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Et ceux qui enseignent cette doctrine sont Paignon, t. 1, p. 175, no 116; Persil fils, Comm., p. 227, n° 266, et Thomine, no 804. Bioche, vo Vente d'immeubles, no 367, se range aussi à cet avis, parce que, dit-il, il serait facile à un juge qui désirerait acquérir un immeuble, de se rendre à l'avance créancier de celui contre qui l'expropriation est dirigée.

Mais Lachaize t. 1, p. 485, et Troplong, vo Vente, t. 1, no 190, embrassent l'avis opposé, qui nous semble préférable.

Le magistrat qui poursuit la vente ne serat-il pas adjudicataire pour la mise à prix, s'il ne survient pas d'enchères? S'il peut le devenir, par la seule force de la loi, à un prix qu'on peut considérer comme le minimum, quel inconvénient y a-t-il à ce qu'il le devienne, par l'effet de sa volonté, à un prix supérieur? S'il n'est que créancier inscrit, n'a-t-il pas intérêt à ce que le prix soit porté à sa véritable valeur? Veut-on lui enlever un droit qui est corrélatif à cet intérêt? Sans doute, il ne cesse pas d'être membre du tribunal; mais sa position est néanmoins modifiée, relativement à l'affaire, puisque se trouvant partie intéressée, il n'y a aucune chance qu'il puisse ni qu'il doive en connaître comme juge.

Nous pensons que la prohibition de l'article 715 ne regarde point le magistrat qui est créancier inscrit sur l'immeuble saisi; et en cela notre opinion est conforme à la décision des cours de Grenoble, 19 avril 1823; Montpellier, 17 août 1818 (Sirey, t. 18, p. 506) et 23 mai 1835 (Devilleneuve, t. 36, 2o, p. 552), et au vou exprimé par la cour de Metz et les tribunaux d'Arras et de Toulon, dans leurs observations sur le projet de 1829.

Telle est aussi l'opinion d'un des magistrats les plus éclairés et les plus consciencieux, M. Lamarque, président du tribunal civil de Clermont-Ferrand.]

[2392 ter. Comment faut-il entendre l'in

solvabilité notoire?

C'est une insolvabilité généralement et publiquement reconnue, et que l'avoué, qui a dû prendre des renseignements s'il ne connaissait point par lui-même la personne qui se présentait à lui, n'aura pas pu ignorer. Il n'est guère de présomption légale d'insolvabilité, à moins que ce ne soit à l'égard des faillis ou de ceux qui ont fait cession de biens.

Mais, en général, l'insolvabilité est une question d'appréciation d'autant plus facile à faire, dans l'espèce, que, pour produire un effet quelconque, il faut qu'elle soit notoire.

Il ne suffit pas, pour être réputé notoirement insolvable, de n'avoir ni meubles, ni industrie. (Bordeaux, 21 février 1829, Sirey; t. 29, 2o, p. 254) et Aix ; 25 déc. 1856; secùs, Rennes, 29 juin 1814. (On peut avoir des

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ressources d'un autre genre. Mais il faut, nous le répétons, que le fait de l'insolvabilité soit public ou spécialement connu de l'avoué. Ce n'est que dans ce cas que cet avoué peut en être responsable. (Voy. aussi dans le même sens, Paignon, p. 174, no 115; Thomine, n° 803, et Lachaize, t. 1, p. 480.)

Ces auteurs vont jusqu'à dire qu'en cette matière il ne peut être question de faire une preuve, parce que, du moment qu'il est besoin de preuve, la notoriété manque. Ceci nous paraît une erreur. Pour qu'il y ait notoriété, il ne faut pas que le fait soit connu de tout le monde, mais seulement du plus grand nombre. Les juges peuvent l'ignorer. Le connaîtraient-ils, il faudra toujours leur démontrer que d'autres, et en grand nombre, le connaissent aussi; car c'est en cela que consiste la notoriété. De là vient qu'il a été jugé par la cour d'Aix, dans l'arrêt précité, que la preuve de l'insolvabilité notoire incombe à celui qui demande la nullité de l'adjudication ou de la surenchère.

Ce qui ne paraît pas devoir être admis, c'est la preuve de la solvabilité que l'adjudicataire ou le surenchérisseur offrirait. Car, du moment qu'on la supposerait possible, il deviendrait inutile de la faire. Ce serait reconnaître qu'il n'y a pas insolvabilité notoire. (Caen, 9 juill. 1835; Sirey, t. 59, 2°, p. 20.)

La cour d'Aix, dans l'arrêt précité, et la cour de cassation, le 31 mars 1819, ont même décidé que la personne notoirement insolvable ne pouvait éviter la nullité en offrant caution. En offrant, c'est possible; mais en donnant caution, ne devrait-elle pas obtenir la confiance que ses propres ressources ne méritaient pas?

C'est ce qu'a jugé la cour de Grenoble, le 11 juin 1825 (Sirey, t. 26, p. 226), en admettant à surenchérir, moyennant caution, une femme qui n'avait que des biens dotaux. Et la cour de Caen, le 9 juill. 1835, a décidé que la consignation d'une somme suffisante pour satisfaire à ses engagements, garantit le surenchérisseur de tout reproche d'insolvabilité.

Faisons observer, en terminant, que, l'insolvabilité étant chose relative, tel qui pourrait n'être pas absolument insolvable, lorsqu'il s'agirait d'un objet de peu de valeur, pourrait néanmoins l'être d'une manière réelle pour un objet plus considérable. (Rouen, 30 mai 1823; Sirey, t. 25, p. 92.)]

2393. Un avoué peut-il enchérir pour son propre compte, lors même qu'il occupe sur les poursuites de la saisie?

Cette question était fortement controversée lorsque nous avons publié notre Analyse. Toutefois nous l'avions résolue pour l'affirmative,

n° 2194, et nous citions à l'appui de cette solution un arrêt de la cour de Rennes, du 9 janvier 1809, et l'opinion de Persil, liv. III, sect. 3, art. 1o, §3; mais en même temps nous argumentions d'un autre arrêt de la cour de Paris, rendu le 7 janvier 1812, dans une espèce où il s'agissait d'une vente de biens de mineurs, faite autrement que par suite d'expropriation forcée.

On eût pu conclure, et des raisons que nous donnions, sans distinguer la vente par expropriation des autres ventes faites en justice, et de la citation de ce dernier arrêt, qu'en toute circonstance un avoué peut devenir adjudicataire d'un bien dont il est chargé de poursuivre la vente.

Mais l'arrêt de Paris a été cassé, et la cause, renvoyée à la cour de Rouen, y a reçu une décision conforme à celle de la cour suprême (voy. Sirey, t. 15, p. 223), de laquelle il résulte que l'avoué ne peut enchérir dans les cas de ventes judiciaires autres que celles qui sont la suite d'une saisie, parce qu'alors il est mandataire du propriétaire, et comme tel chargé de vendre d'où suit que la prohibition portée dans l'art. 1596 du Code civil (voy. la Quest. 2392), lui est applicable.

:

Mais, par deux autres arrêts des 10 et 26 mars 1817 (Sirey, t. 17, p. 208 et 267), la cour de cassation écartant comme nous l'avions fait dans notre Analyse, l'application de cet art. 1596 à l'avoué chargé des poursuites d'une saisie, a formellement décidé qu'il pouvait enchérir, parce qu'en ce cas, il n'est chargé que de provoquer la vente, et ne représente que le créancier du propriétaire et non pas le propriétaire lui-même. Or, de même que le créancier poursuivant peut acquérir (art. 698), de même le mandataire de ce créancier peut devenir personnellement adjudicataire. (Voy. nos Quest. sur l'art. 964.)

[Mais les avoués autres que le poursuivant peuvent-ils se rendre adjudicataires pour euxmêmes ou pour leurs confrères du même tribunal?

L'affirmative ne nous semble devoir souffrir aucun doute, et elle est adoptée, sans hésitation par Lachaize, t. 1, p. 477; Thomine, no 804, et Dalloz, t. 24, p. 256, no 3. La cour d'Angers avait néanmoins sollicité une disposition prohibitive à l'égard de tous les avoués du siége; mais on ne s'est pas arrêté à cette observation. Lorsque, dans un cas donné, celui où l'avoué néglige de passer dans un certain délai l'élection de command, il est réputé de plein droit adjudicataire en son nom, comment supposer qu'il soit incapable de le devenir par un effet de sa libre volonté?]

2394. Un avoué pourrait il se rendre adjudicataire pour le saisi, lorsque celui-ci n'est pas tenu personnellement de la dette,

mais seulement à cause des biens qu'il détient?

On pourrait dire pour la négative que la loi, dans la défense qu'elle fait aux avoués, par l'art. 713, n'admet aucune distinction, et qu'elle a conséquemment entendu établir une incapacité dans la personne du saisi, soit qu'il doive personnellement, soit qu'il ne soit obligé que comme tiers détenteur.

Mais on répond que si l'art. 713 interdit au saisi le droit de se rendre adjudicataire, c'est qu'on ne peut supposer d'autres vues à celui qui ne désintéresse pas ses créanciers que celles de rendre illusoires les poursuites de ces derniers. Comment croire, en effet, qu'un débiteur qui se laisse exproprier pourra acquitter le prix de l'adjudication qui lui serait faite? Par cette raison, la loi lui interdit la faculté de se porter adjudicataire, parce qu'elle veut prévenir une folle enchère qu'elle regarde comme inévitable.

Au contraire, dit Persil, t. 2, liv. III, art. 2, sect. 8, § 3, aucun de ces inconvénients n'existe lorsque c'est un tiers détenteur qui se rend adjudicataire : comme il n'est pas obligé personnellement, il ne doit acquitter la dette que parce que l'immeuble hypothéqué est entre ses mains, et seulement jusqu'à concurrence de sa valeur; mais dès que cet immeuble est adjugé sur expropriation, le tiers détenteur est habile à se rendre adjudicataire, parce que, d'une part, il n'a aucun intérêt personnel à re tarder l'expropriation, et que, de l'autre, en n'acquittant pas les charges de l'adjudication, en n'en payant pas le prix, il s'obligerait personnellement, et pourrait être poursuivi comme fol enchérisseur,

A l'appui de cette opinion, on cite un arrêt de la cour de Colmar, du 21 janvier 1811, duquel il résulte qu'en défendant aux avoués de se rendre adjudicataires pour le saisi, l'article 713 n'aurait entendu établir cette prohibition qu'à l'égard du débiteur personnel, qui serait la seule partie saisie.

Le tiers détenteur serait ainsi considéré, dans le cas de la saisie immobilière, comme le tiers entre les mains duquel on ferait une saisie-arrêt, et qui pour cela n'est point considéré comme saisi.

Pour l'opinion contraire,on invoque l'arrêt de la cour de Bruxelles, déjà cité sur la Question 2574, et qui a décidé qu'il n'est pas permis à un tiers détenteur de surenchérir, attendu qu'il doit être considéré comme partie, encore bien qu'il ne soit pas personnellement obligé.

Nous croyons cette dernière opinion préférable, et nous nous fondons sur les art. 2183 et suivants du Code civil. En effet, ces articles indiquent au tiers détenteur le moyen de prévenir les poursuites des créanciers, et s'il néglige d'en faire usage, il devient obligé à toutes

les dettes hypothécaires, en même temps qu'il devait, d'après l'art. 713, être réputée notoijouit des termes et délais accordés au débiteur:rement insolvable. il lui est donc absolument assimilé, puisque sa position devient la même que s'il eût été dans l'origine personnellement obligé.

Mais, par arrêt du 23 février 1807 (Sirey, t. 15, p. 158), la cour d'Aix rejeta ces moyens, attendu, 1o que le motif d'exclusion fondé sur Mais il y a plus: c'est contre lui, lorsqu'il la qualité d'épouse du débiteur saisi, non-seune délaisse pas l'immeuble, que se font les lement n'était pas justifié par les dispositions suites de la saisie (voy. Quest. 2209): on peut de la loi du 11 brumaire an VII (nous dirions donc dire qu'il est saisi, et puisque l'art. 713| aujourd'hui par l'art. 715), mais se trouvait ne fait aucune distinction entre le saisi débi- | au contraire expressément démenti par les disteur personnel et le saisi tiers détenteur, il positions de cette loi, puisqu'elles autorisent nous semble évident qu'il ne peut devenir ad- tout citoyen, et n'exceptent que le saisi luijudicataire. Toutes les raisons qui militeraient même (ainsi dispose l'art. 715): d'où suit que, contre le débiteur personnel militent contre hors le saisi, toute personne est admise à faire lui; propriétaire de l'immeuble qu'il n'a pas des offres; 2° que la femme, dans l'espèce, délaissé, il annonce qu'il est dans l'impuis- étant créancière du mari, ne pouvait être consance de s'acquitter envers les créanciers sidérée comme personne notoirement insolpuisqu'il souffre qu'on poursuive contre lui | vable, et que l'inaliénabilité de sa dot ne poul'expropriation. On ne peut dire, de même que vait être un motif de l'écarter; qu'au surplus, Persil, qu'il n'a aucun intérêt à la retarder: la crainte d'une revente sur folle enchère ne cet intérêt est présumé par cela même qu'il n'a doit pas être un motif suffisant pour écarter pas délaissé; on ne peut dire encore, avec le un surenchérisseur, puisque le gage des créanmême auteur, qu'il y ait sûreté pour les créanciers ne cesserait pas de rester sous leur main, ciers dans l'obligation personnelle qu'il con- et que leur position ne serait pas rendue plus tracterait, en s'exposant à une folle enchère; désavantageuse par la folle enchère, qui aurait car il pourrait n'avoir pas d'autres immeubles lieu aux frais de l'adjudicataire déchu, etc. que celui qui serait saisi; en un mot, il est hy- | (Voy. Jurisp. sur la procéd., t. 2, p. 77.) pothécairement débiteur des sommes pour lesquelles on poursuit l'expropriation; il est, sous ce rapport, à la place du débiteur, qui est personnellement obligé; il est saisi lui-même, et comme tel, il ne peut se rendre adjudicataire.

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Cependant, par arrêt du 26 mars 1812 (Sirey, t. 14, p. 78), la cour de Bruxelles a jugé qu'une femme mariée sous le régime de la communauté ne pouvait pas se rendre adjudicataire des biens vendus sur son mari, parce qu'elle acquérait pour compte de la communauté, et que, dans le fait, c'était le saisi lui

meuble rentrait dans sa main.

[La cour de Caen, dans ses observations sur le projet, avait posé cette question sans la ré-même qui devenait adjudicataire, puisque l'imsoudre. Les raisons données par Carré nous semblent déterminantes pour adopter la solution qu'il donne et qu'embrassent Favard, t. 5, p. 68, no 5, et Decamps, p. 68, mais que combattent Pigeau, Comm., t. 2, p. 332; Lachaize, t. 1, p. 454, no 569; Thomine, no 801, et Persil fils, Comm., p. 250, no 271.]

2395. La femme créancière de son mari peut-elle, avec son autorisation, se rendre adjudicataire des biens de celui-ci, mis en vente par suite d'expropriation forcée?

Pour la négative de cette question, on disait, devant la cour d'Aix, que les femmes étaient exclues même en ce cas, 1o parce que l'art. 911, | § 2 du Code civil, répute personnes interposées les pères et mères, les enfants et descendants et l'époux de la personne incapable: or, le saisi étant déclaré incapable par l'art. 713, sa femme doit être considérée comme personne interposée et censée n'agir que pour lui; 2o parce que, dans l'espèce, les biens de la femme ne consistant que dans le montant de sa dot qui était inaliénable, les créanciers n'auraient aucune sûreté, en cas de revente à la folle enchère; que conséquemment cette femme

De même la cour de Lyon, par arrêt du 27 août 1813 (Sirey, t. 13, p. 567), a jugé que la surenchère faite sur les immeubles du mari par une femme qui ne possède que des biens dotaux et immeubles, est nulle (voy. Code civil, art. 1554), cette femme se trouvant comprise dans la prohibition prononcée par l'article 713, contre les personnes insolvables.

Ces arrêts, qui semblent en contradiction avec celui de la cour d'Aix, que nous venons de citer, peuvent facilement se concilier avec lui. Et, en effet, dans l'espèce de l'arrêt de Bruxelles, la femme n'était pas créancière, et n'ayant aucun droit personnel, elle se trouvait véritablement agir dans l'intérêt du saisi. Dans celle de l'arrêt d'Aix, la femme avait dans cette qualité de créancière un intérêt personnel, et ne pouvait être réputée acquérir pour la communauté. Enfin, dans l'espèce de l'arrêt de Lyon, la femme n'ayant que des biens dotaux inalienables était véritablement en état d'insolvabilité. (Voy. les développements donpar Huet, p. 199.)

nés

Ajoutons que la saisie d'un immeuble extradotal de la femme mariée (sous une constitution de dot particulière), poursuivie contre

elle et contre son mari, en autorité seulement, ne rend pas ce dernier partie saisie; il n'est en cause que pour la régularité de la procédure, et dès lors il peut se présenter aux enchères et y faire ses offres. (Aix, 27 avril 1809; Sirey, t. 9, p. 237.)

En général, nous remarquerons que toutes ces décisions, souvent contradictoires, concernant les époux, dont l'un se rendrait adjudicataire des biens saisis sur l'autre, ne sauraient être considérées comme établissant des points de jurisprudence auxquels on puisse absolument se rapporter. Quand la loi défend à un époux qui exerce un droit interdit à l'autre époux, lequel peut profiter des avantages résultant de cet exercice, le premier est facilement présumé personne interposée. (Voy. Code civ., art. 911.)

[En ajoutant à ces arrêts celui de la cour de Besançon, du 12 mars 1811, qui a jugé que la femme doit être admise à enchérir, lorsqu'elle n'est pas débitrice du poursuivant, on aura la collection de tous ceux qui ont été rendus sur cette question.

Pour refuser à la femme le droit d'enchérir à la vente d'un immeuble saisi sur son mari, à celui-ci le droit d'enchérir à la vente d'un immeuble saisi sur sa femme, il faut les regarder ou comme étant eux-mêmes parties saisies, ou comme étant personnes interposées, ou comme étant insolvables.

Le premier cas peut se rencontrer, savoir : de la part de l'un et de l'autre des époux, lorsque l'immeuble saisi est un bien de communauté, parce qu'alors l'un et l'autre étant propriétaire de cet immeuble, ils ont tous les deux la qualité de saisis, et sont exclus, comme tels, des enchères; à l'égard du mari seulement, lorsqu'il s'agit d'un bien dotal de la femme, parce que les revenus lui en appartiennent. Le tout, pourvu qu'il n'y ait pas séparation de biens entre les époux. Ces distinctions sont adoptées par Lachaize, t. 1, p. 454, no 368.

Le troisième cas ne peut se rencontrer, de plein droit, que de la part de la femme, lorsque sa fortune est exclusivement dotale et inaliénable. Il est clair qu'elle ne peut alors ni contracter, ni acquitter ses obligations, qu'elle est insolvable.

Quant à l'interposition de personnes, elle ne peut être, du mari à la femme, de la femme au mari, ni, en général, entre quelques personnes que ce soit, une cause de nullité de l'adjudication. C'est ce que reconnaissent tous les auteurs, et notamment Favard, t. 5, p. 68, n° 4; Lachaize, t. 1, p. 442 et suivantes; Thomine, no 802; Paignon, t. 1, p. 174, n° 114; Persil fils, Comm., p. 229, no 270, et Bioche, vo Vente d'immeubles, no 379, et ce qu'ont jugé les cours de Bordeaux le 25 fév. 1829, et de Poitiers, le 31 août 1851.

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Il est vrai que le contraire résulte des arrêts de la cour de Montpellier du 26 juin 1817, et de la cour de Toulouse du 16 mars 1833 (Sirey, t. 33, p. 521). Mais cette dernière jurisprudence ne doit pas être suivie; car lorsqu'une adjudication est faite en faveur d'une personne capable, mais chargée de faire parvenir à un incapable, nul n'a à s'en plaindre, puisque toutes les charges de l'adjudication pèsent sur la personne interposée qui se rend adjudicataire, et à laquelle seule les intéressés auront affaire. Peu leur importent donc les arrangements particuliers que cette personne peut avoir pris avec un tiers; et, comme ils n'ont pas d'intérêt à la nullité, on ne doit pas leur accorder d'action pour la faire prononcer.

On doit donc regarder comme licite la convention par laquelle une personne s'engage à enchérir ou à surenchérir pour le saisi; et le premier adjudicataire ne peut, à raison d'une telle convention, demander la nullité de la surenchère. (Voy. Quest. 2396.)]

2396. Peut-on regarder comme licite la convention par laquelle un tiers s'engage à surenchérir l'immeuble dans l'intérêt du saisi? Le premier adjudicataire pourrait-il, à raison d'une telle convention, demander la nullité de la surenchère?

Voici l'espèce qui a donné lieu à cette question: La partie saisie, espérant se procurer les moyens de remplir ses engagements, avait souscrit, avec un tiers, un traité par lequel celui-ci s'obligeait à surenchérir l'immeuble vendu par expropriation. Il était convenu, 1° que le saisi se substituerait à toutes les obligations résultant de la surenchère, et que, de son côté, le surenchérisseur le subrogerait dans ses droits; 2o que le surenchérisseur deviendrait propriétaire incommutable, et ne serait tenu que du prix de la première adjudication, en cas de faute ou de retard de la part du saisi dans l'accomplissement de ses engagements.

Le surenchérisseur reste adjudicataire, somme le saisi exproprié d'exécuter le traité qu'il avait souscrit; mais, loin de déférer à cette sommation, ce dernier se présente à l'ordre pour demander sa collocation par privilége sur la portion du prix restant libre entre les mains de l'adjudicataire.

Il prétendit, en conséquence, que la convention était illicite, et c'est ce qu'avait jugé le tribunal de Provins; mais la cour de Paris réforma cette décision, en déclarant qu'une telle convention n'avait rien de contraire aux lois ni aux bonnes mœurs. (Voy. arrêt du 10 mars 1812.)

Cet arrêt fait naître une autre question, qui est celle de savoir si le premier adjudicataire

serait fondé à demander la nullité de la surenchère, portée en vertu d'une convention de la nature de celle dont il s'agit, par la raison qu'elle serait faite par l'intermédiaire d'un tiers, dans l'intérêt du saisi, que la loi déclare incapable.

Ce serait, à notre avis, rendre la prohibition de l'art. 713 plus rigoureuse qu'elle ne l'est en effet. Cet article veut que la partie saisie ne puisse se rendre adjudicataire. Or, ce serait ajouter à la lettre de cet article, que d'étendre sa disposition à un tiers qui se rendrait personnellement adjudicataire pour retourner ensuite l'immeuble au saisi. Nous avons dit, sur la 2194 Quest., que le motif pour lequel le législateur a exclu le saisi du droit d'enché rir était son insolvabilité justement présumée; mais cette considération ne peut être invoquée dans l'espèce qui nous occupe, puisque la convention ne concerne que le saisi et le tiers qui se rend surenchérisseur, et non les créanciers, auxquels le jugement d'adjudication, rendu par suite de la surenchère, fournit un titre direct contre ce tiers: les créanciers sont donc sans intérêt à l'empêcher d'enchérir. Il en est de lui comme de toute personne qui, devenue adjudicataire sur expropriation, est libre de conserver l'immeuble ou de le céder à qui bon lui semble.

[Des décisions semblables à celle de la cour de Paris ont été rendues par les cours de Colmar, 12 juill. 1825 (Sirey, t. 26, p. 103), et de Lyon, 7 mars 1852 (Devilleneuve, t. 53, 2o, p. 492). Ce point ne peut plus aujourd'hui souffrir de difficulté.]

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faut restreindre la prohibition aux procureurs du roi, puisqu'il n'y a de procureurs généraux qu'auprès des cours.

Nous répondions dans notre Analyse, Question 2200: La loi exclut, en termes formels, les procureurs généraux, et l'on ne doit pas facilement supposer que ce soit par inadvertance qu'elle a prononcé cette exclusion. Nous croyons, au contraire, que le législateur a considéré ces premiers magistrats exerçant le ministère public comme pouvant exercer une grande influence sur les procureurs du roi, qui sont leurs substituts (voy. loi du 20 avril 1810, art. 6); qu'elle a réputé ces derniers comme ne faisant avec eux qu'une seule et même personne, et que par ce motif elle a entendu les exclure.

Nous pourrions ajouter que la nouvelle édition, publiée par les ordres du roi, fournirait un motif de plus en faveur de cette opinion, puisqu'aux procureurs généraux elle ajoute les avocats généraux et les substituts des procureurs généraux. Mais Locré, dans une lettre insérée au Recueil de Sirey, t. 19, 2o part., p. 168, a fait connaître que, chargé par Sa Grandeur le chancelier de France de revoir les cinq Codes, conformément à l'ordonnance royale du 17 juillet 1816, et d'en faire une édition nouvelle purgée de toutes les dénominations qui rappelaient l'ancien gouvernement ou des institutions abolies, il dut respecter scrupuleusement toutes les dispositions du fond; qu'il se trouva conséquemment dans l'impuissance de rétablir la véritable leçon de l'art. 713, en retranchant les mols procureurs 2397. Les membres des cours royales peu-la loi de 1810 ayant converti en avocats génégénéraux et leurs substituts, et se vit forcé, vent-ils acquérir un immeuble vendu par raux les substituts des procureurs généraux, expropriation devant un tribunal du reschargés du service de l'audience, de leur donsort? ner ce titre. Il explique, au reste, qu'il n'entra point dans l'intention des rédacteurs du Code d'exclure les magistrats du ministère public près la cour; il signale la même inadvertance dont parle Pigeau, et pense comme lui et comme Merlin, que les procureurs du roi et leurs substituts sont seuls exclus, ce que l'art. 713 fait toucher au doigt, en restreignant la disposition aux magistrats des tribunaux où se poursuit et se fait la vente. Or, jamais une vente n'est faite devant une cour royale; l'art. 643 attribue exclusivement juridiction au tribunal du domicile du saisi.

Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, ch. 1er, art. 1, 12, t. 2, p. 226, remarque que la prohibition prononcée par l'art. 713 ne comprenant pas les membres de la cour royale, elle ne doit pas leur être étendue. D'ailleurs, dit-il, quoique juges des difficultés sur la saisie et la vente, ils ne peuvent, éloignés du tribunal, exercer sur la vente une influence aussi redoutable que celle des membres mêmes de ce tribunal: il n'y a donc pas parité de raison pour leur appliquer cette prohibition. (Voy. la Quest. suivante.)

2398. Mais du moins les procureurs généraux et avocats généraux ne sont-ils pas formellement exclus par le propre texte

de la loi?

C'est par inadvertance, dit Pigeau, ubi suprà, qu'au lieu de ces mots, commissaire du gouvernement, qui étaient dans l'art. 730 du projet, on a mis ceux-ci, procureurs généraux; en conséquence, cet auteur estime qu'il CARRÉ, PROCÉDURE CIVILE.—TOME V.

ter l'opinion que nous avions émise, par suite Cette explication nous commande de rétracde l'erreur de rédaction qui se trouve dans les deux éditions du Code.

2399. Les commis greffiers sont-ils compris dans la prohibition de l'art. 713.

La cour de Turin observait, sur l'art. 730 du projet, qu'il fallait comprendre dans la prohibition les commis greffiers et les huissiers

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