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Après avoir fait un tableau douloureux sur les désastres publics, il s'adressa au ministre des relations extérieures (Caulaincourt) : « Vous parlez de paix! dit-il; quel nouveau moyen avez-vous de communiquer? quelles bases nouvelles donnez-vous à vos négociations? qu'appelez-vous indépendance nationale ? L'Europe a déclaré la guerre à Napoléon; séparez vous、 désormais le chef de la nation? Pour moi, aujourd'hui je le déclare, je n'entends que la voix de la patrie; je ne vois qu'un homme entre nous et la paix. Au nom du salut public, dévoilez-nous les secrets de votre nouvelle politique; montrez-nous toute la profondeur de l'abîme; peut-être nous restera-t-il dans notre courage des moyens, et la patrie sera sauvée, etc. »

Ce discours improvisé d'une âme bien née, et l'amie de sa patrie, émut l'assemblée, et obtint l'approbation de la chambre. Lucien déploya toutes les ressources de l'art oratoire; vainement il iuvoqua les sermens qui lient la France; il invoqua même jusqu'à la générosité publique pour son frère: il fut apostrophé sur sa conduite privée et publique : « Nous avons suivi votre frère dans les sables de l'Afrique, dans les déserts de la Russie; les ossemens français attestent notre fidélité coupable, s'écria un membre.

Les ministres, les députés se succédoient

dans leurs accusations, dans leurs défenses. Sur la proposition de M. Gautier ( de l'Ain), il fut nommé une commission pour prendre, dans la nuit, des mesures de salut public.

Seconde abdication de Napoléon adressée aux deux chambres.

22 JUIN. «

Français en commençant la guerre pour soutenir l'indépendance nationale, je comptois sur la réunion de tous les efforts, de toutes les volontés, et le concours de toutes les autorités nationales. J'étois fondé à en espérer le succès, et j'avois bravé toutes les déclarations des puissances contre moi. Les circonstances paroissent changées. Je m'offre en sacrifice à la haine des ennemis de la France; puissent-ils être sincères dans leurs déclarations, et n'en avoir jamais voulu qu'à ma personne ma vie politique est terminée; et je proclame mon fils sous le titre de Napoléon II, empereur des Français. Les ministres actuels formeront provisoirement le conseil de gouvernement. L'intérêt que je porte à mon fils m'engage à inviter les chambres à organiser sans délai la régence par une loi. Unisez-vous tous pour le salut public et pour rester une nation indépendante. »

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La chambre des soi-disant représentans a eu la lâcheté de voter un dernier hommage, dit-elle, «< à celui qui fut si long-temps le chef de l'état, et qui payait si généreusement ses serviteurs; elle a mis sous la sauve-garde de l'honneur national celui qui à eu la bonté de livrer la France à l'ennemi.... « O honte !

Cette déclaration agite tous les partis, les patriotes buonapartistes pensent qu'il n'y a qu'une insurrection contre les royalistes qui puisse les sauver, et maintenir l'abdication de Napoléon en faveur de son fils; les républicains veulent proclamer la république ; les militaires à demi-solde et les fédérés se disposent à faire un coup de main; les lazzaronis de Paris et les voleurs veulent un pillage: grâce au génie de Fouché, la tranquillité n'a pas été troublée: le café de la Montansier, au Palais-Royal, est fermé par ordre de la police, ainsi que la réunion des fédérés, rue de Grenelle; les boutiques du Palais-Royal et celles de la rue Vivienne sont fermées. Le calme est rétabli par les patrouille de la garde nationale; les compagnies sont divisées et subdivisées, de manière que chaque caporal a sous son commandement les huit gardes nationaux logés le plus près de chez lui, et il est chargé de les prévenir la nuit, à domicile; par ce moyen, en moins d'un quartd'heure, une force imposante se trouve réunie

sans qu'il soit besoin de battre la générale, qui jette ordinairement l'alarme parmi les bons citoyens et avertit les malveillans.

Les marchands d'estampes ont ordre de faire disparoître les caricatures injurieuses pour la famille des Bonrbons.

Paris a donc encore été sauvé dans cette circonstance par les précautions du ministre de la police contre les intentions des membres conventionnels dans les deux chambres, qui vouloient un soulèvement.

23 JUIN. Les deux chambres nomment la commission du gouvernement, composée du duc d'Otrante (Fouché), président, Carnot, le général Grenier, Caulaincourt (duc de Vicence), et Quinette.

24. Proclamation de la commission de gouvernement: « Dans l'espace de quelques jours, des succès glorieux et des revers affreux ont de nouveau agité vos destinées. Un grand sacrifice a paru nécessaire à votre paix et à celle du monde. Napoléon a abdiqué le pouvoir impérial; son abdication a été le terme de sa vie politique. Son fils est proclamé; des plénipotentiaires sont partis pour traiter an nom de la nation, et négocier avec les puissances de l'Europe cette paix qu'elles ont promises à une condition qui est aujourd'hui remplie. Le monde entier va être attentif comme

vous à leur réponse; leur réponse fera connoître si la justice et les promesses sont quelque chose sur la terre.

L'empereur s'est offert en sacrifice en abdiquant, etc. >>

24 JUIN. M. Otto est parti la nuit dernière pour Londres, en qualité d'envoyé du gouvernement, dont la mission a pour objet de demander au gouvernement britannique un asile en Angleterre pour Napoléon et sa famille. MM. d'Argenson, Sébastiani, Lafayette, Laforêt, et Pontécoulant sont partis pour le quartiergénéral des souverains alliés, à Manheim. M. Benjamin Constant leur est adjoint comme secrétaire-rédacteur; mais ils doivent auparavant se rendre au quartier-général du lord Wellington, qui, en sa qualité de commandant en chef sur toute la ligne, depuis le Rhin jusqu'à la mer, peut seul leur livrer les passeports nécessaires.

25 JUIN. La commission de gouvernement provisoire, vu la résolution des deux chambres, portant que tous les Français sont appelés à la défense de la patrie, arrête: «Que les jeunes gens de 1815, restant des cent soixante mille hommes, dont la levée a été ordonnée le 9 octobre 1813, seront sur-le-champ mis en activité; les individus faisant partie des bataillons de gardes nationales de grenadiers

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