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voie d'exécution forcée sont simples et peu nombreuses, et elles remplacent, par un mode uniforme, les procédures plus ou moins compli

quées, et tout opposées entre elles, qui étaient observées autrefois dans les diverses parties du royaume (1).

QUESTIONS SUR L'ENSEMBLE DU TITRE.

2107. Comment concilier les dispositions par lesquelles le Code autorise la saisiebrandon avec les dispositions des art. 682 et suivants, d'après lesquels les fruits échus après la dénonciation de la saisie immobilière sont immobilisés ?

Il n'y a aucune contradiction entre ces dispositions, parce que les dernières supposent que les fruits pendants ont été compris dans la saisie immobilière, et qu'elles en constituent séquestre judiciaire le saisi, propriétaire du sol. (Voy. Berriat, de la Saisie-exécution, note 77, observation 3; Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, ch. 1°, et nos questions sur les art. 688 et suivants.) [C'est aussi ce qui résulte d'un arrêt de la cour de Brux. du 14 mars 1855, et ce qu'enseignent Dalloz, t. 24, p. 53, et Thomine, no 695. Cette manière d'envisager les fruits et récoltes comme accessoires du fonds, est l'unique base de la fiction légale de leur immobilisation; considérés isolément et dans leur nature propre, ils sont nécessairement destinés, quoique tenant momantanément au sol, à en être séparés un jour, c'est-à-dire à devenir meubles; et c'est à ce double point de vue que le législateur a pu, sans se contredire, permettre ici de saisir mobilièrement ce qu'ailleurs il avait déclaré immeuble.

L'induction naturelle à tirer de cette distinction, c'est qu'on ne peut pratiquer une saisiebrandon sur les fruits d'un immeuble déjà frappé de saisie immobilière, ainsi que le juge l'arrêt précité.

C'est avec raison que la cour d'Agen a décidé, le 18 fév. 1824, qu'une saisie-brandon pouvait être pratiquée sur des récoltes indivises, quoique, sur une saisie-exécution du même créancier, un sursis eût été prononcé jusqu'au partage des meubles.]

2108. La dénomination donnée à la saisie des fruils suppose-t-elle la nécessité de placer des BRANDONS sur les champs ?

Nous avons dit, au commentaire de l'article, que cette dénomination, saisie-brandon, vient | de l'usage où l'on était, en certains pays, de placer sur les champs des faisceaux en paille que l'on appelait brandons, parce qu'ils étaient suspendus à des pieux fichés en terre; mais en

(1) A l'exception de l'art. 626, les dispositions qui prescrivent ces formalités sont tellement simples et faciles à saisir, et dans leur objet et dans leurs motifs,

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conservant la dénomination tirée de cet usage, il est à remarquer que le Code ne l'a pas consacré, et conséquemment que l'on n'est plus tenu à le suivre.

[Cela est évident.]

2109. De ce que le titre de la saisie-brandon indique les fruits PENDANTS PAR RACINES, s'ensuit-il que l'on ne puisse saisir les fruits détachés du sol, mais existant encore sur les terres ?

Non sans doute les art. 2092 et 2093, C. civ., s'y opposent; on doit seulement conclure, à contrario, de la rubrique du titre, que les fruits détachés, mais existant encore sur le sol, sont saisissables par voie de saisie-exécution. Mais Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, ch. 1er, fait observer avec raison qu'il faut en ce cas nommer pour l'exploitation de ces fruits, et dans la forme prescrite par l'art. 594, un gérant, qui aurait pour commission de faire tout ce qu'il faudrait, suivant les circonstances, afin de rendre les fruits à leur destination naturelle et commerciale, en faisant par exemple battre les grains, presser le raisin, piler les pommes; en faisant botteler, enlever, engranger, etc.

[Nous croyons aussi que la seule chose à considérer sur cette question, c'est la forme de procéder: il est évident que l'on ne peut pratiquer la saisie-brandon; car elle n'a lieu que pour les fruits pendants par racines, et de plus, suivant la remarque très-judicieuse de Favard, t. 5, p. 17, les fruits pourraient se détériorer ou périr dans l'intervalle de la saisie à la vente.

Mais rien ne s'oppose, sous un autre_rapport, à ce que les fruits détachés du fonds, et devenus meubles dans la véritable acception de ce mot, ne soient saisis-exécutés.] [2109 bis. Quels sont les fruits que l'on peut saisir-brandonner? Les bois sont-ils susceptibles de l'étre?

On peut saisir, dirons-nous avec Pigeau, t. 2, liv. II, tit. IV, chap. 1er, § 3, art. 2, toutes sortes de fruits pendants par racines, comme blés, foins, légumes, raisins et les productions des arbres, non encore recueillis, à moins qu'une disposition de loi particulière ne les ait déclarés

que la plupart d'entre elles ne nous ont fourni matière à aucun commentaire,

insaisissables dans des circonstances où les intérêts agricoles de certaines localités l'exigent (1).

Mais s'ensuit-il qu'il n'y ait que ce cas d'exception, et, par exemple, comme le même auteur n'hésite pas à le déclarer, qu'on doive comprendre dans cette expression générale de fruits, les bois proprement dits et les arbres de haute futaie?

Nous ne le pensons pas : en effet, si ces fruits naturels ne sont comme tous les autres réellement immeubles qu'en leur qualité d'accessoires du fonds (voy. suprà, Quest. 2107), c'est-à-dire s'ils demeurent meubles par la destination propre de leur nature, il n'en faut pas moins reconnaître, sous un autre rapport, qu'il est impossible de les assimiler aux récoltes dont la mobilisation, se réalisant toujours à des époques fixes ou à peu près, met en danger de fraude les intérêts de certains créanciers. Ici, rien de pareil: le propriétaire est libre de laisser subsister ses arbres tant qu'il lui plait, sans que ni la nature de la denrée, ni l'exigence des créanciers puissent l'obliger aucunement à faire procéder aux coupes. La fixation du délai (six semaines avant l'époque de la maturité) est donc irréalisable dans l'espèce : d'où la conséquence que la saisie-brandon ne saurait être appliquée à cette qualité de fruits naturels, qu'en violation même de la fixation légale qui lui sert de base, et qui peut seule, concilier son principe avec les dispositions générales du Code civil (art. 520); Thomine, n° 697, enseigne cette opinion.

brandonnées sur un usufruitier, la mort de ce dernier, avant la coupe de ces récoltes, aurait-elle l'effet d'annuler la saisie?

C. civ., est ainsi conçu: « Les fruits naturels L'affirmative n'est pas douteuse; l'art. 585, » et industriels pendants par branches ou par >> racines, au moment où l'usufruit est ouvert, » appartiennent à l'usufruitier. Ceux qui sont » dans le même état au moment où finit l'usu>> fruit appartiennent au propriétaire, sans » récompense de part ni d'autre du labour et » des semences, mais aussi sans préjudice de » la portion qui pourrait être acquise au colon » partiaire, s'il en existait un au commence»ment ou à la fin de l'usufruit. »

:

L'art. 585 est absolu il n'admet qu'une exception, c'est le cas des fruits appartenant dants par racines, au commencement ou à au colon partiaire. Du reste, tous ceux penla fin de l'usufruit, appartiennent de plein droit, dans le premier cas, à l'usufruitier, dans le second cas, au propriétaire : une saisiebrandon formée avant le décès de l'usufruitier est donc nulle, si, lors de l'événement qui résout l'usufruit, les fruits sont encore pendants par branches ou par racines.

de droits qu'on n'en a lui-même ; 3° que les

Ces principes, quelque rigoureux qu'ils à une vente de coupe de bois : le bois était ensoient, ont été appliqués par la cour d'Orléans Les motifs de cet arrêt étaient: 1o que tous les core sur pied lors de la mort de l'usufruitier. fruits pendants par racines sont acquis au proDisons toutefois, en ce qui concerne les pé-20 qu'on ne peut transmettre à un tiers plus priétaire à l'instant de la mort de l'usufruitier; pinières, que cette doctrine ne nous parait point devoir leur être appliquée : créées, en effet, dans le but de favoriser la culture de cessé à l'instant de son décès; 4o que les acquédroits de l'usufruitier sur la coupe des bois ont jeunes plants, jusqu'à ce qu'au bout de quel-reurs, en traitant avec un usufruitier, se sont ques années, et lorsqu'ils ont acquis un certain développement, ils soient détachés du sol et mobilisés pour entrer dans le commerce, les pépinières ne présentent, il faut l'avouer, aucune différence caractéristique qui puisse les faire considérer comme échappant à la dénomination générale de fruits, contenue dans l'art. 626. Soumis à une récolte périodique comme ces derniers, les jeunes arbres qui les composent n'en diffèrent que parce qu'ils mettent plus de temps à attendre une maturité convenable. Ils peuvent donc, à l'époque où ce terme approche, être frappés de saisie-brandon. (Rouen, 1er mars 1839; Devilleneuve, t. 39, 2, p. 421.)]

[2109 ter. Si des récoltes étaient saisies

(1) [On en trouve un exemple dans la loi sur la police rurale du 28 sept. 1791, titre ler, sect. 3, art. 4, qui déclare insaisissables les vers à soie pendant leur travail, et la feuille du mûrier qui leur est nécessaire pendant leur éducation.

mis à son lieu et place, et ont du calculer que la perfection de leur contrat de vente était dépendante de l'existence de leur vendeur jusqu'à l'époque où les bois seraient abattus. Cet arrêt, déféré à la cour suprême, a été cassé le 21 juill. 1818; mais par quels motifs? parce que l'usuéchues. On a considéré que l'art. 590 accordait fruitier avait pu vendre des coupes de bois à l'usufruitier la propriété de la coupe du moment où, par l'aménagement, la coupe pouvait être faite.

de cassation a admis une exception, il a conMais, par cela même que l'arrêt de la cour firmé le principe. Ainsi il reste vrai, en thèse générale, que tous les fruits pendants par branches ou par racines, à la mort de l'usu

Cette disposition législative n'est que la reproduction d'une déclaration du roi du 6 fév. 1732.]

fruitier, appartiennent au propriétaire; que l'usufruitier ne peut pas transmettre à ses créanciers plus de droits qu'il n'en a lui-même; que le droit, étant inhérent à sa personne, disparaît avec lui; et que les saisissants ou les adjudicataires, en formant leur saisie, ou en couvrant leurs enchères, ont dû savoir à quoi ils s'exposaient.

L'exercice du droit des créanciers est soumis et subordonné au droit du débiteur, et de même qu'une vente est résolue si le vendeur cesse d'avoir droit à la propriété de la chose vendue,

de même une saisie devient nulle, si la chose saisie cesse d'appartenir au débiteur; c'est toujours, quoique sous une autre forme, l'application du principe resoluto jure dantis, resolvitur jus accipientis.

On demande si, dans ce cas, les créanciers saisissants pourraient réclamer des dommagesintérêts contre les adjudicataires en retard de couper les fruits.

Comme on ne peut être tenu que de sa faute personnelle, et que le décès de l'usufruitier ne peut pas être considéré comme un fait personnel aux adjudicataires, on ne peut exiger d'eux aucune indemnité, avec d'autant plus de raison qu'il y a une époque fixée par la nature pour cueillir les fruits quels qu'ils soient, époque qu'il est difficile d'outrepasser.] [2109 quater. Une saisie-brandon est-elle nulle si elle a été pratiquée pour une somme supérieure à celle due au créancier?

Non, dirons-nous avec un arrêt de la cour de Brux. du 14 mars 1833, parce que bien que l'art. 2216, C. civ., ne soit relatif qu'à la saisie immobilière, sa disposition doit néanmoins, par identité de motifs, être étendue à toutes les autres saisies (1).]

2110. Qu'arriverait-il si les fruits d'un colon ou fermier, étant saisis pour une dette du propriétaire, l'on saisissait pour la dette personnelle du premier les pailles qui sont sur les terres?

A cette question, posée par la section du tribunat, lors de la discussion du projet, on répondit :

1° Que le fermier peut exciper de son bail et agir en ce point comme propriétaire des fruits, et qu'il en est de même du colon, pour la part qui lui revient;

2o Que les pailles appartiennent au domicile et ne peuvent en être séparées, pas plus que les engrais. (Voy. C. civ., art. 524; Locré, t. 3, p. 82.)

(1) [Le même arrêt a jugé que le créancier, poursuivant les héritiers de son débiteur, n'est pas tenu, sous peine de nullité, d'énoncer leurs qualités dans les

[Il ne peut s'élever de doute sur ces positions particulières.]

2111. Comment sera-t-il fourni aux avances nécessaires pour la culture?

C'est à la partie saisissante à y pourvoir, sauf à comprendre les déboursés parmi les frais. (Ibid.)

[Favard, t. 5, p. 17, émet la même opinion, et nous la partageons.]

[2111 bis. En vertu de quel titre peut-on faire la saisie-brandon?

La solution de cette question est écrite dans l'art. 551 du Code de procédure civile: on ne pourra saisir-brandonner qu'en vertu d'un titre exécutoire et pour choses liquides et certaines.

Il y a cependant un cas, dit Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, chap. 1er, § 3, art. 1er, où l'on peut saisir-brandonner en vertu d'une créance non liquide en espèces; c'est celui que prévoit l'art. 819, C. proc. civ., qui contient des dispositions spéciales en faveur des propriétaires de maisons ou de biens ruraux.

Cette exception se trouve consacrée d'ailleurs par un arrêt de la cour de cass. du 30 novembre 1824. (Dalloz, t. 14, p. 352.)] [2111 ter. Le titre en vertu duquel la saisiebrandon a lieu doit-il être signifié en téte du commandement?

Oui, quoique le Code ne le dise pas, lorsque. ce titre n'a point encore été notifié.

Vervoort, p. 35, note x, et Sudraud-Desisles, p. 277, no 937, sont de cet avis, que nous avons déjà émis dans notre Commen taire du Tarif, t. 2, p. 140, no 2.] [2111 quater. Le mandataire, constitué par le même acte qu'un autre mandataire, peut-il, sans le concours de celui-ci, pratiquer une saisie-brandon dans l'intérêt de leurs mandants?

le 2 août 1855, par le motif que rien n'indiLa cour de Bordeaux a jugé l'affirmative, quait, dans l'acte de procuration, que l'un des mandataires nommés ne pût agir sans le concours indispensable de l'autre, et que d'ailleurs les termes du mandat qui les autorisait à poursuivre les divers créanciers par toutes voies et moyens de droit devaient les faire considérer, pris ensemble ou isolément, comme nantis de pouvoirs suffisants pour procéder à une saisiebrandon. Jusque-là, nous approuvons cette décision.

Mais la cour nous semble être allée trop loin lorsqu'elle fait entendre que le commandement

actes de poursuite en saisie-brandon, le motif pris de ce qu'au une loi ne l'exige.]

qui doit précéder la saisie ne constitue qu'un acte de pure administration, à l'accomplissement duquel les termes d'un mandat général pourraient suffire (argum. de l'art. 1988 du C. civ.). Nous croyons, au contraire, que le commandement se lie trop intimement à la saisie-brandon elle-même, pour que l'importance et la nature de cette voie d'exécution forcée dont il participe, n'exigent point que celui qui le signifie soit nanti de pouvoirs exprès, ou du moins tellement étendus qu'on ne puisse lui dénier la qualité en vertu de laquelle seule il procède.]

[2111 quinquies. Les huissiers peuvent-ils procéder concurremment avec les notaires, greffiers et commissaires-priseurs aux rentes publiques de récoltes et fruits pendants par racines, dans le cas de sai

sie-brandon?

La question réduite à ces derniers termes ne peut recevoir qu'une solution affirmative. Il est reconnu, en effet, que les huissiers, dans l'état actuel de la législation, jouissent du droit de vendre publiquement, et aux enchères, des meubles et effets mobiliers, partout où les commissaires-priseurs n'en ont pas obtenu le privilége exclusif.

Or, soit que l'on ne doive entendre par ces mots, meubles et effets mobiliers, des décrets des 21-26 juill. 1790, 17 sept. 1793, et 14 juin 1813, que les choses qui sont meubles de leur nature ou par la détermination de la loi, c'est-à-dire considérées indépendamment de la vente qui peut les affecter (Douai, 14 mars 1826; cass., 8 juin 1831, 4 juin 1834 et 11 mai 1837; Devilleneuve, t. 31, 1re, p. 225; t. 57, 1re, p. 709; t. 41, 1re, p. 402); soit, au contraire, qu'on puisse les étendre également à celles qui ne sont mobilisées que par l'effet de la vente (Rouen, 18 fév. 1826; Sirey, t. 26, p. 316; Brux., 4 déc. 1828 (1); Amiens, 19 fév. 1829; Orléans, 8 mars 1833; Sirey, t. 33, p. 470; et surtout Paris, 5 mai 1826, 19 janv. 1828, 16 mai 1829 et 6 août 1835); il reste toujours "constant que l'exception consacrée par le législateur (art. 626), qui considère comme meubles les fruits non encore détachés, et permet de les saisir mobilièrement, ne laisse aucun doute sur le droit incontestable que les huissiers ont, dans ce cas, d'utiliser le bénéfice créé en leur faveur par les décrets précités.

Quant à la grave question de savoir si le même privilége leur reste acquis, dans tous les cas, c'est-à-dire dans celui où la vente des fruits pendants par racines a été volontaire, comme dans celui où elle résulte forcément d'une saisie-brandon, on peut consulter la sa

(1)[* Les huissiers ont le droit de vendre, concurremment avec les notaires, les bois sur pied, les récoltes et fruits pendants par branches ou par racines. (Brux., CARRÉ, PROCÉDURE CIVILE.-TOXe v.

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vante dissertation de notre estimable confrère Adolphe Billequin, rapportée dans le J. des Av., t. 46, p. 700 à 706, à la suite de la décision de la cour suprême, du 4 juin 1854.

Un projet de loi avait été présenté en 1840, mais il a été retiré en 1841; à la première session, il est présumable que les chambres seront appelées à trancher cette difficulté.] 2111 sexies. Lorsque les récoltes provenant de biens de mineurs dont le père a la jouissance (art. 584, C. civ.), sont saisies pour dettes de ce dernier, peut-il s'opposer à la vente, ou, subsidiairement, demander la distraction de provisions suffisantes pour remplir les obligations à lui imposées par l'art. 385 du même C. civ.?

le Code de procédure, aucun article pouvant On ne trouve, ni dans le Code civil, ni dans s'appliquer directement à cette question; c'est donc par des considérations générales, par des analogies qu'il faut la résoudre.

Le père, qui a la jouissance des biens de ses enfants mineurs, est un usufruitier légal; mais, de même que l'usufruitier conventionnel, il peut être établi sous condition. Ainsi, en matière d'usufruit légal, la loi peut stipuler des conditions à la jouissance qu'elle autorise.

Dans l'espèce proposée, la loi a voulu que des charges fussent imposées à l'usufruit du père; ces charges sont, en outre de celles communes aux usufruitiers, la nourriture, l'entretien, l'éducation des enfants, le payement des intérêts des capitaux, etc.

Le père est donc tenu à des obligations résultant de sa jouissance, et qui servent comme de compensation à cette jouissance; car il est clair que si le législateur n'eût pas cru devoir grever le père de l'éducation, de l'entretien, de la nourriture de ses enfants, il ne l'eût pas gratifié de la jouissance de leurs biens donc les biens des enfants étant, entre les mains du père, un moyen de subvenir aux frais que nécessitent leurs besoins journaliers, le montant de la somme nécessaire à l'accomplissement de cette obligation doit être comme une créance privilégiée dont le gage est assis sur les revenus des immeubles.

La conséquence forcée de ces principes est que, dans le cas de saisie-brandon des fruits, les enfants ont le droit non de s'opposer à la vente pour la totalité, attendu le droit de jouissance de leur père, mais de demander la distraction de provisions suffisantes pour l'accomplissement des charges auxquelles l'art. 385 a subordonné l'usufruit.

D'un autre côté, le Code de procédure (article 381) déclare insaisissables les sommes et

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- LIV. V.

pensions pour aliments. Quoique cet article, soit au titre de la Saisie-arrét, on pourrait par analogie l'appliquer à la question, puisque saisir-brandonner les fruits qui produisent les revenus sur lesquels doivent être prises les sommes destinées à l'entretien et à la nourriture des enfants, c'est réellement saisir les sommes que l'art. 581 déclare insaisissables.

Nous croyons donc que, dans le cas de la question proposée, on doit prélever une provision suffisante pour l'accomplissement des charges imposées par l'art. 383 du Code civil.]

de-la-Lozerais (voy. Code Manuel de jurispr., suivant les maximes de Bretagne, p. 335), on pouvait, en Bretagne, saisir les fruits des prés et ceux des arbres à noyau dès la Saint-George; ceux des autres arbres, des terres ensemencées, des vignes, dès le lendemain de la Saint-JeanBaptiste. Aujourd'hui, le Code a laissé aux tribunaux à décider si la saisie a été faite en temps utile, suivant les époques ordinaires des récoltes, dans chaque localité.

[C'est aussi l'opinion de Dalloz, t. 24, p. 53, et la nôtre; la différence des cultures comme celle des climats rend impossible la détermination fixe d'une époque.

ART. 626. La saisie-brandon ne pourra être faite que dans les six semaines qui préMais de ce que le climat qui a servi nécescéderont l'époque ordinaire de la maturité sairement à fixer l'usage doit guider le juge, des fruits; elle sera précédée d'un com-juge soit lié par l'usage, ainsi qu'il le serait, nous n'entendons pas dire néanmoins que le mandement, avec un jour d'intervalle. par exemple, dans le cas de l'art. 1777 du C. civ., § 2.

Tarif, 29. [Tar. rais., no 489 et 490.] C. civ.,

art. 520. C. proc., art. 638, 819, 821. [Locré, t. 10, p. 21, 79, no 13; p. 119, nos 45 et 46, el p. 210, no 24 (1).] (Voy. FORMULES 493 et 494.)

Il n'a d'autre règle à suivre que sa conscience.]

2113. Le délai dy commandement est-il le même que pour la saisie-exécution?

CCCCLXXVIII. L'époque à laquelle cette sorte de saisie pouvait avoir lieu était diversement déterminée par des usages locaux, qui Nous avons eu occasion, Quest. 1995, d'élaissaient en outre beaucoup de latitude à l'ar- mettre l'opinion dans laquelle nous persistons, bitraire. Il en résultait des contestations qui que ces deux délais sont différents; nous y absorbaient souvent la majeure partie du pro- renvoyons. On y trouvera les développements duit des fruits saisis. Le délai uniforme, fixé nécessaires sur la question controversée que par l'art. 626, a fait cesser ces difficultés. La nous posons ici. Nous nous bornerons à rapsaisie ne peut être faite que dans les six se-peler que notre opinion est fondée 1° sur la maines qui précèdent l'époque ordinaire de la maturité, parce qu'il ne fallait pas autoriser la vente avant le moment où l'on pourrait fixer, par approximation, la valeur des fruits saisis. Si, d'ailleurs, la saisie pouvait avoir lieu plus tôt, les frais de garde seraient augmentés, sans avantage pour le créancier, et en pure perte pour le débiteur.

2112. Est-il, en chaque localité, une règle fixe d'aprés laquelle on puisse déterminer l'époque où les fruits peuvent être saisis? En plusieurs provinces, il y avait à cet égard des usages consacrés par la jurisprudence. Par exemple, en Normandie, on pouvait saisir les grains la veille de la Saint-Jean, jour où la coutume les réputait meubles; les pommes, la veille du 1er sept. (voy. Thomine, no 698); à Orléans, on pouvait saisir les blés avant la Saint-Barnabé (13 juin); les raisins avant la Sainte-Madeleine (voy. Jousse, sur l'art. 1er du titre XXXIII de l'ordonn.) Selon Camus

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considération que la loi n'a point employé les mêmes expressions, en fixant le délai qu'il doit y avoir entre le commandement et la saisiebrandon, et celui qu'elle veut qu'il y ait entre le commandement et la saisie-exécution; 2° sur ce qu'il n'y a même raison pas pour donner même délai, dans l'un et l'autre cas, attendu que si l'on accordait le délai d'un jour franc entre le teur aurait le temps de faire disparaître ses commandement et la saisie-exécution, le débimeubles, tandis que, dans le même espace de temps, il ne peut soustraire à la saisie-brandon ses fruits pendants par racines (2).

[Sous la Quest. 1995, nous avons combattu l'opinion de Carré; nous devons ici partager au fond son sentiment, avec Thomine, no 698; Demiau, p. 413; Dalloz, t. 24, p. 53, et Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, ch. 1er.]

2114. Si l'on ne peut saisir les fruits avant les six semaines qui précèdent leur maturité, quel moyen aura le créancier pour

(1)

JURISPRUDENCE.

[La saisie-brandon qui, même après une séparation de biens, frappe sur les fruits d'immeubles dotaux, est nulle lorsque ces fruits sont nécessaires aux besoins du ménage. (Limoges, 16 fév. 1859.)]

(2) Nous remplaçons ainsi ce que nous avons dit sous le no 2113 de notre première édition, parce qu'il existait une contradiction entre ce que nous exprimions sous ce numéro, et ce que nous avions dit au no 1995.

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