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XII.

LOI DU 31 MARS 1905, MODIFIANT DIVERS ARTICLES DE LA LOI
DU 9 AVRIL 1898 SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL (1).

Notice et notes par M. HUBERT-VALLEROUS, docteur en droit, avocat à la cour d'appel de Paris.

Nous avons exposé dans l'Annuaire de 1902 que la loi du 9 avril 1898 à peine votée avait fait l'objet de réclamations et demandes de modifications nombreuses. La Chambre des députés avait même adopté, le 3 juin 1901, un texte de loi contenant diverses modifications à cette loi. Le Sénat <<< disjoignit» une partie de ces modifications dont il renvoya l'examen à plus tard et vota les autres. La Chambre se résigna à voter à son tour le texte du Sénat qui devint la loi du 22 mars 1902. Ce sont les autres modifications proposées qui, avec peu de changement, forment la présente loi.

Le projet n'a été discuté qu'au Sénat, la commission de la Chambre avait d'abord demandé la « disjonction des deux articles 15 et 16 relatifs à la question de compétence, ce qui avait été voté par la Chambre le 18 décembre 1904. La commission du Sénat maintint ces articles et consentit seulement à en modifier un peu le texte. La commission de la Chambre se résigna et proposa à la Chambre, pour en finir, d'accepter le texte voté par le Sénat; son rapporteur, M. Mirman, faisait remarquer que ce texte donnait en grande partie satisfaction aux desiderata de la Chambre, puisqu'il améliorait sensiblement la situation des ouvriers. La Chambre l'adopta sans discussion.

Art. 1er.

Les articles 3, 4, 10, 15, 16, 19, 21, 27 et 30 de la

loi du 9 avril 1898 sont modifiés ainsi qu'il suit :

« Art. 3.

Dans les cas prévus à l'article 1er, l'ouvrier ou employé a droit :

<< Pour l'incapacité absolue et permanente, à une rente égale aux deux tiers de son salaire annuel;

-

(1) J. Off. du 2 avril 1905. TRAVAUX PRÉPARATOIRES. V. pour les travaux antérieurs à la disjonction, votée par le Sénat, le 14 mars 1902, Annuaire français 1902, p. 100. Senal: 1er rapport suppl., doc. 1903, p. 542; 2° rapport suppl., séance du 1o décembre 1903; 1ro délibér., 14, 16, 21 juin 1904; 3° rapport suppl., doc. 1904, p. 167; 2e délibér., 29 novembre et 1er décembre 1904. - Chambre: rapport, doc. 1904 (session extraord.), p. 489; adoption, 28 décembre 1904. Sénat rapport, doc. 1905, p. 32; adoption, 16 mars 1905. Chambre rapport, doc. 1905, p. 336; adoption, 24 mars 1905.

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« Pour l'incapacité partielle et permanente, à une rente égale à la moitié de la réduction que l'accident aura fait subir au salaire. « Pour l'incapacité temporaire, si l'incapacité de travail a duré plus de quatre jours, à une indemnité journalière, sans distinction entre les jours ouvrables et les dimanches et jours fériés, égale à la moitié du salaire touché au moment de l'accident, à moins que le salaire ne soit variable; dans ce dernier cas, l'in-· demnité journalière est égale à la moitié du salaire moyen des journées de travail pendant le mois qui a précédé l'accident. L'indemnité est due à partir du cinquième jour après celui de l'accident; toutefois, elle est due à partir du premier jour si l'incapacité de travail a duré plus de dix jours. L'indemnité journalière est payable aux époques et lieu de paye usités dans l'entreprise, sans que l'intervalle puisse excéder seize jours (1).

Lorsque l'accident est suivi de mort, une pension est servie aux personnes ci-après désignées, à partir du décès, dans les conditions suivantes :

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a) Une rente viagère égale à 20 % du salaire annuel de la victime pour le conjoint survivant non divorcé ou séparé de corps, à la condition que le mariage ait été contracté antérieurement à l'accident.

«En cas de nouveau mariage, le conjoint cesse d'avoir droit à la rente mentionnée ci-dessus; il lui sera alloué, dans ce cas, le triple de cette rente à titre d'indemnité totale.

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b) Pour les enfants, légitimes ou naturels, reconnus avant laccident, orphelins de père ou de mère, àgés de moins de seize ans, une rente calculée sur le salaire annuel de la victime à raison de 15% de ce salaire s'il n'y a qu'un enfant, de 25 % s'il y en a deux, de 35 % s'il y en a trois et de 40 % s'il y en a quatre ou un plus grand nombre.

< Pour les enfants, orphelins de père et de mère, la rente est portée pour chacun d'eux à 20 °。 du salaire.

(1) y avait doute en jurisprudence sur le point de savoir si l'indemnité temporaire journalière était due le dimanche; la loi nouvelle se prononce dans le sens de l'affirmative.

L'indemnité, d'après la loi de 1898, n'était jamais due qu'après quatre jours pleins d'incapacité de travail et à compter du cinquième jour. La loi de 1905 introduit une innovation avantageuse aux victimes, onéreuse pour les chefs d'industrie.

Les dispositions relatives à la manière de compter le salaire servant de base à l'indemnité ont été écrites pour mettre fin à la pratique de beaucoup de juges de paix qui prenaient pour base le salaire du jour de l'accident, lequel pouvait être dans certaines professions à régime intermittent fort au-dessous ou fort au-dessus de la moyenne.

L'ensemble de ces rentes ne peut, dans le premier cas, dépasser 40% du salaire ni 60 % dans le second.

« c) Si la victime n'a ni conjoint ni enfant dans les termes des paragraphes a et b, chacun des ascendants et descendants qui étaient à sa charge recevra une rente viagère pour les ascendants et payable jusqu'à seize ans pour les descendants. Cette rente sera égale à 10% du salaire annuel de la victime, sans que le montant total des rentes ainsi allouées puisse dépasser 30 %.

« Chacune des rentes prévues par le paragraphe e est, le cas échéant, réduite proportionnellement.

<«Les rentes constituées en vertu de la présente loi sont payables à la résidence du titulaire, ou au chef-lieu de canton de cette résidence, et, si elles sont servies par la caisse nationale des retraites, chez le préposé de cet établissement désigné par le titulaire.

«Elles sont payables par trimestre et à terme échu; toutefois, le tribunal peut ordonner le payement d'avance de la moitié du premier arrérage.

« Ces rentes sont incessibles et insaisissables.

«Les ouvriers étrangers, victimes d'accidents, qui cesseraient de résider sur le territoire français, recevront, pour toute indemnité, un capital égal à trois fois la rente qui leur avait été allouée.

«Il en sera de même pour leurs ayants droit étrangers cessant de résider sur le territoire français, sans que toutefois le capital puisse alors dépasser la valeur actuelle de la rente d'après le tarif visé à l'article 28.

«Les représentants étrangers d'un ouvrier étranger ne recevront aucune indemnité si, au moment de l'accident, ils ne résidaient pas sur le territoire français.

«Les dispositions des trois alinéas précédents pourront, toutefois, être modifiées par traités dans la limite des indemnités prévues au présent article, pour les étrangers dont les pays d'origine garantiraient à nos nationaux des avantages équivalents (1).

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«Art. 4. Le chef d'entreprise supporte, en outre, les frais médicaux et pharmaceutiques et les frais funéraires. Ces derniers sont évalués à la somme de 100 francs au maximum.

«La victime peut toujours faire choix elle-même de son médecin. et de son pharmacien. Dans ce cas, le chef d'entreprise ne peut

(1) Ce dernier paragraphe est une innovation tout à l'avantage éventuel des victimes.

être tenu des frais médicaux et pharmaceutiques que jusqu'à concurrence de la somme fixée par le juge de paix du canton où est survenu l'accident, conformément à un tarif qui sera établi par arrêté du ministre du commerce, après avis d'une commission spéciale comprenant des représentants de syndicats de médecins et de pharmaciens, de syndicats professionnels ouvriers et patronaux, de sociétés d'assurances contre les accidents du travail et de syndicats de garantie, et qui ne pourra être modifié qu'à intervalles de deux ans (1).

«Le chef d'entreprise est seul tenu dans tous les cas, en outre des obligations contenues en l'article 3, des frais d'hospitalisation qui, tout compris, ne pourront pas dépasser le tarif établi pour l'application de l'article 24 de la loi du 15 juillet 1893 majoré de 50%, ni excéder jamais 4 francs par jour pour Paris, ou 3 fr. 50 partout ailleurs (2).

Les médecins et pharmaciens ou les établissements hospitaliers peuvent actionner directement le chef d'entreprise.

«< Au cours du traitement, le chef d'entreprise pourra désigner au juge de paix un médecin chargé de le renseigner sur l'état de la victime. Cette désignation, dûment visée par le juge de paix, donnera audit médecin accès hebdomadaire auprès de la victime en présence du médecin traitant, prévenu deux jours à l'avance par lettre recommandée.

<< Faute par la victime de se prêter à cette visite, le payement de l'indemnité journalière sera suspendu par décision du juge de paix, qui convoquera la victime par simple lettre recommandée.

(1) Cette question des honoraires des médecins a été fort discutée, comme elle l'est aussi à propos des sociétés de secours mutuels. D'une part, il semble qu'on puisse demander aux médecins de faire aux victimes d'accidents comme aux membres des sociétés de secours mutuels de grandes concessions sur leurs prix ordinaires et, d'autre part, les médecins répondent qu'ils doivent vivre de leur travail, que les prix ordinaires, surtout dans les campagnes, sont déjà très bas et qu'il n'y aura bientôt plus, avec les lois récentes, que des assistés ayant droit de réclamer leurs soins pour un taux absolument dérisoire. M. Lourties a pu citer au Sénat (16 juin 1904) une commune où tous les habitan's, y compris le maire, sont inscrits sur la liste de l'assistance médicale gratuite instituée par la loi du 15 juillet 1893.

(2) Un sénateur, M. Gauthier, avait fait remarquer (séance du 29 novembre 1904) que le cumul d'une indemnité avec les frais d'hospitalisation se conçoit pour l'ouvrier marié parce que l'indemnité sert à faire vivre la famille, mais ne se conçoit pas pour l'ouvrier célibataire pour qui cette indemnité est un gain tout net puisqu'il est entretenu à l'hôpital.

Il fut répondu qu'admettre une différence serait faire préférer les ouvriers célibataires puisqu'en cas d'accidents les patrons auraient moins à payer, et la proposition ne fut pas admiɛe.

«Si le médecin certifie que la victime est en état de reprendre son travail et que celle-ci le conteste, le chef d'entreprise peut, lorsqu'il s'agit d'une incapacité temporaire, requérir du juge de paix une expertise médicale qui devra avoir lieu dans les cinq jours.

« Art. 10. Le salaire servant de base à la fixation des rentes s'entend, pour l'ouvrier occupé dans l'entreprise pendant les douze mois avant l'accident, de la rémunération effective qui lui a été allouée pendant ce temps, soit en argent, soit en

nature.

Pour les ouvriers occupés pendant moins de douze mois avant l'accident, il doit s'entendre de la rémunération effective qu'ils ont reçue depuis leur entrée dans l'entreprise, augmentée de la rémunération qu'ils auraient pu recevoir pendant la période de travail nécessaire pour compléter les douze mois, d'après la rémunération moyenne des ouvriers de la même catégorie pendant ladite période.

<«< «Si le travail n'est pas continu, le salaire annuel est calculé, tant d'après la rémunération reçue pendant la période d'activité que d'après le gain de l'ouvrier pendant le reste de l'année.

<«< Si, pendant les périodes visées aux alinéas précédents, l'ouvrier a chômé exceptionnellement et pour des causes indépendantes de sa volonté, il est fait état du salaire moyen qui eût correspondu à ces chômages.

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« Art. 15. Sont jugées en dernier ressort par le juge de paix du canton où l'accident s'est produit, à quelque chiffre que la demande puisse s'élever et dans les quinze jours de la demande, les contestations relatives tant aux frais funéraires qu'aux indemnités temporaires.

<< Les indemnités temporaires sont dues jusqu'au jour du décès ou jusqu'à la consolidation de la blessure, c'est-à-dire jusqu'au jour où la victime se trouve, soit complètement guérie, soit défi. nitivement atteinte d'une incapacité permanente; elles continuent, dans ce dernier cas, à être servies jusqu'à la décision définitive prévue à l'article suivant, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa dudit article.

« Si l'une des parties soutient, avec un certificat médical à l'appui, que l'incapacité est permanente, le juge de paix doit se déclarer incompétent par une décision dont il transmet, dans les trois jours, expédition au président du tribunal civil. Il fixe en même temps, s'il ne l'a fait antérieurement, l'indemnité journalière.

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