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» à la mairie. » Il sort, il est massacré dans la rue; un feu de joie s'allume autour de son cadavre mutilé. D'autres sont frappés au milieu des champs. Ils ont eu tort de se croire obscurs ou chéris de leurs concitoyens. Quelquefois les meurtres s'étendaient sur plusieurs personnes d'une même famille. Un assassin, en rencontrant la femme d'un calviniste, la conjurait d'être sans défiance et lui faisait offrir sa maison comme l'asile le plus sûr. A peine le proscrit entra-t-il sous le toit du perfide, qu'il fut égorgé. Un autre calviniste s'échappait sous des habits de femme, il est arrêté, massacré par celui même qui lui a conseillé ce déguisement. Quelquefois on ordonnait à un malheureux fédéré de crier : Vive l'empereur! Il n'avait garde de proférer ainsi l'arrêt de sa mort, et sa désobéissance lui coûtait la vie.

Deux Chivas, deux Clot, Bourillon, Saussine, Combe, Imbert, Leblanc, M. Blot et Rigot, Cambon, un Prussien nommé Sandos, Rant, Calandre, Rambert, Semelin, Gébetin, Lambert, Loriol et Bigonnet, voilà les premiers noms que je rencontre sur ce trop long martyrologe. Parmi ceux-ci il y avait plusieurs officiers en retraite. Le jour de l'Assomption on s'était com

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mandé abstinence de meurtre; mais voici comment on s'en dédommagea. Les assassins s'adjoignirent leurs femmes pour tomber sur les femmes calvinistes et leur faire subir en public un supplice auquel elles eussent préféré la mort. Le jour où nous honorons le modèle et le symbole de toute pureté, ces femmes reçurent le fouet, plusieurs furent frappées d'un battoir garni de clous, marqué de fleurs de lis, et que les infàmes appelaient le battoir royal. Dans diverses relations, je vois nommer des femmes qui expirèrent des suites de ce trai

tement.

Durant cette longue agonie de terreur, deux crimes furent reprochés à des protestans. L'abbé d'Égrigni, ecclésiastique qui n'avait signalé aucune intolérance, fut trouvé percé de coups mortels; le meurtrier était un calviniste qui, traduit devant un tribunal et avouant son crime, fut condamné à mort. Un autre catholique de la ville d'Uzès, nommé Pascal, fut également assassiné. Ici commencent les scènes atroces qui ont donné à cette ville une fatale célébrité. Le meurtre fut imputé, quoique sans fondement, à un jeune protestant nommé Meynier. Bientôt il se forme une bande d'assassins pour venger

un assassinat. On se transporte chez celui qu'on accuse. On ne le trouve point, mais il faut des victimes; son père et son frère sont égorgés. Toutes les maisons des protestans sont livrées au pillage. On tue Mme. Roche, femme d'un vieillard aveugle, on jette par les fenêtres madame Julien, et son cadavre reste long-temps en proie aux fureurs de la populace. Un plus grand crime est conçu.

Un monstre, nommé Graffan, qui avait présidé à ces premiers meurtres, veut un massacre des prisons, pour n'avoir rien à envier aux assassins du 2 septembre. Six protestans, accusés de bonapartisme, ont été conduits dans la prison d'Uzès. Graffan boit déjà leur sang dans sa pensée. Ses premiers attentats lui ont donné l'autorité d'un dictateur. Il commande au concierge de livrer les prisonniers à lui et à sa bande. L'humanité et le sentiment du devoir se sont réfugiés dans le cœur de cet homme. Il défend ses prisonniers au péril de sa vie; puis il va trouver le commandant pour recevoir ses ordres Le commandant donne un ordre verbal, conforme aux vœux du féroce Graffan. Celui-ci se contente d'extraire d'abord deux prisonniers, il les conduit sur la place de l'esplanade, et, sous les fenêtres de la maison

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du sous-préfet, qui n'était point absent, les prisonniers sont massacrés. Seconde visite à la prison, second massacre sur le même lieu. Après une troisième visite les six prisonniers ont cessé de vivre; mais il en restait deux que Graffan n'avait point aperçus d'abord, il réclame cette nouvelle proie. Le geôlier, désespéré, soutient que l'ordre verbal du commandant n'a été donné que pour six. Rien ne pourra lui arracher ceux qui restent sous sa garde. Graffan a pu triompher du commandant, du sous-préfet lui-même, et le geôlier seul se met en devoir de soutenir un combat. Graffan cède par lassitude, non par pitié. Sa vigueur dans les assassinats lui a mérité le surnom de Quatre-Taillons, et ce titre, qui lui est décerné par ses complices, indique qu'il a surpassé les exploits de Trestaillons lui-même.

Ce massacre s'était commis le 4 août. Le 25 du même mois, Graffan reçoit du souspréfet d'Uzès l'ordre de marcher contre des prétendus rebelles qui se rassemblaient à Saint-Maurice, c'est-à-dire contre de pauvres paysans qui voulaient fermer l'entrée de leur village aux bandes d'assassins. Le sous-préfet d'Alais les y avait autorisés et invités. Ils avaient arboré le drapeau blanc,

ils portaient la cocarde blanche. Graffan, fier de sa mission, marche dans la nuit, avec trente hommes de sa bande. Un garde national de Saint-Maurice, placé en sentinelle, a fait à peine entendre le qui vive! qu'il expire sous une décharge de mousqueterie, Graffan poursuit sa victoire, fait six gardes nationaux prisonniers, rentre avec eux dans la ville, et arrive sur la place de l'esplanade; sa cruauté se réveille au souvenir du premier massacre dont il l'a ensanglantée; il amène précisément un même nombre de victimes. En vain ces gardes nationaux montrent leur cocarde blanche comme un signe évident qui dément leur prétendue rébellion. Ils sont tous égorgés en plein jour. Le sous-préfet, M. Vallabrix, est resté immobile.

Ces brigandages et ces assassinats eurent pour effet d'appeler à Nîmes, et dans le département du Gard, des Autrichiens qui descendaient des Alpes. Les magistrats déconcertés n'avaient plus d'autre ressource, et je ne puis blâmer le préfet, M. d'ArbaudJougues, qui succédait à un préfet provisoire, M. de Calvières, sous l'administration duquel s'étaient passés les plus grands attentats; je ne puis le blâmer d'avoir eu recours

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Arrivée des Autritres continuent.

chiens, les meur

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