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sont réciproques, le garant peut être requis par chacun d'eux ou par tous à la fois. Dans ce dernier cas, le garant a la pleine liberté de peser toutes les réquisitions et de ne répondre qu'à celles qu'il trouverait fondées et dans la mesure où il leur reconnaitrait cette qualité.

Si, au contraire, il y avait pluralité des garants, il y aurait lieu de déterminer quel est le droit du garanti vis-à-vis de chacun d'entre eux, et réciproquement dans quelle mesure chacun des garants est tenu à l'exécution de l'obligation commune? Cette question se présentant identiquement pour les traités principaux de garantie, nous l'examinerons à sa place dans l'étude que nous allons consacrer à ces traités. Nous nous bornerons ici à observer que, dans cette question comme dans toutes les autres en matière contractuelle, l'intention des parties doit être recherchée. Ce principe est encore plus général en Droit international qu'en Droit privé, car ce dernier possède souvent des règles fixes d'interprétation posées par le législateur.

La garantie est un très ancien mode de sûreté des traités internationaux. Au Moyen âge, les puissants vassaux donnaient leur garantie aux traités contractés par leurs suzerains, comme par ex. dans le traité de Senlis, de 1491, entre Maximilien Ier et Charles VIII, roi de France. Avec l'affaiblissement du système féodal et la soumission graduelle des vassaux à la puissance suzeraine, ce genre de garantie avait perdu toute sa valeur. On se vit alors obligé de chercher la garantie équivalente auprès des souverains des États étrangers. C'est seulement à partir de ce moment que nous nous trouvons en présence d'une véritable garantie de Droit international. Elle a été considérée pendant longtemps comme un des moyens les plus efficaces pour assurer l'exécution des traités, et il fut un temps où on l'attachait presqu'à tous les traités de paix. On finit par se rendre compte de tout ce qu'elle avait de défectueux. Les sûretés ont pour but de

prémunir contre la mauvaise foi des contractants, et la garantie présente absolument les mêmes défauts que ceux qu'elle veut corriger le garant lui aussi peut être de mauvaise foi. Et puis Vattel en donnait déjà l'avertissement: « Il faut prendre garde que, sous prétexte de garantie, un souverain puissant ne s'érige en arbitre des affaires de ses voisins et ne prétende leur donner des lois. >>

DES TRAITÉS PRINCIPAUX DE GARANTIE

C'EST-A-DIRE DES TRAITÉS DE GARANTIE PROPREMENT DITS

Nous diviserons cette étude des traités de garantie en trois parties. Dans la première, nous exposerons les éléments constitutifs de ces traités, les différentes stipulations qu'ils contiennent, les effets qu'ils produisent d'après le droit pur, les modalités sous lesquelles ils se présentent et les causes juridiques de leur extinction. La seconde partie contiendra l'exposé historique des principaux traités de garantie, des intérêts qui ont présidé à leur confection et les résultats pratiques qu'ils ont produits. La troisième partie sera notre conclusion sur le rôle de ces traités dans l'organisme international et sur le service qu'ils rendent aux intérêts en vue desquels il ont étés créés.

Nous intitulerons ces trois parties:

I. — Théorie juridique des traités de garantie.

11. Le rôle des principaux traités de garantie dans l'histoire des États en vue desquels ils étaient contractés.

III. La valeur pratique des traités de garantie.

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1. --- THÉORIE JURIDIQUE DES TRAITÉS DE GARANTIE

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QUELS TRAITÉS INTERNATIONAUX RENTRENT

PARMI LES TRAITÉS DE GARANTIE.

Les traités de garantie proprement dits sont des traités par lesquels une ou plusieurs puissances s'engagent soit à respecter, soit à la fois à respecter et à faire respecter un certain état de choses concernant la situation internationale ou même la situation intérieure d'un ou de plusieurs autres États. Les droits ainsi garantis peuvent faire partie de l'exercice ordinaire de la souveraineté, mais ils peuvent aussi constituer certains privilèges exceptionnels au profit de l'État garanti, comme d'un autre côté la garantie peut contenir des clauses restrictives d'indépendance.

Envisagés de cette façon, les traités de garantie nous apparaissent comme un des procédés employés pour l'établissement et le maintien de l'équilibre dans la distribution des forces entre les États. Les forces des différents États variant à l'infini, les plus faibles, abandonnés à leurs propres ressources, deviendraient vite la proie de leurs voisins plus puissants, et les États conquérants, agrandis par plusieurs annexions successives, menaceraient bientôt de leur domination tout le continent.Toutes les entreprises de domination universelle, depuis celle de Charles-Quint jusqu'à celle de Napoléon Ier, ont été combattues et vaincues par les efforts réunis des puissances. Ces efforts, qui se manifestent d'une façon active au moment des grandes crises

politiques, restent, en temps ordinaire, à l'état latent, ce que Montesquieu a admirablement exprimé en définissant l'équilibre: «Un état d'efforts de tous contre tous. >>

Mais l'équilibre une fois établi n'exclut point tout changement ultérieur dans la position respective des différentes puissances. L'expression « d'équilibre européen » ne désigne, en effet, qu'une conception purement abstraite, qui revêt, dans son application matérielle, des formes différentes. Il y eut un équilibre européen établi par les traités de Westphalie (1618), un autre par le traité d'Utrecht (1713), un troisième. par le traité de Vienne (1815), un quatrième après la guerre de Crimée, et enfin un cinquième par les traités de Prague et de Francfort. Ces formes différentes sous lesquelles il s'est successivement présenté n'ont eu chacune qu'un temps déterminé. « Les causes mêmes qui l'ont produit (l'équilibre), dit M. Sorel (1), tendent à le détruire. Pour subsister, il implique l'immobilité, c'est-à-dire l'impossible. Il faudrait en effet que le monde changeât, qu'il n'y eût plus ni forts ni faibles, ni avares ni prodigues, ni indolents ni avides, ni capables ni imbéciles. Il suffit qu'un État se ruine et qu'un autre se réforme pour que l'équilibre soit anéanti. » Ce qu'il y a eu cependant d'essentiel au point de vue de l'ordre international a triomphé de toutes les épreuves la balance s'est toujours rétablie en dépit du poids des forces qui avaient écrasé l'ordre antérieur. Ce qu'on a l'habitude d'appeler la rupture de l'équilibre européen n'est qu'un changement des rôles entre les grandes puissances, celles qui pesaient sur l'Europe devant se résigner au rôle plus modeste de contrepoids. Les puissances gardiennes de l'indépendance des États faibles devenant un danger pour cette même indépendance, celles qui les menaçaient antérieurement se chargeaient à leur tour de la protection de leur sécurité.

(1) L'Europe et la Révolution française, t. I, p. 34.

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