Page images
PDF
EPUB

1816.

[ocr errors]

l'Europe, au monde; car il est le » la paix générale.

gage de

» Je vous le demande, messieurs, si un » scélérat levait la main sur le meilleur des » rois; si, à l'exemple de son aïeul, de ce » Diable à Quatre d'adorable mémoire, le >> roi s'écriait: Gráce à celui que le gibet épargne! craindriez-vous d'être plus sé» vères que le roi, et feriez-vous grâce au » parricide? Eux aussi ils ont porté la main » sur votre roi; ils l'ont assassiné!

[ocr errors]
[ocr errors]

» Certes, messieurs, il doit nous en coûter beaucoup d'être un moment en contradic» tion avec les désirs du roi, nous qui lui » avons donné tant de preuves d'amour, de » dévouement, de fidélité; nous qui avons >> tout sacrifié pour lui; nous dont le sang a >> coulé pour lui; nous qui, fidèles à nos ser» mens, avons depuis vingt-cinq ans pour » cri de ralliement: Vivre pour le roi, mou» rir pour le roi!

[ocr errors]

Mais, messieurs, n'oublions jamais que >> la devise de nos pères est : Dieu, l'hon» neur et le roi; et si l'inflexible honneur » vous force un instant à dépasser ses vo» lontés, si mécontent de voir ses anciens >> serviteurs contrarier sa royale et pieuse » clémence, il détourne un moment de nous

» ce regard de bonté, notre plus belle ré>> compense; nous dirons, comme les habi>> tans de l'Ouest, comme les nobles soldats » du trône et de l'autel, dont rien ne put >> altérer l'amour pour les Bourbons: Vive » le roi, quand même.... »

L'effet de ce discours avait été préparé par une sorte de transaction tacite entre plusieurs membres de partis opposés. Ceux mêmes qui avaient défendu les conventionnels coupables du vote odieux, le testament de Louis XVI, et deux actes d'amnistie à la main, eussent frémi de les rencontrer dans des fonctions publiques. On eût pu se borner à prononcer législativement cette interdiction politique qui n'offensait pas directement l'amnistié; mais on jugea que leur exil était une garantie plus sûre pour le trône. Les ministres en paraissaient eux-mêmes convaincus, malgré la résistance qu'ils avaient eux-mêmes opposée à cette proposition. Le bannissement parut prononcé à l'unanimité des voix, personne ne s'étant levé à la contre-épreuve : les modérés, après trois victoires dans une même journée, n'avaient pas voulu s'exposer

à une défaite.

La majorité habituelle se composait de près de trois cents voix, nombre qui se re

1816.

1816.

Sort des conventionnels régicides.

trouva depuis dans la chambre septennale; elle en perdit plus de cent vingt dans cette occasion. Quand on désigne encore la chambre de 1815 sous le nom de la chambre aux catégories, on oublie que cent vingt de ses membres les plus prévenus, les plus passionnés, cédant à la voix de la raison, de l'humanité et à celle du monarque, firent le triomphe d'une minorité courageuse, et que cet heureux concours, même en ne produisant qu'une majorité de neuf voix, empêcha notre belle et noble France de tomber dans l'état horrible et honteux où l'application du système des catégories et des confiscations a plongé l'Espagne et le Portugal.

La chambre des pairs adopta ce projet de loi avec l'amendement relatif aux conventionnels régicides. Le duc de Richelieu appuya cet amendement, que d'abord il avait combattu dans l'autre chambre.

Le duc d'Otrante (Fouché) perdit le titre d'ambassadeur du roi auprès de la cour de Saxe, pour être confondu parmi les exilés qui portaient un titre affreux de réprobation. On l'avait trop récompensé, et surtout maladroitement récompensé après la capitulation de Paris. On le punit comme s'il avait été étranger à un événement si nécessaire à la

seconde restauration. Bruxelles devint le séjour et la retraite presque toujours tranquille de la plupart de ces conventionnels. Un prince de l'empire, Cambacérès, dont la cour avait long-temps ressemblé à celle d'un monarque, et qui avait vu dans une modeste attitude plusieurs de ceux qui prononcèrent sur son sort, partagea cet exil dont ses richesses ne pouvaient adoucir l'amertume. Depuis, soit par clémence, soit par justice, on donna une interprétation moins sévère à son vote, où se mêlait quelque ambiguïté. Rappelé à Paris, on le vit éviter avec un soin inquiet toute occasion de donner le moindre sujet d'ombrage à l'autorité royale. De tous les titres qu'il porta, et dont il jouit avec une vanité puérile, un seul restera gravé sur sa tombe : ce fut un jurisconsulte distingué, et il contribua, par son savoir et l'éminente clarté de son esprit, à la confection du Code civil. Parmi les autres exilés de cette catégorie, on remarquait Syeyes, dont le rôle fut si remarquable au commencement et à la clôture de la révolution, c'est-à-dire en 1789 et en 1799, et qui, pendant les neuf années d'intervalle, ne sut occuper les esprits que par une orgueilleuse taciturnité; Merlin de Douai, revêtu comme lui de la pourpre

1816.

1816.

444

CHAPITRE V. SESSION DE 1815.

directoriale; Carnot, membre du comité de salut public, proscrit comme royaliste par les directeurs ses collègues, tout à l'heure ministre de la guerre pendant les cent jours, et républicain très-persévérant; Thibaudeau, qui avait été sur le point d'être déporté au 18 fructidor; le peintre David, qui couvrait la sombre ignominie de sa vie politique par la gloire de ses pinceaux; et enfin Barrère de Vieussac, ce bel-esprit du règne de la terreur. Tallien et Barras, les deux principaux auteurs de cette journée du 9 thermidor, qui fut un si éclatant, un si urgent service rendu au genre humain, n'avaient point signé l'acte additionnel; ils restèrent à Paris. Le premier, réduit à l'indigence, reçut de généreux secours du roi, et mourut peu de temps après 1.

1 Drouet, ce maître de poste qui avait arrêté le roi à Varennes, s'ennuya bientôt de l'exil. Il osa revenir en France, caché sous un faux nom et muni d'un faux passe-port. Il vivait à Mâcon, dans une obscurité inquiète, et ne communiquant avec personne. Seulement il osa solliciter un brevet d'invention pour quelques procédés mécaniques qu'il avait imaginés, et je crois qu'il l'obtint. Il mourut en 1825. Une femme allemande, avec laquelle il vivait, dévoila son nom aux magistrats.

FIN DU TOME PREMIER.

« PreviousContinue »