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<< Les réquisitions s'appliquent notamment aux denrées et objets de consommation, à la nourriture chez l'habitant, au matériel proprement dit, exceptionnellement aux médicaments. (Art. 122, § 1, ibid.)

<< Autant que possible, le gros matériel requis en vue de l'installation d'un service momentané doit être demandé comme fourniture temporaire à restituer en fin de service, Il en est dressé une estimation contradictoire entre le requérant et le représentant de l'autorité locale, pour servir à l'appréciation des moins-values, s'il y a lieu; cette estimation est mentionnée sur le reçu des prestations requises. >> (Art. 122,§ 4, ibid.) C'est là une disposition analogue à celles qui sont édictées par les articles 15, 17 et 18 du décret du 2 août 1877, pour les moyens de transport par terre et par eau, les moulins, outils, machines, appareils, etc., requis par l'autorité militaire.

Cette estimation aura une importance toute particulière quand il s'agira de matériel destiné à des hôpitaux où sont soignés les hommes atteints de maladies épidémiques et contagieuses. L'article 101 du décret du 25 août 1884 dispose en effet à ce sujet que : « Lorsque la fourniture de ces hôpitaux est ordonnée, les abris provisoires créés, la paille, la literie, les effets, sont toujours détruits par le feu; le personnel et le matériel sont toujours soumis à des mesures de désinfection et de police sanitaire. Cette prescription ne doit être éludée sous aucun prétexte. Elle est exécutée sur l'ordre du médecin-chef, qui demeure responsable de son exécution immédiate. » (§§ 5 et 6).

L'intérêt privé des habitants qui ont fourni le matériel, et la santé publique, sont donc également sauvegardés.

Nous n'avons que quelques mots à dire des autres prestations désignées dans le paragraphe 10 de l'article 5 de la loi de 1877.

L'armée active part habillée et équipée pour ainsi dire complète ment à neuf; en outre, des approvisionnements sont préparés dès le temps de paix pour l'habillement, l'équipement, le harnachement et le campement de l'armée territoriale, et pour les réservistes destinés à compléter sur le pied de guerre l'effectif des régiments de l'armée active: il n'y aura donc pas de distributions bien importantes avant quelque temps. D'ailleurs, les réserves des corps et des quartiers généraux pareront aux premières difficultés dans les services de l'avant.

Ils s'approvisionneront, à leur tour, à l'aide du service des étapes, et · celui-ci recomplètera ses approvisionnements par les expéditions qui lui seront adressées des magasins et dépôts établis en deçà de la base d'opérations. La réquisition ne fonctionnera donc pas d'une manière bien générale et systématique, pour ce qui est relatif à l'habillement et à l'équipement.

On peut en dire autant de l'armement, à moins qu'on ne se trouve dans des situations difficiles comme celles qu'avaient occasionnées les désastres de la première partie de la guerre de 1870-71.

§ XI

Objets et services dont la fourniture est nécessitée
par l'intérét militaire.

L'article 5 de la loi du 3 juillet 1877 revient, à la fin de ses dispositions, à l'idée même qu'il avait signalée au début et qui fait reposer la réquisition sur la nécessité. Après avoir commencé en stipulant: « Est exigible par voie de réquisition la fourniture des prestations nécessaires à l'armée et qui comprennent notamment... etc. », il donne, en effet, une énumération nullement limitative et dont le caractère purement énonciatif, au contraire, est rappelé par la formule générale du paragraphe 11 et final, qui indique, comme passible de réquisisition, tout ce qui ne rentrerait pas dans les paragraphes précédents, savoir: « Tous les AUTRES objets et services dont la fourniture est nécessitée par l'intérêt militaire. »

L'autorité militaire reste donc juge d'apprécier quelles sont les prestations dont la réquisition peut être imposée par elle: il suffit qu'elle les trouve nécessitées par l'intérêt de l'armée. Ce pouvoir, en quelque sorte discrétionnaire de l'autorité militaire, a d'ailleurs un correctif dans les pénalités prononcées par l'article 22 de la loi de 1877, contre le requérant qui abuse des pouvoirs qui lui sont conférés. Nous verrons quelle est l'étendue de ces peines lorsque nous parlerons de l'exécution des réquisitions.

SECTION II

PRESTATIONS EXIGIBLES PAR VOIE DE RÉQUISITION, EN DEHORS

DU CAS BE MOBILISATION.

Art. 3, loi du 3 juillet 1877; - Art. 475, § 12 du Code pénal, art. 9 de la loi du 9 avril 1878 et 7 de la loi du 9 août 1849, relatives à l'état de siège.)

A. La réquisition des objets matériels et services nécessités par l'intérêt militaire n'est possible, en dehors du temps de mobilisation, que dans les cas de rassemblements de troupes.

Ces rassemblements se produisent dans deux hypothèses, savoir : d'une part, pour les manœuvres annuelles d'automne ou à l'occasion des marches et cantonnements dans les pays de montagnes, spécialement dans les Alpes, et d'autre part, par suite de circonstances inopinées, comme celles qui proviennent de troubles, séditions, incendie, inondation ou autres calamités.

Dans ces deux hypothèses la réquisition est limitée, soit quant aux objets sur lesquels elle porte, soit, pour certains d'entre eux, quant à sa durée. Le dernier paragraphe déjà cité de l'article 5 de la loi du 3 juillet 1877 stipule en effet que

«Hors le cas de mobilisation, il ne pourra être fait réquisition que des prestations énumérées aux cinq premiers paragraphes du présen article. »

Ces prestations comprennent par conséquent :

1° « Le logement chez l'habitant et le cantonnement, pour les hommes et pour les chevaux, les mulets et bestiaux, dans les locaux disponibles, ainsi que les bâtiments nécessaires pour le personnel et le matériel des services de toute nature qni dépendent de l'armée; »

2o La nourriture journalière des officiers et soldats logés chez l'habitant, conformément à l'usage du pays. » Le mot logé est employé ici, lato sensu, et comprend à la fois le logement proprement dit et le cantonnement; »

3o« Les vivres et le chauffage pour l'armée; les fourrages pour les chevaux, mulets et bestiaux ; la paille de couchage pour les troupes campées ou cantonnées; »

4o Les moyens d'attelage et de transport de toute nature, y compris le personnel. » Il ne s'agit ici que des transports par terre, comme nous l'avons déjà constaté (1).

5° « Les bateaux ou embarcations qui se trouvent sur les fleuves, rivières, lacs et canaux. »

Ce sont précisément ces moyens de transport par terre et par eau qui peuvent être requis seulement pour un délai limité et même assez court. Cela résulte de la partie finale du dernier paragraphe de l'article 5 dont nous rappelons les termes: « Les moyens d'attelage et de transport, bateaux et embarcations, dont il est question aux paragraphes 4 et 5, ne pourront également être requis chaque fois, hors le cas de mobilisation, que pour une durée maximum de 24 heures. »

Les instructions annuelles du Ministre de la guerre, au sujet des manœuvres d'automne et des marches et cantonnements dans les Alpes, indiquent dans quelle mesure l'autorité militaire peut recourir aux réquisitions.

Le logement et le cantonnement, ce dernier surtout, sont seuls demandés d'une manière générale. Encore est-il décidé chaque année que, par mesure gracieuse, la fourniture du bois de chauffage,qui pourrait être imposée gratuitement pour les troupes cantonnées, doit être effectuée à charge de remboursement. En outre, au cours des marches et cantonnements dans les Alpes, dans le but d'alléger la charge de l'habitant, le logement et le cantonnement sont fournis à titre onéreux en vertu de conventions spéciales passées entre les communes et le service de l'intendance. Les indemnités, fixées à des taux indiqués par le Ministre, sont payées directement par les corps de troupes, le jour où le détachement quitte la

commune.

Les mêmes instructions recommandent expressément de ne demander par voie de réquisition les autres prestations, que lorsque les moyens dont dispose l'administration militaire seront insuffisants.

La nourriture chez l'habitant, qui peut être réclamée pour les isolés, les petits détachements et les troupes de cavalerie, sans dépasser toutefois la limite de six hommes par feu, reste elle-même un procédé exceptionnel. Elle n'est autorisée d'une manière habi

1. V. suprà, p. 198.

tuelle que pour trois catégories d'isolés, en très petit nombre: secrétaires d'état-major, conducteurs des voitures des officiers généraux, secrétaire et ordonnance de l'officier d'approvisionnement d'un corps de troupe ou d'un groupe de batteries, qui ne reçoivent pas d'indemnité journalière exceptionnelle.

Les instructions ministérielles restent ainsi dans l'esprit de la loi qui a été de restreindre le plus possible, sauf pour le logement et le cantonnement, l'application des réquisitions (1).

N'aurait-il pas été préférable que la réquisition pût être plus largement appliquée? La nourriture chez l'habitant notamment est appelée en temps de guerre à rendre les plus utiles services, et la surveillance dans l'exécution de cette réquisition est difficile, puisque la prestation est livrée à la troupe par le logeur, sans intermédiaire. Les populations et l'armée n'y ayant pas été accoutumées pendant les manœuvres qui sont l'image de la guerre, n'est-il pas à craindre que ce moyen ne produise plus tard au cours des hostilités tous les effets qu'on en pourrait attendre? En temps de guerre les troupes sauront-elles en user avec toute la réserve et toute l'étendue voulues? Sauront-elles surtout tirer tout le parti des denrées de substitution, que ce mode d'alimentation permet d'employer? Les habitants n'ayant pas vu fonctionner suffisamment ce procédé ne dissimuleront-ils pas une partie de leurs provisions dans la crainte de manquer du nécessaire, ne mettront-ils pas une certaine mauvaise grâce à s'exécuter? Aussi exprimons-nous le vœu que les ressources budgétaires de l'État, et peut-être la loi elle-même, permettent de recourir plus fréquemment à ce mode d'alimentation pendant les manoeuvres, afin qu'il entre dans les mœurs de la population comme dans celles

1. Les instructions annuelles, sur les marches et cantonnements dans les Alpes disposent que des guides, choisis dans la brigade la plus voisine de douaniers ou de forestiers sont mis à la disposition des commandants des bataillons qui manœuvrent. « Pour certains trajets particulièrement difficiles », ajoutent-elles, « ou encore lorsqu'on ne trouve pas de préposés ou de gardes ayant une connaissance suffisante des passages, on peut exceptionnellement avoir recours à des guides pris dans la population; ces guides sont payés à prix débattu ou, requis s'il y a lieu. » Cette réquisition ne semble pas figurer au nombre de celles qui sont autorisées en cas de rassemblements par le dernier paragraphe de l'article 5 de la loi. Elle ne paraît donc pas très régulière et ne pourrait certainement, en cas de refus, faire encourir les pénalités de l'article 21 de la loi de 1877. Mieux vaudrait pour éviter des difficultés introduire cette réquisition dans le dernier paragraphe de l'article 5 de la loi.

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