d'aucune des charges de guerre; car elles n'en ont pas moins été astreintes au logement des officiers et des soldats chez les particuliers, à des livraisons régulières de vivres, de vêtements, de munitions, etc. (2). »

Le montant des contributions de guerre perçues par les Allemands s'est élevé, antérieurement au 26 février 1871, date de la ratification des préliminaires de paix, le département de la Seine

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c'est-à-dire plus de 1.100.000 fr. en moyenne, pour chacun des 33 départements envahis, celui de la Seine non compris. La ville de Paris, à elle seule, a payé une contribution de 200 millions de francs dont le versement dut être effectué dans les quinze jours qui suivirent l'armistice du 28 janvier 1871.

On pouvait espérer que le montant des réquisitions des impôts et des contributions perçus par les Allemands serait venu en déduction des cinq milliards imposés à la France par le traité de paix ; << mais les plénipotentiaires allemands refusèrent péremptoirement, en alléguant que M. de Bismarck avait abandonné un milliard sur le chiffre des six milliards tout d'abord exigé de la France et que, par

1. Délerot, loc.. cit. p. 32.

2. Calvo, loc. cit., § 2.254.

3. V. Rapp. Durangel, loc. cit., p. 370, annexe no 3. Dans ces chiffres ne sont pas comprises les sommes perçues par les Allemands à titre d'impôts directs ou indi rects, et qui ont dépassé 49 millions de francs.

cette concession, il s'était affranchi de toutes les réclamations que pouvait soulever l'occupation du pays par les Allemands (1). »

Nous n'avons pas à nous étendre plus longuement sur les pratiques suivies pendant la guerre de 1870-1871, mais on peut en conclure qu'il y a eu des exactions nombreuses. D'ailleurs, pour emprunter à M. Féraud-Giraud une observation par lui faite au sujet des contributions pécuniaires et qu'on peut généraliser, « le soin apporté par les Allemands à se justifier des exagérations qui leur ont été reprochées, au sujet des réquisitions en nature et des contributions en argent, prouve tout au moins que ces excès sont une violation du droit des gens et que, par suite, les règles qui les défendent sont constantes et reconnues (2). »

1. V. commandant Guelle, loc. cit., t. II, p. 218 et les auteurs qu'il cite Sorel, Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande, t. II, p. 246 et Valfrey, Traité de Francfort, I, p. 21, 66. Comp. Calvo, loc. cit., § 2.231.

2. V. Féraud-Giraud, loc. cit., § 32.

SECONDE PARTIE

Des réquisitions au point de

public français.

vue du

droit

ÉTUDE SUR LA LOI DU 3 JUILLET 1877 et LE RÈGLEMENT D'ADMINISTRATION PUBLIQUE DU 2 AOUT SUIVANT.

PRÉLIMINAIRES

SI

Énumération des lois, décrets, règlements, concernant les réquisitions, depuis 1789 jusqu'à la législation actuelle.

Les réquisitions ne sont pas chose nouvelle en France. Il en était déjà question dans les Capitulaires des rois Francs.

Nous ne remonterons pas à ces lointaines origines; nous ne suivrons pas, à travers les siècles passés, le développement de cette institution (1). Notre but est seulement d'étudier la législation actuelle,et si nous jetons un regard en arrière, ce ne sera que sur notre droit moderne, c'est-à-dire à dater de 1789, pour montrer que l'abon

1. V. l'étude historique de M. Heuri Thomas, Des réquisitions militaires et du logement des gens de guerre en France depuis le Ve siècle jusqu'en 1789. Thèse do doctorat, Paris 1889.

dance des dispositions prises depuis cette époque nécessitait la refonte d'une législation confuse, dans une œuvre toute nouvelle.

Les plus nombreuses sont intervenues sous la pression de graves événements, spécialement en 1793 et en l'an II,alors que la France luttait contre presque toute l'Europe coalisée contre elle, et au cours de la seconde partie de la guerre de 1870-1871, quand, pour continuer une lutte inégale contre les armées allemandes victorieuses, il fallut, après nos premiers désastres, réorganiser pour ainsi dire complètement la défense nationale.

Voici l'énumération de la plupart et des plus importants décrets, règlements, lois, intervenus depuis 1789 sur les réquisitions (1):

-Décret des 26-29 avril 1792, « relatif aux transports des convois militaires », complété par un décret du 18-24 juin 1792, « relatif au transport des vivres et fourrages de l'armée». Ces deux décrets concernaient plus spécialement les départements frontières ou à proximité des armées;

Décret des 2-9 septembre 1792, « relatif à la fourniture des chevaux, voitures et chariots pour le service des armées ». Il généralisait et étendait, à tout le territoire la réquisition dont il était question dans les deux premiers décrets. Ces diverses dispositions formaient un ensemble encore en vigueur, au moment de la promulgation de la loi du 1er août 1874, sur la conscription des chevaux;

Décret du 13 décembre 1792, « relatif aux subsistances et fournitures pour les armées ». Il donnait aux commissaires ordonnateurs, agissant sur l'ordre des généraux commandant les armées, le droit de réquisition, pour parer aux besoins urgents, dans le cas où les fournisseurs ne pourraient remplir les conditions de leurs marchés;

Décret des 23-24 août 1793, « qui détermine le mode de réquisition des citoyens français contre les ennemis de la France ». Outre les services personnels demandés aux hommes, femmes et enfants, il y était question de la réquisition des grains, des chevaux de trait

1. On pourrait ajouter les dispositions relatives au logement des troupes chez l'habitant, savoir la loi des 23 janvier-7 avril 1790, imposant à tous les citoyens sans exception le logement des gens de guerre, la loi des 8-10 juillet 1791, - la loi des 23 mai 1792-18 janvier 1793 et le règlement qui y est annexé, rendus pour l'application du principe général édicté dans la loi du 23 janvier 1790,- le règlement ministériel du 20 juillet 1824 interprétant le règlement de 1792 et statuant sur les détails d'application.

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