Il est difficile, en présence des événements que nous venons de mentionner, de trouver aucun avantage réel dans les garanties internationales. De Gentz écrivait cependant que quoique des garanties sur le papier fussent de faibles moyens de défense, on aurait tort de les négliger, car elles fournissaient au moins à ceux qui voulaient faire leur devoir et remplir leurs engagements un moyen légal d'agir lorsque les circonstances les y appelaient. >> Mais nous répéterons encore que personne ne conteste aux membres de la grande famille internationale le droit de défendre une nation contre toute agression extérieure. Le Droit commun en contient une justification suffisante. Et en pratique les puissances en usent ou non, chacune suivant son intérêt et ses convenances. Si l'existence, l'indépendance, l'intégrité et la neutralité d'un État sont indispensables ou seulement utiles au maintien de l'équilibre, cet État trouvera des défenseurs, tant que le groupement des forces et des intérêts des grandes puissances sera favorable à cet équilibre. Une garantie formelle de l'une ou de plusieurs grandes puissances n'ajoutera rien à leur sécurité. Ni en 1840, ni en 1853, l'indépendance et l'intégrité de l'Empire Ottoman n'étaient garanties, et cependant l'Europe avait pris la défense de la Turquie et contre son vassal révolté et contre l'agression d'une puissance étrangère. En 1856, on avait passé deux traités pour garantir cette même intégrité et cette même indépendance, et cependant, en 1878, personne ne voulut tirer l'épée en sa faveur. Il ne coûte rien aux puissances de laisser protester leur signature, parce qu'il n'y a pas de juge compétent pour leur infliger la punition. Il en est des traités de garantie en Droit international comme des prescriptions constitutionnelles prononçant des peines contre une rupture d'équilibre établi entre les pouvoirs de l'État. De même que dans l'organisme constitutionnel les différents pouvoirs n'ont que la valeur que leur attribuent les forces morales de la nation qu'ils représentent, de même, les différents États qui composent l'organisme international ne tirent leur sécurité que de l'importance des fonctions qu'ils y accomplissent. La sévérité repressive contre les violations des lois constitutionnelles n'a empêché ni les coups d'État ni les révolutions, et les traités de garantie ne présenteront jamais un obstacle aux conquêtes et aux démembrements. En quoi, par exemple, l'existence du grand-duché de Luxembourg serait-elle aujourd'hui mieux assurée que celle de la Hollande ou du Danemark? « Toutes les garanties, écrivait encore le Grand Frédéric, sont, comme de l'ouvrage de filigrane, plus propres à satisfaire les yeux qu'à être de quelque utilité. » Nous ajouterons même que non seulement les traités de garantie sont inutiles, mais qu'en outre ils peuvent produire des effets pernicieux. Il est à craindre que l'État garanti n'y mette trop de confiance. N'a-t-on pas vu, de nos jours, les esprits les plus distingués de la Belgique contribuer par leur puissante influence au rejet de la loi militaire destinée à donner à l'organisation de la défense du pays le même perfectionnement qui est atteint aujourd'hui par tous ses voisins? Les avertissements amicaux de l'étranger et les protestations patriotiques dans le pays ne firent cependant pas défaut. « La vie des nations est un combat, c'est le décret divin », disait le roi des Belges à ses sujets. Or, les Belges paraissent oublier que, pour soutenir les combats, il faut toujours avoir la poudre bien sèche et l'épée bien aiguisée, deux choses qu'aucune garantie ne saurait remplacer. Enfin l'existence d'un corps politique n'est utile à ses voisins et à l'équilibre général que si les membres qui le constituent sont prêts à chaque moment à faire pour lui tous les sacrifices. Seuls les peuples qui savent se défendre trouveront, à l'heure suprême de la lutte, des défenseurs de leur cause. TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION a. Les deux acceptions différentes du terme traités de 2. Objets des traités de garantie.... a. Garantie de l'indépendance et de l'intégrité territo- riales...... 10 14 15 en faveur de citoyens ou d'une catégorie de 3. Garantie pure et simple et garantie collective... 4. La rupture des traités de garantie.... II. - LE RÔLE DES TRAITÉS DE GARANTIE DANS L'HISTOIRE DES 1. Le Congrès de Vienne et la Sainte-Alliance. Caractère géné- ral des stipulations du premier Traité de Paris et de l'Acte final de la Sainte-Alliance. Développement et applications du sys - tème de la Sainte-Alliance au Congrès d'Aix-la-Chapelle, de Trop- - - - - 65 - 2. Pologne. Les trois partages de la Pologne.-Le Traité du 15/26 - - - - - - 103 3. Confédération helvétique. Organisation fédérale et état poli- - - - - indivisible» et l'Acte de médiation. - L'anarchie fédérale lors de la chute de l'Empire français amène l'intervention des puissances. Analyse des délibérations et des rapports du Comité pour les affaire suisses institué par le Congrès de Vienne. - Quel était le but des puissances intervenantes? - Ces puissances ne songeaient nullement à imposer à la Suisse un Pacte fédéral immuable. Pré- tention contraire et intervention diplomatique des puissances conti- nentales lors de l'affaire de Sonderbund et de la revision du Pacte fédéral. Notes adressées au Conseil fédéral par le prince de Metternich et par M. Guizot. Attitude de lord Palmerston. Discours de M. Thiers, dans la Chambre des députés. Pro- gramme du prince de Metternich. La Suisse n'échappe à une intervention armée que grâce à la Révolution de 1848. Neutrali- sation de certaines parties de la Savoie. Cette neutralisation est faite contre la France et au profit exclusif de la Sardaigne. Elle est devenue caduque par la cession de la Savoie à la France. 141 - - -- - - - - - Belgique. Division des Provinces-Unies des Pays-Bas en Pays-Bas néerlandais et Pays-Bas espagnols. Annexion de la Belgique à la République française. Le premier Traité de Paris stipule la réunion de la Belgique à la Hollande. Conditions Causes du mécontentement des Belges. - - |