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et instruments que la loi lui réserve, peut-il à la distribution des deniers, se faire colloquer pour une somme représentative de ces objets? Le matériel d'une imprimerie rentre-t-il dans la catégorie des ustensiles dont parle l'art. 592?

rait que notre opinion est conforme aux inten tions du gouvernement.

[Cet avis doit être adopté, et il l'est en effet par Favard, t. 5, p. 26, no 2, et Dalloz, t. 24, p. 75, no 11. Thomine, no 659, considère même les vases sacrés comme étant hors du commerce.]

La cour de Toulouse a résolu négativement [3042 bis. Peut-on saisir un manuscrit l'une et l'autre question, par son arrêt du 5 mars 1837.

Elle a considéré, sur la première, que le saisi est tenu, pour pouvoir profiter du bienfait de la lol, de former sa demande en nullité ou en distraction au moment de la saisie, ou, au plus tard, avant la vente des objets saisis; que ce sont des objets en nature que le législateur a eu la pensée de lui accorder, et non une somme d'argent, afin qu'il eût encore les moyens d'exercer son industrie, et de réparer ses pertes par son travail.

Elle a considéré, sur la seconde, que la profession d'imprimeur ne peut être exercée sans un matériel dépassant de beaucoup la valeur de 300 fr. fixée par la loi; que celle-ci ne réserve que des outils nécessaires aux occupations personnelles du saisi, et que le matériel d'imprimerie sert non-seulement au maître imprimeur, mais encore à ses ouvriers, sans la coopération desquels l'imprimerie ne pourrait fonctionner. (V. la Quest. 2044.)

Ces décisions nous paraissent justes. Les motifs de la première s'appliquent, par analogie, à tous les objets compris dans l'énumération de l'art. 592, et font décider que le débiteur saisi qui n'a pas réclamé ces objets ne peut, après la vente, s'en faire adjuger la valeur sur le prix.

Les motifs de la seconde s'appliquent au matériel de toute grande manufacture qui ne peut être utilisée par un seul homme, mais qui a besoin du concours d'un grand nombre d'ouvriers.

On sent que la loi n'a eu en vue que les outils d'un ouvrier, servant à son travail personnel, et qui sont en quelque sorte pour lui l'unique moyen de gagner son pain de tous les jours.]

2042. Doit-on laisser aux ecclésiastiques, outre leurs livres, les vases et ornements nécessaires au service divin?

chez l'auteur?

Dalloz, t. 24, p. 75, no 10, examine cette intéressante question, en ces termes :

aux

« Cette question nous paraît extrêmement délicate; il semble que le manuscrit n'est, entre les mains de l'auteur, que le dépositaire secret de sa pensée; que, jusqu'à la publication, cette pensée ne constitue pas une propriété appréciable; que c'est attenter droits de l'intelligence et à la réputation d'un homme de lettres que de livrer au commerce un ouvrage encore informe ou imparfait ; que c'est dépouiller un auteur de l'avenir qu'il se ménageait, peut être au prix des veilles les plus laborieuses. D'un autre côté, l'on peut répondre: Un manuscrit constitue une propriété, car c'est une valeur, et une valeur tellement appréciable qu'il peut immédiatement devenir la matière d'un traité avec un imprimeur ou un libraire; sans doute, les droits d'un auteur sont respectables, mais ceux d'un créancier ne le sont pas moins; s'il ne faut pas protéger d'indiscrètes investigations et une sorte de violence faite à la pensée individuelle, il ne faut pas davantage servir la mauvaise volonté d'un débiteur qui refuse de s'acquitter en rendant public un travail dont le produit satisferait ses créanciers. Dans le concours d'intérêts aussi opposés, il faut peut-être reconnaître aux lumières des tribunaux le droit de peser les circonstances, l'état du manuscrit, la matière de la composition, ainsi que celui d'accorder à l'auteur un délai pour achever son ouvrage, délai après lequel la vente du manuscrit serait autorisée. »

L'hésitation de Dalloz nous surprend, puisque tous les auteurs admettent (voy. la Question 2030) que, selon l'esprit et le texte de l'art. 591, les papiers trouvés au domicile du saisi sont insaisissables. »

Ce principe ne protége-t-il pas les manuscrits contre toute tentative indiscrète? Aussi, en donnant ses conclusions conformes à l'arrêt de la cour de Paris, cité sous le Comment. CCCCLXIII, à la note (22 avril 1858), le ministère public disait-il :

L'ordonnance, art. 35, ne se bornait pas à déclarer ces objets insaisissables; elle étendait encore plus loin sa prohibition. Le Code ne s'est point expliqué. Mais ce serait, à notre avis, aller contre son esprit que de ne pas laisser à un ecclésiastique tous les vases sacrés, et, de plus, jusqu'à la concurrence déterminée par l'art. 592, les autres choses indispensables à l'exercice de son ministère. L'arrêté du 13 niv. an XI, qui déclare les traitements ecclésiastiques insaisissables dans leur totalité, prouve-2043. L'équipement militaire est-il insai

« Le Code de procédure, dans l'art. 591, qui excepte de la saisie les papiers du débiteur, fait voir quelle a été la pensée du législateur. L'auteur, le musicien, le poëte demeurent toujours maitres absolus du produit de leur pensée et du travail de leur intelligence. »]

sissable pour toute espèce de créance? | nelles, c'est-à-dire individuelles du débiteur. [Quid des décorations ?]

La négative paraîtrait résulter de la seconde disposition de l'art. 592, qui ne déclare tout à fait insaisissables que le coucher et les habits; et autrefois, d'après l'art. 195 de l'ordonnance de 1629 (roy. Bornier, sur l'art. 14 de celle de 1667), l'équipement pouvait être saisi par celui qui l'avait vendu; mais le tribun Favard est d'un avis contraire. Il est, dit-il, des créances tellement favorables qu'elles ne permettent pas de faire d'exception pour la saisie; mais l'intérêt public veut que rien ne puisse autoriser à dépouiller un soldat des objets de son équipement, etc. Défenseur sacré des droits de l'État, le militaire, nous le répétons (voy. p. 32), doit toujours être prêt à marcher où l'honneur et le besoin de l'Etat l'ap pellent il serait impolitique qu'une cause quelconque pût le priver de ses armes. Cette décision de Favard est conforme à la loi du 10 juillet 1791, tit. III, art. 65, qu'on pourrait regarder comme spéciale en cette matière, ainsi que le remarque Berriat, hoc tit.,

note 13.

Cet article est ainsi conçu : « Les armes et chevaux d'ordonnance des militaires, leurs livres et instruments de service, leur habillement et équipement d'ordonnance sont insai

sissables. »

[Favard, t. 5, p. 27, n° 3, déclare qu'il regarde comme le résultat d'une erreur l'opinion par lui émise sur ce point dans son rapport au tribunat.

avec

[Pigeau, Comm., t. 2, p. 185, donne, raison, la mème solution. (Voy. l'arrêt de la cour de Toulouse, sous la Quest. 2041 ter.] 2045. Qu'entend-on par MENUES DENRÉES ?

Ces termes se trouvent expliqués par des lettres patentes du 12 juillet 1654, enregistrées au parlement de Toulouse, le 24 janv. suivant, d'après lesquelles on ne pouvait saisir les farines, pain, volaille, gibier, viande coupée et autres menues denrées servant à la nourriture des hommes. (Voy. Jousse, sur l'art. 16 du tit. XXXIII de l'ord.) Mais on voit que notre Code a restreint la prohibition à ce qui est nécessaire pour la subsistance du saisi et de sa famille pendant un mois : c'est donc à l'huissier fants et de personnes composant le ménage à proportionner la quantité au nombre d'en

du saisi.

[Cela est juste.]

2046. Les objets auxquels il aurait été fait des réparations peuvent-ils être saisis pour le prix de ces réparations?

Quoique l'art. 395 ne se soit pas formellement expliqué à cet égard, on ne saurait élever le moindre doute sur l'affirmative de cette question, puisqu'il autorise à saisir pour le simple prêt de ce prix.

[Nous approuvons cette solution.] 2047. Qu'entend-on par les mots FERMAGES

ET MOISSONS?

La disposition de l'art. 593, où se trouvent Quelle que soit la faveur dont doivent jouir ces mots, a été puisée littéralement dans l'arles objets d'équipement d'un militaire (voy. le ticle 16 de l'ord., sur lequel Rodier et SerpilComment. CCCCLXIII, la note, et nos observa-lon remarquaient que l'on entend par fermages tions sur la Quest. 2032, in fine), nous n'en croyons pas moins, avec cet auteur, que la défense de saisir ces objets est soumise aux restrictions contenues dans l'article 593, et que, par conséquent, ils peuvent l'être pour aliments fournis à la partie saisie, pour sommes dues aux fabricants ou vendeurs desdits objets, etc. Quant aux décorations, Thomine, no 659, les regarde, ainsi que les vases sacrés, comme des objets hors du commerce, et, par suite, comme insaisissables absolument.

Ces objets n'étant en effet que le signe extérieur de biens moraux et intellectuels qui ne sauraient être le gage d'un débiteur, ils ont une valeur morale incomparablement supérieure à leur valeur matérielle, en sorte que la saisie qu'on en ferait serait odieuse, comme portant gratuitement atteinte à l'honneur et à la considération du débiteur.]

2044. Peut-on saisir, chez un artisan, les outils qui servent à ses ouvriers?

Oui, puisque la loi ne déclare insaisissables que les outils nécessaires aux occupations person. CARRÉ, PROCÉDURE GIVILE.—TOME V.

le prix des fermes en argent, et par moissons le prix des fermes en grains. Mais nous pensons, avec Berriat, que ce dernier mot désigne aussi les créances des ouvriers qui ont fait les récoltes, et pour lesquelles la loi leur donne un privilége spécial. (Voy. C. civ., art. 548 et 2102, §1.) Il nous semblerait même que le législateur n'a voulu exprimer que cela par le mot moissons; car il n'avait point besoin de ce termie pour comprendre les loyers à payer en nature, le mot fermages désignant à la fois et ces loyers et ceux qui se payent en argent.

[Tel est aussi notre avis, et celui de Dalloz, t. 24, p. 77, n° 16.]

ART. 594. En cas de saisie d'animaux et ustensiles servant à l'exploitation des terres, le juge de paix pourra, sur la demande du saisissant, le propriétaire et le saisi entendus ou appelés, établir un gérant à l'exploitation.

[Tar. rais., nos 455 et 456.] C. civ., art. 1961, 2000. C. proc., art. 598. — (Voy. FORMULE 470.)

CCCCLXIV. L'art. 594 veille à l'intérêt des tiers dans un objet essentiel. Il prévoit, comme on vient de le voir, le cas de saisie d'animaux et ustensiles servant à l'exploitation des terres. Les créanciers, le propriétaire lui-même, ont intérêt à ce qu'il soit établi un gérant pour l'exploitation. C'est le juge de paix qui doit l'établir, mais comme le propriétaire a le plus grand intérêt à ce que cette exploitation ne soit pas confiée à un homme qui pourrait, par ignorance ou méchanceté, lui faire des torts irréparables, il doit être particulièrement consulté sur ce choix et entendu par le juge. Au reste, cette mesure n'est pas commandée par la loi; elle est seulement autorisée. C'est donc au juge de paix à examiner s'il est à craindre que le saisi ne divertisse les objets désignés dans l'article, ou ne néglige l'exploitation, et à n'user de la faculté dont il s'agit qu'autant qu'il aurait quelque raison de concevoir cette crainte.

2048. Doit-on nommer un gérant pour les moulins, pressoirs et usines, lorsqu'on en saisit les ustensiles?

C'est notre opinion, fondée sur ce qu'il y a même raison de décider dans le cas que nous supposons que dans celui que l'art. 594 a particulièrement prévu. Le législateur a voulu qu'une saisie ne pût arrêter par elle-même les travaux de l'agriculture. Ne doit-on pas croire qu'il a également entendu que le service des moulins, pressoirs et usines ne fût pas suspendu par la même cause? Telle est aussi l'opinion de Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, ch. 1er, et celle de Lepage, Quest., p. 403 et 404.

[C'est avec raison que Favard, t. 5, p. 27, no 5, et Thomine, no 659, approuvent la présente solution et la suivante.]

2049. Les dispositions du présent titre, relatives au gardien, sont-elles applicables au gérant?

Oui, sans doute; car le gérant n'est autre chose qu'un gardien. (Ainsi, voyez les questions que nous allons examiner sur les articles suivants). [Voy. notre observation sur la question précédente.]

ART. 595. Le procès-verbal contiendra indication du jour de la vente.

C. proc., art. 601, 613, 1034.—(Voy. FORMULE 469.) CCCCLXV. Cette disposition a pour motif d'économiser les frais d'une seconde signification pour indiquer le jour de la vente ; mais il est à remarquer, d'après l'art. 613, qu'il doit y avoir huit jours entre la signification de la saisie et la vente.

2050. L'omission du jour de la vente dans la saisie, en opérerait-elle la nullité ? Non, puisque l'art. 393 ne prononce pas cette

nullité; mais, pour réparer l'omission, il serait nécessaire de faire au saisi une signification qui serait à la charge du saisissant. (Voy. Pigeau, Proc. civ., art. 5, no 14 du chap. Saisie-exécution.)

[ Cependant la cour de Rennes s'est prononcée pour la nullité, le 22 sept. 1810, et la cour de Besançon a jugé, le 26 juin 1824, qu'il y aurait au moins nullité, si l'omission n'avait pas été réparée par un acte subséquent.

Thomine, n° 661, pense qu'il y aurait seulement lieu à des dommages-intérêts. Cette dernière opinion nous paraît plus conforme à l'esprit général de notre titre; si le saisi a un moyen d'obtenir la réparation du préjudice que lui a fait éprouver son ignorance du jour de la vente, la nullité serait sans objet. (Bourges, 21 nov. 1836; Devilleneuve, t. 37, 2o, p. 228.)]

ART. 596. Si la partie saisie offre un gardien solvable, et qui se charge volontairement et sur-le-champ, il sera établi par l'huissier.

2051.

Tarif, 34.(Voy. FORMULE 469.) L'huissier peut-il accepter une femme pour gardienne?

La difficulté que présente cette question nait de ce que l'art. 2060 du code civil, § 3, dispose que la contrainte par corps a lieu pour la représentation des choses déposées aux séquestres, commissaires et autres gardiens. Or, l'art. 2066 défend de prononcer cette contrainte contre les femmes et les filles, à moins qu'il ne s'agisse de stellionat: d'où l'on peut conclure que l'huissier ne peut constituer une femme pour gardienne d'effets saisis, puisqu'il priverait le saisissant de la garantie que lui offre la voie de la contrainte.

Cependant les auteurs du Praticien, t. 4, p. 181, sont d'un avis contraire, pour le cas où la femme aurait accepté volontairement la garde. Mais nous ne saurions admettre cette opinion, qui se trouve en opposition formelle avec l'art. 2063, C. civ., puisqu'il défend toute soumission volontaire à la contrainte, hors des cas déterminés par la loi.

Lepage, Quest., p. 402 et 403, distingue le cas où l'huissier établit lui-même le gardien, de celui où le saisissant intervient et consent expressément à ce que l'huissier établisse une femme pour gardienne. Dans le premier cas, dit-il, l'huissier n'aurait pu choisir qu'un homme; mais dans le second, il aurait pu instituer une femme, puisque le saisissant, dans l'intérêt duquel la contrainte par corps est prononcée, aurait, par cela même, renoncé à l'avantage de la contrainte.

Cette opinion nous paraît concilier parfaitement tous les intérêts, et lever la difficulté née

du silence du Code de procédure, sur la question que nous avions à examiner, et des dispositions du Code civil, relativement à la contrainte par corps.

[Aussi l'approuvons-nous, avec Favard, t. 5, p. 31, no 5; Dalloz, t. 24, p. 78, no 4, et Thomine, no 662.

avant la publication du Code, ont soutenu la négative de cette question. « La fonction de séquestre, dit Rodier, sur l'art. 6 du titre XIX de l'ord., est une fonction publique et par conséquent forcée, malgré ce qu'en a dit Rebuffe, que Bornier réfute avec raison. »

Bientôt après, ce commentateur assimile au séquestre le gardien que les huissiers commettent lors des saisies, et que, dit-il, on appelle aussi séquestre. Jousse, sur le mème article,

Pigeau y donne aussi implicitement son adhésion, en disant dans sa Proc. civ., art. 5, n° 12, 5o, qu'on peut refuser pour gardien, l'individu qui n'a pas la capacité de s'obligeret Duparc, t. 9, p. 163, s'expriment de la même par corps.

En vertu du même principe, la cour de Paris a jugé, le 19 mai 1829, qu'un ambassadeur étranger ne peut être constitué gardien, comme n'étant pas contraignable par corps.

Une femme peut néanmoins être constituée gardienne avec le consentement des parties, mais alors cela ne la rend pas contraignable par corps. (Paris, 21 prair. an XIII; Sirey, t. 5, p. 573; Dalloz, t. 6, p. 563; et Pigeau, Comm., t. 2, p. 190.)]

[2051 bis. Comment doit s'entendre la solvabilité que la loi exige dans le gardien offert par le saisi?

Cela doit s'entendre d'une solvabilité apparente, et non d'une solvabilité qu'il faudrait justifier par la représentation de titres et documents; l'huissier, dit Thomine, no 662, ne doit pas se montrer trop exigeant.

On doit facilement accepter, pourvu qu'il ait d'ailleurs les qualités requises, le gardien qui, offert par le saisi, est censé se charger gratuitement de ces fonctions. (Voy. notre Quest. 2052 bis.)]

ART. 597. Si le saisi ne présente gardien solvable et de la qualité requise, il en sera établi un par l'huissier.

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(1) Au surplus, quand cette distinction ne serait pas fondée, quand on admettrait que, d'après l'art. 6, la fonction de gardien ne fût pas volontaire sous l'empire de l'ordonnance, nous ne verrions aucune raison de décider qu'elle fût forcée sous l'empire du Code, qui abroge toutes les lois antérieures, et qui ne contient aucun texte qui puisse obliger un citoyen à accepter la commission de gardien. Il y a plus c'est qu'il nous semble aujourd'hui que la fonction de séquestre ellemême est volontaire, puisqu'elle n'eût été forcée qu'en vertu de dispositions qui n'ont pas été renouvelées par le Code, et qui, conséquemment, ainsi que le fait observer Merlin, Repert., au mot Séquestre, t. 12, p. 3, ne peuvent plus faire loi par elles-mêmes.

Nous devons dire que Lepage, hoc. tit. Quest., p. 401 et 402; Berriat, note 35, émettent une opinion

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manière; enfin, Pothier, chap. 2, art. 5, § 1, dit expressément que l'office de gardien est une espèce de fonction publique, et que c'est par cette raison que si la personne que l'huissier veut établir refuse d'accepter, l'huissier doit l'assigner devant le juge, qui la condamnera à se charger de la garde, si elle n'a quelque cause d'excuses qui l'en exempte; excuses qui sont ordinairement fondées sur la qualité des personnes, ou sur l'état, ou sur l'âge et les infirmités.

Mais nous remarquerons que les commentaqu'en se fondant sur la disposition de l'art. 6, teurs de l'ordonnance n'ont émis cette opinion portant qu'après sa nomination, le séquestre serait assigné pour faire serment devant le juge, à quoi il pourrait être contraint par amende et par saisie des biens.

En cela, ces commentateurs avaient peutètre confondu deux commissions qu'on devait soigneusement distinguer: celle donnée par un huissier pour la garde des choses saisies, et celle donnée d'autorité du juge au régime d'une chose litigieuse; en un mot, ils avaient confondu le gardien et le séquestre. (V. Rodier, sur l'art. 1er du titre XIX.) C'est le séquestre seulement qui était obligé d'accepter la commission, s'il n'avait pas d'excuses légitimes; mais aucun texte de l'ordonnance ne déclarait que celle du gardien fût forcée (1), et nous pensons que, sous l'empire du Code, elle est entièrement volontaire.

[L'avis de Carré est, avec raison, partagé par Pigeau, Comm., t. 2, p. 189; Dalloz, t. 24, p. 78, no 2, et Thomine, no 662.

On peut, en faveur de cette opinion, tirer

contraire, qu'ils fondent sur ce qu'il serait difficile de trouver un gardien solvable, si l'on était libre de refuser sans motifs cette commission. Mais nous répondons que la condition que le gardien soit solvable, ne paraît rigoureusement exigée que pour le cas où c'est le saisi qui le présente (art. 596), et non pour celui où l'huissier l'établit lui-même (art. 597). Or, l'huissier trouvera toujours facilement un homme de confiance qui se chargera de la garde, moyennant le salaire fixé par l'art. 54 du tarif. C'est aussi ce qui se fait tous les jours, et aucune des parties ne peut s'en plaindre : le saisissant, parce que l'huissier est responsable envers lui du gardien qu'il commet; le saisi, parce qu'il est sans intérêt, la loi ne lui enlevant aucun moyen de veiller, comme auparavant, à la conservation des effets.

argument soit de l'art. 598, qui défend d'im- | difficile de trouver, parmi les personnes qui la poser cette charge au saisi, à son conjoint, à rempliraient, quelqu'un qui consentit à accepses parents, alliés ou domestiques, sans leur ter la charge. Cet auteur se borne à exiger que consentement; soit des art. 316 et 1014, Code le gardien choisi soit majeur, contraignable proc. civ., qui déclarent volontaires les fonc- par corps, etc. Carré exprime transitoirement tions d'expert et celles d'arbitre, quoique con- la même opinion, à la note de la question préfiées par la justice. cédente. Thomine en conclut, no 662, que ni l'huissier ni le saisissant ne sont responsables des faits du gardien établi par le premier. (Voy. aussi Quest. 2062.)

Si les charges que leur exercice entraîne ont paru suffisantes pour ne point obliger les personnes désignées à les accepter, n'en doit-il pas être de même de la fonction de gardien, qui, indépendamment de la fatigue et des soins qu'elle exige, comporte d'ailleurs la contrainte par corps? Nul ne doit être forcé de se soumettre à de pareilles charges.

Favard, t. 5, p. 32, à la note, adopte aussi cette opinion; mais il ajoute :

<< Si cependant le saisi était un homme influent dans la contrée, et que le gardien nommé par l'huissier n'eût aucune raison plausible d'en refuser la fonction, le juge pourrait la lui confirmer, parce qu'en définitive l'huissier ne peut pas être réduit à l'impossible et que l'ordre public exige que force demeure à justice pour l'exécution des jugements et des obligations.» Sans doute la justice doit avoir le droit de réprimer un concert frauduleux destiné à empêcher la saisie de produire ses effets; mais ces cas extraordinaires ne rentreraient-ils pas sous l'application de l'art. 600?

Berriat, de la saisie-exécution, no 33, fait remarquer combien il sera difficile à l'huissier de trouver un gardien volontaire qui réunisse les conditions requises. Nous répondrons que cet inconvénient ne suffit pas pour légitimer une pareille atteinte à la liberté individuelle. Pigeau, Comm., t. 2, p. 190, dit que le saisi peut du moins être établi gardien sans son consentement; mais 1o il a été déjà démontré, avec l'autorité de Pigeau lui-même, qu'en général la charge de gardien n'est pas forcée; 2o à l'égard du saisi, spécialement, ce principe est écrit d'une manière formelle dans l'art. 598: le saisi, son conjoint, ses parents, alliés et domestiques pourront être établis gardiens de leur consentement.

Mais Pigeau pense que le mot leur ne s'applique qu'aux conjoints, parents, alliés, domestiques, et point au saisi; cette distinction est toute gratuite, et les règles de la construction grammaticale ne la justifient point.

Pigeau ajoute que sa décision se fonde sur l'analogie des art. 821 et 850, qui permettent, dit-il, d'établir le saisi gardien, malgré lui, dans la saisie-gagerie et la saisie-revendication. Or ces articles ne disent rien de semblable.] [2052 bis. Le gardien que l'huissier établit d'office doit-il être solvable, aussi bien que celui que peut présenter le saisi? Thomine, no 662, dit qu'on ne peut exiger de lui cette condition, parce qu'il serait très

11 nous semble, au contraire, que l'huissier chargé d'accomplir un mandat attaché à son titre public, doit être responsable de ses actes, et que, s'il a choisi un gardien insolvable, il ne pourra s'excuser sur la difficulté qu'il y aurait eu à en trouver un autre; l'insolvabilité notoire devrait au moins retomber sur sa tète, comme l'enseigne Pigeau, Comm., t. 2. p. 189. « L'huissier qui choisit seul et établit un gardien, a dit la cour de cassation, le 18 avril 1827 (Sirey, t. 27, p. 295), est responsable de sa moralité et de sa solvabilité. » Et c'est aussi ce qu'a jugé la cour de Paris, le 20 août 1828.

Sans doute, comme l'a fait observer la cour de Poitiers, le 7 mars 1827 (Sirey, t. 27, p. 157), il serait injuste et déraisonnable de rendre, indistinctement et dans tous les cas, l'huissier responsable de l'individu qu'il a préposé à la garde des effets saisis; mais aussi, ajoute la même cour, il y aurait les plus graves inconvénients à le décharger trop légèrement de toute espèce de responsabilité, dans le cas de négligence, d'infidélité et d'insolvabilité absolue du gardien par lui imprudemment choisi.

On voit que la question d'imprudence on de fraude, dont serait entaché le choix de l'huissier, dépend complétement des circonstances, et que, par conséquent, la cour de Colmar a pu, le 12 décembre 1826, décharger de toute responsabilité celui qui avait choisi un gardien d'une moralité avouée, quoique insolvable.

Mais il ne faudrait pas décider, en principe, qu'il peut impunément n'avoir aucun égard à ces diverses conditions et prendre sans examen, le premier venu.

Cette opinion modérée et indulgente a été plus récemment sanctionnée par la cour de Rouen, les 5 décembre 1831 et 18 août 1832 (Devilleneuve, t. 33, 2o, p. 454), et par la cour de cass., les 24 avril 1833 (Devilleneuve, t. 35, p. 456, 1, p. 415) et 25 janv. 1836 (ibid., t. 56, 1, p. 286), qui ont jugé que ce n'est qu'en cas de connivence de fraude, ou de négligence, qu'un huissier est responsable de l'insolvabilité et des faits d'un gardien établi par lui; ces deux derniers arrêts ont même donné pour motifs la différence de rédaction entre les art. 396 et 597, dont l'un exige que le gardien offert par le saisi soit solvable, tandis que l'autre n'exprime pas cette condition pour le gardien établi d'office. (Voy. notre Quest. 2031 bis.)

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