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Il a même été jugé que, pour ramener à exécution, par voie de saisie immobilière, un jugement qu'elle avait obtenu à la suite d'une instance pour laquelle elle avait été autorisée par justice, elle n'a pas besoin d'une nouvelle autorisation, et que d'ailleurs le saisi ne pourrait, en vertu de l'art. 217, C. civ., en invoquer le défaut, comme moyen de nullité. (Poitiers, 10 juin 1823.)

Au reste la femme ne peut agir elle-même que lorsqu'elle est séparée de biens, ou qu'il s'agit de ses créances paraphernales; dans tout autre cas la poursuite appartient exclusivement à son mari, ainsi que le font observer Paignon, t. 1, p. 44, 1er, et Persil fils, Comm., t. 1, p. 48 et 49, no 59 et 60.

Un syndic peut poursuivre contre le débiteur du failli sans se faire autoriser par le commissaire; du moins, cette autorisation n'étant requise que dans l'intérêt de la masse, le débiteur ne peut pas se plaindre qu'elle n'ait pas été demandée. (Besançon, 14 août 1811.-Art. 492, C. comm.)

2° Qui peut poursuivre en vertu d'un titre cédé ?

La cession consentie à un tiers par le créancier originaire n'empêche pas celui-ci de continuer ses poursuites en saisie immobilière, tant qu'il n'a pas été dessaisi par la notification du transport au débiteur. (Besançon, 17 décembre 1808; Sirey, t. 15, 2o, p. 180.)

Le créancier peut aussi poursuivre la saisie immobilière en vertu d'un titre authentique où il n'a pas été partie, mais qui contient délégation à son profit. (Nimes, 25 août 1812.)

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Sous l'art. 987, Quest. 3219, Carré a résolu cette question pour l'affirmative en se fondant sur un arrêt de la cour de cass. du 29 oct. 1807 (Sirey, t. 8, p. 83).

La cour de Paris a jugé différemment, les 4 fruct. an XII, et 20 sept. 1821 (Sirey, t. 22, 2o, p. 111).

Mais elle est revenue sur sa jurisprudence le 24 fév. 1825 (Sirey, t. 26, p. 31). Et aujourd'hui, celle de la cour de cassation est généralement adoptée. (Bourges, 15 mars 1822, et Toulouse, 17 août 1822; Sirey, t. 25, p. 195; cass., 8 déc. 1814; Sirey, t. 15, p. 155; et 25 juillet 1833; Devilleneuve, t. 55, 1ro, p. 621.)

En effet, ne serait-ce pas un inconvénient bien grave de paralyser ou de suspendre l'exécution d'un titre, sur la foi duquel le créancier a contracté, de le livrer à toutes les lenteurs d'une procédure nécessitée par l'acceptation d'une succession sous bénéfice d'inventaire, et de l'exposer lui-même par ces retards multipliés aux poursuites résultant de l'exécution de ses engagements?

Bo L'étranger peut-il poursuivre, sans caution, une saisie immobilière en France?

Oui, ainsi que nous l'avons expliqué sous l'art. 166, Quest. 698. Et c'est l'avis de Paignon, t. 1, p. 45, § 1er.

§ II. Contre quelles personnes peut-on exercer la poursuite de saisie immobilière ?

Il est clair que la poursuite ne peut être dirigée que contre celui qui est débiteur du poursuivant (Rennes, 12 fév. 1810), ou tiers détenteur de l'immeuble hypothéqué à la dette.

3o Peut-on poursuivre par mandataire? D'où il suit qu'elle serait nulle si elle était Si le créancier veut, en cette matière, agir dirigée contre les héritiers du débiteur qui aupar mandataire, il faut que la procuration don-raient répudié la succession. (Nimes, 8 nonée à son mandant contienne spécialement vembre 1827.) pouvoir de saisir immobilièrement; un mandat général de gérer les affaires et de faire opérer tous remboursements ne pourrait suffire, puisqu'il ne suffit pas même à l'huissier porteur de pièces d'après l'art. 556. (Colmar, 5 mars 1832; Sirey, t. 33, 2, p. 272.)

Cependant la cour de Bruxelles a décidé, le 18 nov. 1815, que le pouvoir donné par le testateur à son exécuteur testamentaire, de remplacer le défunt et de soutenir tous procès

Mais elle ne le serait pas pour avoir été continuée sous le nom du débiteur décédé, pendant le cours des poursuites, si le décès n'avait pas été notifié au poursuivant. (23 ventòse an xi; Sirey, t. 3, p. 223.)

La saisie immobilière ne peut être dirigée contre le débiteur qui a été dépouillé de la propriété de l'immeuble; elle n'aurait point de but et ne pourrait produire de résultat; et cependant la cour de Paris a validé, le 15 octo

bre 1813, celle qu'on avait poursuivie contre le donataire, personnellement obligé, mais renonçant à la donation. Cela vient de ce que la renonciation était attaquée, et que, jusqu'au jugement du procès, le donataire était censé détenir.

Les qualités de condamné, de mineur, de femme mariée, de failli, de militaire en activité de service, de solidaires, etc., qui se rencontrent dans la personne des débiteurs, ont, en outre, donné lieu à un grand nombre de décisions judiciaires.

1° Condamnés. On ne peut, à peine de nullité, signifier un commandement à un individu en état de mort civile; il faut lui faire nommer un curateur (Nimes, 6 juillet 1812; Sirey, t. 15, | 2o, p. 26); mais celui qui n'est que contumace a capacité pour le recevoir. (Cass., 10 nivôse an xiv.) C'est l'avis de Dalloz, t. 24, p. 111, n° 2, et de Devilleneuve, qui, en rapportant cet arrêt dans la Pasicrisie, s'appuie sur un avis du conseil d'Etat du 20 sept. 1809, et sur l'opinion de Merlin, Rép., vo Contumace, $1er, n° 4. D'ailleurs, l'exception de discussion de leur mobilier n'appartient pas aux individus frappés d'interdiction pour crime, comme l'indiquent Thomine, no 741, et Persil fils, Comment., t. 1, p. 22, no 17.

20 Mineurs et interdits. Aux termes de l'art. 2206, C. civ., leurs immeubles ne peuvent être mis en vente avant la discussion de leur mobilier.

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l'on annonçait la vente. (V. loi du 11 brum. an vII, art. 5.) Ce qui le prouve, ajoute-t-il, c'est que l'art. 2205 les emploie aussi pour défendre l'exécution avant de partager les biens possédés par indivis, et néanmoins Pigeau luimême, liv. II, part. 5, tit. IV, ch. 1, décide que ces biens ne peuvent être saisis tant qu'ils ne sont pas partagés. Or, il y aurait même raison de décider dans les deux cas, puisque la loi se sert des mêmes termes, en disposant relativement à l'une et à l'autre.

» Nous pensons donc que la discussion du mobilier d'un mineur doit, ainsi que le partage des biens indivis, précéder la saisie immobilière et le commandement dont elle est la suite. C'est aussi ce que dit, en termes formels, le tribun Grenier, dans son rapport sur le titre que nous expliquons. »

L'avis de Carré, que nous partageons, est adopté par Dalloz, t. 24, p. 105, no 12; Devilleneuve, note sur l'arrêt de Gènes du 28 juillet 1812, et Persil fils, Comment., t. 1, p. 25, no 18.

Pour satisfaire au vou de l'art. 2206 du Code civil, le créancier doit, avant de poursuivre les immeubles, sommer le tuteur de lui déclarer quels sont les biens appartenant à son pupille qui sont susceptibles d'ètre discutés. Si le tuteur ne fait pas cette déclaration dans un délai raisonnable, le créancier peut passer outre, à moins qu'il n'ait d'autres moyens de connaître la fortune mobilière du mineur. C'est la marche qu'indiquent tous les auteurs et notamment Thomine, no 741, et Persil fils, Com

Au reste, c'est au mineur qui propose l'exception, à prouver que son mobilier eût été suffisant à payer la dette, d'après Thomine, no 741, dont nous partageons l'avis.

Par ce mot mobilier, on doit entendre nonseulement les meubles meublants, mais encore tous les objets réputés meubles par la loi (Bor-ment., t. 1, p. 27, no 22. deaux, 20 janv. 1812); mais il n'est pas nécessaire que la discussion du mobilier ait effectivement lieu par voie d'exécution, lorsqu'une délibération du conseil de famille, ou une déclaration du tuteur constate son insuffi- Cet auteur demande si l'exception peut être sance. (Paris, 2 août 1814.) On a prétendu opposée en tout état de cause. Persil fils, Comque la vente des immeubles du mineur doitment., t. 1, p. 25, no 20, blâme, avec raison, ètre précédée de la discussion de son mobilier, et que la procédure de saisie immobilière peut se poursuivre jusqu'à la vente exclusivement sans que la formalité soit remplie, et sans qu'il y ait nullité pour cela. (Gènes, 28 juill. 1812.) Mais Carré, dans sa Quest. 2224, condamnait, avec raison, cette décision en ces termes : « L'art. 2206, C. civ., dit que les immeubles du mineur ne peuvent être mis en vente avant la discussion du mobilier. Ainsi, dit Pigeau, p. 201, l'on peut saisir, sauf à ne mettre en vente qu'après cette discussion. Mais Berriat, h.t.,aux notes, 1re observ., remarque avec raison que les expressions de l'art. 2206, d'où Pigeau tire cette induction, ne paraissent avoir été employées que parce que, à l'époque où le Code civil fut décrété, et jusqu'à la publication du Code de procédure, la saisie était en même temps une mise en vente, puisqu'elle résultait de la simple apposition des affiches où GARRÉ, PROCÉDURE CIVILE.-TOXE v.

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l'avis de Thomine, qui accorde au mineur la voie de la requête civile, quand son tuteur n'a pas proposé l'exception de la discussion; évidemment ce n'est pas là un cas de requête civile, il y a seulement lieu à dommages-intérêts contre le tuteur. Néanmoins nous pensons (roy. nos questions sur l'art. 728) que le mineur peut alors demander au juge un sursis. Ce vice de forme lui offre deux exceptions: la demande en nullité jusqu'à la publication, et la demande en sursis à dater de l'accomplissement de cette formalité.

L'art. 2207 contient deux exceptions au principe de la discussion du mobilier, consacré par l'art. 2206.

Le tuteur n'a pas besoin de l'autorisation du conseil de famille pour défendre à l'expropriation forcée dirigée contre son pupille, cette autorisation ne lui étant nécessaire que pour agir en demandant (Paris, 19 prair. an XII;

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Sirey, t. 7, p. 1242); c'est aussi l'avis de Persil père, Quest., t. 2, p. 308, et Dalloz, t. 11, p. 678, no 3. (Devilleneuve., sur l'arrêt précité.) Aucune des formalités prescrites par le titre VI du liv. II, C. proc., pour l'aliénation des biens de mineurs, n'est d'ailleurs requise pour parvenir à l'expropriation forcée, cette dernière procédure étant entourée de formes protectrices qui compensent bien celles que nous venons de rappeler. (Paris, 7 août 1811; Sirey, t. 14, 2o, p. 216.)

3o Femme mariée. L'art. 2208, C. civ., contient les principes à l'égard de ce genre de débiteur. Voici comment la jurisprudence les a interprétés.

La saisie d'un immeuble dépendant de la communauté doit être poursuivie contre le mari seul, quoique la femme soit personnellement obligée à la dette; mais il n'y a pas nullité si on appelle aussi la femme; sa présence étant surabondante, ne vicie pas la procédure, alors même qu'elle ne serait pas autorisée, seulement les frais peuvent être mis à la charge du poursuivant qui les expose mal à propos. (Limoges, 31 juin 1816; Paris, 15 prair. an xr; cass., 4 mai 1825; Sirey, t. 26, p. 214; sic, Devilleneuve, sur l'arrêt précité de l'an x1.)

Lorsqu'il s'agit des biens propres de la femme, la poursuite doit être dirigée contre le mari et la femme simultanément, afin que la présence du premier tienne lieu d'autorisation à la seconde. (Colmar, 2 déc. 1806; Sirey, t. 7, p. 1192; cass. 18 nov. 1828.)

La cour de Bordeaux a néanmoins jugé, le 5 août 1829 (Devilleneuve, t. 34, 28, p. 685), que la poursuite pouvait être valablement continuée jusqu'à l'adjudication exclusivement, sans que la femme fût autorisée; elle s'est fondée sur ce que l'autorisation ne serait nécessaire que pour comparaitre en justice. Mais la femme peut avoir besoin de comparaître en justice avant l'adjudication, ne fût-ce que pour proposer ses moyens de nullité. N'est-il donc pas de l'intérêt et du devoir de celui qui la poursuit de la faire pourvoir d'une autorisation pour cette éventualité.

Par corrélation avec ce que nous avons dit au § 1er de l'autorisation de la femme poursuivante, on pourrait ajouter ici que, si elle est poursuivie, pour l'exécution d'un jugement rendu contre elle avec l'autorisation de son mari, une nouvelle autorisation pour l'exécution ne semble pas utile. (Toulouse, 27 décembre 1809.) Cependant comme par la saisie qu'elle subit les intérêts de la femme sont compromis, et que c'est pour le salut de ces intérêts que l'autorisation est ordinairement requise, nous déciderions autrement.

Dans la consultation qu'on va lire, Carré a | tracé la marche à suivre pour saisir les biens propres d'une femme dont le mari a été condamné aux travaux forcés à temps:

«L'art. 2208 dispose que l'expropriation des immeubles de la femme qui ne sont point entrés en communauté, se poursuit contre le mari et la femme, laquelle, au refus du mari de procéder avec elle ou si le mari est mineur, peut être autorisée en justice.

» Ainsi nulle difficulté pour le cas de minorité du mari; on n'a pas besoin de le faire représenter par un tuteur pour donner ou refuser son autorisation, on se borne, avant d'entamer les poursuites, à assigner sa femme pour se voir déclarer autorisée à défendre.

» Il s'agit de savoir si cette disposition de l'article 2202 doit s'appliquer au cas où le mari est interdit, soit judiciairement soit légale

ment.

» Or, le soussigné ne pense pas qu'il soit possible de révoquer l'affirmative en doute. Et d'abord l'interdit est assimilé au mineur; ensuite l'art. 221 du C. civ., prévoyant le cas où le mari est frappé d'une condamnation emportant peine afflictive ou infamante, dispose qu'en cette circonstance la femme ne peut, pendant la durée de la peine, ester en jugement ni contracter qu'après s'être fait autoriser par le juge qui fait, en ce cas, donner l'autorisation sans que le mari ait été entendu ou appelé.

» C'est d'après cette disposition que les auteurs décident que l'art. 865 du C. de proc., ne s'entend pas seulement du cas d'absence présumée ou déclarée du mari, mais encore de celui où le mari serait interdit soit judiciairement, soit légalement (voy. l'Analyse raisonnée, Quest. 2698, et Pigeau, liv. II, part. 1re, tit. I, ch. 3), et de tous autres où il serait impossible de l'assigner pour qu'il accordât l'autorisation.

» Il est à remarquer maintenant que lorsque la femme ne provoque pas l'autorisation de son mari à l'effet de défendre à une action, c'est au demandeur à poursuivre afin qu'elle lui soit donnée, ou à défaut, afin que la justice déclare la femme autorisée.

» Il suit de là que si le mariest, comme dans notre espèce, incapable d'autoriser, c'est à la partie qui se propose d'agir contre la femme, à poursuivre l'autorisation.

» On prétendrait faussement que l'on doit faire nommer un curateur au condamné, le droit d'autoriser étant personnel au mari ne peut résider dans la personne d'un curateur, qui n'est choisi que pour l'administration des biens; et d'ailleurs, l'art. 221 tranche toute question à cet égard, puisqu'il déclare formellement que la femme d'un condamné doit être autorisée par la justice.

» Ainsi donc c'est à celui qui entend poursuivre l'expropriation des biens personnels de la femme, à l'assigner afin de la faire déclarer autorisée de justice à l'effet de défendre, et en vertu de ce jugement toutes les poursuites se feront valablement contre la femme seule. »

4° Militaires en activité de service. Une disposition de la loi du 6 brum. an v défendait de poursuivre l'expropriation des biens appartenant à des militaires en activité de service, jusqu'à la paix générale.

La cour de cassation avait jugé, le 29 janvier 1811, que cette disposition s'appliquait à l'expropriation des biens d'une femme dont le mari, militaire, était en activité de service, et qui, comme chef de la communauté avait l'administration et la jouissance de ces mêmes | biens; le 30 avril 1811, que le traité d'Amiens n'avait pas fait cesser le bénéfice de cette loi; et le 6 fév. 1815 (Sirey, t. 15, 1re, p. 282), que ce bénéfice pouvait être réclamé par l'individu entré au service depuis le commencement des poursuites, mais avant leur clôture.

Depuis les traités de 1814 et 1815, cette loi n'a plus d'application, comme l'enseignent Thomine, no 742, et Paignon, t. 1, p. 49, $5 (1).

50 Codébiteurs solidaires. Sous la Quest. 2215, Carré supposant plusieurs débiteurs non solidaires, décide que le commandement, et, par conséquent, les autres actes de la poursuite, doivent être signifiés séparément à chacun d'eux. Il semble résulter de là qu'en matière solidaire il aurait admis une poursuite unique et commune à tous les codébiteurs, signifiée à un seul d'entre eux pour tous les autres. Carré cite, en effet, en note, un arrêt de la cour de Riom, du 24 fév. 1815 (Sirey, t. 14, 2o, p. 174), qui l'a décidé de la sorte, conformé ment à un autre arrêt rendu par la cour de cassation, le 22 frim. an XII.

Au reste, la cour de Riom ajoute que cette communauté ne doit s'entendre que de la poursuite, et que les codébiteurs solidaires ont le droit de demander la séparation des ventes et la distinction des dettes et charges vis-à-vis de leurs créanciers propres et respectifs. Cela n'est pas susceptible d'un doute: leur obligation solidaire à l'égard du poursuivant ne doit pas aggraver leur position vis-à-vis des autres. Dans sa Quest. 2214, Carré se demandait si le commandement fait aux enfants de l'un des codébiteurs solidaires était censé commun à l'autre codébiteur; et il décidait négativement, attendu que l'art. 2249 du Code civ. ne répute point solidaires envers le codébiteur solidaire de leur auteur, les enfants de ce dernier.

C'est là une fausse interprétation de l'article 2249, qui nous semble décider, au contraire, bien clairement, que la solidarité se maintient entre le codébiteur survivant et tous les héritiers du décédé, mais non à l'égard de ces héritiers entre eux; en sorte que l'interpellation adressée à l'un des héritiers ne pou

(1) [* Bruxelles, 17 mars 1825 (J. de B. 1825, 26, p. 45).

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| vant concerner que sa part et portion dans la dette solidaire totale, n'a de valeur, vis-à-vis du codébiteur, que pour cette même portion; et que si l'on veut agir efficacement contre ce codébiteur pour la totalité, il faut s'adresser à tous les héritiers de l'autre.

6o Tiers détenteurs. Les art. 2166 et suiv.. C. civ., déterminent les droits que les créanciers peuvent exercer sur l'immeuble hypothéqué, lorsqu'il est passé entre les mains d'un tiers détenteur.

Nous n'avons pas à analyser les dispositions, à détailler les obligations alternatives qui incombent à ce tiers détenteur, les moyens donnés au créancier pour le mettre en demeure de les remplir, les formalités à l'aide desquelles il peut s'y soustraire.

Nous devons nous contenter de dire que l'art. 2169 ouvre, dans un cas donné, aux créanciers hypothécaires, la faculté de poursuivre la saisie de l'immeuble détenu, trente jours après commandement fait au débiteur originaire, et sommation faite au détenteur de payer ou de délaisser.

De là les questions suivantes, plus particulièrement applicables à la procédure.

Lorsque l'immeuble saisi est entre les mains d'un tiers, contre lequel, de ce tiers ou du débiteur réel, faut-il diriger les poursuites?

L'art. 2169, C. civ., semble résoudre bien clairement cette question, en disant que, lorsque le tiers détenteur n'a pas satisfait pleinement à l'une des obligations qui lui sont imposées par l'art. 2168, tout créancier a le droit de faire vendre sur lui l'immeuble hypothéqué.

De ces mots sur lui, les auteurs les plus estimés, et notamment Grenier, Hyp., no 51, ont conclu qu'il y avait obligation d'exercer les poursuites d'expropriation forcée contre le tiers détenteur.

Mais Lachaize, t. 2, p. 520, no 510, s'élève avec force contre cette opinion, et soutient que, dès qu'il a encouru la déchéance contre lui prononcée par l'art. 2169, le tiers détenteur n'a plus aucun droit sur l'immeuble; que les poursuites ne peuvent par conséquent le regarder, ni comme débiteur des causes de l'hypothèque, puisqu'il ne l'est point, ni comme ayant des droits sur l'immeuble hypothéqué, puisqu'il les a perdus.

Nous ne pouvons admettre ces principes. Le tiers détenteur ne nous semble pas dépouillé de tout droit quelconque sur l'immeuble, tant qu'il n'en a pas opéré le délaissement. Jusquelà, en effet, ne peut-il pas se garantir des poursuites en satisfaisant à l'une des obligations tracées par l'art. 2168? Sans doute il a perdu le droit de purger, c'est-à-dire de remplir les formalités qui l'auraient rendu propriétaire incommutable, en payant aux créanciers en ordre de recevoir le montant seulement de son

prix. Mais si ses droits ont été entamés, ils ne sont pas complétement anéantis ; il peut encore conserver l'immeuble en payant intégralement toutes les dettes hypothécaires, à quelque somme qu'elles puissent monter; il peut aussi s'affranchir de tout payement en délaissant. Et cette faculté est encore une preuve qu'il a conservé certains droits; car s'il n'en avait plus, il n'aurait rien à délaisser.

Nous pensons donc que c'est contre le tiers détenteur que les poursuites de saisie immobilière doivent être dirigées, et non pas seulement contre le débiteur.

Une preuve frappante que le tiers détenteur, lorsqu'il conserve cette qualité, est partie essentielle dans la poursuite, c'est que, lorsqu'il délaisse, un curateur doit être nommé à l'immeuble (art. 2174), et que la vente doit alors se poursuivre sur ce curateur. Si le débiteur était seul partie dans la procédure d'expropriation, aurait-on besoin d'y remplacer, par un curateur ad hoc, le tiers détenteur, lorsque celui-ci se retire?

Il faut que l'immeuble figure dans la poursuite par son propriétaire réel ou fictif: réel, c'est le tiers détenteur; fictif, c'est le curateur qui tient sa place.

Voici comment Carré s'exprimait sur cette question, sous le n° 2201 :

« Le commandement doit être fait à la personne ou au domicile du débiteur; c'est ce que la cour de cassation a décidé, par arrêt du 6 mess. an XIII, en déclarant nul un commandement fait au détenteur des biens par un créancier hypothécaire. (V. Prat., t. 4, p. 328, et la Jurisp, des cours soiv., t. 5, p. 281.)

» Ainsi, lorsque l'immeuble qui a été affecté par hypothèque au payement d'une créance, est passé dans les mains d'un tiers, cela ne dispense pas de faire, à peine de nullité, le commandement au débiteur; mais nous remarquerons qu'il faut ensuite le reporter à ce tiers détenteur en lui donnant copie de l'inscription, et même en lui faisant sommation de payer ou de laisser l'héritage. (Voy. C. civ., art. 2169, et Angers, 23 avril 1809.)

» S'il ne délaisse pas, aucune condamnation personnelle ne peut, à la vérité, ètre prononcée contre lui (27 avril 1812, Sirey, t. 12, p. 300); mais les suites ultérieures de la saisie se feront contre lui, parce que l'expropriation ne peut être dirigée que contre le propriétaire actuel. (V. Jurisp. des cours souv., ubi suprà, p. 248.)

» Si, au contraire, le tiers détenteur délaisse, on agit conformément à l'art. 2174, C. civ. »

Ces cours vont même plus loin. Elles ajoutent qu'il est inutile de rendre les poursuites communes au débiteur, et qu'à son égard le commandement suffit.

Entre ces deux extrêmes, le projet de loi de 1829 avait adopté un moyen terme que nous croyons conforme à l'esprit général de la législation sur ces matières.

Son titre IX, sous la rubrique de la Vente des immeubles saisis contre les tiers détenteurs par action hypothécaire, contenait un article 132, ainsi conçu:

« 152. Les dispositions des art. 11, 12 et 13 ci-dessus sont applicables aux sommation et commandement prescrits par l'art. 2169, C. civ. » Faute par le débiteur principal ou les tiers détenteurs de satisfaire auxdits commandement et sommation, la saisie et la vente des biens hypothéqués auront lieu dans les formes indiquées par les art. 14 et suivants, jusques et y compris l'art. 51, sous les modifications et additions suivantes:

» 1° L'extrait ordonné par les art. 17, 19 et 20, ainsi que le cahier des charges exigé par l'art. 24, contiendra les noms, professions et domiciles, tant du tiers détenteur que du débiteur originaire principal saisi.

» 2o La dénonciation portée par les art. 18 et 28 sera faite à l'un et à l'autre avec assignation.

» 3o Les appositions de placards prescrites par les art. 20 et 27 seront faites à la principale place, au principal marché et à la porte du domicile des deux saisis, et aux autres lieux indiqués par lesdits articles.

» 4° Les notifications ordonnées par les art. 28 et 29 seront faites à tous les créanciers du tiers détenteur, et seulement aux créanciers du débiteur principal, précédent propriétaire, qui ont hypothèque sur les immeubles compris dans la saisie. »>

Ainsi, on le voit, dans l'intention des auteurs de ce projet, c'était à la fois contre le débiteur et contre le détenteur que les poursuites devaient avoir lieu.

L'un et l'autre n'y sont-ils pas également intéressés? Le tiers détenteur, puisqu'elles tendent à le dépouiller du bien qu'il a acquis; le débiteur, puisqu'il est responsable de cette dépossession vis-à-vis de son acquéreur.

Ces deux intérêts, qui se réunissent en la personne du débiteur lorsqu'il est possesseur de l'immeuble, continuent à exister, quoique sur deux tètes différentes, lorsqu'il a transmis celte possession à un tiers. Tous les deux veulent être respectés et protégés.

Nous pensons donc que la poursuite doit être faite en double, c'est-à-dire dirigée en même temps contre le débiteur et le détenteur. La sommation faite par un créancier

» Il a été jugé en effet par la cour de Bordeaux, le 8 mai 1832 (Devilleneuve, t. 35, 2o, p. 62), | et par la cour de cass., le 4 janv. 1837 (Devilleneuve, t. 57, 1re, p. 155), que la saisie immo-profite-t-elle à tous les autres? bilière de biens possédés par un tiers détenteur doit être poursuivie contre le détenteur.

L'affirmative a été jugée par la cour de Riom, le 51 mai 1817 (Sirey, t. 18, 2o, p. 240), et par

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