Page images
PDF
EPUB

confection de l'ordre : or, il était reconnu que le saisi avait joui, et même au delà, de cette augmentation.

Mais, relativement à celle du double, il a été décidé qu'il n'y avait point lieu, dans l'espèce de l'art. 753, à donner cette augmentation. Malheureusement la cour n'a pas autrement motivé sa décision, qui, sans cela, nous eût offert de précieux éléments pour l'explication de ces mots : voyage ou envoi et retour; expliplication sur laquelle nous ne serons aidé par aucune décision judiciaire, et que les auteurs n'ont point donnée avec les développements dont elle nous paraît susceptible. Nous soumettrons à cet égard, sur l'art. 1055, les raisons que nous avions déduites pour les adversaires de la partie saisie, dans une consultation à laquelle des jurisconsultes distingués ont concouru. Ces raisons trouveront quelque appui dans l'arrêt précité, puisque la cour en adopté les conséquences.

[Nous renvoyons notre solution à l'article 1053.]

2563. La partie saisie ou les créanciers

[dre, de la faculté de prendre cette communication, à la différence de la partie saisie, qui ne l'est que par l'effet de la clôture de l'ordre, terme naturel de la commission du juge.

Nous croyons cette décision parfaitement conforme au texte de la loi. Et en effet, si l'on admettait le système contraire, c'est-à-dire que la partie saisie pût contredire après la clôture de l'ordre, on contreviendrait évidemment à l'esprit et au texte de l'art. 755, qui veut que les contredits du saisi soient faits sur le procès-verbal, conséquemment avant qu'il soit clos, et de l'art. 758, d'après lequel les contestations sont renvoyées à l'audience par le juge-commissaire, avant que l'ordre soit | arrêté définitivement.

La cour de Paris a rendu, le 26 avril 1815, une décision semblable à celle de la cour de Rennes, et par là, ces deux cours ont su conacilier le silence de la loi, relativement au saisi, avec la disposition rigoureuse qu'elle contient à l'égard des créanciers, puisque l'arrêt ne range pas le saisi dans la même classe que ceux-ci, et lui accorde l'exercice de la faculté de prendre communication et de contredire jusqu'à la clôture de l'ordre, attendu que la loi ne le déclare pas forclos; mais nous ne devons pas dissimuler que le contraire a été jugé par

sont-ils encore recevables à contredire sur le procès-verbal, lorsque, le délai prescrit par l'art. 755 étant expiré, le jugecommissaire a fait la clôture de l'ordre ?

Nul doute pour la négative, relativement aux créanciers, puisque l'art. 756 prononce contre eux la peine de forclusion; mais ce même article ne s'expliquant pas à l'égard de la partie saisie, on pourrait soutenir qu'elle ne doit pas être assimilée aux créanciers, attendu que l'on ne peut étendre les dispositions rigoureuses à un cas qu'elles n'ont pas expressément prévu.

La cour de Rennes, par l'arrêt cité sur la question précédente, a encore eu à prononcer sur cette difficulté, qu'elle a résolue contre le saisi.

Elle a considéré qu'il résultait des art. 758 et 759 qu'à l'expiration des délais fixés par les art. 753 et 756, le juge commis à un règlement d'ordre en fait la clôture de son propre mouvement (roy. notre Quest. 2178); que, dès lors, l'opération dont il avait été charge est terminée; en sorte que la partie saisie se trouve, par cela seul, déchue de prendre communication et de contredire; qu'on ne peut opposer à cette décision les dispositions de l'art. 726, qui prononce la forclusion seulement contre les créanciers, et dire que cet article et l'art. 755 ne prononçant pas la même peine contre le saisi, elle ne peut être encourue par lui; car si la loi, gardant le silence sur ce dernier, déclare forclos les créanciers, faute par eux d'avoir pris communication dans le délai d'un mois, il s'ensuit que, ce délai une fois expiré, ils sont déchus, dans le cas mème où le juge-commissaire n'aurait pas clos l'or

arrêt de la cour de Metz du 22 mars 1817 (Sirey, t. 19, 2o, p. 134).

[La jurisprudence paraît se fixer dans le sens indiqué par ce dernier arrêt. (Grenoble, 18 fév. 1818; Caen, 22 juill. 1822; Limoges, 7 fév. 1825; Bordeaux, 11 juin 1827; Rouen, 27 déc. 1839, et Riom, 16 mars 1841; (Devilleneuve, t. 41, 2o, p. 358.) Persil, Rég. hyp., t. 2, p. 431; Berriat, h. t., note 12, et Favard, t. 4, p. 60, admettent aussi, relativement au délai de forclusion, une distinction nécessaire entre les créanciers produisants et le saisi.

Toutefois, Pigeau, Comm., t. 2, p. 428, est demeuré fidèle à l'opinion contraire. Cet auteur fait observer que la partie saisie a été mise en demeure de prendre communication en vertu de l'art. 755; or, dit-il, cette mise en demeure doit nécessairement produire un effet, et elle n'en produirait pas s'il était permis au saisi, même après ces délais, de soulever des contestations.

Il nous semble que la question peut se résoudre par les termes, non de l'art. 755, mais de l'art. 756, sous lequel, du reste, elle serait beaucoup plus convenablement traitée. L'une de ces deux dispositions indique les personnes à qui sommation devra être faite, mais l'autre détermine celles qui, faute de contredire, seront forcloses de ce droit après le délai fixé par la loi : or, au nombre de ces personnes ne figure pas la partie saisie: Est-ce un oubli du législateur? Nous ne le pensons pas. Les deux articles sont trop rapprochés l'un de l'autre pour qu'on puisse supposer que, dans

le second, le législateur veut modifier l'éco- |
nomie qui règle le premier. Quand la forclu-
sion doit atteindre également les créanciers
et la partie saisie, la loi s'en explique en ter-
mes formels, notamment au titre de la Distri-
bution par contribution, dans l'art. 664,
analogue à l'art. 756, du moins quant aux
expressions. Il nous paraît donc certain que le
législateur n'a prononcé ni voulu prononcer
aucune déchéance contre la partie saisie. Et
pourquoi défendrait-on à celle-ci de contre-
dire après le délai d'un mois? Ce temps expiré,
il est incontestable que les créanciers autres
que les produisants seraient admis à contester.
Pourquoi le saisi, qui n'a d'autre intérêt que
celui de la masse, ne jouirait-il pas du même
droit? Du reste, Carré convient que le délai
d'un mois n'est pas à son égard le terme fatal:
il fixe ce terme à la clôture de l'ordre. Qui ne
voit que cette détermination purement arbi-
traire est en contradiction avec sa doctrine,
fondée sur les termes de l'art. 756 ?.... Au
surplus, si Carré a voulu dire uniquement,
comme l'a fait l'arrêt de Rouen précité (et
nous croyons que c'est là le fond de sa pensée)
que le saisi ne sera plus en droit de contredire,
du moment où les choses auront cessé d'être
entières, nous serons en cela parfaitement de
son avis. En effet, ce point de départ de la
forclusion est le seul qui soit admissible, dans
le silence de la loi. Mais il n'est pas subor-
donné à la clôture de l'ordre. Ce moment est
celui de l'ordonnance d'exécution rendue
contradictoirement entre tous les intéressés,

de la délivrance des bordereaux de collocation,
c'est-à-dire antérieur quelquefois et le plus
souvent postérieur au fait de cette clôture.

Quant à la solution de Carré, relativement à l'époque de la forclusion des créanciers produisants, elle nous parait être la conséquence exacte des termes de l'art. 756. (Voy. infra, nos Quest. 2564 et 2565 bis.)]

[2563 bis. Le débiteur saisi peut-il critiquer l'ordre de collocation, lorsque nul des créanciers ne s'en plaint?

mise en second ordre, s'ensuit-il que le saisi à qui l'excédant du prix est dû, s'il en existe, ait les mêmes raisons pour garder le silence et doive laisser inscrire une dette qu'il n'a jamais contractée ou qu'il a payée? Il nous est impossible d'admettre une telle conséquence, que repoussent d'ailleurs, comme nous l'avons déjà dit, les expressions formelles de l'article 755. (Voy. notre Quest. 2356 quater, in fine.]

ART. 756. Faute par les créanciers produisants de prendre communication des productions ès mains du commissaire danş ledit délai, ils demeureront forelos, sans nouvelle sommation ni jugement; il ne sera fait aucun dire, s'il n'y a contestation.

[ocr errors]

[Notre Comm. du Tarif, t. 2, p. 242, nos 36 à 63.] Tar. rais., nos 631, 652.] C. de proc., art. 660, 664,758, 778.-C. de comm., art. 515.-[Devilleneuve, vo Ordre, nos 60 bis à 70.-Locré, t. 10, p. 148, no 95.]

2564. En quoi consiste la forclusion prononcée par l'art. 756?

Elle consiste, dit Tarrible, p. 681, en se servant des expressions de la première loi sur le régime hypothécaire, celle du 9 mess. an III, en ce que les créanciers deviennent non recevables à élever aucune discussion sur l'ordre, le rang des hypothèques et la légitimité des créances, sans qu'il soit nécessaire de faire une nouvelle sommation, ni de prendre un jugement qui prononce la forclusion.

Mais on ne doit pas conclure de là, disionsnous dans notre Analyse, no 2555, que cette déchéance s'étende jusqu'au droit de figurer ultérieurement dans l'ordre. Celui qui ne prend pas communication est censé approuver l'état dont la confection lui a été dénoncée,

mais il ne renonce pas à sa propre créance.

A l'appui de cette opinion, l'on pourrait citer deux arrêts, l'un de la cour de Paris du 11 mars, l'autre de celle de Rouen du 15 août 1815 (Sirey, t. 15, p. 161 et 103). Mais d'après un arrêt de la cour de cassation du 2 déc. 1814, on doit admettre le contraire, puisqu'il a décidé que le créancier qui est appele à l'or

La cour de Rennes, le 23 janv. 1815, lui a refusé ce droit, et la même doctrine paraît résulter des motifs d'un arrêt de Paris du 26 déc. 1810. Il nous est, quant à nous, impossi-dre, qui a produit, qui a mème, en qualité de ble de l'approuver. L'art. 755 autorise le saisi, aussi bien que tous les créanciers, à formuler son contredit et ne subordonne l'exercice de cette faculté à aucune condition. Il ne nous paraît pas moins inexact de dire qu'il est sans intérêt pour se plaindre dans ce cas en effet, le règlement provisoire statue non-seulement sur la préférence à accorder aux diverses créances, mais encore, et en premier lieu, leur existence. Or, de ce qu'un créancier, colloqué en première ligne souffre qu'une partie dont les droits peuvent être contestés soit ad

poursuivant, provoqué le règlement provisoire. sans faire ni opposition ni réclamation, qui, ensuite, n'a pas contredit dans les délais l'etat de collocation, est forclos et ne peut interve nir dans les contestations qui s'élèvent ulterieurement entre les créanciers provisoirement colloqués (1).

sur

(Sirey, t. 22, 26, p. 13), a décidé que la forclusion est de (1) La cour d'Orléans, par arrêt du 29 août 1821 droit, d'après ces expressions de l'art. 756: demeurent

[Nous avons peu de chose à ajouter aux explications de Carré, en ce qui concerne les effets généraux de la forclusion; nous ferons seulement remarquer, avec la cour de Besançon, 15 juill. 1814, qu'elle est générale et s'applique à tous les moyens soit de forme, soit de fond; avec la cour de Grenoble, 9 janv. 1827 (Sirey, t. 27, p. 216), qu'elle peut être opposée par les créanciers en tout état de cause (bien que nous admettions avec Carré, à la note, que les juges ne devraient pas la prononcer d'office), et enfin, avec la cour de cass., 10 déc. 1834 (Devilleneuve, t. 55, 1re, p. 26), qu'elle atteint les créanciers poursuivants aussi bien que tous les autres produisants (1).

nouveau règlement provisoire qui aurait lieu par suite de l'insuffisance ou de l'annulation du premier?

Ces questions nous paraissent assez importantes pour que nous consacrions à chacune d'elles un examen particulier. (Voy. les questions suivantes.)]

[2564 bis. La forclusion de prendre communication emporte-t-elle celle de contredire?

En cas d'affirmative, cette forclusion pourrait-elle du moins n'être prononcée qu'après la clôture de l'ordre?

Ces deux questions ont été résolues par la jurisprudence contre le créancier négligent.

Relativement aux cas de forclusion, ce qui est le point résolu par l'arrêt de cassation préLa cour de Grenoble, 22 juillet 1810, se foncité, il est évident qu'il ne s'agit point là de dant sur une interprétation littérale de l'arforclusions de créances, comme on pourrait ticle 756, avait admis que la forclusion prol'induire de certaines expressions de Carré, et noncée par cet article n'était relative qu'au de la citation d'un arrêt de Rouen qui statue droit de prendre communication des pièces; pour ce dernier cas, mais bien de la forclusion mais il est évident que la déchéance de ce droit du droit de contester, la seule dont s'occupe emporte celle de contredire. Juger le conl'art. 756. puisque sa disposition n'est appli- traire, ce serait méconnaître l'économie de la cable qu'aux créanciers qui ont produit. Nean-loi qui, dans l'art. 755, réunit dans le même moins il peut arriver, comme on le conçoit délai l'exercice de cette double faculté; ce sesans peine, que le rang attribué à une des par-rait ne tenir aucun compte de la volonté du ties dans le règlement provisoire soit, en fait, la même chose que l'exclusion de sa créance, ce qui lui donne un grand intérêt à contredire: il est donc utile de déterminer avec exactitude la nature et l'étendue de la forclusion prononcée par l'art. 756. La question s'est presentée sous diverses faces qui peuvent se résumer ainsi :

La forclusion de prendre communication des pièces emporte-t-elle celle de contredire? En cas d'affirmative, les effets de cette forclusion ne doivent-ils pas du moins être reculés jusque après la clôture de l'ordre qui serait demeuré ouvert après l'expiration du délai déterminé par l'art. 753?

Cette déchéance, en admettant qu'elle soit absolue, est-elle de nature à priver celui qui l'a encourue du droit d'invoquer l'extinction totale ou partielle des créances colloquées?

Enfin, le créancier forclos ne pourrait-il pas du moins intervenir dans une contestation élevée entre d'autres créanciers qui ont contredit en temps utile, ou contester dans un

législateur, qui est d'empêcher que des contes-
tations sans cesse renaissantes ne viennent
éterniser la procédure d'ordre. Nous pouvons,
en faveur de notre opinion, rapporter un en-
semble imposant de décisions, rendues par les
cours de Besançon, 15 juillet 1814; cass.,
10 janv. 1813; Grenoble, 3 mars 1821 ; Caen,
27 juill. 1815, 9 oct. 1815 et 6 mars 1821;
Orleans, 29 août 1821 (Pasicrisie, à cette date);
Limoges et Bourges, 19 juill. et 22 nov. 1822
(Sirey, t. 1, p. 5; l. 2, p. 63; t. 6, 2, p. 574, 375,
474); Lyon, 1er déc. 1826; Bordeaux, 24 fév.
1829; Nimes, 12 août 1829 et 18 juin 1832
(Devilleneuve, t. 33, 2o,
p. 299).

Les mêmes arrêts ont décidé que la forclu-
sion s'acquiert par la seule expiration du délai,
et qu'on ne peut la faire dépendre soit de la
clôture de l'ordre, soit de tout autre acte du
juge-commissaire : c'est la conséquence exacte
des principes que nous venons d'exposer (2).]
[2564 ter. La forclusion de contredire prive-
t-elle le créancier qui l'a encourue du

forclos sans nouvelle sommation ni jugement; qu'ainsi, elle peut être prononcée d'office par les tribunaux, même quand elle ne serait pas proposée par les parties, et qu'à plus forte raison elle doit l'être, même lorsque les parties l'invoquent, seulement quand la cause est prête à recevoir décision, ou même sur l'appel.

Nous croyons bien que la forclusion peut être opposée en tout état de cause; mais nous ne pensons pas qu'elle puisse être prononcée d'office, puisqu'elle est établie dans l'intérêt des créanciers parties au règlement

d'ordre, et non par des considérations d'intérêt public. (1) [La cour d'Agen, 16 mai 1838 (Devilleneuve, t, 38, 2e, p. 240), a cependant voulu excepter les syndics représentants de la masse; mais nous ne comprenons pas les motifs de cette distinction.

Nous n'approuvons pas non plus un arrêt de Toulouse, 9 juin 1824 (Sirey, t. 26, p. 105), d'après lequel, au créancier contesté seul appartiendrait le droit d'opposer la forclusion à celui qui l'attaque. C'est une faculté que doivent avoir tous les créanciers en cause.] (2) [ Brux., 30 janv. 1822 (Pasicrisie belge).]

droit d'invoquer l'extinction totale ou | seigne Merlin, Rép., vo Ordre de créanciers. partielle des créances colloquées?

» Nous supposons, dit ce célèbre auteur, que les priviléges et hypothèques qui viennent concourir à la distribution du prix d'un même immeuble ont été bien établis dans leur ori

» Il suit évidemment de cette doctrine, que le créancier sur qui les fonds manquent, peut toujours et jusqu'à la délivrance des deniers, examiner la validité des titres produits et le mérite des inscriptions prises aux fins de ces mêmes titres.

» Cela est si vrai que, le 16 oct. 1808, la cour de cassation a décidé qu'on pouvait, sur l'appel d'un jugement qui ordonne la collocation d'un créancier, demander la nullité de son inscription, alors même qu'elle n'avait point été demandée on première instance.

Ici, les motifs de solution que nous avons donnés sur le question précédente ne nous paraissent plus applicables; en effet, le créan-gine; qu'ils ont été conservés, et que les créancier forclos ne conteste ni la légitimité ni ciers nantis de ces droits ont produit et justifié l'ordre des créances, il se borne à prouver de leur titre. qu'elles sont éteintes par l'un des modes que prévoit la loi civile on ne peut pas dire par conséquent qu'il élève un contredit dans le sens véritable de ce mot; sans doute le résultat de sa prétention peut être de changer les rangs déterminés par le règlement provisoire, mais ce n'est point là une conséquence susceptible d'entraver l'exercice d'un droit conforme aux principes d'équité, qui ne veulent pas qu'une somme soit payée sans être due. Il peut aussi arriver que le fait à raison duquel s'élève l'opposition au payement soit postérieure à l'époque déterminée pour la présen. tation des contredits; les cours de cassation, 17 janv. 1827, et de Nimes, 16 déc. 1850 (Sirey, t. 51, p. 189), en le décidant ainsi, se sont conformées à l'esprit de la loi, et nous n'approuvons pas moins un arrêt de Lyon du 7 juin 1859, d'après lequel la forclusion ne pourrait être opposée au créancier dont le contredit constitue un moyen de défense destiné à repousser ou du moins à paralyser l'effet d'un autre contredit. Il est bien interdit à ce créancier de contester, mais non de se défendre. (Voy. notre Quest. 2558 quater.)

La même solution doit être adoptée à plus forte raison, lorsque le fait de l'extinction du droit résulte du propre aveu du créancier : ce dernier point a été savamment discuté dans une consultation délibérée à Rennes, le 5 mai 1825, par Carré, Toullier, Jumelais et Grivart, consultation que nous allons textuellement rapporter :

« Le conseil soussigné estime, sur les fins de non-recevoir proposées par le sieur Caugette, 1o que si, en thèse générale, le créancier forelos suivant l'art. 756, Code proc. civ., ne peut être admis à contester les créances colloquées avant la sienne, ce principe doit nécessairement souffrir exception, dans le cas où ce créancier oppose non-seulement un défaut de qualité, mais encore lorsque l'aveu de ce dernier anéantit le titre en vertu duquel il demande néanmoins la collocation.

» En effet, pour pouvoir intervenir dans un ordre, il faut nécessairement avoir qualité et intérêt; en d'autres termes, avoir un titre de créance bien établi c'est aussi ce qu'en

[ocr errors]

Mais, si, après un ordre clos, et lorsque tous les délais pour contredire sont épuisés on peut encore, et pour la première fois sur l'appel, demander la nullité d'une inscription hypothécaire, à fortiori peut-on demander que celui-là qui reconnaît n'être pas créancier soit écarté d'un ordre dans lequel il n'a aucun droit pour se présenter, puisque, de son propre aveu, la créance qu'il réclame n'existe pas à son profit.

» Le bon sens et la justice disent que, pour réclamer une créance, il faut absolument ètre créancier; mais lorsque, soi-même, on a détruit son propre titre, il est impossible d'admettre que l'on puisse néanmoins prétendre à être colloqué.

[ocr errors]

Quand on irait jusqu'à supposer que l'article 756 peut s'entendre dans le sens le plus rigoureux, c'est-à-dire que le créancier qui n'aurait pas contredit en temps utile ne put pas contester même la légitimité de la créance de celui qui est colloqué avant lui, toujours faudrait-il entendre cet article dans ce sens, que le créancier non colloqué ne pourrait pas demander à prouver contre le titre de celui qui le prime, mais non qu'il ne pourrait pas argumenter de l'aveu mème de celui qui, en décla rant que son titre n'est pas réel, n'a plus dès lors aucun droit à être colloqué (1).

» S'il en était autrement, on arriverait à une conséquence absurde, puisqu'il faudrait dire, qu'encore bien qu'un individu confesse qu'il ne lui est rien dù, il devrait cependant recevoir, au préjudice du créancier légitime.

» La justice, pour nous servir des expressions de d'Aguesseau, t. 3, p. 690, ne refuse ja

(1)[« Un des soussignés estime, comme il le dit, Quest. 2565 de son Analyse raisonnée, d'après Tarrible, qu'après la forciusion, un créancier ne peut plus contester la légitimité de la créance d'un autre

créancier colloqué; mais il est bien d'avis que, dans le cas où un créancier colloqué fait l'aveu que cette qualité ne lui appartient pas, il relève de la déchéance celui au préjudice duquel il a été colloqué.}

mais son secours à ceux qui ont un sujet apparent de l'implorer; mais quand ce sujet n'existe plus, il est manifeste que tout secours doit être dénié à celui qui, contre son propre aveu, sa propre reconnaissance, veut cependant recevoir ce qui ne lui est pas dû.

» Le titre de 1806 étant détruit par la confession du sieur Caugette, l'hypothèque, qui

en est une conséquence, cesse donc aussi d'exister à son profit, et l'ordre ne doit plus être réglé qu'entre les autres créanciers hypothécaires, parce que l'hypothèque prise au nom du sieur Caugette cessant d'exister, le prix qu'il aurait dû recevoir, s'il avait été créancier hypothécaire, se divise nécessairement entre les autres créanciers inscrits.

» Que le sieur Caugette ne dise pas que, la forclusion une fois acquise, on ne peut pas lui opposer son aveu; parce que l'aveu qui a pour objet d'éteindre une créance est une quittance que l'on peut opposer non-seulement avant tout jugement et arrêt, mais encore après.

» En reconnaissant qu'il n'était pas créancier des sieurs Solier fils et de La Rue, le sieur Caugette les a, par cela seul, libérés entièrement de l'obligation de lui payer les 50,000 fr. portés en l'acte de 1806; et cette libération devant nécessairement leur profiter, les créanciers de ces derniers peuvent à leur tour se mettre à leur lieu et place, et opposer au sieur Caugette la fin de non-recevoir qui résulte de

son aveu.

» Vainement dirait-il qu'en reconnaissant qu'il n'était pas créancier, il a déclaré en mème temps que c'était le sieur Duroux qui avait fourni les fonds, parce qu'on lui répondrait toujours que sa seule déclaration ne saurait avoir l'effet de constituer une créance au profit du sieur Duroux, sur les sieurs Solier fils et de La Rue, qui n'ont jamais reconnu ce fait et surtout une créance hypothécaire.

>> Encore une fois, le titre au profit du sieur Caugette une fois anéanti, il ne reste plus rien qui établisse, au profit du sieur Duroux, une créance hypothécaire, et qui donne au sieur Caugette le droit de demander en son nom personnel une collocation dont il ne peut ni ne doit profiter.

|

[ocr errors]

» L'interrogatoire subi par le sieur Caugette fait donc pleine foi contre lui, ainsi que l'enseigne Toullier, t. 10, nos 274 et suiv., et son aveu doit nécessairement se diviser, ainsi que l'enseigne encore le même auteur, t. 10, nos 537 et suiv.»>]

[2564 quater. Le créancier forclos pourrait

il intervenir dans une contestation élevée entre d'autres créanciers, qui auraient contredit en temps utile ou contesté dans un nouveau règlement provisoire qui aurait lieu par suite de l'insuffisance ou de l'annulation du premier?

En d'autres termes, la forclusion a-t-elle pour effet de rendre les créanciers inad missibles à faire valoir leurs droits en aucun cas et sous aucune forme?

La question, que nous avons tâché de préciser le plus possible, peut se présenter sous un triple aspect.

Une contestation s'élève entre créanciers, dans le délai qui leur est accordé par la loi, elle est renvoyée à l'audience : dans le cours du débat ainsi agrandi, les créanciers qui n'ont pas contredit à temps auront-ils le droit d'intervenir et de prendre des conclusions?

Le pourront-ils pour la première fois sur l'appel du jugement qui a statué sur la contestation?

Enfin, les créanciers forclos ne seraient-ils pas du moins admis à se présenter et à contredire dans un règlement d'ordre supplémentaire ou nouveau qui serait ordonné par suite de l'insuffisance ou de l'annulation du premier?

Ces questions, qu'il est peut-être utile de résoudre séparément, ont été généralement confondues dans les controverses qu'elles ont souvent soulevées et qui ont été décidées en sens divers par les tribunaux.

En faveur des créanciers négligents, on a dit que la forclusion prononcée par l'art. 756 ne saurait avoir pour effet de les priver du droit de figurer dans l'ordre et d'y figurer en rang utile, si la nature de leurs créances le permet; ils sont parties nécessaires dans l'ordre et dans tous les incidents qui peuvent Si le sieur Caugette persistait à prétendre s'élever à leur préjudice, jusqu'à la clôture déque son aveu doit être considéré comme indi- finitive. Sans cela, les créanciers qui, en provisible, il serait facile de lui répondre que l'ar-duisant, ont satisfait au vœu de la loi, seraient ticle 1556 ne parle de l'indivisibilité de l'aveu moins bien traités que les autres, que l'arque relativement à celui qui l'a fait, et lorsque ticle 757 met à l'abri de toute déchéance. On cet aveu tend à l'obliger; mais, dans l'espèce, a conclu de là que la forclusion, simple peine rien de semblable. On oppose au sieur Cau- de procédure qui n'a d'effet que quant à l'ingette son aveu, non pas pour lui imposer une struction seulement, n'entraine d'autre déobligation, mais uniquement pour justifier la chéance que celle de prendre communication libération des sieurs Solier fils et de La Rue. des titres et de contredire le règlement provi» Ainsi son aveu peut très-bien se diviser, soire, et que toute aggravation de cette rigueur et doit se diviser d'autant plus qu'il n'y a auserait aussi arbitraire qu'injuste. cune connexité, aucun rapport entre les deux parties de l'aveu.

Comme on le voit donc, tout consiste à apprécier l'étendue des droits dont les créanciers

« PreviousContinue »