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distance du domicile réel de la partie, et qu'ils font tous deux courir le délai de dix jours de la signification du jugement à avoué; qu'enfin, l'art. 664 portant que l'avoué du créancier dernier colloqué pourra être intimé, s'il y a lieu, cette disposition complète la démonstration, et supplée au silence de l'article 765.

Un arrêt semblable a été rendu par la cour de Rouen, le 22 septembre 1810 (Pasicrisie, à cette date), attendu que les art. 763 et 669 ont un rapport immédiat que l'on ne doit pas diviser. Cette cour termine ce considérant en exprimant que le système contraire est une erreur évidente.

Pour l'autre opinion, nous pouvons citer deux arrêts, l'un rendu le 20 août 1810 (Sirey, t. 14, 2, 270), par la cour de Riom, l'autre le 25 août 1811 (Sirey, t. 12, 2o, p. 7), par celle de Paris.

Ces deux arrêts ont jugé que l'appel en matière d'ordre doit, à peine de nullité, être signifié à personne ou domicile, et non pas seulement au domicile élu dans l'inscription, parce qu'il n'y a pas, dans ce cas, d'exception à l'art. 456. (Voy. Quest. 2585.)

Quant à nous, l'examen que nous avons fait de la difficulté ne nous laisse pas le moindre doute sur l'exactitude de cette dernière solution; la signification à partie est le droit commun, et les dérogations à ce droit doivent être formellement énoncées; ce qu'il y a de remarquable ici, c'est que, dans le mème article et en ce qui touche la signification du jugement sur contredit, la loi dispose qu'elle sera faite à avoué; mais pour la signification de l'appel, la mème dérogation ne se retrouve plus, ce qui suppose le maintien du droit commun. Cette difference est d'ailleurs bien facile à justifier; comment concevoir qu'une partie assignée ne soit pas personnellement avertie?

On oppose, il est vrai, la disposition de l'article 669; mais c'est là qu'on trouve la démonstration la plus évidente de notre doctrine. Que l'on rapproche les deux textes : l'art. 669, dans une matière bien moins importante comme le fait observer Carré, prescrit la si gnification de l'appel aux avoués de toutes parties; l'art. 763, loin de reproduire cette disposition, exige que le délai de dix jours soit augmenté à raison de la distance du domicile réel de chaque partie; or, que suppose une telle prescription, sinon que les parties seront assignées à leur domicile, en conformité du droit commun auquel nous avons vu qu'il n'était point dérogé?

Encore une fois, cette démonstration nous

Ces deux arrêts ne sont pas autrement motivés; mais les parties qui ont obtenu gain de cause se fondaient sur les expressions mêmes de l'art. 765, qui augmente le délai d'appel à raison de la distance du domicile réel de chaque partie, et concluaient qu'il résultait né-paraît évidente, et il est difficile de concevoir cessairement de cette augmentation que l'appel du jugement d'ordre n'a pas été affranchi de la règle générale.

Telle est notre opinion, ainsi que nous l'avons annoncé en commençant.

Nous la fondons sur ce que l'art. 765 ne contenant pas d'exception à cette règle, comme l'art. 669, ce dernier doit être restreint à son espèce, bien moins importante d'ailleurs que celle du premier. (Voy. Quest. 2193.) Exceptio firmat regulam in casibus non exceptis.

Tel est aussi le sentiment de Thomine, no 208, et celui de Coffinières, t. 3, p. 219.

[La jurisprudence est longtemps demeurée indécise, et ne parait pas encore absolument fixée sur la question; ainsi, la doctrine des cours d'Amiens et de Rouen a été confirmée par arrêts de Paris, 26 mars 1808; Grenoble, 29 juin 1811; Nancy, 25 juillet 1812 (Sirey t. 14, p. 197); Rouen, 21 déc. 1824; Aix, 22 nov. 1826, et Toulouse, 15 juin 1827, tandis que l'opinion de Carré, admise, en outre des auteurs qu'il cite, par Pigeau, Comm., t. 2, p. 440; Talandier, no 220, et Dalloz, t. 21, p. 396, peut invoquer en sa faveur les décisions des cours de Colmar, 24 février 1813 et 25 avril 1817; cass., 16 mars 1820; Grenoble, 4 mars 1825; Brux., 7 mai 1828, et deux arrêts de cass., des 27 oct. 1815 et 15 janvier 1814 (Sirey, t. 14, p. 5).

l'incertitude de la jurisprudence sur ce point.

Du reste, il n'est pas besoin d'ajouter que lorsque l'avoué poursuivant a été colloqué en son nom personnel (par exemple, pour le montant de ses frais), c'est contre lui personnellement que doit être interjeté l'appel, et la signification faite en son étude serait valable. (Metz, 22 mars 1817; Sirey, t. 19, p. 134.)] 2585. L'appel du jugement d'ordre peut-il être signifié au domicile élu, [dans l'inscription?]

Les deux arrêts des cours de Riom et de Paris, rapportés sur la précédente question, ont jugé cette question pour la négative, car ils ont été rendus dans l'espèce où la signification avait été faite au domicile élu par l'inscription, et ont déclaré l'appel non recevable, parce qu'il n'avait pas été signifié à personne ou au domicile réel.

Cependant Hautefeuille, p. 422, regarde comme certain que la signification peut être faite au domicile élu par l'inscription, et, d'après les raisons que nous avons développées sur la Quest. 1632, nous croyons que cette opinion doit être suivie de préférence à celle qu'ont admise les deux arrêts que nous venons de citer. C'est aussi celle que la cour de Rennes a adoptée, par arrêt du 30 août 1814.

[On peut considérer la doctrine et la juris

prudence comme à peu près fixées dans ce dernier sens. (Voy. les opinions conformes de Merlin, Répert., vo Hypothèque, sect. 2, § 2, art. 16; Pigeau, Comm., t. 2, p. 440; Berriat, h. t., note 19; Talandier, p. 204; Persil, t. 2, p. 446; Favard, t. 4, p. 67; Dalloz, t. 21, p. 584, no 12, et Thomine, n° 175, et les arrêts suivants: Besançon, 30 janv. 1818; Orléans, 19 nov. 1819; cass., 16 mars 1820; Limoges, 21 juill. 1821; Bourges, 7 mars 1825; Grenoble, 19 mai 1824, 17 août 1851 et 18 janv. 1855; Bordeaux, 20 fév. 1829, et la cour de Paris, 17 juill. 1811; Sirey, t. 11, p. 487, a décidé qu'il devrait en être ainsi lors même que l'inscription serait arguée de nullité.)

Toutefois l'opinion des arrêts précités de Riom et de Paris n'est pas restée absolument isolée dans la jurisprudence; elle a été admise par les cours de Rennes, 5 juin 1812; Toulouse, 10 mars 1820, et Bourges, 30 août 1815. Nous persistons néanmoins dans l'opinion que nous avons déjà fait pressentir, Quest. 1652; nous nous fondons sur l'article 2156, C. civ., d'après lequel les actions auxquelles les inscriptions peuvent donner lieu seront intentées par exploits faits à personne ou au dernier des domiciles élus sur les registres. C'est en vertu de cette disposition que l'art. 755 prescrit au poursuivant d'assigner les créanciers, afin de produire aux domiciles élus par leurs inscriptions; or, il n'y a pas de raison pour que la procédure suivie en première instance ne le soit pas en appel, et qu'on lui substitue une marche qui présenterait d'ailleurs d'assez graves inconvénients.]

2586. L'appel est-il valablement signifié au domicile indiqué dans le jugement et tous les actes de la procédure, quoique la partie ait choisi depuis un autre domicile?

Nous avons dit, Quest. 2584, que l'appel du jugement d'ordre doit être signifié au domicile réel, comme tout autre appel; mais lorsqu'une partie a déclaré, dans tous les actes de procédure, qu'elle a son domicile en tel lieu, et que ce domicile est indiqué dans le jugement, le changement qu'elle en aurait fait postérieurement n'empêche pas que la signification faite au premier domicile ne soit valable, jusqu'à ce que cette partie ait fait connaitre que son domicile n'est plus le même. C'est ce qui a été jugé, relativement à l'appel d'un jugement d'ordre, par un arrêt de la cour de Paris du 6 fév. 1810 (Sirey, t. 15, 20, p. 189). On sent, en effet, qu'il ne serait pas juste de soumettre l'appelant à faire la signification de son appel dans un autre domicile que celui indiqué par la procédure; domicile que son

adversaire aurait choisi après le jugement et que l'autre partie pourrait ignorer.

Cet arrêt vient prêter un nouvel appui à la solution donnée sur la Quest. 2384, puisqu'il présuppose la nécessité de signifier au domicile de la partie.

[Il semble assez difficile de comprendre exactement la pensée de Carré; de la combinaison des Quest. 2584, 2585 et 2386, il résulte au premier abord quelque embarras; car la première solution admet la signification de l'appel au domicile réel, la seconde au domicile élu dans l'inscription, et la troisième au domicile indiqué dans les actes de la procédure; il faut pourtant bien s'entendre. Si la doctrine admise par Carré, sous la Quest. 2383, est exacte; si c'est au domicile élu que doit être notifié l'appel, il ne peut plus être question du domicile réel, puisque le débat s'agite ordinairement entre créanciers hypothécaires qui tous ont élu domicile dans leurs inscriptions, et nous ne voyons point dès lors quel autre domicile serait indiqué dans les actes de procédure. Il n'est cependant pas impossible de concilier jusqu'à un certain point ces diverses solutions; d'une part, en effet, il est certain que les contredits ne se circonscrivent pas toujours entre les créanciers hypothécaires inscrits; que le débiteur saisi, les créanciers chirographaires peuvent y prendre part, que dès lors, sur l'appel, c'est à leur domicile réel que ces parties seront assignées, puisqu'il n'est pas question, quant à elles, d'inscriptions ni de domicile élu.

D'un autre côté, il est, dans l'ordre, une partie au moins que la procédure d'adjudication a forcée de renouveler son élection de domicile, c'est le poursuivant; vis-à-vis de lui, la cour de cassation, 22 janv. 1806 (Sirey, t. 6. p. 202), a décidé que l'appel devait être notifié au domicile indiqué dans l'extrait du cahier des charges, conformément aux art. 696 et 699 de la loi sur les saisies immobilières; mais comment concilier cette jurisprudence avec celle dont nous avons rapporté les monuments sur la précédente question? Suffira-t il qu'un créancier ait, depuis son inscription, choisi un nouveau domicile, pour que la partie condamnée sur le contredit soit tenue d'y signifier son appel? Carré s'est posé ici cette question, et l'a résolue comme on vient de le voir, mais en se plaçant dans l'hypothèse d'un domicile élu depuis le jugement de condamnation et inconnu de l'appelant; or, si ces deux circonstances n'étaient pas réunies, sa décision ne serait plus la mème.]

[2586 bis. Le délai pour appeler d'un jugement rendu sur un ordre doit-il, dans tous les cas, éire restreint à dix jours? Il faut remarquer que le délai ordinaire accordé aux parties, pour relever appel du ju

gement qui leur infère grief, est fixé à trois mois par l'art. 445, C. proc. civ.; que c'est par exception à ce principe que l'art. 763 restreint le même délai à dix jours, mais seulement pour les jugements rendus sur contredits, et non pas, en termes généraux, sur tous ceux qui peuvent intervenir en matière d'ordre, ce qui donne lieu à se demander, dans bien des cas, si c'est le délai ordinaire ou le délai exceptionnel qu'il faut observer.

La cour de cass., 1er avril 1816, a décidé, en confirmant un arrêt de Metz du 7 janvier 1814 (Sirey, t. 16, p. 415), que la dérogation de l'art. 763 s'appliquait généralement à tous les débats qu'un ordre peut soulever, et qu'il importait peu que le jugement n'eût statué ni sur des difficultés de procédure, ni sur les contredits des créanciers poursuivants; que l'unique question était de savoir si le jugement était intervenu dans un ordre. Les cours de Toulouse, 7 mai 1821; d'Amiens, 19 juillet 1822, et de Rennes, 7 fév. 1818, se sont prononcées dans le même sens, ainsi que Berriat, h. t., note 5, no 4, et Favard, t. 4, p. 64; on peut aussi rattacher à cette doctrine un arrêt de Riom, d'après lequel le jugement de jonction de deux ordres doit être attaqué dans les dix jours de sa signification.

Un principe aussi absolu est loin toutefois de réunir l'assentiment unanime de la jurisprudence.

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contestations du règlement définitif, l'appel, d'après les nombreux arrêts rapportés sur la Quest. 2576, qui l'autorisent, peut être interjeté dans le délai ordinaire de trois mois.

Ces divergences proviennent surtout de ce que ceux qui veulent restreindre le délai sont dominés par le désir d'éviter des complications et des longueurs essentiellement incompatibles avec la procédure d'ordre, tandis que les partisans de l'opinion contraire se renferment dans le texe précis de la loi.

Il suffit effectivement de rapprocher l'article 765 de tous ceux qui le précèdent, pour s'apercevoir qu'il statue seulement pour les jugements rendus sur contredits dans un ordre ouvert en justice; mais que la rapidité et la simplicité des formes qu'il introduit dans cette matière ne seraient plus que rigueur et arbitraire dans des cas différents.

C'est donc aux seules contestations sur le règlement provisoire qu'il faut, selon nous, restreindre l'application de cette disposition; mais comme il n'est pas plus permis de rien retrancher d'une dérogation que d'y ajouter, l'art. 765 statuant pour toutes contestations, en général, qu'elles portent sur l'ordre ou sur la quotité des créances, ou sur la qualité des créanciers, nous ne saurions admettre la doctrine des arrêts de Rouen, de Paris et de Rennes ci-dessus mentionnés, en ce qui concerne les demandes qui auraient pu faire la Ainsi, en ce qui concerne une demande qui, matière d'une action principale; car les parbien que formée incidemment à l'ordre, pou-ties, s'étant soumises à la procédure d'ordre vait faire la matière d'une action principale, et n'avait pas besoin de contestations au procès-verbal, les cours de Rennes, 29 janvier 1817; Rouen, 10 mars 1824, et Paris, 5 janvier de la même année, ont, dans des espèces diverses, reconnu que les parties ne doivent pas être privées du délai de trois mois que leur accordent les règles générales de l'appel.

Même décision des cours de Caen, 25 novembre 1824, et de Poitiers, 25 janvier 1827, quant au jugement qui règle la distribution du prix à l'amiable, en conformité, soit de l'article 749, si les créanciers sont tombés d'accord, ou de l'art. 775, s'il n'y a pas plus de trois créanciers inscrits sur un immeuble volontairement aliéné. Le jugement d'homologation d'un ordre amiable peut aussi être attaqué après les dix jours et dans les trois mois de la signification, suivant les cours de Metz, 12 août 1814; Nancy, 16 août 1851 (Devilleneuve, t. 58, 2o, p. 451, à la note), et Grenoble, 50 août 1852.

Enfin la cour de Brux. a été plus loin, en décidant, le 28 novembre 1811, que l'art. 763| n'est applicable qu'aux jugements qui statuent sur contredits, ce qui ne doit s'entendre que des contredits sur règlement provisoire; car en ce qui concerne les jugements rendus sur

et au mode de contredit qu'elle établit, doivent en subir toutes les conséquences, dont l'une des plus importantes est la disposition de l'art. 765.]

2586 ter. Les dix jours dont se compose le délai d'appel du jugement sont-ils francs? Quid si le onzième jour est férié? Y a-t-il lieu à augmentation de distances à raison de fractions moindres de trois myriametres? Comment doit être supputée la distance du domicile de l'appelant à celui des intimés?

Nous réunissons ici plusieurs questions du même genre, et qui sont toutes, d'ailleurs, regies par le même principe, à savoir que la matière de l'ordre est soumise à une procédure spéciale, que ne concernent pas les règles ordinaires, et qui repousse toutes celles qui entraveraient la rapidité dont elle a surtout besoin.

Ainsi l'art. 1055, C. proc. civ., d'après lequel le jour de la signification et celui de l'échéance ne sont pas compris dans le délai, n'est pas applicable en matière d'ordre, comme l'ont décidé avec raison les cours de Limoges, 15 novembre 1811; en sens contraire, Brux., 3 novembre 1824 (Sirey, t. 14, p. 85); ce n'est pas à dire toutefois, comme ont paru l'admettre

ces cours, que les jours de la signification et de l'échéance doivent, par cela seul, ètre compris dans le terme. Il faut, sur ce point, rechercher l'intention du législateur; et ces expressions dont il s'est servi, dans les dix jours de la signification, supposent que le jour de l'échéance est compté dans le délai, mais non celui de la signification, comme cela résulte des principes exposés sous notre Quest.. 2515, et comme l'a d'ailleurs jugé in terminis, la cour de Riom. le 31 août 1816.

Quant aux jours fériés qui font partie du délai, les cours de Riom, le 8 janv. 1824, et de Bordeaux, 4 juin 1855 (Devilleneuve, t. 35, 2e, p. 532), ont jugé avec raison qu'ils n'augmentaient pas le délai. (Voy. le développement de notre opinion, Quest. 651 bis.)

Les cours de Riom et de Poitiers, 8 janvier 1824, et 29 avril 1851, ont décidé qu'une distance moindre de trois myriamètres entre le domicile de l'appelant et celui des intimés n'entraînait pas une prolongation proportionnelle. Il existe néanmoins un arrêt contraire de Metz, 15 juin 1824. (Voy. nos Quest. sur l'art. 1035.)

Pour la manière de calculer la distance, nous renvoyons également au même article, où nous établirons une théorie complète sur le mode de calculer les délais.]

[2586 quater. L'appel incident est-il permis d'intimé à intime? Doit-il être interjeté dans les dix jours dont parle l'art. 765? Nous avons déjà décidé, Question 1575, que l'appel incident était permis, en matière d'ordre, d'intimé à intimé, parce que l'appel principal peut avoir pour effet de remettre en question toutes les collocations et d'empêcher, par conséquent, l'effet de la chose jugée. Aux deux arrêts que nous avons cités, nous ajouterons celui de Toulouse, 7 juin 1853 (1).

Par le même motif, et quoique, en règle générale (même Quest. 1573 et Quest. 1575), le délai ordinaire de l'appel nous paraisse devoir être observé, lorsqu'il ne s'agit pas d'un intimé vis-à-vis de l'appelant principal, néanmoins nous pensons, qu'en cette matière spéciale, l'intimé qui a à craindre les résultats que nous venons de signaler peut interjeter son appel incident en tout état de cause, même après l'expiration du délai de dix jours fixé par l'art. 763. Il existe un arrêt contraire de la cour de Bordeaux du 13 juin 1851, mais nous pouvons citer les arrêts conformes des cours de Paris, 9 juin 1814; Rouen, 1er août 1817; Metz, 24 août 1826; Bordeaux, 26 mai 1832, (Devilleneuve, t. 32, 2o, p. 515).]

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[2586 quinquies. Si l'avoué décède après la prononciation du jugement sur les contredits, mais avant la signification de ce jugement, suffit-il, pour faire courir le délai de dix jours, de signifier le jugement au domicile de la partie qui n'a plus d'avoué?

La négative nous paraît certaine. En 1857, nous crùmes pouvoir faire triompher notre opinion devant la cour d'Orléans; mais, contrairement aux conclusions du ministère public, le 10 avril (Devilleneuve, t. 37. 2o, p. 244), cette cour déclara non recevable l'appel interjeté par la partie qui nous avait confié ses intérêts.

A cette époque, nous insérâmes dans le J. des Av. des observations que nous allons reproduire, et dans lesquelles nous persistons, après de mûres et sérieuses réflexions.

La difficulté nous paraît grave, mais nous ne pensons pas que cet arrêt fasse jurisprudence.

Il est fondé sur cette unique argumentation: Toutes les fois qu'il n'y a plus d'avoués, les significations a partie suffisent et produisent le même effet: tel est le vœu de l'art. 148, Cod. proc. civ.

A nos yeux, cette application rigoureuse des art. 147 et 148 fausse complétement l'intention du législateur. Plusieurs jurisconsultes et Part. 147 ne concerne que l'exécution des juquelques cours ont proclamé, en principe, que gements, et n'a pas de rapports avec le cours des délais. Boncenne, t. 2, s'est élevé avec force contre cette doctrine, et non pas par ce motif qu'en cas de décès de l'avoué, l'art. 148 devait faire produire à la signification à partie les effets les plus complets, mais par ce motif tout opposé que la signification préalable à l'avoué est une mesure d'ordre public, parce que la plupart des plaideurs sont peu versés dans la science des choses qui tiennent à la procédure, et ignorent, quand ils reçoivent la notification d'un jugement, quelle est sa nature, s'il faut y obéir, s'il faut l'attaquer en la forme ou au fond, et qu'alors l'avoué seul peut répondre à tous ces doutes et tracer un plan de conduite. N'est-il pas évident alors que, dans l'espèce de l'arrêt d'Orleans, Boncenne repousserait avec force la doctrine qui doit imposer à un malheureux plaideur sans avoué, sans conseil, sans guide, l'obligation de prendre seul un parti, d'apprécier un jugement sur contredits, de se déterminer à interjeter appel dans un délai de dix jours?

Si, avec les cours de Bruxelles, d'Agen, de Liége, de cassation mème, on décide que

(1) [Toutefois, celui qui s'est porté appelant principal d'un jugement d'ordre ne peut pas, après l'appel d'une

autre partie sur lequel il n'a pas été intimé, se rendre appelant incidemment. (Bordeaux, 3 fév. 1829.))

l'art. 147 n'est applicable qu'à l'exécution directe, et non au cours des délais, l'art. 148 devient sans importance et n'est plus qu'un corollaire de l'article qui le précède. Il est certain que si, au moment de l'exécution d'un jugement, l'avoué qui a occupé pour la partie condamnée est décédé, l'exécution doit cependant avoir lieu sans retard et sans reprise d'instance. On avertit la partie que son avoué est décédé, et on passe outre.

Si, au contraire, en adoptant l'opinion du savant auteur de la Théorie de la procédure civile, on se détermine par les motifs qu'il a donnés, on doit forcément décider que, toutes les fois que la signification à avoué ne sera plus possible, la partie devra jouir des plus longs délais pour user d'une voie légale.

On rentre alors dans l'application des principes généraux, et toutes les exceptions introduites par le législateur, en considération de la présence d'un avoué, ne doivent plus être applicables si cet avoué est destitué où décédé. Ainsi, un jugement par défaut a-t-il été obtenu contre une partie ayant avoué, cet avoué est-il décédé ? plus d'application possible de l'art. 137, Code proc. civ.; l'art. 138 devient le seul qui doive servir de règle.

Ainsi encore, le jugement sur contredits rendu, l'avoué de la partie qui a succombé est-il décédé? plus d'application de l'art. 765, car il n'y a pas d'avoué, et la signification dont parle cet article est devenue impossible. Le délai d'appel courra à dater de la signification à partie, mais ce ne sera plus le délai exceptionnel, ce sera le délai général, le délai de trois mois.

Quelles dangereuses surprises doivent être le résultat nécessaire de l'opinion de la cour d'Orléans? Dix jours à un plaideur inexpérimenté, sans conseil, au fond d'une campagne, pour se décider sur les plus graves intérêts qui puissent s'agiter, sur une question hypothécaire, d'où dépend peut-être la dot de sa femme ou le sort de toute sa fortune!...

C'est, dit-on, une matière sommaire que la procédure d'ordre, et c'est dans l'intérêt des parties et des tiers qu'une procédure expéditive a été introduite par le législateur?

D'abord, proclamer qu'une procédure qui s'instruit essentiellement par écrit est une matière sommaire, c'est, en procédure, contrarier toutes les dispositions du Code et du Tarif. Le législateur a voulu qu'elle se jugeât sommairement, avec promptitude, parce que des avoués sont en présence, et, sous ce rapport, il a eu raison; mais juger sommairement, ou juger sans procédure, ce sont deux choses bien différentes, nous l'avons démontré et dans le Journal des Aroués, et dans le Commentaire du Tarif. Cependant si une partie est privée de ce soutien, qui permettait la rapidité de la procédure, tout ne sera pas sus

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pendu lorsqu'il ne s'agira que d'un délai d'appel, mais le delai général ne sera plus que le seul délai applicable. Qu'on veuille bien remarquer que, malgré la célérité tant préconisée du titre de l'Ordre, si un des avoués décède pendant la procédure, il faut nécessairement subir les lenteurs d'une reprise d'instance.

Qu'a voulu dire la cour d'Orléans en parlant des tiers? Qu'ont à faire les tiers à une procédure d'ordre dans laquelle figurent toutes les parties intéressées, saisi ou vendeur, poursuivant et acquéreur, créanciers inscrits? Est-ce donc dans l'intérêt public que cette jurisprudence rigoureuse est adoptée? Mais toutes les autres dispositions du Code de procédure sont la conséquence de la mème sollicitude du législateur, et cette raison nous paraît fort peu satisfaisante. Quant aux parties, n'est-il pas dérisoire de leur opposer que c'est dans leur intérêt qu'on les prive d'un droit dont on jouit, en général, pour la somme la plus modique? Oui, c'est dans leur intérêt si chacune d'elles peut combattre à armes égales, si chacune d'elles a son mandataire choisi, expérimenté, pouvant veiller à ses droits, son avoué enfin, à qui momentanément la loi a conféré tous les caractères d'une partie ; alors on peut abréger les délais sans danger. Mais si l'avoué d'une des parties décède ou est frappé d'une destitution subite, le combat n'est plus égal; la surprise, la déception et le péril le plus imminent remplacent la sécurité qu'avait, avec raison, supposée le législateur; et vouloir que l'abréviation du délai soit dans l'intérêt de la partie qui a succombé, et qui n'a plus d'avoué, c'est se permettre à son égard une amère dérision.

On ne doit pas se préoccuper des inconvénients possibles du système que nous proposons, car les jugements d'ordre sont, en général, signifiés dans le plus bref délai, et il est fort rare que, dans le court espace de temps qui s'écoule du jour du jugement aujour de la signification, un avoué décède ou soit destitué; tandis que les dangers du système contraire se pressent en foule aux yeux de celui qui veut y réfléchir mûrement. Il suffira d'un voyage de dix jours pour qu'un créancier légitime soit ruiné radicalement. Il croyait avoir un avoué à qui il avait donné toutes les instructions nécessaires, il est parti tranquille en son absence, l'avoué meurt; la signification est faite au domicile désert, et à son retour, une fin de non-recevoir (dans son intérêt) lui ferme toute voie de réparation. Il est impossible d'admettre une opinion qui supposerait dans le législateur une légèreté et une imprévoyance vraiment impardonnables.

On peut consulter trois arrêts, Limoges, 1er juin 1822; Bourges, 22 fév. 1825 (Sirey, t. 25, p. 223), et Poitiers, 17 janv. 1827; le premier seul semble contrarier le système de

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