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C. de proc., art. 712.

DVI. Ici, la loi par la disposition rigoureuse qu'elle renferme, a eu pour but de mettre un terme à la scandaleuse multiplicité des folles enchères, et de bannir des audiences les agioteurs, qui, dans l'espoir de revendre avec profit, se rendraient adjudicataires, sans courir, si cet espoir était déçu, aucun risque d'être contraints à effectuer le prix de la vente. 2523. La contrainte par corps, prononcée par l'art. 744, a-t-elle lieu de plein droit? On sait que, d'après l'art. 2067 du Code civil, la contrainte par corps ne peut être exercée qu'en vertu d'un jugement: il faut donc que le fol enchérisseur soit condamné par le jugement d'adjudication ou par jugement postérieur. (Voy. Pigeau, ib., p. 251.)

[« L'art. 740, disait la cour de Caen, est rédigé » de manière à faire croire que la contrainte » par corps a lieu de plein droit. A-t-on, en » effet, voulu déroger à l'art. 2067 du Code civ.? » Cela n'est pas probable; mais pourquoi ne » pas éviter toute ambiguïté en disant le fol »enchérisseur sera condamné par corps à | " payer, etc.?»

Quoique le législateur de 1841 n'ait pas fait droit à cette observation, nous n'hésitons pas à adopter l'opinion de Carré.]

[2523 bis. Les femmes ou filles sont-elles soumises à la contrainte par corps en matière de folle enchère?

La règle générale, en ce qui concerne la contrainte par corps, est écrite dans l'art. 2066 du Code civ. Pour que les femmes ou filles soient sujettes à cette contrainte, en matière civile, il faut ou qu'elles aient commis un stellionat, ou qu'une loi formelle les y ait soumises.

De nombreuses dispositions du Code de procédure permettent aux juges de prononcer la contrainte par corps contre la partie qui succombe, notamment, l'art. 740 relatif à la folle enchère. Comme cet article ne contient aucune

différence en moins de son prix avec celui de la revente. (Paris, 29 nov. 1816; Dalloz, t. 24, p. 459 ; Sirey, t. 17, p. 568.)

Si le fol enchérisseur a donné congé au fermier ou locataire, celui-ci ne peut, en cas de revente sur folle enchère, faire imposer au futur adjudicataire l'obligation de payer l'indemnité qui lui est accordée, par le jugement qui a déclaré le congé valable. (Cass., 27 novembre 1807; Sirey, t. 8, p. 100.)

Lorsque des immeubles adjugés en plusieurs articles et par adjudications séparées, à un même adjudicataire, sont revendus par folle enchère; la différence en plus qui se trouve pour des lots, ne doit pas se comparer avec la différence en moins qui a lieu pour un autre. Le fol enchérisseur doit supporter la différence en moins, sans profiter de la différence en plus.

disposition qui déroge expressément à la loi générale, nous en tirons la conséquence qu'en cette matière, les femmes et filles ne sont point sujettes à la contrainte par corps. C'est ce que pensent Pigeau, Comm., t. 2, p. 397; Paignon, t. 1, p. 258, no 189, et c'est ce qui a été jugé par la cour de Lyon, le 20 juin 1822. Cet arrêt cite deux décisions de la cour de cassation, des 6 oct. 1813, et 20 mai 1818 (Sirey, t. 18, 1, p. 3536), qu'il est bon de consulter.] 2524. Quels sont les remboursements que le fol enchérisseur peut prétendre?

Il a été jugé, par arrêt de la cour de Paris, du 1er mai 1810 (Sirey, t. 15, p. 168), que le fol enchérisseur, lorsque le prix de la revente est suffisant, doit être remboursé non-seulement de ce qu'il a payé sur le prix de son adjudication, mais encore des frais de poursuites que le cahier des charges l'obligeait de payer au créancier poursuivant.

Les motifs de cette décision sont que l'article 754, en statuant que le fol enchérisseur n'a aucun droit à l'excédant du prix de la revente ne peut avoir pour conséquence, lorsqu'il n'y a pas de différence, et à plus forte raison lorsqu'il y a excédant, de lui faire perdre ce qu'il a payé sur ce prix, et ä la décharge, soit des créanciers inscrits, soit de la partie saisie, soit de l'adjudicataire définitif, etc.

Mais par un arrêt du 6 juin 1811 (Sirey, t. 12, p. 264), la cour de cassation a décidé que l'adjudicataire sur folle enchère est tenu de rembourser au fol enchérisseur les droits d'enregistrement et autres de cette nature qu'il aurait payés, attendu qu'il résulte de la disposition de l'art. 69 de la loi du 22 frimaire an vII, § 8, no 1, qu'aux yeux du législateur, l'adjudication sur folle enchère et celle qui l'a précédée n'opèrent qu'une seule mutation, puisque le prix énoncé dans les deux contrats n'est passible que d'un seul droit proportionnel; qu'il est également évident que ce droit ne peut être qu'à la charge du second adjudicataire, qui seul recueille l'avantage de cette

(Rouen, 31 mai 1820; Sirey, t. 21, p. 219; Dalloz, t. 24, p. 455.)

Persil fils, Comment., no 587, approuve cette décision.

Le fol enchérisseur, après conversion d'une saisie immobilière en vente sur publication volontaire, est tenu, par corps, de la différence de son prix d'avec celui de la revente sur folle enchère, de même que si la procédure avait suivi son cours ordinaire. (Paris, 1er mars 1834; Devilleneuve, 1855, t. 2, p. 243.)

Le fol enchérisseur est contraignable par corps, lors même qu'il s'agit d'une vente volontaire sur licitation. (Rouen, 26 mai 1828; cass., 17 déc. 1855; Devilleneuve, t. 34, 1re, p. 5.) Telle est aussi l'opinion de Paignon, no 190.

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mutation de propriété. (Voy. la loi précitée et | les arrêts de la cour de Paris.)

[Il est de jurisprudence constante que l'adjudicataire définitif doit rembourser les frais d'enregistrement. Aux arrêts cités par Carré on peut ajouter celui de la cour de Pau du 29 nov. 1856.

Les auteurs sont unanimes. (Voy. Persil père, Questions, t. 2, p. 595; Championnière et Rigaud; Favard, t. 5, p. 82; Berriat, ubi supra, note 217; Huet, p. 515, et Persil fils, Comm., p. 520, no 588 et 589.) Ce dernier auteur combat avec raison l'opinion de Persil père, relative aux frais de transcription. Il y a même raison de décider dans les deux cas.]

[2524 bis. Le fol enchérisseur peut-il se prévaloir des dispositions de l'art. 2172 du Code civil pour éviter la revente sur sa téte?

Nous adoptons la négative, que Carré justifie suffisamment dans la consultation inédite qu'on va lire :

« Le conseil soussigné, qui a pris lecture d'un mémoire à consulter par lequel on soumet à son examen les deux questions suivantes :

» 1° Si l'adjudicataire d'un immeuble vendu par suite d'expropriation peut se prévaloir des dispositions de l'art. 2172 du Code civil, pour éviter la vente par folle enchère autorisée par l'art. 744 du Code de procédure;

» 2o Si, en cas d'affirmative, le même adjudicataire doit tenir compte des intérêts de son adjudication ou bien des fruits de l'immeuble hypothéqué,

» Est d'avis de la négative de la première question; en effet, le délaissement par hypothèque ne concerne que le tiers détenteur qui n'est pas personnellement obligé à la dette, et évidemment, dans l'espèce, l'adjudicataire Bordouaré se trouve obligé à acquitter la créance de la dame Quesnel, puisque le cahier des charges qui contient les conditions de la vente, porte en termes exprès, 1° que le prix sera employé à l'acquit des sommes dues par les successions Moduit, et notamment, de diverses créances inscrites sur les biens; 2o qu'il payera les intérêts de ce même prix.

» C'est ici le lieu d'appliquer la décision rendue par la cour royale de Paris, le 12 mars 1812 (Sirey, t. 15, 2o, p. 124), laquelle déclare que le tiers détenteur est personnellement obligé et ne peut plus faire le délaissement par hypothèque, dans le sens de l'art. 2172, lorsque le vendeur, dans son contrat de vente, a fait indication de payement au profit de ses créanciers, et que lui, acquéreur, a accepté cette délégation. En ce cas, en effet, l'obligation personnelle envers le vendeur devient obligation personnelle envers les créanciers.

» Il est donc évident, d'après ces simples

observations, que Bordouaré ne peut prétendre éviter au moyen du délaissement les suites de la folle enchère; on pourrait ajouter un arrêt de la cour de cassation, du 21 mai 1807 (Sirey, t. 7, 1re, p. 278), un autre de Bruxelles, du 12 mai 1810.

» Mais peut-être l'adjudicataire opposera-t-il un arrêt du 17 janv. 1816 (Sirey, t. 16. 1гe, p. 85), par lequel la cour de Paris a décidé que l'adjudicataire ne peut délaisser lorsqu'il s'est soumis à la folle enchère; et dira-t-on que le cahier des charges ne contient point cette soumission, d'où suivrait que le délaissement pourrait avoir lieu? Ce serait commettre une erreur grossière, démontrée à la simple lecture du jugement, que l'arrêt précité confirme par les mêmes motifs qu'il contient. Or, on trouve dans ce jugement deux considérants: l'un, fondé sur le principe ci-dessus posé, que l'adjudicataire est personnellement obligé dès lors qu'il s'est engagé à payer les créanciers; l'autre, sur la circonstance que, dans l'espèce, l'adjudicataire s'était soumis à la folle enchère, circonstance dont le tribunal n'argumente que surabondamment, comme le prouvent ces mots du deuxième considérant, attendu d'ailleurs.

» Ainsi donc, il est évident que le sieur Bordouaré ne peut prétendre invoquer l'article 2172 du Code civ., au préjudice de l'article 744 du Code de procéd., et, telle est la conviction intime et la certitude du soussigné sur cette décision, qu'il n'examinera point la deuxième question posée dans l'hypothèse où il eût émis une opinion contraire.

>> On ne saurait argumenter en faveur de la faculté de délaisser, de la sommation faite au sieur Bordouaré, le 7 août 1819, avant toute procédure, de payer ou de délaisser. Cette sommation doit être considérée comme non avenue, puisque l'adjudicataire n'en a tenu aucun compte; que les suites de folle enchère ont été entamées contre lui et maintenues par l'arrêt du 9 déc. 1820. Ainsi, en supposant que cette sommation eût pu conférer à Bordouaré le droit de délaisser, il y eût renoncé et serait non recevable, dès lors qu'il n'a pas profité de cette faculté, et que le jugement du 31 juill. 1820 confirmé par la cour a ordonné qu'il serait passé outre à l'adjudication délinitive..

» Il n'est donc pas douteux que l'on procédéra valablement sur les nouvelles poursuites de la dame Quesnel.

» Délibéré à Rennes, le 19 mars 1822.

» CARRÉ. »]

[2524 ter. Lorsque après une adjudication

sur saisie immobilière, l'adjudicataire est poursuivi par folle enchere, el que, sur cette folle enchère, l'immeuble est adjugé pour un prix supérieur à la pre

LIV. V.

mière adjudication, le fol enchérisseur est-il déchargé de son obligation?

Cette question est à nos yeux la plus grave que puisse présenter la matière de la folle enchère; pour la résoudre, il faut interpréter chacun des termes de la loi, et assigner à l'adjudication après folle enchère un caractère spécial.

Chargé, en 1835, de soutenir le pourvoi d'un premier fol enchérisseur devant la cour de cassation, nous avons succombé malgré l'éloquent appui de l'avocat général Nicod. Le 14 février, la chambre civile a rejeté le pourvoi. Cette cour s'est fondée sur ce que: « par ces mots prix de la revente, le législateur » n'a entendu et pu entendre que le prix sérieux » et effectif, qui réalisera au profit des créan» ciers du saisi un gage pécuniaire sur lequel ils » puissent faire valoir utilement les créances » qui ont été les causes de la poursuite d'expro»priation forcée. »

Persil fils, Comm., p. 318, no 385, adopte l'opinion de la cour de cassation et, sous le n° 586, il transcrit le second motif de cette cour; mais ce motif ne présente à nos yeux que des considérations.

Nous avons de nouveau examiné la difficulté avec l'attention et le soin qu'elle méritait, et nous persistons dans notre opinion de 1855, malgré l'autorité si imposante de la cour de cassation et l'approbation de l'honorable auteur que nous venons de citer.

La saisie immobilière est une vente forcée; l'adjudication tient lieu du consentement à se dépouiller de la part du saisi; l'adjudicataire est un acquéreur qui tient son titre d'un jugement au lieu de le tenir d'un acte volontaire (1). L'acquéreur qui ne remplit pas les conditions de son acquisition est exposé, qu'il tienne son titre du juge ou de la volonté spontanée de l'ancien propriétaire, à voir résoudre ce titre qui ne lui a été accordé ou consenti qu'à la charge de satisfaire aux clauses qui y ont été insérées. La résolution prononcée, cet acquéreur peut être, dans certains cas, condamné à des dommages-intérêts: cette condamnation ne fait pas revivre sa qualité d'acquéreur, elle le soumet au payement d'une certaine somme. Il y a donc jusque-là identité de position entre l'acquéreur volontaire et l'acquéreur après saisie immobilière.

On ne nous contestera pas que l'effet de la folle enchère soit tel que nous l'avons exprimé; car Persil, dans son rapport à la chambre des pairs, disait : « Ce qui concerne la folle enchère a aussi fixé notre attention d'une

» manière particulière; il s'agit de faire ré » soudre l'adjudication à défaut d'exécution » des clauses et conditions sous lesquelles elle » a eu lieu: c'est un acte de rigueur qui inté»resse particulièrement le poursuivant et les » créanciers inscrits. »

De même qu'après l'adjudication sur saisie immobilière, le saisi a cessé d'être propriétaire, de même après l'adjudication sur folle enchère, la première adjudication a été résolue, et le fol enchérisseur a cessé d'être propriétaire. Nous décidons, sous la question suivante, qu'il était tenu de restituer les fruits, et qu'il devait être considéré comme n'ayant jamais été propriétaire; la résolution est donc absolue.

Néanmoins, comme le fol enchérisseur s'est joué de la justice: « La loi vengeresse, comme >> dit Paignon, t. 1, p. 238, no 189, prononce » la peine de la contrainte par corps contre » lui: il a offensé la justice par son entreprise » inconsidérée; il a causé un préjudice grave » puisqu'il faut recommencer la poursuite; il » s'est joué du malheur de la partie saisie, il » doit donc être passible d'une réparation, et » sa liberté personnelle doit répondre de sa

>> faute. >>

La loi a dit : « Le fol enchérisseur est tenu » par corps de la différence entre son prix et » celui de la revente sur folle enchère, sans » pouvoir réclamer l'excédant, s'il y en a : cet » excédant sera payé aux créanciers, ou si les >> créanciers sont désintéressés, à la partie » saisie. » Elle n'a rien dit de plus. Y a-t-il dans l'expression de sa volonté rigoureuse un seul mot qui change la nature des demandes en résolution de contrat volontaire ou forcé, et qui en modifie les effets? La poursuite en folle enchère a été consommée par l'adjudication. La résolution a été opérée par la justice qui avait saisi le fol enchérisseur; la main qui l'avait investi l'a dépouillé. Le résultat ne peut être méconnu, il faut y revenir, il n'y a plus de vente au profit du fol enchérisseur. Il n'est plus tenu qu'au payement d'une somme d'argent dont répond sa liberté.

Non-seulement, dans l'art. 744, il n'y a pas un seul mot qui modifie les principes relatifs à la résolution d'une vente et à ses effets, mais encore nous y découvrons des dispositions qui les confirment. Si le montant de la nouvelle adjudication excède le prix de la première, cet excédant n'appartiendra pas au fol enchérisseur. Comment exprimer d'une manière plus explicite qu'il a cessé d'ètre adjudicataire, d'être propriétaire, que ce n'est pas sur lui que la vente nouvelle s'est opérée, que c'est le bien du saisi qui est mis en vente ? Cet excédant

(1) Nous ferons remarquer que le principe de la résolution de la vente, par suite d'une nouvelle adjudication, est appliqué en matière de surenchère; quoi

que le surenchérisseur soit insolvable, le premier adjudicataire n'a plus aucun droit, et on ne peut plus rien lui demander.

sera payé aux créanciers, ou, si les créan- matière de pénalité même civile, ne devraient ciers sont désintéressés, à la partie saisie. être d'aucun poids, s'élèvent-elles contre noRogron, qui, p. 924, cite et approuve l'arrêt tre système? Voici à ce sujet, le raisonnement que nous combattons, explique ainsi, p. 925, de la cour de cassation : « Si la position d'un ces expressions, sans pouvoir réclamer l'ex- » fol enchérisseur ne doit pas être aggravée cédant. « Cette décision paraît injuste, mais » par la témérité d'un second, il est également » on la justifie en observant que, quand je re- » visible que le fait de celui-ci ne saurait amé» fuse de payer le prix de l'objet que j'ai»liorer la position du premier, jusqu'au point » acheté, je romps, en ne satisfaisant pas à » de l'exonérer complétement des suites de sa "mon obligation, le contrat synallagmatique » propre témérité, ce qui, dans le cas d'insol» que j'avais formé; dès lors ce n'est plus ma » vabilité du second acquéreur, priverait les propriété qu'on revend à ma folle enchère, » créanciers des droits que déjà, et par le seul >> mais celle des vendeurs; dès lors aussi, tout » fait du premier adjudicataire, ils avaient ac» le prix qu'on en obtiendra doit appartenir » quis contre lui. » » aux vendeurs, lors même qu'il excéderait >> celui que j'avais offert. Je suis, il est vrai, » tenu de la différence du nouveau prix avec » le mien, mais c'est seulement à titre de dommages-intérêts, et non comme pro» priétaire de l'immeuble que je laisse re» vendre. »

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La cour de cassation a dit que ces mots, prix de la revente, exprimaient un prix sérieux et effectif, et que la loi n'avait entendu ni pu entendre cette expression autrement. Cette manière de raisonner nous paraît dangereuse, car elle ajoute à une disposition déjà rigoureuse, puisqu'on est forcé de convenir que c'est une espèce de peine imposée à un homme inconsidéré. La loi a prononcé contre lui l'obligation de payer une différence entre le prix de sa vente et celui de la revente sur la folle enchère poursuivie contre lui, et la cour de cassation le rend responsable de la solvabilité de tous les acquéreurs successifs de l'immeuble saisi, pendant une période de trente années. La loi n'a en rien modifié les principes qui évidemment prononcent la résolution d'un acte de vente, faute d'accomplissement des conditions de la vente, et la cour de cassation ne consent à regarder la vente comme résolue, qu'autant qu'il y aura enfin un adjudicataire qui conservera l'immeuble et en payera la valeur. La loi a été sévère; mais au moins on aperçoit le terme de l'anxiété du fol enchérisseur, il sera tenu de la différence entre les deux prix, et, s'il y a excédant, il est libéré. La cour de cassation prolonge indéfiniment l'incertitude de cette position, et la rend mille fois plus dure, par cela même qu'elle n'indique plus le délai après lequel le fol enchérisseur n'aura plus à se préoccuper d'une première faute.

L'art. 744 emploie le mot de revente, mais ce mot ne doit pas être séparé de ceux-ci, sur folle enchère; c'est donc de la revente sur folle enchère que le fol enchérisseur est responsable. Pour qu'il ne fût des reventes successives, il faudrait que l'article fût explicite. En droit, en appliquant les textes de la législation, notre solution nous paraît légale. Les considérations, les conséquences qui, en

Cette considération semble supposer qu'il existera un certain concert entre le premier et le second adjudicataire : la fraude ne doit pas se présumer, et d'ailleurs les avoués pouvant être déclarés responsables, lorsqu'ils se rendent adjudicataires pour une personne notoirement insolvable, cette fraude serait facilement déjouée; mais cette considération méconnait le véritable caractère du principe relatif à la résolution d'une vente; la position du fol enchérisseur ne peut être ni aggravée ni améliorée par un second adjudicataire, qui n'a aucun rapport direct ou indirect avec le premier. Par la folle enchère, la vente est résolue, voilà la première peine de la témérité de l'adjudicataire primitif; la seconde est tracée dans l'art. 744. Mais, ajoute la cour, les créanciers avaient déjà acquis contre lui des droits dont ils seraient privés par une seconde adjudication. C'est là le résultat de toute résolution de vente. Lorsqu'un vendeur volontaire obtient contre son acquéreur la résolution de la vente, il ne le conserve plus pour débiteur personnel, et même il lui restitue les sommes déjà reçues par lui en imputant tous dommages-intérêts auxquels il peut avoir droit. Si les créanciers du fol enchérisseur voulaient conserver contre lui les droits que leur donnait l'adjudication, il fallait le poursuivre par la voie de la saisie immobilière. Ils ont préféré la folle enchère, voie plus rapide, il est vrai, mais qui anéantit la vente, puisqu'elle fait disparaître l'adjudication.

A cette considération, qui nous semble opposée aux règles de la matière, nous pourrions peut-être opposer avec avantage, que dès là que la loi a accordé l'excédant de la seconde adjudication aux créanciers et au saisi, c'est leur chose propre, qu'il y aurait une grande injustice à venir, dix ou vingt ans après cette adjudication, et parce que le second adjudicataire serait tombé en déconfiture, rendre le fol enchérisseur responsable, en lui disant que le prix de la seconde vente n'a pas été sérieux et effectif. Que si on voulait soutenir que le système de la cour de cassation ne serait pas alors applicable, nous répondrions que la loi, ne distinguant pas, quant au temps, devrait être

appliquée à quelque époque qu'on en deman- | lieu pour ces intérêts? Nous ne le pensons dat l'application; ce qui alors serait souveraine- pas. Dans son arrêt de 1858, la cour de Bourges ment injuste. Ce qui le serait encore davantage, a décidé l'affirmative. La contrainte par corps c'est cette singulière position faite au premier est une peine qui ne peut être appliquée adjudicataire poursuivi par la voie de la folle qu'autant qu'elle est nommément prononcée enchère, il avait le droit d'arrêter les pour- par la loi; il en est de mème pour les frais. suites en justifiant de l'acquit des conditions La cour de Colmar avait demandé que l'on de son adjudication (art. 743), il restait alors comprit les frais dans les prescriptions de l'arpropriétaire. Une seconde adjudication a été ticle, ce qui aurait été fort sage; mais le légisprononcée; le second adjudicataire est pour-lateur, sans en donner de motifs, n'a pas tenu suivi par la voie de la folle enchère : le pre-compte de cette observation.] mier ne peut évidemment pas arrêter cette [2524 quinquies. Les baux faits par le fol folle enchère en remplissant les conditions de enchérisseur doivent-ils être annulés ? la seconde adjudication; car il ne redeviendrait pas propriétaire. Comment voudrait-on alors Paignon, t. 1, p. 254, no 185, répond que qu'il fut tenu des résultats de cette nouvelle la question est facile, et, pour adopter l'affirfolle enchère, lorsqu'il ne pouvait pas se pré-mative, il se fonde sur la maxime resoluto valoir des droits du fol enchérisseur? jure dantis, resolvitur jus accipientis.

Mais, nous l'avouerons, ce n'est point par des considérations plus ou moins fortes que les questions de droit doivent se décider, et pour la solution de la question que nous avons posée, les principes seuls nous semblent suffisants pour déterminer la conviction du magistrat.]

[2524 quater. Que doit-on décider relative

ment aux fruits?

L'adjudicataire doit restituer les fruits (arrèt de la cour de Paris, 1re ch., du 26 mars 1825). Quoique la même cour, 3o ch., ait jugé le contraire, le 11 juill. 1829, et que sa jurisprudence ait été suivie, le 12 juill. 1838, par la cour de Bourges (Devilleneuve, t. 39, 2o, p. 558). Persil fils, Comm., p. 317, no 381, préfère la première solution.

De cette opinion résulte la conséquence que le fol enchérisseur ne doit les intérêts de la différence du prix que du jour de la demande, ainsi que l'a jugé la cour de Paris, dans son arrêt du 11 juill. 1829. La cour de Caen s'était posé cette question, et elle l'avait ainsi résolue « Cette créance n'est plus un prix » d'immeuble. Mais les poursuites en folle » enchère ne devraient-elles pas être, relative»ment aux intérêts, assimilées à une demande judiciaire, surtout aujourd'hui que, d'après » l'art. 755, elles commencent par un com» mandement? »

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Les poursuites ne sont pas toujours précédées d'un commandement, puisqu'elles peuvent être commencées, dans certains cas, après la délivrance d'un certificat du greffier, et, dès là que le fol enchérisseur n'acquiert pas un droit aux fruits, il ne peut être tenu de payer des intérêts que du jour où il est condamné à payer une somme quelconque à titre de dommages-intérèts, et les intérêts de cette somme à dater de la condamnation.

Mais, quelle que soit la décision quant à l'époque à dater de laquelle peuvent être dus des intérêts, la contrainte par corps aura-t-elle

Rogron, p. 918 et 919, et Persil fils, Comm., p. 317, n° 382 et suiv., valident au contraire les baux faits de bonne foi par le fol enchérisseur. Persil limite le principe aux baux qui n'excèdent pas neuf années. Ces deux auteurs citent deux arrêts, l'un de la cour de cassation, du 11 avril 1821 (Devilleneuve, t. 21, 1, P: 274), l'autre de la cour de Paris, du 25 janvier 1835 (Devilleneuve, t. 55, 2o, p. 102), qui, sous l'empire du Code de 1807, avaient consacré leur opinion. Par arrêt du 11 mai 1859 (Devilleneuve, t. 59, 2o, p. 537), la cour de Paris a été plus loin: elle a validé un bail consenti par le fol enchérisseur pour une durée de plus de neuf années, pourvu que le preneur soit de bonne foi.

La cour de Montpellier avait demandé qu'on tranchât la difficulté, qui lui paraissait grave, et qu'on décidat que les baux seraient nuls sans qu'il fût besoin d'en faire prononcer la nullité.

La cour de Caen s'exprimait en ces termes : «La loi ne détermine par les effets de la folle » enchère relativement aux tiers. Elle a cru » pouvoir s'en référer au droit commun. La » cour de cassation a jugé qu'un bail fait de » bonne foi peut être opposé à l'adjudicataire » définitif. C'est une grave dérogation aux » principes sur l'effet de la condition ré» solutoire; la loi pourrait seule la consa

» crer. "

Nous ne pouvons donc pas convenir, avec Paignon, que la solution soit si facile, lorsque surtout nous croyons devoir adopter une opinion contraire à la sienne, par ce motif, qui nous parait péremptoire, de la cour de Paris, que le fol enchérisseur avait, avant sa dépossession, le droit et même le devoir de faire, dans l'intérêt de l'immeuble; dont il avait alors légalement la possession, tous les actes d'administration nécessaires. Il était reconnu comme le negotiorum gestor, et vis-à-vis des tiers il avait qualité pour agir. L'action possessoire intentée par lui l'eût été valablement. La

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