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Prusse, Russie et Suède). Son art. 2 stipule que « le royaume de France conserve l'intégrité de se slimites telles qu'elles existaient à l'époque du 1er janvier 1792. Il recevra en outre une augmentation de territoire ». Art. 6, que « la Hollande, placée sous la souveraineté de la maison d'Orange, recevra un accroissement de territoire... Les États de l'Allemagne. seront indépendants et unis par un lien fédératif. La Suisse indépendante continuera de se gouverner par elle-même. L'Italie, hors des limites des pays qui reviendront à l'Autriche, sera composée d'États souverains ». Art. 7, que « l'ile de Malte et ses dépendances appartiendront, en toute propriété et souveraineté, à S. M. Britannique ». Art. 15, que « le port d'Anvers sera dorénavant uniquement un port de commerce ». Enfin, art. 32, que « dans le délai de deux mois toutes les puissances qui ont été engagées de part et d'autre dans la présente guerre enverront des plénipotentiaires à Vienne, pour régler, dans un Congrès général, les arrangements qui doivent compléter les dispositions du présent traité ».

Les articles séparés et secrets posent quelques bases fondamentales de la répartition d'une partie des territoires enlevés à la France.

Les conditions que les vainqueurs imposèrent à la France ne furent point rigoureuses. Ils suivirent dans une large mesure la juste maxime proclamée par M. de Talleyrand: « que le meilleur moyen d'éviter de nouvelles guerres, c'est de ne pas humilier une nation grande, forte, et de lui donner pleine satisfaction dans ses intérêts, même dans son orgueil, afin qu'elle ne cherchât plus à se faire justice elle-même. >> Néanmoins la France sortait relativement amoindrie de la brillante épopée de la Révolution et de l'Empire. L'éclat incomparable de ses victoires s'était retourné contre elle. L'Europe la jugeait trop forte, et tandis qu'elle la faisait rentrer dans ses anciennes frontières, tout fut agrandi

autour d'elle. Dans son histoire du Congrès de Vienne, M. Thiers reproche à la diplomatie française de s'être liée par avance les mains en se présentant au Congrès de Vienne avec un traité qui réglait définitivement son sort. L'éminent homme d'État et historien prétend qu'au milieu des discordes qui y survinrent, et par suite de la grande situation que la France y avait acquise, elle aurait pu facilement arracher de nombreuses concessions. Mais l'important est de savoir jusqu'à quel point la France était libre de s'engager définitivement par le traité de Paris, et ensuite si la grandeur de son rôle à Vienne n'était pas due précisément à son désintéressement forcé au milieu des compétitions opposées.

En exécution de l'art. 32 du traité de Paris, le Congrès devait se réunir à Vienne dans le délai de deux mois, c'est-àdire le 1er août 1814. Mais les deux monarques, russe et prussien, retardés par un voyage à Londres et dans leurs États, n'arrivèrent à Vienne que le 25 septembre. Neuf jours auparavant, le 16 septembre, les quatre grandes puissances alliées, l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie ouvrirent les réunions préparatoires, exclusives. Les quatre alliés avaient la prétention de régler entre eux toutes les questions pendantes, notamment la distribution « des territoires vacants ». En se basant sur le premier article secret du traité de Paris ils arrêtèrent la procédure suivante pour les travaux du Congrès : Délibérer entre eux quatre sur la distribution des territoires enlevés à la France, ses alliés et ses protégés; à mesure que les résolutions seraient prises, les communiquer aux plénipotentiaires de la France et de l'Espagne, qui seraient admis à émettre leur avis et à présenter leurs objections, qu'on discuterait ensuite. Toutes les autres questions seraient traitées dans la Conférence des huit puissances signataires du traité de Paris, sauf à s'enquérir de l'opinion des autres États sur les points qui les concernaient spécialement. Quant à la question de l'organisation de l'AL_

lemagne, l'Autriche et la Prusse devaient s'entendre entre elles et soumettre leur projet à l'approbation des autres États allemands.

Ces prétentions soulevèrent les plus vives inquiétudes parmi les États secondaires, et les mirent à la remorque de la France, mécontente, elle aussi, du rôle subalterne qu'on avait voulu lui faire jouer dans le règlement des questions d'intérêt général européen. Lorsque, dans la séance du 22 septembre, les quatre alliés prirent une résolution formelle dans ce sens, M. de Talleyrand protesta vivement en déclarant que, la paix étant signée, il n'y avait plus d'alliés et que tout ce qui serait fait sans l'assentiment de la France ne serait pas obligatoire pour elle. Il se prononça pour le Congrès général que les huit puissances signataires du traité de Paris devaient convoquer conjointement sans avoir elles-mêmes d'autre droit que de déterminer les titres et les conditions nécessaires pour y être admises. Ces principes prévalurent en grande partie et, le 8 octobre 1814, les représentants des huit puissances signèrent une déclaration convoquant le Congrès pour le 1er novembre.

Le 30 octobre, les plénipotentiaires des huit puissances se réunirent chez le prince de Metternich, où une commission fut élue, pour la vérification des pouvoirs. On nomma le prince de Metternich président du Congrès, en sa qualité de représentant du monarque chez lequel on était réuni. Toutes les questions de préséance furent écartées pendant la durée du Congrès.

On procéda ensuite à l'organisation intérieure et à la distribution des travaux. Les huit signataires du traité de Paris formèrent le comité dirigeant du Congrès, qui devait avoir la haute main sur tous les travaux, et qui, en outre, était compétent pour toutes les questions de forme. Les questions. de fond furent reparties entre les différents comités spéciaux.

En réservant à des chapitres spéciaux l'étude des dispositions du traité de Vienne ayant trait soit aux frontières, soit à l'organisation intérieure et à la position internationale, soit enfin aux avantages particuliers concédés aux différents pays, nous nous arrêterons ici brièvement sur l'esprit général qui avait présidé à la confection de ce traité dans son en semble.

<< Quand on suit avec attention, dit M. Capefigue (1), la pensée et les dispositions du Congrès de Vienne, on est frappé de son esprit général et prédominant: toutes les précautions de ce Congrès sont dirigées contre l'ardeur conquérante de la nation française qui, pendant dix années, avait troublé l'Europe. » Le Congrès de Vienne développait l'œuvre ébauchée par le traité de Paris. Toutes les questions et tous les arrangements qui procédaient directement de cette pensée reçurent rapidement leur solution. Les « quatre > étaient d'accord sur tous ces points, et la moindre objection de la part de la France, la moindre difficulté opposée par elle aurait seulement contribué à resserrer les liens qui commençaient déjà à se relâcher.

Mais à mesure qu'on s'éloignait de la frontière française, les difficultés surgissaient. Le royaume de Saxe et le grandduché de Varsovie, appartenant tous les deux au roi de Saxe, surpris un des derniers dans l'alliance française, excitèrent si vivement les convoitises des vainqueurs, que l'alliance signée, à Chaumont, quelques mois auparavant, pour une durée de vingt ans, fut complètement oubliée.

L'empereur Alexandre désirait ardemment s'annexer tout le duché de Varsovie. Cependant ce duché était composé de provinces polonaises qui, dans les partages antérieurs, étaient échues principalement à la Prusse. Pour dédommager celle-ci de sa perte, Alexandre lui abandonnait la Saxe

(1) Comte d'Angeberg, Le Congrès de Vienne et les traités de 4815. Introduction historique, p. 60.

dont le roi était prisonnier prussien et devait se contenter d'un petit territoire sur la rive gauche du Rhin. Cet arrangement allait bien à la Prusse, à laquelle il assurait une situation prépondérante en Allemagne.

Le projet rencontra une opposition énergique de la part de l'Autriche et de l'Angleterre. Le Congrès réuni, M. de Talleyrand, entrant immédiatement en lice, se rangea du côté de l'Autriche et de l'Angleterre et apporta ainsi à leur cause la voix de la France et toutes les ressources de son talent personnel. Les choses allèrent si loin que, le 3 janvier 1815, un traité d'alliance fut signé entre l'Autriche, la France et la Grande-Bretagne contre les prétentions russoprussiennes. M. de Talleyrand avait suivi dans cette occasion la ligne politique tracée dans les Instructions de Louis XVIII à son ambassade au Congrès de Vienne : « En Italie, c'est l'Autriche qu'il faut empêcher de dominer, en opposant à son influence les influences contraires; en Allemagne, c'est la Prusse. >>

La question de l'organisation allemande présentait des difficultés non moins sérieuses. Les cinq États allemands, l'Autriche, la Prusse, la Bavière, le Wurtemberg et le Hanovre, s'arrogèrent, avec l'assentiment du Congrès, le droit de discuter exclusivement les bases de cette organisation. Toutes les protestations des petits Etats furent repoussées sous prétexte que les discussions d'un grand nombre de plénipotentiaires seraient interminables. Toutefois, même dans le comité ainsi restreint, l'entente ne pouvait se faire, l'Autriche et la Prusse cherchant à établir leur suprématie exclusive en Allemagne, et la Bavière et le Wurtemberg demandant que cette suprématie fût partagée entre les cinq États réunis.

La nouvelle du débarquement de Napoléon au golfe Juan, arrivée à Vienne le 5 mars, précipita les délibérations du Congrès, et les difficultés paraissant encore la veille inter

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